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4. LA SCOLARITÉ

4.2 Représentations que les interviewés ont de l’école et des diverses

difficultés vécues

Comme mentionné plus haut, la plupart des interviewés ont eu des rapports difficiles avec l’école. Pour un, l’école a même été parmi « les pires étapes de sa vie » (51BX1NG1). La majorité d’entre eux se sont peu valorisés à travers l’école. D’ailleurs, certains considèrent qu’ils ont mieux réussi au primaire, mais le niveau secondaire ou collégial a été plus difficile. Ils se disent « poches ».

Plusieurs facteurs inhérents ou non à l’école ont pu causer ou intensifier la perception négative de l’école qu’ont la majorité des interviewés et représentent parfois ce qui les a incités à décrocher. Ces éléments sont de divers ordres: psychologique (problèmes de santé mentale comme le stress, les troubles d’apprentissage, les troubles de la concentration, l’estime de soi), relationnel, physique (les jeunes prennent du retard en raison de traitements), situation familiale difficile, délinquance, difficultés à concilier travail et étude, consommation de drogues ou d’alcool, évènements traumatisants…

Pour plusieurs, ces facteurs se combinent et s’influencent entre eux, ce qui vient changer leur vision de l’école.

Par contre, quelques-uns ont apprécié certains aspects de l’école. Ils aimaient surtout y apprendre et d’autres avaient des préférences pour différentes matières, comme l’histoire, l’éducation physique, l’art dramatique, la cuisine. Certains ont apprécié les stages qu’ils y ont faits. Les amis sont aussi une bonne source de motivation. Certains ont pu profiter d’un bon appui, en particulier de la part de certains orienteurs et des psychologues. Un jeune homme, au local de retenue, pouvait profiter de toute l’attention de la professeure responsable, ce qui l’aidait grandement, dit-il (1BL3NG1). De plus, quelques interviewés n’éprouvent pas nécessairement de difficultés à l’école, au contraire, ils sont premiers de classe. C’est plutôt l’ennui qui s’est installé. Pour un, c’est justement sa capacité à apprendre plus rapidement qui provoquait chez-lui de l’ennui en classe. C’est qu’il terminait souvent plus tôt et « s’énervait », selon son expression, car il ne savait pas quoi faire (22BL1OG1).

4.2.1 DIFFICULTÉS INHÉRENTES À L’ÉCOLE

Les difficultés relationnelles rencontrées par les interviewés et vécues à l’intérieur de l’école ont contribué à développer un sentiment négatif envers l’école. Il y a des problèmes relationnels vécus à l’intérieur de l’école. Par exemple, on répandait des histoires à propos d’une jeune fille de 15 à 19 ans, ce qui l’a amenée à décrocher, selon elle (26BL1OF1). D’autres vivaient du harcèlement sexuel, étaient dérangés par le comportement des autres dans leur apprentissage ou « écœuraient » les autres ou se faisaient « écœurés ».

Une jeune fille décrit la situation qu’elle a vécue :

« J’étais tout le temps la plus mature puis la plus développée aussi, fait que je me suis tout le temps faite écœurer quand j’étais jeune. […]. À [nom d’une école secondaire], tu pouvais marcher puis recevoir un œuf sur la tête n’importe quand. Ça avait pas de respect pour deux cents envers les professeurs non plus, puis là, à la grandeur que moi j’ai là, quand j’ai rentré au secondaire, j’ai la même grandeur que j’ai là, mais tout le monde m’arrivait en bas des épaules, fait que là, j’avais comme une tête et demie de plus (rires). J’étais comme assis puis : "Ouais, ok. Qu’est-ce que je fais icitte encore ?". Tu sais, je me posais vraiment la question. Puis, c’est pour ça qu’à un moment donné, j’ai décidé de lâcher l’école régulière. C’est comme normal. C’était trop immature, j’étais pas dans cette vague-là. C’était toutes des enfants élevés dans la ouate pis que, tu sais, y’ont pas été montré [sic] la vraie vie, puis c’est juste : "Ah moi, je crie ! Ah moi, je fais ça ! Tu sais, je me mets du "liquid paper" sur les doigts puis youhou !". Ben non, c’est pas de même que ça marche là. Puis les profs des fois, ils étaient découragés. » (7BC2OF1)

Un interviewé résume ainsi ses problèmes d’intégration :

« J’ai tranquillement délaissé parce qu’encore une fois, je me faisais pas d’amis […] Admettons que, par image, t’as des canards blancs puis t’as quelques canards noirs. Moi, je faisais partie des canards noirs parce que j’ai été taché [abus sexuels] quand j’étais plus jeune, en vieillissant aussi. Fait que je me suis mis à regarder le monde qui me ressemblait. Le monde qui me ressemblait, c’était du monde qui consommait. J’étais plus à l’aise avec le monde qui allait prendre une grosse "quille" sur le toit du cégep qu’avec le monde qui était super motivé. » (34AX2OG1)

Ce sentiment de rejet peut être vécu aux débuts de l’âge adulte aussi. En effet, une jeune fille a effectué deux retours à l’université, mais, ne réussissant pas à s’intégrer, elle a abandonné (13AC3OF2).

