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L A NÉCESSAIRE AIDE FINANCIÈRE DES ÉTATS

Section 1 Les ressources ordinaires

Le duc de Lorraine devant avant tout « vivre du sien », les premières ressources dont

il dispose proviennent de son domaine (§ 1). Insuffisantes, les ressources domaniales sont complétées par d’autres ressources ordinaires, expédients indispensables (§ 2).

§ 1 : L’insuffisance des ressources domaniales

Le duc, spécialement en tant que seigneur direct de certaines terres, bénéficie de revenus issus du domaine. Bien que les revenus domaniaux ne soient pas négligeables, ils ne suffisent pas aux besoins de l’État (I). Le prince souverain doit alors faire entrer de l’argent dans les caisses, sans subir les divers aléas qui peuvent réduire le montant des recettes domaniales : d’où le recours aux engagements du domaine (II).

I. Les revenus domaniaux

En Lorraine comme en France, le domaine reçoit une définition complexe, car « le

plus souvent, [il] est présenté comme un tout, comprenant à la fois des terres et des droits »156.

Si les revenus du domaine ducal ont de multiples origines, toutes n’ont pas la même

importance. La majeure partie de ces revenus provient des salines157. Sous le règne du duc

Antoine (1508-1544) et « sur l’ensemble de la période, les revenus du sel représentent entre la moitié et les deux tiers des revenus totaux du duché, et toujours plus de 90 % des revenus du

domaine »158. Il s’agit de la ressource principale de nos ducs. Pour l’année 1543 – année de

naissance de Charles III –, les revenus totaux du duché s’élèvent ainsi à un peu plus de deux cent mille francs barrois, dont cent trente mille francs pour les seules salines. À côté de ces salines, les autres ressources domaniales offrent quelques recettes supplémentaires au duc. Il s’agit d’abord des mines d’argent « du Val-de-Liepvre, du Val-de-la-Morte et de la

156

LEYTE (G.), Domaine et domanialité publique dans la France médiévale, Presses Universitaires de Strasbourg, 1996, p. 53. En Lorraine, le domaine est « avant tout un ensemble de propriétés foncières, terres, châteaux, maisons, moulins, forges, auxquels il faut ajouter la propriété des mines et surtout celle des salines […]. Sur les terres du domaine, le duc exerce comme un quelconque particulier, les droits de seigneurie, source de recettes de nature et d’importance diverses : droits tirés de l’inféodation de ses biens, droits seigneuriaux ou domaniaux tels que cens, redevances en nature ou en argent, droits découlant de l’exercice de la justice, droit de s’approprier les épaves et les successions en déshérence, confiscations, droits d’aubaine, banalités, péages, produits de la vente des fruits naturels de la terre. Il convient encore d’y inclure un ensemble de profits découlant de l’exercice de la souveraineté, tels le privilège de battre monnaie, la délivrance de lettres d’anoblissement, la création d’office, les droits de sceau des actes notariés », inCHEVALIER (F.), « L’inaliénabilité du domaine ducal et les États Généraux (1540-1626) », Annales de l’Est, 1976-4, pp. 290-291.

157

Sur les salines, voir VICQ (P.), Le sel en Lorraine : réglementation forestière des bois affectés aux salines et politique de lutte contre le faux saunage de 1698 à la Révolution, thèse dactylographiée, Université Nancy II, 1998.

158

FERSING (A.), L’État pris en compte. Les finances du duché de Lorraine sous le règne du duc Antoine (1508-1544), mémoire de 4ème année d’IEP, IEP de Strasbourg, 2010, p. 67.

aux-mines [qui] sont exploitées par un officier du duc, tout comme les salines »159. Les revenus ne dépassent que rarement les dix mille francs. À cela s’ajoutent les revenus « tirés de la pêche dans les étangs du domaine [qui] n’excèdent jamais quelques centaines de francs »160.

Cette répartition des revenus du domaine semble se confirmer sous le règne de

Charles III. Ainsi en est-il pour les comptes de l’année 1546161. Le total des recettes du duché

de Lorraine pour cette année s’élève à 251 191 francs 6 gros 10 deniers. Les revenus des cinq salines représentent une partie très importante de cette somme : 140 661 francs 9 gros 15 deniers. Par comparaison, les autres revenus du domaine sont beaucoup moins importants. La monnaie rapporte un peu moins de sept mille francs, et les divers autres biens ou droits quelques milliers de francs chacun tout au plus.

