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Méthodes existantes d’évaluation des impacts

CHAPITRE 1 REVUE CRITIQUE

1.3 L’eau en analyse du cycle de vie

1.3.6 Méthodes existantes d’évaluation des impacts

Les travaux de Kounina et collaborateurs (2013) présentent et analysent les méthodologies existantes, tant au niveau des indicateurs de rareté, des méthodes d’inventaires, que des impacts au niveau problèmes et dommages. Celles-ci sont catégorisées selon les trois sujets à protéger tel que résumées dans la figure 1-4.

Figure 1-4 Portée et envergure des différentes méthode d’inventaire et d’évaluation d’impacts (identifiées par leurs auteurs, références dans le texte, adapté de Kounina et collaborateurs

(2013)). 1.3.6.1 Méthodologies niveau problèmes

Au niveau problèmes, cinq méthodologies proposent un indicateur générique pour les trois sujets à protéger. En plus du Water footprint Network discuté plus haut, la Swiss Ecoscarcity method est une méthode « distance-à-la-cible » qui évalue le flux élémentaire en relation avec un flux critique, fixé par des objectifs politiques ou des recommandations législatives. Les résultats sont donnés en éco-points pour plusieurs impacts sur l’environnement. Pour l’utilisation de l’eau, le prélèvement d’eau douce est comparé à un taux de prélèvement par défaut de 20% des ressources

Peters Gabi Global Water Tool Boulay Bouchard Ecoinvent Chapagain Hoekstra Bayart/ CIRAIG Vince Mila-i- Canals Hoekstra Bayart/ Veolia Frischknecht Ridoutt/ Pfister Pfister Bayart Boulay Mila-i- Canals Mila-i- Canals Motoshita Boulay Pfister Van Zelm Verones (2) Maendly/ Humbert Pfister Boesch (CExD) Pfister I n v e n t a i r e P r o b l è m e s D o m m a g e s Humains Écosystèmes Humains Ressources Écosystèmes Ressources Combien (m3) / Quoi? Problèmes potentiels? Conséquences?

disponibles, basé sur les recommandations de l’OCDE (Vörösmarty et al. 2000b) comme étant un stress moyen, et ce par bassin versant. Pfister et collaborateurs (Pfister et al. 2009) proposent un indicateur, le WSI (Water Scarcity Index). Celui-ci est une variation du ratio de criticalité décrit dans la section « rareté », mais incluant un paramètre de variabilité saisonnière basé sur des données climatiques et une distinction des débits fortement régulés ou non. L’indicateur est ajusté pour que le résultat du WSI soit de 0.5 lorsque le ratio de criticalité (appelé WTA) est de 0.4, valeur choisie comme étant le seuil entre un stress hydrique modéré et sévère. Cet index, ainsi que tous les index de rareté décrit jusqu’à maintenant mis à part le Blue Water Scarcity du Water Footprint Network, définissent cependant la rareté sur la base de l’eau prélevée dans une région, et non de l’eau consommée, suggérant ainsi qu’une eau prélevée et remise à l’environnement (i.e. utilisée pour le refroidissement) contribue à la rareté de la ressource, et aucun ne différencie l’eau de surface de l’eau souterraine ni ne prend en compte la qualité de l’eau.

Un indicateur proposé par Véolia (Veolia Water 2010), intègre cet index WSI de rareté locale et un index de qualité de l’eau prélevée et remise à l’environnement, évaluée par un index distance- à-la-cible basé sur des normes environnementales pour la qualité ambiante des eaux de surface. Ridoutt et Pfister (2010) utilisent également l’index WSI pour produire un « stress-weighted

water footprint » de produits, en le multipliant avec l’inventaire, incluant un volume d’eau fictif

quantifiant la pollution (le concept de l’eau grise du Water Footprint Network). Cette méthode a cependant mené à des résultats souvent aberrants et les auteurs eux-mêmes ne recommandent pas cette méthode (Ridoutt and Pfister 2013). Dans cette dernière publication, ils recommandent plutôt un système de pondération, tel qu’utilisé par Recipe (Goedkoop et al. 2012), afin d’agréger les impacts causés par la consommation et la dégradation de l’eau. Bien qu’intéressante, cette méthode comporte plusieurs choix de valeurs et pondération qui ne sont pas facilement identifiables avec les résultats, limitant ainsi le potentiel d’interprétation des résultats.

