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L’ EXÉCUTION DE LA DÉCISION DES ÉTATS

Section 2 L’administration du recouvrement

Les aides extraordinaires entraînent de tels flux monétaires qu’il est nécessaire de mettre en œuvre un contrôle de leur recouvrement pour éviter les fraudes (§ 1). Par ailleurs,

les États ne siégeant pas en continu, des dispositions ont pour objet « la decision des

difficultez » entre chaque session (§ 2).

§ 1 : Le contrôle du recouvrement

Les deniers extraordinaires que doivent verser les Lorrains sont si importants qu’ils attirent la convoitise de nombreuses personnes, et conduisent certaines autres à échapper à leur paiement. Deux types de fraudes peuvent être distingués : celles commises par les agents du recouvrement (I), et celles qui le sont par de simples particuliers (II).

I. Les fraudes des agents du recouvrement

Afin d’éviter les fraudes que pourraient commettre les agents chargés de la perception des deniers, des contrôles sont prévus tout au long de la procédure de recouvrement, assortis de sanctions à l’encontre des délinquants. Sont visés en premier lieu les agents chargés de la collecte des deniers auprès des particuliers : maires, prévôts et autres officiers, ainsi que les fermiers.

578

Concernant les impôts directs, les missions confiées aux maires sont si importantes – création des rôles et perception de l’aide –, que les risques de fraudes sont réels. Deux types de fraudes sont à distinguer. Celles qu’ils commettent en rédigeant les rôles ne leur sont pas directement profitables. Elles permettent aux habitants de leurs communautés de payer moins d’impôts. Mais les maires peuvent tout aussi bien chercher à s’enrichir personnellement, en détournant les deniers des aides générales.

Pour éviter les fraudes, la déclaration des conduits doit être faite « fidellement et par

serment »579 par les maires, et les rôles ainsi dressés attestés « de greffier, tabellions ou notaires »580. Mais cela n’exclut pas tout risque d’entente entre eux. C’est pourquoi les ordonnances ducales prévoient des sanctions à l’encontre des maires et de leurs complices. Ils

ne doivent receller aucun conduit « a peine de restitution en leur purs et privés noms des

conduicts recellez, et d’en respondre avec leur complices, et adherans en personnes, comme de larrecins »581.

Les sanctions encourues par les agents fraudeurs sont parfois précisées par le souverain. C’est le cas en 1590 à propos des rôles des cheminées. L’ordonnance ducale qui

enjoint aux maires d’accomplir leur mission prévoit qu’au « cas qu’aucuns desdictz prevostz

ou mayeurs se trouveroient avoir recelé lesdictes cheminées, et avoir connivé avec ceulx à qui appartiennent lesdictes maisons ou locataires, seront amendables du tier de leurs bien, avec demission de leur estat »582. La qualité des fraudeurs est ainsi prise en compte pour leur infliger une sanction exemplaire. Nul ne doit porter préjudice à l’intérêt général lorsqu’il est le représentant de la communauté.

Les fraudes dans l’élaboration des conduits se pratiquent parfois à si grande échelle, que le duc est contraint d’envoyer un mandement à ses receveurs pour remédier à la situation.

En 1593, les maires, et en particulier ceux « des villages des ecclesiasticqz, ou [des] vassaux,

estans non challantz de s’acquitter […dressent] leurs roolles, [et] les emplissent de tant de mendiantz pretendus, qu’il ne s’y retrouve que bien peu de contribuables »583. Le souverain

ne peut tolérer ce comportement « peu affectionnez au bien et à l’utilité publicque »584. C’est

pourquoi il demande à ses receveurs de ne pas prendre en compte les rôles des conduits

579

A.D.M.M., 3 F 219, f° 93 v°, ordonnance pour dresser les rôles des conduits, octobre 1588.

580

A.D.M.M., B 845, pièce n° 26, ordonnance de Son Altesse pour la levée de l’aide, 1593.

581

Ibid.

582

A.D.M.M., B 845, pièce n° 2, ordonnance de Son Altesse pour la levée de l’aide, 1590.

583

A.D.M.M., B 845, pièce n° 20, mandement du duc à ses receveurs, mars 1593.