Les relations avec les professeurs étaient parfois aussi difficiles :

« Quand j’étais plus jeune, au primaire, j’ai eu beaucoup de retenues. Ça jouait vraiment. Beaucoup de "Tu vas copier, tu vas faire ci, tu vas faire ça. Pendant que le monde va être en sortie, toi, tu vas faire d’autres choses." […] Le fait que, admettons il y a le groupe qui part en sortie quand j’étais au primaire puis au secondaire, le fait que le monde puisse aller à la Ronde et que moi, il y ait deux choix pour moi : soit ma mère a pas assez d’argent pour me payer la sortie ou je suis en retenue parce que je suis trop turbulent. Fait que ça, ça m’a blessé puis ça m’est arrivé à plusieurs reprises. Dans le domaine de l’école, j’pense que c’est un peu ça qui m’a marginalisé. » (34AX2OG1)

Les intervenants scolaires auraient parfois contribué à développer un rapport négatif à l’école chez certains interviewés. En effet, comme indiqué plus haut, quelques-uns affirment que certains intervenants auraient pu leur suggérer de décrocher ou encore les ont renvoyés. Ils ont pu aussi amener les interviewés à penser qu’ils avaient certains troubles de comportement (avec ou sans raison, selon eux).

4.2.2 DIFFICULTÉS EXTÉRIEURES À L’ÉCOLE QUI ONT CONTRIBUÉ À LES ÉLOIGNER DE L’ÉCOLE

Les interviewés ont souvent vécus de multiples difficultés qui ont contribué à les éloigner de l’école.

Ces jeunes adultes connaissaient des difficultés relationnelles à l’extérieur de l’école qui venaient influencer leur rapport à cette dernière. Ces difficultés relationnelles sont surtout familiales. Par exemple, un jeune homme croit qu’il a développé des problèmes d’agressivité, car il vivait de la violence familiale (52BX2OG1). La consommation des

parents, le fait de ne pas encadrer les jeunes ou de les décourager d’aller dans certains domaines pouvaient également nuire à leur réussite scolaire.

Les troubles de santé mentale, dans le cadre scolaire, ont affecté les jeunes sur divers plans : difficultés à se concentrer, à tenir en place, échec scolaire, agressivité envers les autres et les enseignants, difficultés à s’intégrer. La section sur la santé montrera que des problèmes à cet égard peuvent se refléter dans la perception que les interviewés ont eu des institutions scolaires. Plusieurs jeunes vivant avec des difficultés de santé mentale consommaient aussi (drogue, alcool). Quelques-uns remarquent que leur consommation peut avoir nui à leur situation, soit en étant la cause, soit en l’aggravant. Par exemple, les jeunes pouvaient devenir plus agressifs ou leur consommation interférait avec leur médication. Ainsi, on retrouve chez plusieurs interviewés un « trio » de facteurs qui a nui à leur rendement scolaire et leur représentation de l’école : problème(s) de santé mentale-consommation-relationnels.

À ces facteurs qui viennent influencer négativement la représentation des jeunes envers l’école, s’ajoute d’autres éléments aggravants. Par exemple, des évènements traumatisants (décès de personnes proches, délits et emprisonnement), des problèmes de santé physique, l’endettement ou le coût trop élevé des études, l’attrait du marché du travail pour l’argent ont pu amener les interviewés à se détourner encore davantage des institutions scolaires. L’argent est aussi une préoccupation très présente chez les participants de 25 à 29 ans au moment où ils allaient à l’école. D’autres éléments particuliers ont aussi influencé leur représentation de l’école. Par exemple, un jeune qui, au moment où il a eu sa propre voiture, a commencé à retourner chez lui lorsqu’il se faisait expulser d’un cours et cela a fait augmenter son taux d’absentéisme (28AC2OG1).

Ainsi, pour plusieurs, l’école devient secondaire par comparaison avec les difficultés vécues. Leurs propos montrent bien que certains sont dépassés par les situations :

« J'avais pas vraiment de trouble, mais j'étais pas motivé puis j'avais trop de choses à penser. Je pensais à mon retour [à la maison]. » (53BL2NG1) « J’ai comme décroché de la société carrément puis je voulais comme plus rien savoir. » (5BX2OF1)