Finalement Mila-i-Canals (2009) propose deux catégories d’impacts spécifiques au niveau problèmes : impacts sur les écosystèmes et épuisement de la ressource, et ne sont donc pas orientées vers les usages humains. La méthode propose d’évaluer les impacts sur les écosystèmes par un indicateur qui inclut les usages consommants (évaporation par l’irrigation, le refroidissement, les réservoirs, etc.) de l’eau de surface et souterraine et par la transformation de l’utilisation des terres. L’indicateur pour l’épuisement de la ressource calcule le potentiel

d’épuisement de ressource abiotique appliqué aux usages, consommants ou non, des eaux souterraines appartenant à des aquifères surexploités.

La difficulté liée au choix d’un indicateur au niveau problèmes provient du besoin d’un tel indicateur de pouvoir mener directement à des impacts au niveau dommages, et ce sans devoir revenir en arrière dans la chaine cause-à-effet parce que des informations auraient été perdues, tel que sur la qualité, ou des informations spécifiques à la région de prélèvement (Bayart et al. 2010b). De plus, alors qu’un indicateur au niveau problème représente un point de la chaine de cause-à-effets, l’indicateur de dommage devrait représenter le point au bout de cette même chaine, avec, idéalement, des résultats proportionnels. Mais de tels indicateurs n’existent pas toujours pour certaines catégories d’impacts (Bare et al. 2000). Également, la question peut se poser si un seul indicateur est désiré pour les trois chaines cause-à-effet, appelant ainsi un indicateur décrivant davantage la rareté de la ressource, ou si trois indicateurs distincts sont davantage souhaitables.

1.3.6.2 Méthodes niveau dommages

Bien que le projet concerne plutôt la catégorie d’impacts santé humaine, d’autres approches adressant l’une ou l’autre des catégories de dommage existent et sont présentés ci-dessous.

Santé humaine : Pour la santé humaine, l’indicateur de stress de Pfister et collaborateurs (WSI) multiplie une série de paramètres permettant de prendre en compte les impacts sur la santé humaine de la malnutrition causée par un manque d’eau pour l’agriculture : le pourcentage de l’eau utilisée pour l’agriculture, un facteur de développement humain, la quantité d’eau nécessaire pour soutenir l’alimentation et un facteur de dommage en DALY causé par la malnutrition. Ce dernier est dérivé à partir de différentes régressions ayant des valeurs R2 de 0.71 et 0.26, qui laisse donc place à l’amélioration. De plus, l’hypothèse est faite qu’un cas de malnutrition survient lorsque toute l’eau nécessaire à la production de nourriture pour une personne pour une année est utilisée, alors qu’en réalité la malnutrition survient bien avant puisqu’une personne ne peut survivre normalement un an sans nourriture. Finalement, la méthode considère qu’une utilisation d’eau n’affectera pas les usagers domestiques et ainsi ces impacts sur la santé humaine ne sont pas considérés. Les facteurs de caractérisation résultants sont exprimés en DALY/m³ d’eau consommée. La seule autre méthode évaluant les impacts sur la santé humaine d’un manque d’eau est celle de Motoshita et collaborateurs (2010a) qui relient un

manque d’eau pour les usages domestiques à des impacts en DALY sur la santé humaine, à travers une série de régression linéaires décrites par un module d’accès à l’eau potable et un d’évaluation d’impacts sur la santé humaine pour un manque d’eau, c.-à-d. une consommation d’eau non-potable, proposant ainsi des facteurs de caractérisation par pays. Les mêmes auteurs proposent également une méthode décrivant les impacts d’un manque d’eau pour l’agriculture, en caractérisant un facteur d’effet associé à un manque de calories. Celui-ci est causé par une baisse d’accessibilité à la nourriture dans les pays affectés, dû à une situation économique plus faible, par une baisse de production dans un autre pays. Ce facteur d’effet n’est pas applicable directement à une valeur d’inventaire et les travaux sont en cours pour perfectionner la méthode ((Motoshita et al. 2010b). Aucune des méthodes considèrent les impacts causés par une baisse de disponibilité de l’eau due à une dégradation, la rendant non-fonctionnelle pour les usagers, ni les impacts potentiels qu’un manque d’eau pour l’aquaculture ou les pêches peut avoir sur la malnutrition.

Ressources : Au niveau des ressources, la méthode de Pfister (2009) passe par le concept de la

backup technology en évaluant les impacts sur la ressource par l’énergie nécessaire à dessaler

l’eau surconsommée dans un bassin versant. Un facteur d’épuisement de la ressource, dérivé du ratio de criticalité, multiplie l’énergie nécessaire au dessalement et l’eau consommée pour obtenir des dommages en MJ d’énergie supplémentaire pour rendre la ressource disponible dans le futur. La seule autre méthode adressant cette chaine cause-à-effet est celle de Bosh (2007) qui passe par l’éxergie, chimique et potentielle, de l’eau douce en relation avec l’eau salée, qui aurait une éxergie de 0. Cependant, cette méthode ne prend pas en compte la rareté locale et tel que discuté plus haut, le concept d’éxergie demeure davantage théorique et peu accepté au niveau pratique vu le manque de pertinence en lien avec l’épuisement ou les fonctions de la ressource.