Les revenus tirés du domaine, essentiels aux besoins de l’État ducal, sont pourtant insuffisants. Tout d’abord, les revenus de l’exploitation de ces ressources naturelles sont liés à des facteurs extérieurs. Si les ouvriers des salines ou des mines sont empêchés de travailler en raison, par exemple, du passage de troupes ennemies, les revenus seront moindres. Ensuite, ces ressources ne permettent pas de s’adapter aux besoins d’argent temporaires et urgents qui peuvent s’imposer au prince. Enfin, un autre facteur est à prendre en considération : la cession par le duc d’une partie des revenus des salines à des particuliers, de sorte que le prince ne profite pas de l’intégralité des revenus de cette production.

En effet, certains particuliers bénéficient de rentes sur ces salines. Tel est le cas des doyen, chanoines et chapitre de la cathédrale de Toul qui envoient leur charretiers à

159 Ibid., p. 68. 160 Ibid., p. 69. 161

A.D.M.M., B 1091, extraits des comptes généraux et particuliers du duché (1545-1552). Nous avons choisi cet exemple en raison de la précision des comptes généraux des duchés, où sont résumées toutes les recettes et dépenses de l’année. Il s’agit malheureusement d’une année antérieure au règne personnel de Charles III. Les très nombreuses archives de la Chambre des comptes nous obligeraient à de trop importants dépouillements pour obtenir un résultat similaire pour l’époque étudiée ici. Pour le règne de Charles III, les statistiques réalisées par A. Fersing seront utilisées pour mesurer l’importance des différentes ressources ordinaires des duchés (FERSING (A.), « Une naissance de l’impôt. Les aides générales des duchés de Lorraine et de Bar (1580-1608) »,

Annales de l’Est, n° 1-2014, pp. 305 à 338). Cet auteur souhaitait que « l’impôt et les débats qu’il suscite au sein des États généraux soient mieux connus ». Il envsageait à cet égard deux directions : « une connaissance plus fine des montants rapportés par l’impôt […] et la compréhension des débats politiques menés dans les sessions des États généraux, c’est-à-dire l’identification des lignes de rupture, des alliances, des rapports de force entre les différents groupes sociaux ou entre les différentes conceptions du droit commun ». Si notre étude répond à sa seconde proposition, il est impossible d’apporter plus de précisions au sujet du montant des impôts ici. Ce domaine mériterait une étude particulière, tant le travail à accomplir semble important.

« Chasteausallin pour y charger et lever le sel qu’ilz y ont de rente annuelle »162. Mais les chanoines de Toul ne sont pas les seuls à bénéficier de ces rentes. Certaines ont d’ailleurs un objet bien différent. C’est le cas d’une rente perçue par la veuve Bassompierre, d’une famille de pairs fieffés du duché. Le duc doit lui payer une rente annuelle et perpétuelle jusqu’à

rachat, qu’il a attachée aux revenus des salines. Il s’agit d’une somme de « quarante sept milz

cent cinquante six frans neuf gros quatre deniers monnoye de noz pays a prendre et recevoir chacun an en termes de Pasques et Sainct Remy, scavoir sur les salines de Dieuze dix neuf mils frans, Marsal cinq mil frans, Moyenvic cinq mil frans, Salonne six milz frans, Chastel salin neuf milz frans, et Rosieres trois milz cent cinquante six frans neuf gros quatre denier »163. Bien que temporaire – le duc s’efforçant de rembourser la somme promptement – cette rente sur les salines est extrêmement importante. On ne peut certes pas directement comparer cette somme aux revenus de l’exploitation de 1546, l’inflation qui a frappé l’Europe entre-temps et les politiques monétaires qui s’ensuivent l’empêchent (cela correspondrait à un

tiers des revenus si la valeur du franc barrois était restée identique)164. Mais même en 1603,

une somme de quarante mille francs barrois à verser à un particulier sur les recettes des

salines peut être considérée comme très importante165.

