• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 REVUE CRITIQUE

1.1 L’eau

1.1.5 Rareté

L’un des plus grands défis concernant la quantification des impacts liés à l’eau est la définition de la rareté d’eau, ou plutôt l’absence de consensus à son sujet. Rijsberman (2006) défini une personne comme water insecure quand cette personne n’a pas accès à suffisamment d’eau pour subvenir à ses besoin, et une région présentant une rareté d’eau comme étant une région où plusieurs personnes sont water insecure. Cependant, l’accès à l’eau, les besoins d’une personne,

et la région spatiotemporelle sont autant de facteurs qui influent sur cette approche et qui ne sont pas définis. Les indicateurs proposés varient du très simple au très complexe, selon le nombre de paramètres pris en compte. La totalité des indicateurs sont basés sur un ratio reliant l’eau disponible à la population ou aux prélèvements humains. Par exemple, le plus simple et répandu est le Falkenmark indicator (Falkenmark et al. 1989) qui représente l’eau disponible par capita, proposant 1700 m³ d’eau renouvelable par personne par an comme étant le seuil d’un stress hydrique, et 1000 m³ et 500 m³ pour une rareté et rareté absolue respectivement. Alors que cet indicateur a l’avantage d’être facile à comprendre et que les données sont facilement accessibles, les variations saisonnières, infrastructures et les besoins spécifiques d’une population ne sont pas pris en compte, et l’échelle du pays semble non pertinente pour de grands pays comme la Chine ou les États-Unis. Ohlsson l’a alors adapté en y intégrant le UNDP Human Development Index pour créer l’index de stress hydrique social (Ohlsson 2000).

Les indicateurs qui suivirent tentèrent d’évaluer de façon plus représentative le besoin de la population, d’abord par Shiklomanov (1997) qui évalua la demande de la population pour les secteurs agricole, industriel et domestique, puis amélioré par Raskin et collaborateurs (1997) qui remplacèrent la demande par les prélèvements actuels, dans l’intention de représenter une rareté plus objective qu’une notion théorique basée sur la demande. Ils ont aussi proposé des seuils de 20% et 40% pour définir la rareté et la rareté extrême respectivement. Cette définition fut également utilisée par Alcamo et collaborateurs (1997) dans leur ratio de criticalité évalué à l’aide de leur modèle WaterGap et par Vorosmarty et collaborateurs (2000a) qui utilisent un modèle climatique pour l’évaluer. Les limites de ce ratio de criticalité sont 1- ni les infrastructures ni les variabilités saisonnières ne sont prises en compte, 2- les prélèvements ne représentent pas la consommation d’eau et une fraction de l’eau prélevée peut être à nouveau disponible après usage, 3- la capacité d’adaptation d’une population à une rareté d’eau n’est pas prise en compte et 4- l’eau de surface et l’eau souterraine ne sont pas distinguées.

Le International Water Management Institute (IWMI) a tenté de résoudre une partie de ces limites (Seckler et al. 1998) en 1- prenant en compte l’infrastructure par l’entremise de la fraction de l’eau renouvelable disponible pour les usages humains, 2- ne considérant que l’eau évapotranspirée et 3- évaluant la capacité future du pays à s’adapter par le développement d’infrastructure et l’amélioration de l’efficacité d’irrigation par la mise en place de politiques

pour la période 2000-2025. Le modèle résulte en la séparation des pays présentant une rareté d’eau pour des raisons physiques ou économiques, mais le résultat est non-numérique, catégorisant les pays qualitativement en pays présentant une « physical water stress » ou une « economical water stress ».

Le plus complexe des index est probablement le Water Poverty Index développé par Sullivan et collaborateurs (2002) qui tente de refléter à la fois la disponibilité physique de l’eau, le degré avec lequel les humains sont desservis par cette eau et le maintient des milieux écologiques. L’indicateur regroupe cinq aspects : l’accès à l’eau, sa qualité, sa quantité et sa variabilité, les utilisations de l’eau pour les utilisations agricoles, domestiques et industrielles, la capacité de gestion de l’eau et les aspects environnementaux. Alors que celui-ci adresse la majorité des limites présentées par les précédents, plusieurs choix de pondération doivent être faits et des données difficilement mesurables sont utilisées (i.e. temps passé à la collecte de l’eau domestique). La nature davantage « communautaire » de l’index justifie son objectif d’évaluation à une échelle plus locale que nationale.

Plus récemment, Pfister et collaborateurs (2009) ont proposé une méthode d’évaluation des impacts liés à l’utilisation de l’eau en ACV dans lequel ils présentent également un index de rareté qu’ils nomment le Water Scarcity Index (WSI). Celui-ci est basé sur le ratio de criticalité discuté plus haut, donc basé sur les prélèvements et non la consommation d’eau, mais il intègre un paramètre de variation saisonnière basé sur des données climatiques. Aussi, Döll et collaborateurs (2009) dans un contexte d’évaluation des impacts des changements climatiques sur la ressource souterraine ont proposé un paramètre de rareté d’eau qui prend en compte la consommation d’eau (CU), et non les prélèvements, ainsi que les variations saisonnières par un paramètre de faible débit statistique (Q90). Celui-ci représente le débit d’eau renouvelable le plus faible pour 9 mois sur 10, résultant en une valeur plus faible que la moyenne et permettant ainsi de mieux représenter la rareté d’eau dans les régions semi-arides. L’avantage du ratio de la consommation sur le Q90 (CU/Q90) est son interprétation physique plus représentative que le ratio de criticalité : une valeur de un ou plus pour le CU/Q90 implique que toute l’eau disponible dans un bassin versant est consommée 10% du temps. Le désavantage principal est que celui-ci dépend de données de consommation qui sont moins certaines et moins disponibles que celles des prélèvements pour les secteurs domestique et industriel (Alcamo et al. 2007).

Finalement, en 2012, le Water Footprint Network a publié un indice de Blue Water Scarcity (Hoekstra et al. 2012), qui évalue un ratio d’eau consommée – le Blue Water Footprint – sur l’eau disponible, en réservant 80% pour les besoins des écosystèmes. Les résultats sont fournis en indexes mensuels, et pour les grands bassins versants du monde seulement, excluant ainsi de nombreuses régions.

Documents relatifs