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Représentations de la maladie et des traitements médicamenteux

Traitements médicamenteux et personnes âgées

I – GENERALITES SUR LES PERSONNES AGEES

D. Représentations de la maladie et des traitements médicamenteux

La définition de la santé (état complet de bien-être physique, mental et social) permet toutes les interprétations. La réalité psychologique de la maladie ne peut être définie de manière objective. Les « représentations des patients de leurs maladies » sont définies comme « les idées que les patients se font de la cause, la durée, la gravité, la curabilité de la maladie elle-même, de leur vulnérabilité, d’une part, et, d’autre part, du pouvoir réel de la médecine, de leur capacité à se soigner et à changer le cours des choses » [9]. Elles sont souvent issues de données familiales (« mon grand-père prenait

de l’insuline mais cela ne l’a pas guéri de son diabète », « mon cousin était hypertendu et a fait un accident vasculaire cérébral »), culturelles (« les pilules contraceptives provoquent le cancer » , « l’asthme est psychologique, pas besoin de médicaments! »),

chronique, transforme les rapports au corps), de leur parcours scolaire, de leurs activités professionnelles et sociales, d’internet, des médias ( « je ne veux pas de cortisone ! ») et de nombreuses autres sources (« quelqu’un m’a dit que ma tension c’est le stress donc

pas besoin de traitement »). Elles ont la particularité d’être tenaces et donnent lieu à de

nombreuses « manipulations » avant de tomber sous le regard médical.

Le sentiment d’être diminué par tel ou tel symptôme et l’appréhension de la gravité de la maladie n’est jamais identique selon l’individu. Une indigestion peut être vécue parfois comme un drame, alors qu’un diabète avéré donnera lieu à des plaisanteries. Certaines personnes âgées font des « cheks-up » réguliers alors qu’elles sont en parfaite santé, alors que d’autres apprennent qu’elles sont malades d’une affection grave comme le cancer après plusieurs mois, voir années, d’évolution.

En règle générale, lorsque l’on annonce à une personne âgée qu’elle est malade, elle est immédiatement choquée, surprise, triste et apathique, la maladie étant vécue plus comme une rupture de l’activité sociale que comme un évènement biophysiologique. Elle régresse vers une conduite infantile, faite d’un désir primaire d’affection, d’attention et de protection [3]. Elle n’ose pas parler et voit le diagnostic comme un « problème », une « punition ». « La maladie m’atteint pour me punir de mes

péchés. Je ne peux pas m’opposer à la volonté de Dieu ! ». La construction de ses

premières représentations s’effectue au travers de son vécu personnel et elle ne veut pas poser des questions aux médecins par peur. Dans un second temps, elle cristallise ses appréhensions face à sa pathologie et essaye d’analyser ses conséquences. Ses représentations ne sont pas forcément le reflet de la réalité. Elles sont irrationnelles et inconscientes, mais existent néanmoins dans son esprit.

Chaque patient possède ses propres opinions sur les maladies et les médicaments. Par exemple, certaines personnes pensent qu’un traitement médicamenteux peut être

traitement apparaissant comme un élément de stigmatisation [10]. Tout se passe comme si la pathologie traduit le conflit psychique immergé du vieillissement irréversible. La prise du médicament pour se soigner est perçue comme un signe de faiblesse. Ainsi, elles ne peuvent pas avoir une « prise de conscience constructive » de leur maladie.

D’autres personnes ont la conviction que les médicaments ne sont pas des produits naturels et qu’ils contiennent des produits chimiques dangereux. Elles pensent que les médicaments entrainent des dommages pour le corps et diminuent leur résistance aux infections en abimant leur système immunitaire [11]. Elles considèrent la prise d’un traitement comme inutile. Elles sont très méfiantes envers l’industrie pharmaceutique,

« l’archétype d’une société capitaliste de consommation, ne recherchant en rien le bien de l’humanité ». Elles se considèrent suffisamment fortes pour ne pas recourir aux soins

médicaux, se traitent par la patience et l’indifférence (« ca va passer avec le temps ! ») aux symptômes et essayent de prendre le moins de médicaments possibles ou se tournent vers la médecine dite traditionnelle.