Ces rentes ne sont pas les seules qui peuvent exister. Certains particuliers sollicitent directement le duc pour obtenir quelque avantage que ce soit sur les salines. Bien sûr, il ne répond pas toujours favorablement à ces requêtes, parfois étrangement fondées. C’est le cas de la demande d’un ancien soldat, qui ayant combattu au siège de Marsal, demande à

Charles III de lui accorder « trois muids de sel ou quelque somme d’argent sur les salines de

162

A.D.M.M., 5 F 2, passeport délivré par le duc au chapitre de Toul pour se rendre aux salines sans être inquiété par les gens de guerre, 1587.

163

A.D.M.M., B 1272, mandement du duc concernant la rente de Madame de Bassompierre sur les salines, 1603.

164

« L’afflux de métaux précieux d’Afrique et surtout d’Amérique provoque une hausse continue des prix au XVIe siècle et au début du XVIIe. En 1600 les prix ont été en moyenne multipliés par deux à quatre selon les pays par rapport à 1500, davantage pour les produits agricoles, un peu moins pour les produits manufacturés. La pénurie numéraire du XVe siècle a fait place à un gonflement rapide de la masse monétaire », in BRASSEUL (J.),

Histoire des faits économiques, de l’Antiquité à la révolution industrielle, Paris, Armand Colin, col. U, 1997, p. 142. Ceci a des incidences concrètes sur la monnaie, y compris en Lorraine : nouveaux tarifs des monnaies fixés par le duc, interdiction de faire circuler des monnaies étrangères dans les duchés, etc. Cf. CABOURDIN (G.),

Encyclopédie illustrée…, op. cit., pp. 148-149 ;CABOURDIN (G.), « Les ducs de Lorraine et la monnaie (1480-1635) », Annales de l’Est, 1975-1, pp. 3 à 44 ; CABOURDIN (G.), « Les prix en Lorraine centrale au XVIe et au début du XVIIe siècle », Annales de l’Est, 1978-3, pp. 195 à 229 ; CABOURDIN (G.) Terre et hommes en Lorraine…, op. cit., pp. 123 et s. Sur l’histoire monétaire lorraine, voir FLON (D.), Histoire monétaire de la Lorraine et des Trois-Évêchés, Nancy, Société Thierry Alix, Archives de Meurthe-et-Moselle, 2002.

165

Par comparaison, la maison achetée en 1600 pour tenir les Assises du bailliage d’Allemagne a coûté seulement quinze mille francs. Cf. A.D.M.M., B 383 f° LIIII, achat d’une maison pour tenir les Assises d’Allemagne, 1600.

Marsal pour l’aider à vivre pendant ce temps de chereté »166. Le duc refuse de lui accorder un tel avantage sur les salines, mais ordonne à ses officiers de lui verser trente-huit francs pour services rendus, à prendre sur l’aide extraordinaire.

Pris dans leur intégralité, et bien qu’importants, les revenus du domaine ne suffisent pourtant pas à couvrir les dépenses ducales. « Sur les 1 156 007 francs de revenus annuel

moyen du pouvoir ducal entre 1580 et 1585, 766 312 (soit 66 %) sont issus du domaine »167.

C’est pourquoi le prince cherche à rendre ledit domaine plus productif. Pour ce faire, la technique de l’engagement peut se révéler – du moins temporairement – efficace.

II. Les engagements du domaine

Pour tenter de rendre inaliénable le domaine de la Couronne, et prenant exemple sur le

royaume, une ordonnance « portant révocation des aliénations » est promulguée par René Ier

le 29 décembre 1446168. Le duc y « développe dans un long préambule une véritable

dogmatique du régime juridique du domaine. Il affirme son inaliénabilité, fondant la règle sur

le devoir essentiel du prince d’administrer et de faire justice à ung chacun, conserver le bien

de la chose publique et garder le peuple d’oppression »169.

Ces mesures restent lettre morte pour la période qui nous intéresse : « d’abord bafoués, les principes proclamés en 1446 ont même fini par sombrer dans l’oubli le plus complet. Tout

au long du XVIe siècle et au-delà jusqu’en 1661, nul acte législatif ne réaffirme

l’inaliénabilité du domaine. Lorsque Charles III en 1561, ou Henri II en 1613 légifèrent en la

matière, ils restreignent au seul duché de Bar la portée des mesures qu’ils éditent »170. Ce qui

confirme une fois de plus que l’influence française se fait davantage sentir dans le duché de Bar que dans le duché de Lorraine.