584

délivrés par les maires. Les receveurs doivent leur ordonner d’« apporter roolle du nombre de maisons estantes en chacun villages de leurs offices, qui ne peuvent estre compensés à aultre »585. Les rôles réalisés de façon subjective, en distinguant les conduits cotisables des

mendiants, sont abandonnés. La qualité des résidants n’est plus prise en compte. Là où « il se

trouve y en avoir iusques a quinze [maisons], les [receveurs doivent contraindre] chacun tel village [pour] faire entrer lesdicts trente frans par mois, sans [s’] arrester a la recherche de la qualité des y demeurants »586. Si les maires ne versent pas chaque mois la somme fixée par

les nouveaux rôles, les receveurs doivent les faire « contraindre par gagieres en leurs biens

réellement et de faict, ou par capture et emprisonnement de leurs personnes, tant [ceux du duc] que ceulx des ecclesiastiques et vassaulx indifferement »587.

Les maires tentent parfois d’aider leurs administrés. Ils retiennent les deniers reçus

« sans en vuider leur mains, ou poussez d’une mauvaise volonté les ont de leur mouvement rendu ausditz habitans »588. Le duc ordonne à ses agents de les interroger pour connaître les raisons qui les poussent à agir ainsi. Surtout, il donne huit jours aux maires pour délivrer les

deniers entre les mains du receveur « à peine [d’en] répondre en leur pur et privé nom »589.

Pour éviter que les maires ne détournent les deniers des aides extraordinaires, une procédure stricte doit être respectée lorsqu’ils remettent l’argent au receveur. Ils doivent lui

délivrer les deniers de l’aide « en presence de son contreroolle »590, c’est-à-dire de la copie du

rôle qu’ils ont dû lui remettre à l’occasion du premier versement de deniers. Ceci permet au receveur de vérifier l’exactitude des comptes. Des preuves de ces opérations sont conservées,

à l’exemple de cette attestation du contrôleur de la recette de Gondreville. Il « certifie à tous

qu’il appartiendra que ce jourd’huy sixiesme apvril 1602 [il a] reçu en l’absence du sieur prevost et recepveur dudit lieu tous et ung chacun les rolles et denombrement des conduict des villages de ladite recepte, ensemble un estat abbregé desdictz rolles […] »591.

Lorsqu’ils délivrent les deniers des aides entre les mains des receveurs, les maires

doivent aussi prêter « serment bon et loyal, que c’est tout ce entierement qui est provenu

585 Ibid. 586 Ibid. 587 Ibid. 588

A.D.M.M., 4 F 22, pièce n° 11, mandement du duc contre les maires qui ne font pas entrer les deniers de l’aide accordée par les États généraux en 1599.

589

Ibid.

590

A.D.M.M., B 844, pièce n° 162, mandement de Son Altesse sur l’octroi fait par les États, mars 1589.

591

dudict impost en leurs villages »592. Cette obligation de prêter serment a une raison d’être bien précise : sanctionner le parjure, considéré par certains comme « une cause de trouble social en

raison de l’instabilité qui en résulte pour les obligations confirmées par serment »593. Les

ordonnances de Charles III précisent que « les mayeurs, qui sçiemment eussent recelé quelque

chose au mespris du serment par eulx faict, seront pugnis comme pariures et mulctez d’amende arbitraire »594. Les deniers provenant de ces amendes ne sont pas accordés aux

hauts-justiciers, mais seront « mis au coffre [et auront] mesme nature que le present

ayde »595. Le préjudice causé à la communauté par le vol des deniers des aides est ainsi réparé.

La collecte des impôts indirects est tout aussi surveillée. Des ententes et malversations ayant été commises par les fermiers de l’impôt sur les marchandises, le duc ordonne que

« diligence et prompte perquisition se fera de tous lesditz abus et mal-versation, qui ont esté commis et se pourront commectre cy apres, à la levée desdictz aydes, et ce par les iuges des prevenuz, qui ont accoustumé de congnoistre des crimes et delictz »596. Si des fermiers sont

soupçonnés de fraudes, leurs procès seront « faictz et par-faictz extra-ordinairement, et iours

apres aultres par lesditz iuges, pour au cas qu’ils s’en trouveroient suffisamment atteints et convaincus, estre punis arbitrairement selon l’exigence du cas »597.

