• Aucun résultat trouvé

I. QUELQUES PRINCIPES DE SÉCURITÉ SANITAIRE

Ces organismes se doivent de respecter l’éthique de l’expertise qui a motivé leur création : - distinction entre experts et expertisés, - distinction entre experts et décideurs – excluant à la fois la confrontation et la connivence -, qualification de l’expert (un expert doit être reconnu par ses pairs), impartialité de l’expert (absence de conflits d’intérêt, indépendance par rapport aux industriels concernés), fixation de tous les objectifs explicites, communication de toutes les données à l’expert, instruction directe des éléments de la décision par le décideur.

Une fois le respect de ces principes acquis, l’expertise peut connaître trois degrés : l’expertise des connaissances (par des scientifiques), puis, s’appuyant sur la première, l’expertise des décisions possibles et des conditions de leur mise en œuvre (bilan de l’existence d’incertitudes) et, par la suite, l’expertise des décisions prises, souvent appelée évaluation et rarement opérée.

Si votre Rapporteur insiste sur les conditions de l’expertise, c’est parce que, selon la formule du Pr. Claude GOT, une expertise incomplète en matière de santé publique peut constituer un risque majeur.

Pour revenir au cas particulier de l’expertise en matière de santé et d’environnement, la notion d’expertise a été au cœur des dissensions qui ont agité l’AFSSET à partir de l’année 2005.

Pour la directrice générale de cette agence, la compétence et l’indépendance de l’expert doivent être également recherchées même si le nombre d’experts est trop restreint dans certains domaines.

Pour l’ancien directeur scientifique de l’Agence – qui partage ces objectifs – le choix final des experts pouvait incomber, faute de mieux, au conseil scientifique de l’Agence.

L’audition publique organisée par l’OPECST, le 6 décembre 2005 sur

« L’expertise scientifique » a notamment porté sur l’expertise scientifique au service de la décision publique.

A cet égard, trois préoccupations majeures sont apparues relatives à la reconnaissance de l’expertise et des experts, à l’indépendance de l’expertise comme des experts et à la procédure à retenir pour l’expertise scientifique.

Les enseignements à tirer de cette journée d’audition pour le domaine environnement et santé sont les suivants :

- face au besoin accru d’expertise ressenti par la société, la fonction d’expertise doit être valorisée pour attirer des jeunes et constituer un vivier d’experts liés à la recherche et de professionnels du secteur industriel, en particulier pour évaluer des risques ;

- l’organe d’expertise doit être indépendant vis-à-vis du décideur comme du secteur privé ;

- l’expert ou le collège d’experts doit également être indépendant (identification et résolution des conflits d’intérêt, protection vis-à-vis de l’institution à laquelle l’expert appartient) ;

- l’expertise gagnerait à être plus ouverte sur la société (transparence des procédures suivies, de la méthodologie adoptée et communication autour des avis rendus) ;

- l’expertise collective peut garantir la pluridisciplinarité et l’indépendance – à condition d’être une synthèse débattue et non la simple juxtaposition d’expertises individuelles ;

- l’expert doit éclairer le décideur, sans se substituer à lui ;

- l’expertise doit s’ouvrir à l’international (experts étrangers, experts français consultés par l’étranger) ;

- la place faite aux opinions divergentes d’experts, à la normalisation de l’expertise ou à l’harmonisation des décisions d’expertise constituent autant de points très discutés.

Pour résoudre tout ou partie de ces problèmes, l’idée de la création d’une Haute autorité de l’expertise, indépendante, a été parfois avancée comme, tout récemment, lors des débats dits du « Grenelle de l’environnement1», pour promouvoir une profonde amélioration de l’expertise.

Il s’agit maintenant de vérifier le respect des principes énoncés ci-dessus par les organismes ou experts chargés d’une mission d’expertise dans le domaine environnement et santé Sans préjuger les suites données aux propositions des divers ateliers du « Grenelle de l’environnement » dont celles de l’atelier 5 relatives notamment à la création d’une Haute autorité de l’expertise, il est intéressant de suggérer quelques pistes novatrices dont la nécessité de l’existence d’un garant de l’expertise et la nécessité de se mettre d’abord d’accord sur la signification de la terminologie employée avant de se lancer dans l’expertise.

Au terme des auditions de l’OPECST, il apparaît que chacun est demandeur d’expertises mais que les exigences imposées à celles-ci varient fortement ; c’est pourquoi il est plus facile de se mettre d’accord sur la nécessité de mener une expertise sur telle ou telle question que sur les modalités de réalisation de ladite expertise. Plusieurs exemples ont d’ailleurs montré que les querelles et les mises en cause surviennent à propos des modalités. Ainsi, bien souvent, le choix des experts à consulter comme l’ampleur de leurs références sont contestés, le rythme même de leurs travaux est suspecté.

1 Voir, en annexe 3, « Les réflexions et suggestions du rapporteur au vu des conclusions des débats dits du Grenelle de l’environnement ».

