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Matériels et méthodes

A. Observance thérapeutique

En médecine, l’observance d’un traitement médicamenteux consiste en l’adhésion des patients à leurs traitements. C’est un mot technique qui ne fait pas partie du vocabulaire des patients. Dans l’« Evidence Based Medecine » [60], Haynes et Sackett ont délimité le sujet dans les années 1970 en donnant au mot observance la définition générale suivante : « l’importance avec laquelle les comportements (en termes de prise de médicaments, de suivi de régime ou de changements de mode de vie) des individus coïncide avec les conseils médicaux ou de santé ». En anglais, ce sont les mots

« adhesion », au sens d’« implication authentique et volontaire » [61], et « compliance », « tolérance d’un individu à une contrainte et capacité à se soumettre »,

qui sont utilisés dans le même sens que le mot observance. Le terme compliance amène à considérer le patient comme passif et soumis. La notion d’adhésion donne une place plus active au patient. De nombreux auteurs privilégient ce terme car il renvoie à l’idée d’un partenariat entre le médecin et son patient.

D’autres définitions ont été proposées pour définir l’observance : « le degré selon lequel le comportement d’un patient coïncide avec la prescription médicale en terme de prise médicamenteuse, de changement de style de vie, et de suivi des prescriptions ou recommandations médicales » [62], « sa participation active, impliquée, indépendante, rigoureuse et complice à une proposition thérapeutique éclairée », « la concordance de son comportement avec sa prescription médicale, en y incluant sa capacité à entrer dans un programme de soins, à poursuivre régulièrement le traitement et à prendre en compte les conseils fournis » [63], calculée par « le rapport entre le nombre de prises de médicaments effectives sur une période donnée et le nombre total de prises de médicaments prescrites sur cette même période » [64].

Des auteurs ont aussi ajouté les notions de persistance « qui définit la durée pendant laquelle les patients continuent à prendre leurs traitement » et d’implémentation « qui décrit la façon dont les patients persistent, gèrent et s’administrent leurs traitements, jour après jour » [65]. L’observance est un terme dynamique dans la durée, mais, aussi, face aux évènements de vie rencontrés par les patients au cours du traitement. Il est ainsi possible qu’un individu prenne son traitement sans oubli avec régularité, mais l’interrompe de façon prématurée. A l’inverse, un autre individu peut s’autoriser une amplitude d’horaire de prise plus importante, afin de répondre à ses besoins quotidiens (avec quelques oublis isolés), mais persiste au traitement plusieurs années.

En pratique, la mesure quantitative de l’observance porte sur : le nombre de prises, les doses, les horaires, les oublis de prises des médicaments, l’abandon définitif du traitement, la connaissance du patient des contre-indications en matière d’association (observance médicamenteuse), les changements de vie (régime, exercice physique), les comportements à risques (observance des règles hygiéno-diététiques), le contrôle du traitement, la capacité à se rendre aux rendez-vous pour la prescription et à renouveler son ordonnance et la réalisation des examens complémentaires prévus (observance de suivi) [66].

On parle surtout d’observance pour les pathologies chroniques, dont les traitements sont longs et contraignants. L’observance d’un traitement au long terme diminue en général au cours du temps, mais, ce résultat est variable selon les études [67] [68]. La fréquence et la gravité des rechutes sont augmentées pour ces pathologies lorsqu’il existe de fréquentes ruptures thérapeutiques.

Aussi, les taux d’observance dépendent du type de la pathologie. Les pathologies les plus étudiées autour du concept de l’observance sont l’HyperTension Artérielle (HTA), le diabète et l’hypercholestérolémie. Pour ces maladies, les traitements médicamenteux ont davantage un but de prévention des complications et des rechutes

faible. Ceci est en partie lié au fait que les récompenses qui résulteraient d’une bonne observance sont à envisager sur du long terme : se traiter pour ne pas avoir de complications dans le futur.