Les agents chargés de la collecte des deniers auprès des particuliers ne sont pas les seuls à être surveillés. Des abus peuvent aussi être commis par ceux auprès de qui transite l’argent des aides, avant de finir au coffre gardé par les députés. Les comptes tenus par les

receveurs sont vérifiés avec minutie. Tel est le cas du « compte rendu par le sieur Baltazar

Regnault, receveur du Pont a Mousson, touchant l’ayde des dix et douze gros par conduictz levez en son office »598. Toutes les recettes et les dépenses faites par le receveur sont

retranscrites et contrôlées. Ainsi en est-il des conduits de la ville de Pont-à-Mousson, « au

nombre de sept cent quatorze conduictz trois quartz à douze gros l’un par mois, montant pour ladite année entière à huict milz cinq cens soixante dix sept frans »599. Une mention marginale

592

A.D.M.M., B 844, pièce n° 162, mandement de Son Altesse sur l’octroi fait par les États, mars 1589.

593

NAZ (R.), Dictionnaire de Droit canonique, t. 6, p. 1231.

594

A.D.M.M., B 844, pièce n° 162, mandement de Son Altesse sur l’octroi fait par les États, mars 1589.

595

A.D.M.M., B 844, pièce n° 162, mandement de Son Altesse sur l’octroi fait par les États, mars 1589.

596

A.D.M.M., B 845, pièce n° 27, ordonnance de Son Altesse pour la levée de l’aide, décembre 1593.

597

Ibid. En France, la procédure extraordinaire « est réservée à la répression des crimes les plus graves, ceux qui troublent l’ordre public : c’est donc la procédure criminelle stricto sensu », in CARBASSE (J.-M.), Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd. refondue, Paris, PUF, col. Droit fondamental, 2009, p. 202.

598

A.D.M.M., B 320, comptes du receveur de Pont-à-Mousson, 1605.

599

précise : « veriffié tant par l’estat abregé desdits conduits que par les deux compteraux precedentz »600.

Ces contrôles sont exercés par les députés à la garde des deniers. Un autre receveur

précise qu’il rend son compte « aux sieurs commis à la reception et distribution des deniers

dudit ayde »601.

Les députés à la réception et garde des deniers tiennent eux-mêmes un compte précis des deniers qui entrent et sortent du coffre. Une fois leur mission terminée, ils demandent au

souverain de faire contrôler leurs comptes, en désignant « quelques gentilzhommes pour

l’audition du compte general qu’ilz ont a presenter touchant ledit ayde »602. Le duc nomme

« les sieurs de Haraucourt, de Saint Nicolas et de Lieseras, bailly de Chastel sur Mozelle, pour avec [ses] amez et feaulx Jean Humbert, Claude de la Ruelle et Chrestien Rebourelle, conseillers et auditeurs des comptes de Lorraine, et les deux des trois derniers en l’absence du tiers, proceder et vacquer au plus tost a l’audition examen et conclusion dudit compte general »603.

Lors de l’audition des comptes, les commis du duc vérifient que « chacun lesditz

deniers provenus dudit aide [ont] esté distribuez delivrez et convertis a l’effect dudit octroy en vertu [des] mandemens [du prince] expediez et signez de [lui], rendus et joinctz avec les acquis et requis ausdictz comptes »604.

Les députés à la réception des comptes adressent aussi aux commis à l’audition des

comptes un registre contenant « les reliquas en deuz par les receveurs, tant de ce qu’ilz

avoient retenuz pour la despense des commissaires a la recongnoissance des roles de cest ayde, portz des deniers et aultres leurs pretentions »605. Car ce sont les commis à l’audition

des comptes nommés par le duc qui accordent in fine les salaires réclamés par ceux qui ont

participé à la collecte des deniers. Les commis défalquent de la somme due par chaque

receveur les salaires et autres frais jugés acceptables. Par exemple, la ville de « Condé ne doit

rien, mais pretend ses portz ». Une mention marginale des commis précise : « alloué six frans pour deux portz ».

600

Ibid.

601

Ibid., comptes du receveur de Bar, 1607.

602

A.D.M.M., B 315, commission de Son Altesse pour l’audition du compte de l’aide générale, 1603.