166

A.D.M.M., B 318, requête d’un ancien soldat pour obtenir une aide financière, et réponse du duc, 1597.

167

FERSING (A.), « Une naissance de l’impôt. Les aides générales des duchés de Lorraine et de Bar (1580-1608) », Annales de l’Est, op. cit., p. 307.

168

Jusqu’au XVIe siècle « les ducs manifestent une tendance naturelle à s’en considérer comme propriétaire […]. Jusqu’à cette époque donc le domaine ducal paraît incontestablement régi par les principes du droit commun qui règlent dans le duché la propriété », in CHEVALIER (F.), « L’inaliénabilité du domaine ducal et les États Généraux (1540-1626) », loc. cit., p. 291. Pour une étude détaillée, voir CHEVALIER (F.), Étude sur l’ancien droit public de la Lorraine indépendante. L’inaliénabilité du domaine ducal, Thèse dactylographiée, Université Nancy 2, 1974. Sur l’affirmation du principe d’inaliénabilité du domaine dans le royaume et l’apport du droit savant, voir LEYTE (G.), Domaine et domanialité…, op. cit., pp. 263 et s.

169

Ibid., pp. 291-292.

170

En France, et bien que faisant partie des lois fondamentales du royaume, ce principe d’inaliénabilité n’est pas absolu. Il existe deux exceptions : les apanages et les engagements

du domaine, ce que prévoit l’édit de Moulins de février de 1566171. Ces engagements sont

particulièrement intéressants car ils permettent au souverain d’obtenir d’importantes sommes

d’argent172. Cette pratique est assez strictement encadrée dans le royaume : l’engagement est

admis « en temps de guerre ou pour nécessité grave »173 et est soumis à trois conditions :

versement du prêt à deniers comptants, publication en parlement, et présence dans le contrat d’une clause perpétuelle de rachat au profit de la Couronne. Si ces règles sont respectées, le « bien du domaine [peut] être, à titre de garantie, donné en jouissance à un bailleur de fonds »174.

Si de semblables règles encadreront la pratique des engagements du domaine ducal à

partir du XVIIe siècle175, ce n’est pas encore le cas sous Charles III. Le prince reste libre de

procéder à de tels engagements ; et il ne s’en prive pas.

On le constate à la lecture de certains contrats passés avec des particuliers. Ce ne sont certes pas tous des engagements du domaine proprement dits. Il peut s’agir d’un simple affermage portant sur une partie des ressources d’une seigneurie particulière, mais qui prend fortement les traits d’un engagement. Tel est le cas de la cession de certains droits à un gentilhomme, le capitaine Steph, sur la recette de Hombourg et Saint-Avold en 1586. Le duc

déclare que pour « subvenir à certaines urgentz affaires qu’avions lors sur les bras, advisé de

vendre pour huict ans une partie des grains de notre domaine […] à notre amé et feal le capitaine Steph […] moyennant certaine somme de deniers que des lors il nous advança promptement et comptant »176.

171

L’édit précise que « le domaine de nostre couronne ne peut être aliéné qu’en deux cas seulement, l’un pour l’apanage des puînés mâles de la maison de France… l’autre pour aliénation à deniers comptants pour la nécessité de la guerre… ». Cité par RIGAUDIÈRE (A.), Histoire du droit…, op. cit., p. 543.

172

Différentes catégories d’engagements existent en France : « Les engagements se présentent sous divers aspects. Trois types peuvent être distingués. Les premiers sont pratiqués surtout pour favoriser des mariages et apparaissent comme un substitut à une donation. Les deuxièmes s’apparentent à des sûretés. Ils consistent en la remise en gage d’un bien domanial dans l’attente du versement d’une somme d’argent qui reste due ou d’une provision pour un bien promis et non encore remis. Les derniers succèdent aux ventes du domaine rendues nécessaires par les frais entraînés par la guerre », in LEYTE (G.), Domaine et domanialité…, op. cit., pp. 404 et 405. « Les engagements-sûretés consistent en la remise temporaire de biens domaniaux, dans l’attente du règlement d’une assignation. Ils permettent aussi d’assurer des intérêts aux créanciers du roi », Ibid., p. 407.

173

RIGAUDIÈRE (A.), op. cit., p. 543.

