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1. Recension des écrits

1.3 La représentation sociale des victimisations de la TENT

1.3.2 Les représentations sociales

Notre recherche vise à sonder les perceptions des individus interrogés. Nous voulons identifier les sources cognitives, émotives et culturelles des discours que tiennent les Afro-descendants eu égard à la représentation qu’ils se font des victimisations générées par la TENT. Nous avons décidé d’emprunter le concept des représentations sociales, issu de la psychologie sociale20 afin d’articuler scientifiquement notre pensée. Denise Jodelet définit la représentation sociale comme

« une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (1998,

p.36).

Les représentations sociales constituent une source de connaissance particulière. Elles se distinguent avant tout de la connaissance scientifique car on y trouve une grande part de subjectivité (Grise, 2003). Les représentations sociales se construisent à partir des perceptions, des impressions et des interprétations des sujets d’une réalité donnée. Tout objet ou comportement social est une réalité et par conséquent susceptible d’être représenté. La victimisation, qu’elle soit individuelle ou collective, peut donc également faire l’objet d’une représentation sociale. En effet, la recherche victimologique démontre que la victimisation ne se fonde pas seulement sur l’expérience (le vécu, la réalité) mais également sur sa représentation sociale (Bar-Tal et al., 2009). Les représentations sociales se font également à partir de nos connaissances préalables. D’un point de vue socio constructiviste, on peut définir les connaissances préalables comme un ensemble d’idées et un mode de raisonnement socialement construits et partagés.

20 « La psychologie sociale est la science des phénomènes de l’idéologie (cognitions et représentations

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Notre vécu expérientiel, en influant sur nos perceptions futures, est également une composante de nos représentations sociales. La mémoire intervient à ce stade. Or la mémoire est une notion importante dans notre travail. On s’intéresse aux représentations sociales que se font les Africains et les Antillais de la traite négrière transatlantique. Au-delà de la représentation, c’est la mémoire individuelle des Afro- descendants ainsi que leur mémoire collective que nous interpellons. Les articulations entre la mémoire collective et les représentations sociales sont évidentes. Avant tout, la représentation n’appartient pas seulement au présent. Elle peut très bien être envisagée dans le passé « (…) comme re présentation du passé, c'est-à-dire mise au

présent d’une chose absente, acception qui s’origine dans la tradition philosophique grecque… » (Viaud, 2002 ; p. 14). En outre, la mémoire collective renvoie aux

représentations socialement partagées du passé, lesquelles sont le fruit des identités présentes. En effet pour, Moscovici et Vignaux (1994, p.26), les représentations sociales « s’inscrivent nécessairement dans des cadres de pensées préexistants qui sont eux-

mêmes dépendants de systèmes de croyance ancrés dans des valeurs, des traditions, des images du monde et de l’être » (cité par Viaud, 2002 ; p.19).

Selon Viaud (2002), trois caractéristiques principales peuvent être invoquées pour décrire ce que la mémoire collective et les représentations sociales peuvent avoir en commun.

- Première caractéristique commune : les représentations sociales tout comme la mémoire collective, prend place dans le cadre des processus ordinaires de la communication.

- Deuxième caractéristique commune : aussi bien dans les travaux sur la mémoire collective que dans les travaux sur les représentations sociales, le lien entre les appartenances groupales et leurs représentations est relevé. - Troisième caractéristique commune : la mémoire et les représentations,

utilisent toutes les deux, le langage naturel, c'est-à-dire la langue de tous les jours, par opposition à langue formelle ou conventionnelle, telle utilisée notamment en science.

Concernant spécifiquement notre sujet, Christine Chivallon (2002) a identifié différents registres de la mémoire antillaise, à savoir le registre de la mémoire historique, le registre de la mémoire de l’expérience, le registre de la mémoire interpellative, le

registre de la mémoire critique et enfin le registre de la mémoire officielle. Nous arguons

compréhension des représentations que se font les Africains et les Antillais de la traite négrière transatlantique. Dans le détail, ces registres sont les suivants.