603

Ibid.

604

A.D.M.M., B 686-12, quitus donné par le duc en 1583 aux députés des États pour l’aide accordée en 1569.

605

A.D.M.M., B 1288, déclaration faite par les députés à la réception des deniers aux commis à l’audition des comptes concernant les reliquats dus par les receveurs, 1602.

La vérification des salaires dus est essentielle car les receveurs profitent parfois « du port des deniers, tant des aydes generaulx, impost des six deniers par fran, landfridt que decime »606 pour s’enrichir. Ils veulent se faire rembourser autant de voyages qu’il existe d’impôts différents, même s’ils ne se déplacent qu’une fois. Charles III doit intervenir pour

« empescher que pour ung mesme voiage, ung desdits receveurs apportans deniers de toutes les quatre natures cy dessus ne se fassent payer pour aultant de voiages »607.

Lorsque l’examen des comptes révèle que les députés à la réception et garde des

deniers ont fidellement rempli leur mission, Charles III a « tres grand contentement avec juste

occasion de non seulement les quicter et decharger du tout entirement dudit maniement, pour [son] egard, ains les en acquicter et decharger envers lesdictz Estatz et tous autres qu’il appartiendra […] »608.

La lecture de ce quitus délivré aux députés laisse transparaître le rôle important joué

par une institution : la Chambre des comptes. En effet, « la redition des comptes [des députés

est] faicte en [la] chambre des comptes de Lorraine »609. D’ailleurs, le duc nomme un nombre égal de gentilshommes et d’auditeurs des comptes pour contrôler les comptes des députés.

En matière d’aides extraordinaires, le rôle de la Chambre des comptes n’a pas la même importance d’une année à l’autre, d’une aide à l’autre. Aucune règle précise ne se dégage des sources exploitées. Si les députés des États et du duc contrôlent les comptes des receveurs,

cette mission est parfois exercée par la Chambre elle-même. C’est le cas du « compte que Jan

du Bois receveur d’Arches rend à messieurs les president et gens des comptes de Lorraine des

606

A.D.M.M., B 1288, mandement de Son Altesse pour empêcher les fraudes des receveurs à l’occasion du port des deniers, 1597.

607

Ibid.

608

A.D.M.M., B 686-12, quitus donné par le duc en 1583 aux députés des États pour l’aide accordée en 1569. En voici la version intégrale : « Comme en l’an mil cinq cens soixante neuf les Estatz de noz pais convocquez et assemblez en ce lieu nous aient a nostre instante requeste liberalement octroié ung aide a lever sur leurs subiectz comme sur les notres six ans durans a raison de trois frans par chacun feu et conduict par an, pour les deniers en provenans estre convertis et emploiez aux choses necessaires et requises a la fortification, tuition, deffence de noz pays, villes et autres places d’iceulx, Et en choses respectans notre grandeur et le bien publicque, Et que lesdictz Estatz aient de leur part choisis, esleus et deputez noz tres chers et feaulx cousin et conseillers d’estat Jean comte de Salm maréchal de Lorraine a present grand maistre de nostre hostel, gouverneur de cedit lieu, et messire Henry d’Anglures chevalier seigneur de Melan, lors grand maistre de nostredict hostel, chef de noz finances et cappitaine de la Mothe, pour avec ceulx ou celuy que commections de la nostre avoir le maniement desdictz deniers tant en recepte qu’en despence. A quoy ilz auroient vacquez jusques a la redition des comptes d’iceulx faicte en nostre chambre des comptes de Lorraine, Par lesquelz nous est suffisament apparu tous et chacun lesditz deniers provenus dudit aide de six ans entiers avoir esté distribuez delivrez et convertis a l’effect dudit octroy en vertu de noz mandemens expediez et signez de nous rendus et joinctz avec les acquis et requis ausdictz comptes, dont nous avons tres grand contentement avec juste occasion de non seulement les quicter et decharger du tout entirement dudit maniement, pour nostre egard, ains les en acquicter et decharger envers lesdictz Estatz et tous autres qu’il appartiendra […] ».

609

deniers levées et provenus des conduicts qui se sont retrouvés en la chastellainie, office, prevosté et recete d’Arches, pour l’ayde general de deux escus sol par conduict octroyés à son Altesse ceste presente année mil Vc quatre vingts et cinq »610.