A l’intérieur même des modalités d’expertise, il est singulier d’observer que nombre d’expertises menées consistent en un recensement analytique ou non des travaux déjà réalisés mais très rarement en une nouvelle recherche, pas même en une nouvelle approche. De là naissent bien des malentendus qui dégénèrent en polémique qu’aucune haute autorité ne serait à même d’endiguer car l’intervention de celle-ci aurait du se produire en amont, c'est-à-dire au début puis au cours de l’expertise pour en corriger les éventuelles déviations.

Enfin, pour élargir le vivier d’experts potentiels, il serait bon que la participation de doctorants comme celle de chercheurs plus avancés soient valorisées au bénéfice de leurs travaux ou de leur carrière et que les enseignants-chercheurs deviennent des enseignants-chercheurs-experts. Sans tomber dans les excès de théâtralisation des conférences de citoyens, l’ouverture des enceintes d’expertise aux citoyens apparaît une saine nécessité, que ce soit pour poser une question nouvelle ou pour faire entendre une voix non experte au cours des travaux de l’instance d’expertise.

II. QUELLE RESTRUCTURATION POUR LES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ EN SANTÉ-ENVIRONNEMENT ?

Un premier constat s’impose : les missions de production de connaissances, d’exploitation de données, de veille, d’alerte et d’expertise sont très éclatées entre différents organismes.

Pourtant, l’article 3 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 avait fait obligation au Gouvernement de remettre au Parlement, dans le délai d’un an, un rapport proposant « la restructuration des organismes de droit public propre à éviter une confusion des missions et la dispersion des moyens de la veille sanitaire ».

Mais ce rapport est encore attendu près de dix années plus tard.

A part le transfert des compétences du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) et de celles du Haut Comité de la santé publique (HCSP), remplacé en 2002 par le Haut Conseil de la santé, au Haut Conseil de santé publique en 2004, la simplification n’a pas semblé constituer une priorité.

Le rapport de l’OPECST de 2005 avait noté aussi que le foisonnement comprenait des recouvrements de champs de compétences (INPES et ministères et AFSSA) mais n’excluait pas des « zones blanches » ou zones non couvertes en dépit des juxtapositions de compétences multiples ; c’est ainsi que la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) ne parvenait pas à embrasser tout son champ de compétence.

Ce rapport avait critiqué vivement la création de l’AFSSE, « agence aux compétences potentielles très larges et aux moyens des plus réduits, sans rapport avec les objectifs fixés » dont les compétences comportent « de nombreuses interfaces non rationalisées avec la plupart des organismes préexistants ». Un rapport sur la rationalisation du système d’expertise dans le domaine de compétence de l’AFSSE devait être établi dans les deux ans.

Le rapport de l’OPECST de 2005 avait trouvé surprenant que six ans après la création des agences sanitaires des matières non placées dans le champ de compétence de telle ou telle agence puissent encore exister.

Tel était le cas des produits chimiques « dont l’analyse n’a été ni organisée ni même prévue dans une perspective de risque général ».

Ce rapport soulignait avec raison que la distinction entre le milieu professionnel et le milieu de la vie quotidienne était de plus en plus dépourvue de consistance : « la même substance peut être utilisée en usine, à la maison par un bricoleur ou par des personnels chargés de l’entretien ou du nettoyage, etc… le recours incontrôlé à l’amiante a indiqué il y a déjà longtemps que beaucoup de risques ne se segmentent pas ».

Le rapport avait aussi attiré l’attention sur les produits phytosanitaires dans la mesure d’abord où la Commission d’étude de la toxicité des produits

antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés (Comtox) demeurait sous la tutelle du ministre de l’agriculture battant ainsi en brèche le principe de séparation entre l’évaluation et la gestion du risque ; dans la mesure ensuite où l’AFSSA n’avait compétence dans le domaine des produits phytosanitaires que si des résidus de ces produits se retrouvaient dans les aliments.

C’est pourquoi, après une série de rapports sur la présence de résidus de pesticides dans les milieux avec lesquels l’homme est en contact, les ministres en charge de l’écologie, de la santé, de l’agriculture, du commerce et de la consommation ont décidé, en 2003, de créer un Observatoire des résidus de pesticides ayant notamment pour mission de rassembler toutes informations sur les résidus de pesticides et d’estimer les niveaux d’exposition des populations.

Cet observatoire est un comité de pilotage associant la DGS, le DGAL, la DE, la DGCCRF, l’AFSSE, l’AFSSA et l’IFEN ainsi que, en tant que de besoin, d’autres instituts et agences publics concernés.

Au cours de l’identification des pathologies causées dans divers milieux par des substances et des produits chimiques, les qualités et les lacunes du système français et européen, public et privé, collectif et individuel, de veille et d’alerte sont déjà en partie apparues.

Un tour d’horizon des organismes en charge de la veille, de l’alerte et de l’expertise va compléter les informations réunies et permettre de suggérer des propositions d’amélioration.