La non-observance est définie comme étant le « défaut de concordance entre le comportement des patients et les prescriptions médicales », « l’omission partielle ou totale de la prescription qu’il s’agisse des posologies, des horaires des prises ou des précautions liées au traitement », le plus souvent sous la forme d’une « non obéissance aux recommandations et une sélection inappropriée de médicaments par le patient ». La mauvaise observance thérapeutique empêche les praticiens d’avoir une bonne analyse de leurs prises en charge.

C’est la cause d’une diminution des effets thérapeutiques souhaités par les médecins prescripteurs (une perte de bénéfices immédiats et/ou à long terme), d’effets iatrogènes non envisagés par les pharmaciens (une augmentation des symptômes, une toxicité dose-dépendante, un risque d’effet rebond, des risques d’échappement thérapeutique, rechutes), d’une augmentation de la morbi-mortalité (des hospitalisations, l’évolution de la maladie vers des complications, des décompensations de maladies chroniques) et d’interventions chirurgicales.

La non-observance peut concerner l’ensemble du traitement ou être focalisée sur un des aspects. Globalement, 4 niveaux de non-observance médicamenteuse peuvent être définis : absence de prise médicamenteuse (le patient qui n’achète pas les médicaments prescrits), prise injustifiée (celui qui prend des médicaments non prescrits, en plus ou à la place de ceux prévus), erreur de dose et erreur dans l’horaire de la prise (celui qui « aménage » à sa convenance les éléments de la prescription en éliminant un ou plusieurs médicaments, en modifiant la posologie quotidienne ou la durée du traitement).

En définitif, il est difficile de définir clairement ce qu’est un patient observant en termes strictement quantitatifs. Il existe un consensus selon lequel un patient serait

« observant » s’il prend 80% de son traitement, chiffre qui est retenu dans le cadre des essais cliniques, et qu’il n’interrompt pas son traitement 2 semaines consécutives.

Selon S. Tessier, lors d’un colloque sur l’observance thérapeutique chez les personnes âgées en 2001 [69] « 90% de la non observance est sous forme de sous médication (doses, horaires, produits oubliés, etc.), le reste étant une surmédication », mais « ces estimations ne tiennent pas compte de l’automédication ». La fréquence de la non-adhésion chez les personnes âgées souffrant de pathologies cliniques sévères, notamment cardiovasculaires, concerne 40 à 60% de la population analysée [70].

Une observance de 20 % ou moins a été observée lors de ré hospitalisations pour un deuxième infarctus [71]. Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, la mauvaise observance est souvent celle des prescriptions hygiéno-diététiques. Les patients prennent seulement 70% des médicaments prescrits et les conseils concernant le régime, la surveillance du poids, l’exercice physique et le recours au médecin ne sont pas respectés [72]. Chez ces personnes âgées, une mauvaise observance peut mettre immédiatement la vie en danger, entraîner des examens et des escalades thérapeutiques dangereuses si elle est méconnue, et, multiplier les hospitalisations [73].

La non-observance a des répercussions au niveau économique : il est nécessaire de considérer les coûts directs, comme les coûts des traitements achetés et non utilisés, des escalades thérapeutiques, des explorations inutiles ou des hospitalisations induites, mais aussi les coûts indirects comme les arrêts de travail liés à la détérioration de l’état de santé. A titre d’exemple, pour le diabète, la non-observance de médicaments oraux entraîne des complications graves et coûteuses, parmi lesquelles les amputations et la cécité. C’est un problème de santé publique dans le monde entier, surtout dans les pays en voie de développement comme le Maroc. Il ne fera que s’amplifier à mesure que la

Les médecins et les pharmaciens jouent un rôle déterminant pour une bonne observance des patients. Ils ont pour rôle de bien expliquer les effets des traitements médicamenteux et de s’assurer que les patients prennent bien leurs traitements. Selon l’OMS [74], « optimiser l’observance médicamenteuse aurait plus d’impact en termes de santé mondiale que le développement de nouveaux médicaments et que n’importe quel autre progrès biomédical ».