Les croyances sur la maladie et son traitement influencent toujours l’acceptabilité de la maladie et la perception de la gravité de ses complications [12]. C’est essentiellement la possibilité d’assumer son rôle social que l’individu prend en considération avant d’admettre qu’il est justiciable d’un traitement médicamenteux [3]. A travers les croyances sociales et culturelles, le médicament est un objet ambivalent, à la fois hai et recherché.

Pour commencer à se soigner après le diagnostic initial, il faut avoir l’intention de « guérir » (c'est-à-dire « intégrer psychiquement la maladie, l’assumer et l’accepter, sans avoir de réticences ou de résistances majeures à la combattre »). Il faut se sentir réellement menacé, être persuadé d’être bien malade, penser que les conséquences de cette maladie peuvent être graves, que suivre son traitement aura un effet bénéfique et que les bienfaits du traitement contrebalancent avantageusement les effets secondaires,

les contraintes physiologiques, sociales, et financières engendrées par le traitement [13]. L’acceptation de la maladie passe par le deuil d’un état antérieur de bonne santé et l’adaptation du patient à ses nouvelles conditions de vie, notamment dans le cadre des maladies chroniques chez les sujets âgés.

Le maintien du traitement dans le temps dépend de l’individu et de la responsabilité personnelle qu’il investit dans la mise en œuvre de son traitement. Il évalue les résultats de son action, décide (ou pas) de mettre en place des « mesures d’ajustement » ou de renoncer purement et simplement à son traitement. En ce qui concerne les personnes âgées, ce processus d’acceptation de la maladie et de motivation à se traiter ne se fait pas toujours.

II- PRESCRIPTION CHEZ LES PERSONNES AGEES A. Spécificité de la prescription

L’instauration d’un traitement chez les personnes âgées doit toujours prendre en compte le retentissement de la pathologie, plus variable et complexe que chez l’adulte jeune, ainsi que les modifications pharmacocinétiques consécutives au vieillissement. L’âge en soi n’est pas une contre-indication à la prescription d’un médicament, mais modifie les objectifs et les modalités du traitement. L’altération de la fonction rénale et l’hydratation sont les deux éléments à prendre en compte en priorité.

Avec l’âge, la filtration glomérulaire diminue régulièrement, mais la créatinémie seule devient un mauvais indicateur de la fonction rénale. La diminution de la filtration glomérulaire devrait entrainer une augmentation du taux de créatinine plasmatique, mais la réduction de la masse musculaire avec l’âge diminue la production de la créatinine. En conséquence, chez le sujet âgé, la diminution de la fonction rénale n’entraine pas forcément une augmentation du taux de créatinine plasmatique. Un taux normal de la créatinine est souvent faussement rassurant chez une personne âgée [14] et il existe presque toujours une insuffisance rénale fonctionnelle.

Il est important aussi de tenir compte de l’hydratation. Les signes de déshydratation (pli cutané, sécheresse de la muqueuse jugale et des aisselles, baisse du poids, baisse de la pression artérielle par rapport aux chiffres habituels, apparition d’une hypotension orthostatique) sont plus difficiles à retrouver avec l’âge. De fait, souvent, le patient âgé boit peu et se déshydrate rapidement, surtout en cas de diarrhées, vomissements, fièvre ou de coup de chaleur.

La prescription du médicament le plus adapté pour obtenir le meilleur bénéfice en minimisant les risques est un défi de tous les jours pour le praticien qui prend en charge une personne âgée. Chez les sujets âgés, ne doivent être prescrits que les traitements

nécessaires. Prescrire un ou plusieurs médicaments à une personne âgée n’est justifié que quand le traitement étiologique et/ou symptomatique d’une maladie aigue ou chronique permet soit la guérison, soit le soulagement des symptômes, soit l’amélioration de la qualité de vie et les objectifs thérapeutiques doivent être adaptés au patient [15]. Avant de prescrire un nouveau médicament, il faut toujours s’interroger sur l’opportunité de poursuivre les traitements préexistants.

Quand un patient sort de chez son médecin sans ordonnance, il peut ressentir de l’incompréhension de la part de son médecin, ou pire, croire que son médecin néglige sa maladie et ses symptômes. Mais, il faut garder à l’esprit, face à une personne âgée, que le soin ne se résume pas au médicament [16].