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La reprogrammation épigénétique du génome et l'établissement de l'hétérochromatine

Chapitre 1: Introduction

1.8 Étapes majeures du développement embryonnaire précoce chez la souris

1.8.4 La reprogrammation épigénétique du génome et l'établissement de l'hétérochromatine

L'activation du génome zygotique dépend de l'accessibilité des gènes aux facteurs de transcription et aux machineries transcriptionnelles. C'est la raison pour laquelle le génome des pronuclei mâles et femelles subit un remodelage épigénétique intensif afin de préparer le génome à l'activation des gènes (Morgan et al., 2005). Les génomes des deux pronoyaux qui sont maintenus séparés jusqu'au stade 2- cellules subissent un remodelage épigénétique intensif afin de pouvoir passer de deux génomes distincts à un seul génome diploïde totipotent. En plus du remodelage de la chromatine, il existe des mécanismes supplémentaires pour la régulation de l’expression des gènes. Le remodelage de la structure nucléaire et le positionnement des chromosomes semblent être des mécanismes qui y participent (Schneider and Grosschedl, 2007). Il a été observé des territoires distincts pour les gènes activement et non activement transcrits et cette localisation différentielle des gènes résulterait de mouvements chromosomiques complexes qui s'organisent et se maintiennent à chaque fin de cycle cellulaire.

1.8.4.1 Reprogrammation épigénétique du génome

Après la fécondation, les pronoyaux mâle et femelle sont caractérisés par une asymétrie en regard de leur épigénétique et de leur organisation chromatinienne (Morgan et al., 2005). Le pronoyau femelle dispose des modifications épigénétiques somatiques comme la méthylation de l'ADN et les modifications sur les histones, contrairement au pronoyau mâle qui a son génome empaqueté avec des protamines à la place des histones. C'est alors que débute le processus de reprogrammation épigénétique du génome (Figure 1.34) (Morgan et al., 2005). Le pronoyau mâle subit un remplacement des protamines par des histones et va acquérir progressivement les modifications sur les histones afin de s'ajuster au pronoyau femelle. Lors du passage du stade 1-cellule à blastocyste, les deux génomes subissent des changements dans la méthylation de l'ADN et dans les modifications sur les histones afin de rétablir une totipotence des cellules (Santos et al., 2005).

Figure 1.34: Le cycle de reprogrammation épigénétique. Durant le développement pré-implantatoire et durant la gamétogenèse, le génome subit des reprogrammations épigénétiques. La fécondation est l'élément déclencheur du premier cycle de reprogrammation. Le pronoyau mâle a son génome empaqueté dans les protamines et ne possède pas les modifications épigénétiques sur les histones contrairement au pronoyau femelle. Les protamines seront remplacées par des histones et le pronoyau mâle va acquérir progressivement les modifications qui portent sur les histones et son génome va être activement déméthylé. Les deux génomes subissent une déméthylation jusqu'au stade blastocyste, où le premier évènement de différenciation a lieu pour former deux types cellulaires: les cellules du TE et du ICM. Le second cycle de reprogrammation a lieu durant la gamétogenèse. Les cellules germinales Primary Germ cells (PGCs) sont originaires des tissus somatiques et se développent en gamète pendant une période étendue. Pendant Embryonic day 11.5 (E11.5) et E12.5, le génome des PGCs des gamètes mâles et femelles subit une étape de déméthylation et de méthylation de novo jusqu'à

1.8.4.2 L'établissement de l'hétérochromatine

Dans le contexte de la reprogrammation du génome, aussi bien que les régions euchromatiques, l'hétérochromatine doit s'établir. L'hétérochromatine centromérique formant l'hétérochromatine constitutive est essentielle à la ségrégation des chromosomes lors de la division cellulaire (Verdaasdonk and Bloom, 2011; Westhorpe and Straight, 2013). Elle est composée de deux parties, une partie centrale ou centrique qui est le site de formation des kinétochores qui est essentielle pour la ségrégation des chromatides-sœurs durant la mitose (Cheeseman and Desai, 2008) ainsi que d'une partie péricentrique, qui serait nécessaire à la cohésion des chromatides-sœurs (Guenatri et al., 2004; Peters et al., 2001; Probst and Almouzni, 2008) (Figure 1.35).

Dans les cellules somatiques, après chaque division les régions centromériques centriques et péricentriques forment des structures nucléaires distinctes, les chromocentres (Figure 1.36) (Guenatri et al., 2004). Ces domaines résultent de la fusion des régions péricentriques de plusieurs chromosomes et de l’association des régions centriques des différents chromosomes autour du cluster. La formation des chromocentres est conservée chez la levure (Funabiki et al., 1993), la drosophile (Zhang and Spradling, 1995) ainsi que chez la plante (Fransz et al., 2002). L’établissement de l’organisation de l’hétérochromatine péricentrique et des chromocentres s’effectuerait lors du développement embryonnaire précoce juste après la fécondation (Probst et Almouzni, 2011).

Lors des premiers clivages zygotiques, l'hétérochromatine péricentrique subit des réarrangements et passe d'une organisation gamète-spécifique à une organisation en forme de cercle autour du NPB (Probst et al., 2007). Ce qui suggère qu'en plus de son importance pour la formation du nucléole embryonnaire, le NPB est également important pour l'organisation et l'établissement de l'hétérochromatine. Il a été rapporté que lors du stade 2-cellules, l'hétérochromatine péricentrique de plusieurs chromosomes fusionnerait pour former les chromocentres. L'implication d’ARN non-codants dans l'induction de l’hétérochromatinisation des régions péricentriques pour permettre la formation des

chromocentres a été décrite (Probst et al., 2010). Ces ARN non-codants proviendraient de la

transcription des régions péricentromériques. Il a été montré que l'inhibition de la formation de ces transcrits résulte en l'incapacité de l'embryon à former les chromocentres, ce qui induit un arrêt développemental au stade 2-cellules (Probst et al., 2010). L'implication d’ARN non-codants pour l'induction de l’hétérochromatinisation a également été observée chez la levure et chez les plantes (Zaratiegui et al., 2007).

chromocentres chez les bovins a lieu au stade 8-cellules, en même temps que l'activation du génome

zygotique (Mason et al., 2012).

Figure 1.35: Les régions centromériques et la formation des chromocentres. Modèle illustrant l'organisation de la région centromérique sur un chromosome acrocentrique de souris ainsi que l'organisation des chromocentres. La région centromérique est enrichie en marque épigénétiques inactivatrices pour la transcription ainsi que par une méthylation de l'ADN. La région péricentrique (représentée en rouge) consiste en des répétitions en tandem de séquences de 234 pb et cette région est enrichie en ARN ainsi qu'en la protéine HPI, qui est inductrice de l'hétérochromatinisation. La région centrique (représentée en vert) consiste en des répétitions de séquence de 120 pb et est enrichie en la protéine CenpA ainsi qu'en la marque épigénétique H3K4me2. Lors de l'interphase, les régions péricentriques fusionnent pour former les chromocentres, alors que les régions centriques s'organisent séparément autour de cette fusion. Les télomères sont représentés en noir. Extrait de (Probst and Almouzni, 2008).