Écosystèmes : Finalement, au niveau des écosystèmes, Pfister et collaborateurs (2009) proposent un facteur de caractérisation basé sur la fraction de la Production Primaire Nette (NPP) qui est limitée par la disponibilité d’eau et les précipitations locales. La NPP est utilisée comme proxy à la vulnérabilité de la biodiversité des plantes vasculaires, normalement utilisée pour évaluer la fraction d’espèce potentiellement disparue (PDF). Les facteurs de caractérisations résultants, en m2-an/m³, sont multipliés par l’usage consommant, résultant en impacts sur la qualité des écosystèmes en m2-an.

Trois autres méthodes évaluent les impacts sur les écosystèmes de façons plus spécifiques. Humbert et Maendly (article en révision) ont développé une méthode spécifiquement applicable pour évaluer les impacts générés par les barrages et réservoirs. Ils évaluent la fraction d’espèces potentiellement disparues d’un système aquatique sur une certaine superficie, soit par m³ d’eau turbinée ou par kWh produit. Les résultats en PDF·m2·an permettent une comparaison facile avec d’autres impacts sur les écosystèmes présentés dans les mêmes unités. Cette méthode étant spécifique aux barrages, elle n’est pas suffisante en soit pour évaluer les impacts de l’utilisation de l’eau sur les écosystèmes, mais offre un ajout important aux méthodes évaluant les impacts par d’autres chaines cause-à-effet. Tout aussi spécifique est le modèle développé par Verones (2011) qui évalue la perte de biodiversité due à la pollution thermique, par un facteur d’effet provenant d’observations empiriques (régression multiple). Van Zelm et collaborateurs (2008) évaluent la réduction de la biodiversité terrestre causée par un abaissement de la nappe d’eau causé par l’extraction d’eau souterraine. La chaîne cause-à-effet est basée sur le fait qu’une extraction d’eau souterraine abaisse la nappe ce qui provoque la disparition d’espèces de plantes terrestres, exprimées en fraction potentiellement non présentes (PNOF). Les facteurs de caractérisation expriment la réduction en biodiversité en PDF-m2-an par m³ d’eau souterraine extraite. Deux méthodes sont ensuite apparues plus récemment. Hanafiah et collaborateurs (2011) ont calculé des facteurs de caractérisation qui quantifie la perte de richesse d’espèces de poissons causé par une consommation d’eau. Amores et collaborateurs (2013) ont calculé un facteur de caractérisation qui évalue les dommages écologiques associés, en fraction d’espèces potentiellement affectés, à une augmentation de la salinité causée par une consommation d’eau. En bref pour le niveau dommage, plusieurs méthodes existent, décrivant plusieurs chaines cause- à-effet. Au niveau de la santé humaine, Pfister et Motoshita décrivent les impacts d’un manque d’eau pour l’agriculture ou les usages domestiques, mais les corrélations sont parfois faibles, et ni la qualité ni la compensation ne sont pris en compte. Plusieurs méthodes explorent différentes chaines cause-à-effet menant à des impacts sur les écosystèmes qui gagneraient à être combinées afin qu’un seul indicateur permette de convertir une utilisation d’eau en impacts sur les écosystèmes, incluant les barrages et réservoirs, la pollution thermique, l’abaissement de la nappe, la perte d’habitat pour les espèces aquatiques et la perte de ressource pour les espèces terrestres. L’épuisement de la ressource devrait être évalué par une méthode cohérente avec les deux autres chaines cause-à-effet.

Pour toutes ces méthodes proposées, la régionalisation des impacts liés à l’utilisation de l’eau diffère grandement, allant de l’échelle du modèle WaterGap de 0,5 x 0,5 degré, à l’échelle du pays en entier. Ultimement, indépendamment des méthodes choisies, l’échelle optimale se doit d’être identifiée. Celle-ci doit être représentative des impacts locaux générés par un manque d’eau : la limite entre deux régions permettant de différencier des zones où les impacts d’utiliser de l’eau seront en effet différents, tout en considérant la disponibilité des données à des échelles spécifiques.

CHAPITRE 2

PROBLEMATIQUE, HYPOTHÈSE DE RECHERCHE ET

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