La mémoire historique est la mémoire qui se veut la plus proche des faits, mais qui passe nécessairement par une reconstitution historique.

Le registre de la mémoire de l’expérience, désigne un « corpus de signification du passé comme continuité transmise par l’expérience ».

La mémoire interpellative: Elle est nommée « interpellative » parce qu’elle rentre en opposition avec la mémoire officielle et est basée sur un discours identitaire.  Le registre de la mémoire de la critique est quant à lui, sous jacent aux autres

registres, « il opère comme un travail réflexif à propos de qui est en train de se dire ».

Le registre de la mémoire officielle résulte d’une utilisation de l’histoire, en vue de maîtriser le corps social.

Nous sommes conscients que ces différents registres de la mémoire ne sont pas des catégories mutuellement exclusives et qu’il nous sera difficile de cerner à quel type de mémoire nous aurons affaire, néanmoins cela demeure, nous le pensons un guide pertinent dans l’analyse du contenu des représentations de nos répondants.

Les représentations sociales s’appréhendent donc comme un processus de construction et de reconstruction de la réalité sociale par le sujet. Au travers de ce processus, le sujet construit ses représentations individuelles et définit concomitamment son identité. Siman (2002 ; p.82) explique qu’ « entre l’acte

d’internaliser les conceptions et celui de les exposer, il y a tout un processus où les objets sont réarticulés et où l’individualité de chacun se manifeste ». Les représentations

sociales ainsi crées participent à la construction de nos représentations individuelles, lesquelles sont également le fruit d’une construction et d’une reconstruction de

« symboles socialisés et internalisés » (Siman, 2002; p.4). En d’autres termes, les

groupes en développant des systèmes d’interprétation de la réalité élaborent ou construisent des codes communs, et ce faisant, comme le dit Jodelet (1997, p.372) : « (…) le groupe exprime ses contours et son identité par les sens dont il investit sa

représentation». Les individus, se rapportant à leur groupe ou communauté

d’appartenance agiront conformément à cette communauté. Ainsi, leurs attitudes, opinions, jugements seront non seulement conformes à leur groupe social mais permettront la comparaison avec d’autres groupes. Dans notre travail, nous nous attendons donc à voir des différences dans le discours des Africains et des Antillais.

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Sur le plan opérationnel, nous allons utiliser la théorie du noyau central proposé par Abric. Selon ce modèle, une représentation sociale s’organise autour d’un noyau central autour duquel gravite des éléments périphériques.

1) Le noyau central ou structurant

Le noyau central ou structurant dit Abric (2003) est constitué des éléments qui donnent sens à la représentation, à savoir :

- la nature de l’objet représenté ;

- la relation de cet objet avec le sujet ou le groupe.

On trouve principalement dans ce noyau central la mémoire collective du groupe et les valeurs et normes auxquels, il se réfère. De fait, il constitue une base commune et collectivement partagée des représentations sociales (Abric, 1994). Le noyau central représente ce qui est stable et cohérent dans les représentations sociales assurant ainsi la continuité et la permanence de la représentation. Abric explique ainsi que le contexte social dans lequel se construit la représentation a peu d’effet sur celle-ci. En outre, le noyau central assure l’homogénéité d’un groupe social.

2) Les éléments périphériques de la représentation sociale

Les éléments périphériques de la représentation sociale joue un rôle tout aussi important. Mais contrairement au noyau central, ils sont instables. Ce sont eux qui assurent le dynamisme de la représentation sociale en intégrant de nouveaux éléments aux représentations sociales. Ce faisant, ils contribuent à modifier voire faire disparaître complètement le noyau central, ils ont pour fonction d’adapter la représentation à la réalité.

Pour nous aider à aller plus loin dans la compréhension de notre objet d’étude, nous nous sommes également appuyé sur la notion d’attribution causale.