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CHAPITRE 1 REVUE CRITIQUE

1.3 L’eau en analyse du cycle de vie

1.3.1 Ressources en ACV

Dans les 10 dernières années, des efforts ont été posés pour harmoniser les méthodes de prise en compte des ressources en ACV. Une ressource est définie comme étant une entité qui, une fois extraite, comporte une valeur pour les usages humains (Lindeijer et al. 2002). L’utilisation d’une ressource est définie comme étant l’allocation exclusive pour les usages humains, temporaire ou permanente, d’un objet de la nature présent en quantité limitée, ce qui peut mener à la destruction ou la dégradation de la ressource. On peut les diviser en trois principales catégories : les ressources biotiques, c'est-à-dire vivante lors de l’extraction (bois, poisson, etc.), les ressources abiotiques, donc non-vivantes (charbon, minerais, eau) et la surface terrestre. Seuls les avancements liés aux ressources abiotiques seront présentés ici. Les méthodes développées à ce jour pour la caractérisation des impacts liés à l’utilisation des ressources ont été classées en 4 catégories selon Lindjier et collaborateurs (2002).

La première catégorie se base sur la somme de l’énergie ou des matériaux liée à l’extraction. Elle inclut Baumann et collaborateurs (1992) qui agrègent la ressource sur une base massique et Lindfors et collaborateurs (1995) qui divisent cette agrégation selon différentes catégories : a) ressources renouvelables ou non, b) taux de renouvellement de la ressource et c) utilisation réversible ou non. D’autres auteurs agrègent plutôt les ressources sur une base énergétique (Baumann et al. 1992; Berg et al. 1995) en multipliant l’énergie spécifique d’une ressource avec la masse utilisée.

La deuxième catégorie inclut les méthodes liées aux réserves disponibles et aux consommations

actuelles, par exemple en établissant le ratio de la ressource utilisée sur la réserve disponible

(Heijungs et al. 1992). La réserve peut être basée sur plusieurs choix (Guinée and Heijungs 1995; Heijungs et al. 1992): la réserve physique, la réserve économique, la réserve ultime ou la réserve ultimement extractible. Ces méthodes peuvent être modifiées en ajoutant un paramètre

représentant l’extraction annuelle de la ressource ou la proportion de la réserve que celle-ci représente (Fava et al. 1993; Guinée and Heijungs 1995).

La troisième catégorie se base sur l’agrégation des impacts liés à l’énergie basée sur des

scénarios futurs (retour de la ressource à son état initial). Ces impacts peuvent être comptabilisés

par exemple par les impacts environnementaux d’un procédé d’extraction durable de métaux, défini par une utilisation de ressource énergétique renouvelable pour concentrer un minerai 10 fois moins concentré qu’il ne l’est présentement (Steen and Ryding 1992). Une autre approche qui modélise les impacts futurs est celle de Blonk et collaborateurs (1996) qui inclut, en plus de l’exergie (voir ci-bas) la quantité d’énergie future nécessaire à l’extraction de la ressource sur une échelle de 50 ans, en plus de la surface des terres affectées par les opérations d’extraction. Finalement Mueller-Wenk (1999) propose de prendre en compte le taux d’épuisement actuel de la ressource et celui dans le futur, en intégrant un facteur d’amélioration de la productivité de la ressource, compte tenu de l’amélioration des technologies. L’épuisement ici inclut également les ressources présentes dans la technosphère.

La quatrième catégorie regroupe les propositions de méthodes qui utilisent l’entropie ou l’exergie d’une ressource comme mesure, corrélant une ressource disponible à une faible entropie, puisque l’entropie est une mesure thermodynamique qui évalue le désordre d’un système. L’exergie elle est une mesure de l’énergie disponible, ou utile, soit par combustion, échange de chaleur ou autre. Celle-ci dépend par contre de l’environnement, elle peut donc être perçue comme une correction de l’énergie par sa qualité (Heijungs et al. 1997) et être utilisée également pour exprimer la qualité d’une ressource non-énergétique. Alors que Finnveden et Ostlund (1997) considèrent la somme des exergies des ressources utilisées, Blonk et collaborateurs (1996) incluent l’énergie et les matériaux nécessaires à leur extraction et purification, et Ayres et Ayres (1996) appliquent le concept de l’exergie à tout le cycle de vie et l’utilisent comme un indicateur incluant donc l’émission de polluants à l’environnement. Plus récemment, Bosch et collaborateurs et Dewulf et collaborateurs (Bösch et al. 2007; Dewulf et al. 2007) ont combiné le concept de demande cumulée en exergie aux procédés d’écoinvent dans le but de fournir un indicateur de catégorie d’impact additionnel pour l’application de l’ACV, démontrant ainsi la faisabilité d’une telle approche. Leurs résultats ont démontré une dominance particulière des ressources fossiles et de

