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Chapitre 2 : Profils socioculturels et économiques des étudiants français à Montréal

2.3 Ressources culturelles

Afin de mieux comprendre les ressources culturelles dont disposaient les étudiants avant le départ, j’ai posé différentes questions portant sur l’environnement et les pratiques familiales, dont l’importance de la lecture, de la musique, du sport et, inversement, de la télévision. J’ai également interrogé les participants sur l’investissement de leurs parents dans le choix de la pratique d’un sport, d’un instrument ou toute autre activité extrascolaire.

Dans les déclarations des participants, certains ont particulièrement insisté sur l’importance au sein de leur famille de la culture générale, littéraire et musicale, en plus de la pratique de différents sports et instruments de musique. À titre d’exemple, Louise mentionne sur ce sujet que ces frères et elle-même ont « tous fait un instrument... on a eu trois violons, un piano, une trompette et une guitare (...) toute ma famille a fait de l’aviron... Moi j’ai fait un peu de tout en fait, trois ans d’aviron... un peu de tennis... ». De plus, nombreux font état de la présence de « biens culturels » (livres de littérature classique, de poésie et d’art, etc.) dans le foyer familial.

Florian, est un de ces étudiants chez qui il est possible de relever une de transmission culturelle et sociale particulièrement importante dans l’environnement familial.

Ma mère nous a transmis la passion de lecture donc on lisait tous dans ma famille. On faisait du bateau aussi, mon grand-père était un navigateur – de voile, on faisait du 4-20 aussi, ma mère aujourd’hui a acheté un bateau, mais mon grand- père avait un catamaran habitable donc on partait faire les îles Baléares, des trucs comme ça (...). On nous a aussi appris à jouer au golf, on faisait du tennis, etc.

On faisait énormément de sport. Ma mère a ramené tout le côté littérature plus intellectuel et mon père le côté plus pratique. Ma mère et mon père ont toujours acheté des maisons en ruines pour construire - investir dans la pierre et tout donc le côté très manuel. (...) Ils ont aussi transmis la passion de la musique, on a tous fait des instruments, ma sœur et moi on a fait du piano. Mon frère François a fait du cor de chasse – c’est lui qui a choisi. Mes parents nous ont dit : vous choisissez un instrument, vous allez faire des cours et quand vous en avez marre vous arrêtez. On n’a jamais eu aucune obligation au niveau du catéchisme non plus. Musique, sport, lecture études aucune obligation, mais en fait vu que tout le monde le faisait dans ma famille et qu’on était quatre c’était vraiment de facto normal de faire. Florian.

Des parents « amoureux de la culture », de « la musique », de la « de biologie marine », une grand-mère « passionnée de littérature »; de nombreux participants décrivent des environnements familiaux riches en ressources culturelles et sociales. Si la vie des participants n’a majoritairement pas été marquée par des « pratiques légitimes » (Bourdieu, 1979a) comme le théâtre, la musique classique ou encore les expositions, de nombreux étudiants décrivent des environnements familiaux particulièrement riches en termes de diversité de professions et des passions, tant pour leur famille immédiate que pour leur famille éloignée.

J’ai une famille artistique aussi pas mal, du côté de ma mère, j’ai un oncle qui est dans le décor de cinéma, j’en ai un autre qui est architecte, plusieurs en fait, y’a pas mal d’ingénieurs aussi ... scientifique et artiste un peu. Adrien.

L’acquisition d’un capital culturel chez les participants s’est également fait grâce à l’accès aux différents champs d’intérêts et passions de leur famille.

Mon père (...) travaille beaucoup avec des artistes... donc l’aspect culturel c’est de mon père que je le tiens... mon père est un amoureux de la culture pis... de l’histoire... (...) il lit beaucoup de revues de géopolitiques... ils nous posent toujours... toujours il nous a posé des questions, genre « qu’est-ce que tu penses de ça !? » ... Il a éveillé en nous vraiment... une agilité de réflexion. Léa

Raphaël, étudiant à McGill, a souligné dans son récit l’importance de la culture dans son éducation et dans sa trajectoire de vie, émanant de la volonté de ses parents de lui transmettre une diversité de ressources culturelles dont la connaissance des langues, de la musique et de la littérature.

Mes parents sont quand même super littéraires. La musique aussi beaucoup. Mon père est un grand fan de musique classique donc on m’a envoyé au conservatoire pendant 12-13 ans, à faire de la clarinette (...) c’était très important que je lise les grands classiques et mon père en fait il adore la science politique et il m’a fait lire quand j’étais jeune beaucoup de philosophie (...) Mais même il m’a fait lire la Bible en latin quand j’étais petit. Donc j’ai commencé à apprendre le latin – et il n’est pas chrétien hein! – c’est parce que c’est un texte fondamental- ce genre de chose quoi *rire* - ils sont vraiment culturellement éveillés.

Le père de Raphaël, qui a accédé à une université de l’Ivy League bien qu’il ait grandi dans la pauvreté aux États-Unis, s’est particulièrement intéressé et investi dans l’éducation personnelle de son fils, en plus de lui transmettre un capital social et culturel. Dans les récits de plusieurs étudiants, il faut remarquer un investissement particulièrement important des parents ayant réalisé une importante ascension sociale dans des stratégies d’acquisition d’un capital culturel afin de reproduire un avantage culturel et social. En effet, les participants ayant mentionné que leurs parents avaient réalisé une ascension socio- économique importante ont aussi insisté sur l’intérêt qui était porté sur leur réussite scolaire.

Si les témoignages de Florian, Raphaël ou encore Léa témoignent d’un environnement hautement riche en ressources culturelles et sociales, ces expériences ne s’appliquent pas à l’ensemble des participants. En effet, nombreux sont ceux qui ne font pas état de telles stratégies de transmission de valeurs culturelles et sociales par leur famille. Cependant, on remarque chez la grande majorité des participants la pratique d’activités extrascolaires tant dans le domaine du sport, des arts et de la musique, mais aussi des pratiques comme le catéchisme ou encore le scoutisme. De plus, comme mentionné plus haut, les participants témoignent en général d’une grande diversité de professions et de passions au sein de la famille proche, créant ainsi un environnement relativement riche en termes de ressources culturelles, et ce, même si le ou les parents ne sont pas activement investis dans la transmission de ces richesses.