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Chapitre 2 : Profils socioculturels et économiques des étudiants français à Montréal

2.6 Financement et budget à Montréal

Puis parfois en Italie voir ma famille. Nathan.

Ce témoignage permet de réaliser que si la grande majorité des étudiants ne font pas partie de l’élite nationale, ils ont construit leur discours dans des environnements privilégiés, notamment puisqu’ils étaient pour beaucoup inscrits dans les collèges et lycées dans des secteurs favorisés et des quartiers huppés, ainsi que dans des institutions à option internationale, où leurs connaissances et amis bénéficiaient d’un capital culturel et de mobilité élevée. Ces discours sont donc construits en comparaison aux expériences des individus composant leur cercle social.

Les témoignages sur les expériences de mobilité des jeunes Français inscrits à McGill et HEC Montréal ont permis de mettre en lumière la diversité de construction du capital de mobilité. Sans surprise, la majorité des étudiants possédait tout de même un capital de mobilité conséquent avant leur départ vers Montréal, bien que différents les uns des autres.

2.6 Financement et budget à Montréal

Après avoir traversé les différents capitaux possédés par les étudiants avant la mobilité, il faut aussi appréhender le capital économique dans son attribution et utilisation pendant la mobilité afin de pouvoir évaluer les ressources financières et matérielles dont bénéficient les étudiants.

Les données recueillies dans le cadre de cette étude montrent que le coût financier relatif au séjour des étudiants français à Montréal est majoritairement assumé par les parents, que ce soit par le biais de virements réguliers, mensuels ou trimestriels. Pour le tiers des participants, le financement est partagé entre eux et leurs parents, bien que ces derniers assument généralement un coût largement supérieur. Sur les 24 participants, un tiers ont mentionné avoir recours à des prêts étudiants, cependant seulement trois ont prévu de rembourser le prêt par leurs propres moyens.

Trois participants se démarquent quant au mode de financement de leur séjour à Montréal, soit Emma, Jules et Florian. La première, qui ne peut recevoir aucune aide de ses parents, est la seule participante finançant entièrement ses études et son budget mensuel avec l’aide de son conjoint. C’est aussi la seule participante qui est venue à Montréal par amour. Pour ce qui est de Jules et Florian, ils ont tous deux débuté leur séjour en recevant une aide financière de la part d’un parent. Or, ils sont très rapidement devenus indépendants financièrement grâce à leur emploi. Il faut tout de même noter que ces deux derniers paient les anciens droits de scolarité qui sont égaux à ceux payés par les étudiants québécois.

Ma mère avait quand même les moyens... puis je travaillais chaque été, c’était... et j’avais vraiment envie de partir, pour moi l’argent ça ne doit pas être un frein à ma vie puis à mes réalisations. Puis je lui ai dit la première année on va faire 50/50 (...) Puis je me suis vraiment fixé comme objectif de devenir indépendant le plus rapidement possible, c’est pour ça que dès que je suis arrivé j’ai trouvé un emploi. Florian

Trois quarts des participants ont occupé un emploi étudiant pendant leur séjour à Montréal. Néanmoins, pour plus de la moitié de ces derniers il s’agissait généralement d’expériences de travail irrégulières et de courte durée. Dans ces cas, les étudiants ont mentionné travailler par envie et non par obligation. Si pour certains le travail étudiant est perçu comme une « expérience » permettant d’avoir un « argent de poche », pour d’autres c’est un moyen de devenir indépendant rapidement, pour ainsi assumer la moitié jusqu’à la totalité du financement du séjour à Montréal.

Alors ouais, je travaille, mais c’est vraiment pour moi l’argent, en soi je manque pas d’argent parce que mes parents ils m’envoient tout *ahaha*. Je me sens un peu mal de dire ça, mais bon. Jenna.

Manon, Célian, Jules, Florian et Emma sont les seuls participants qui occupent (ou ont occupé) un emploi à temps partiel régulier pendant l’année ainsi qu’un emploi à temps plein/ou temps partiel pendant les vacances d’été.

Les participants ne vivent pas la même réalité budgétaire et connaissent des styles de vie très différents. Dans le cas de cette étude, les étudiants ont des budgets mensuels allant de 800$ à environ 2500$, mais se situent en moyenne entre 1100$ à 1300$ par mois. Pour certains, 1100$ par mois est un budget permettant d’entretenir une qualité de vie très

convenable, et pour d’autres, insuffisante. Par exemple, Lucas m’a partagé avoir ressenti une augmentation des prix lorsqu’il est revenu à Montréal pour réaliser sa maîtrise : « J’tavoue avec 1500$ je vivais très bien, maintenant pour garder le niveau de vie que j’avais à l’époque, là je dois péter 1700-1800$...». En comparaison, d’autres participants tels que Louise disent ne pas avoir besoin d’un budget supérieur à 1000 à 1100 $ par mois : « j’avais des potes qui recevaient des virements de...1200-1300 € pour vivre quoi... mais.... t’as pas besoin quoi. Y’a des trucs qui m’ont échappé quoi ». Les différences de perceptions en matière de « besoin » sont le reflet des différences de capital économique et de rapport à l’argent entre les participants, en plus d’être le reflet de différents modes de vie familiaux.

Conclusion

L’analyse des données biographiques mises en récit par les étudiants a permis de constater que les participants sont majoritairement issus de classes moyennes et classes moyennes supérieures. Les participants étaient dotés de ressources culturelles et économiques relativement importantes avant le départ et ont évolué dans des environnements familiaux hautement instruits. En effet, la très grande majorité des parents ont été diplômés de l’enseignement supérieur à une époque où ce type de capital institutionnalisé n’était pas commun. Les parcours scolaires des étudiants sont marqués par des stratégies de reproduction sociale et culturelle éducative bien souvent consciemment mises en œuvre par les parents, avec par exemple, l’utilisation du déménagement afin d’inscrire les enfants dans des lycées publics sélectifs bien cotés. Enfin, les étudiants sont dotés d’un capital de mobilité important, construit tant par des pratiques virtuelles que concrètes. Il faut remarquer que ce capital est généralement plus élevé chez les étudiants de McGill.

Maintenant que le profil socioculturel et économique des participants de l’échantillon a été analysé, permettant d’observer la position privilégiée de ce groupe dans l’espace national, il faut aborder les différentes motivations associées à l’action de la mobilité mises en récits par ces étudiants.