Le compte est entièrement examiné et annoté par les membres de la Chambre, qui le

clôturent par cette mention : « Le present compte ouy, conclu et arresté en la Chambre des

comptes de Lorraine à Nancy, par nous auditeurs soubsignez, le douziesme jour e mars mil Vc quatre vingtz et six, saulfz tous erreurs de compte et calcul »611. Le document est signé par onze membres de la Chambre.

Le contrôle exercé à cette occasion s’apparente à ceux habituellement effectués par les auditeurs des comptes. Car la Chambre des comptes a « seule l’audition, l’examen, la clôture et l’apurement des comptes de tous les officiers comptables du duc, dans le duché de Lorraine

et dans les terres et seigneuries annexées »612. Les comptes ordinaires des receveurs sont en

effet examinés chaque année par les membres de la Chambre des comptes. Une convocation

leur est adressée pour qu’ils se déplacent en la Chambre avec leurs registres613.

La procédure mise en œuvre pour contrôler les comptes des collecteurs et receveurs des aides extraordinaires déroge ainsi au contrôle habituellement exercé par la Chambre des comptes. La nature extraordinaire des deniers perçus entraîne la mise en œuvre de contrôles spécifiques.

Les fraudes des agents du recouvrement ne sont pourtant pas les seules qui peuvent être commises. De simples particuliers tentent parfois d’échapper à l’impôt.

610

A.D.M.M., B 2492, compte du receveur d’Arches, adressé au président et gens de comptes de Lorraine, 1585.

611

Ibid.

612

MAHUET (Cte A. de), Biographie de la Chambre des comptes de Lorraine, p. VI.

613

Voici un exemple de convocation adressée à un receveur : « Tres cher et bon amy, la presente année expirée, vous convient selon que scaves rendre compte de voz charges, pour quoy faire vous avons assigné et assignons par ceste au vingt cinquieme avril prochain, en ce lieu de Nancy à la giste, et le lendemain sur les sept heures du matin attendant les huict par devant nous, garnit et munit de votre compte, reliqua, acquictz et descharges y necessaires, pour le tout veu, entendu et examinié, proceder à l’arrest, conclusion et signature et autrement en ordonner selon qu’à raison appartiendra […] », in A.D.M.M., B 2532, convocation d’un receveur à la Chambre des comptes par le président et les gens des comptes, octobre 1602.

II. Les fraudes des particuliers

L’ingéniosité des sujets cotisables n’a pas de limites pour échapper à l’impôt, quel qu’il soit. Le meilleur moyen pour ne pas verser le moindre denier, c’est tenter d’obtenir une immunité permanente. Le concours des seigneurs est dès lors indispensable. Car si les aides générales doivent être payées par tous les sujets cotisables du duc et de ses vassaux, il existe une exception. Certaines terres ne sont pas tenues à titre de fiefs par les seigneurs, mais

comme francs alleux, qui, lorsqu’ils sont « enclavez en Lorraine, tant ès droicts possessoires

que petitoires, sont regis et reglez, selon les Coustumes generales de Lorraine »614. C’est

l’article XV du Titre V relatif aux fiefs et francs alleux qui précise ce statut : « Celuy qui tient

et possede seigneurie, en franc aloeud, est exempt, à cause d’icelle de foy, hommage, service et autres devoirs : mesme les subjects y demeurans, francs et immunies des aydes generaux : sont neanmoins les seigneurs, et subjects de francs aloeuds, enclavez en Lorraine, tenus subir cour aux bailliages voisins, y estans convenus pour droits seigneuriaux ou de communauté, et de fournir aux prestations, et charges communes, pour passages de gens de guerre et autres commoditez publiques »615.

Un nombre croissant de seigneurs revendique ce statut pour leurs terres au début des années 1590. Cela les dispense certes de la foi et de l’hommage, mais surtout, cela permet à leurs sujets de ne plus payer les aides générales accordées par les États. Ils n’agissent pas ainsi par pure charité envers leurs sujets : déchargés des aides générales, ces derniers peuvent

s’acquitter plus facilement des droits seigneuriaux616.

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