l’utilisation des terres (Dewulf et al. 2007), et que la ressource eau contribuait en moyenne à 8% de la demande totale en exergie, mais jusqu’à 90% pour certains procédés.

Une autre méthode, non catégorisée plus haut, proposée par Heijungs (1997) propose d’évaluer l’impact sur la ressource basée sur la production annuelle per capita de la ressource. Ce type de normalisation ne recommande toutefois pas l’agrégation de plusieurs ressources.

Les deux premières catégories focalisent sur la consommation actuelle et les types 3 et 4 se concentrent sur les conséquences futures. Alors que les ressources ont une valeur pour la société humaine basée sur la fonctionnalité qu’elles apportent à la société humaine, les méthodes 1 et 2 sont défaillantes de par la possibilité d’évaluer la perte de fonctionnalité associée à leur utilisation. Les méthodes de types 4 présentent des problèmes conceptuels puisque l’énergie et l’exergie sont des indicateurs plutôt abstraits par rapport à une perte de fonctionnalité, ce qui les rend plus difficile à faire accepter comme étant représentative des situations propres à chaque type de ressource. Les méthodes de types 3 sont donc les plus adaptées pour l’évaluation d’une perte de fonctionnalité d’une ressource telle que l’eau.

Stewart et Weidema (2006) ont proposé un cadre pour l’évaluation des impacts liés à l’utilisation des ressources en ACV qui est cohérent avec la troisième catégorie décrite plus haut. Ils proposent trois types d’usage de la ressource : un usage où la ressource (d) est remise à l’environnement dans le même état ou meilleur que celui dans lequel elle a été prise, un usage où la ressource (c) est dégradée et n’est pas directement utilisable et un usage ou celle-ci (b) est rendue indisponible par son utilisation ou son élimination. D’un point de vue d’évaluation des impacts, il est alors intéressant d’agréger les impacts de transformation de la ressource prélevée (a), qu’elle soit transformée en b, c ou d.

Cependant, la ressource eau est différente des autres ressources de par le fait qu’elle est en grande partie renouvelable et essentielle tant aux humains qu’aux écosystèmes. Ainsi, son utilisation mène à une privation, souvent temporaire, de ses usagers, entraînant des impacts dans les catégories d’impacts santé humaine et écosystèmes. Cette ressource doit donc être traitée de façon particulière, tel que spécifié par le ILCD Handbook (European Commision Joint Research Center 2010) et seule la partie non-renouvelable de la ressource cadre bien avec la catégorie d’impacts « ressources ».

1.3.2 « Backup Technology »

Selon Stewart et Weidema (2006), une technologie utilisée pour transformer une ressource dégradée ou inutilisable en ressource utilisable est une backup technology. Différentes qualités de ressources peuvent être associées à différentes backup technologies, et être employées à différent moments. Pour l’eau, la backup technology est donc celle qui sera utilisée pour transformer une ressource qui a été consommée ou dégradée vers sa qualité originale lorsque celle-ci n’est plus disponible. Un débat entre Stewart et Weidema et Finneveden (Finnveden 2005) a ensuite émergé concernant la pertinence de traiter les impacts additionnels futurs de l’extraction de la ressource, soit de la backup technology, en tant qu’impacts ou comme faisant partie de l’inventaire. Un article commun (Weidema et al. 2005) a ensuite statué sur le fait que seuls les impacts qui ne sont pas prévus d’être compensés (remédiés par une backup

technology) devraient être inclus dans l’évaluation des impacts.

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