174

Ibid., p. 544.

175

CHEVALIER (F.), « L’inaliénabilité du domaine ducal et les États Généraux (1540-1626) », loc. cit., p. 318.

176

Le contrat passé entre le duc et ce capitaine apporte des précisions : « depuis ayons estimé estre necessaire voir expédient pour éviter confusion et rendre plus claire les rentes et revenuz de nosdites chastellenie et recepte de Hombourg et St Advol, faire bail et admodiation audit capitaine Steph du domaine en deniers, poullailles, oeufz, oignons, espices et porcz avec le proffict des estangs et deniers des glandées d’icelle recepte pour les cinq années qui restent de la convention desdits grains […] »177. Parmi les autres ressources qui

reviennent au capitaine, le document évoque « tous et chacun les deniers qui proviendront des

amendes selon qu’elles seront taxées par les officiers et gens de justices desdits lieux, item toutes confiscations qui nous seront adjugées et declairées par sentences jusques à la somme et concurrance de six cens frans, et au dessous appartiendront audit preneur à charge qu’il en fera les poursuites […] »178. En échange des droits qu’il obtient sur le domaine, le

capitaine bénéficiaire doit verser au duc « le prix et somme de quatre milz frans monnoye de

noz pays que ledit capitaine Steph preneur sera tenu payer et délivrer en bonne espece d’or et d’argent par chacune desdites cinq années »179. Le contrat passé entre le duc et ce gentilhomme ressemble bel et bien à un engagement du domaine, même s’il n’en porte pas officiellement le nom. Mais il s’agit d’un engagement temporaire, limité à huit années.

D’autres conventions passées entre le duc et des particuliers sont plus explicites. C’est le cas de la vente de la seigneurie d’Heillecourt en 1592. Les raisons de cette vente sont précisées par le duc, et ressemblent aux conditions exigées pour que le roi de France puisse

engager une partie du domaine : « pour subvenir à certains noz urgentz et importantes

affaires et nommesment pour ayder aux fraictz extraordinaires qu’il nous convient supporter tant à la solde des gens de guerre de notre armée qu’en aultres et diverses manière pour la tuition de nostre estat, conservation et deffence de noz pays et subgectz, il nous est de besoin necessaire et expedient recouvrer deniers […] »180. Le duc transfère à Michel Bonnet, auditeur en la Chambre des comptes, tous les droits attenant à la haute justice de cette

seigneurie pour en « jouyr et user plainement et paisiblement pour l’advenir et à

tousiours »181.

Une clause perpétuelle de rachat est prévue au profit du duc : « et jusques au plain

rachapt que nous ferons dudict Heillecourt » ; précisée un peu plus loin : « nous nous sommes

177 Ibid. 178 Ibid. 179 Ibid. 180

A.D.M.M., B 7302, engagement du domaine, 1592.

181

par expres reservé et retenu, reservons et retenons pour nous, noz hoirs successeurs et ayans cause le reachapt de la vendition susdicte […] et à tel temps que bon nous semblera […] sans que par aucun laps de temps il y puisse courrir ny avoir prescription aulcune, encore que par quelque disposition de droict ou de coustume telle faculté de reachapt se puisse prescrire par trente, quarante ans ou plus »182. Le prince se réserve toutefois sur cette seigneurie « la souveraineté et tous droictz souverains [et] les aides generaulx et extraordinaires et le surplus desdictz trante cinq frans dudit ayde ordinaire sainct remy »183. Le duc ne se dépouille pas complétement, mais les droits qu’il conserve en cette seigneurie sont bien maigres par rapport à ceux qui sont transférés à son féal. Bien évidemment, cette cession se

fait en échange de monnaie sonnante et trébuchante, « moiennant la somme de quatre mil

frans monnoie de noz pais, que ledit Bonnet a délivré manuellement et content, en especes d’escus sol en mains de notre tres chers et feal conseiller d’estat et tresorier general de noz finances »184.

La pratique des engagements du domaine semble être si développée qu’elle entrainera une réaction de Charles III à la fin de son règne. Le domaine de la Couronne se trouve amputé, et il tente de le racheter progressivement. Pour cela, il doit obtenir de l’argent, qu’il

demande aux États généraux sous forme d’aide extraordinaire185. C’est bien la preuve du

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