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C. L ’INFORMATION DU CONSOMMATEUR

I. LES ÉTHERS DE GLYCOL

L’une des deux saisines de l’Office porte sur « Les problèmes posés par la fabrication industrielle des éthers de glycol, notamment du point de vue des enjeux économiques et de la protection des consommateurs ».

La commission des Affaires économiques et du plan du Sénat, à l’origine de cette saisine, a souhaité que soient rassemblées les informations scientifiques permettant d’évaluer la toxicité éventuelle de ces solvants en réponse aux inquiétudes de certains mouvements associatifs préoccupés par les risques toxicologiques de l’exposition aux éthers de glycol.

Cette saisine est à considérer au regard de la seconde sur les polluants d’usage courant. Cela signifie que les éthers de glycol seront analysés aussi comme une famille emblématique de substances chimiques, de par le développement de leurs utilisations et l’évolution des réglementations les concernant. Un aspect sera plus particulièrement développé, à savoir la manière dont les différentes expertises ont été menées et leurs recommandations mises en œuvre.

Après avoir relevé la présence des éthers de glycol dans nombre de produits de consommation courante et leur utilisation par de larges secteurs d’activité, les éthers de glycol seront situés à l’intérieur de la famille des solvants et leurs caractéristiques chimiques seront détaillées.

Les éthers de glycol sont présents dans de larges gammes de produits de consommation courante :

- peintures, encres, vernis, peintures pour artistes, teintures, colles et adhésifs,

- produits d’entretien (lave-vitre, décape-four, produits pour moquettes, liquides pour la vaisselle, décolleurs de papiers peints, décapants, détachants textiles…),

- fluides de coupe,

- produits phytosanitaires (herbicides…), - carburants aéronautiques,

- produits photographiques (révélateurs),

- produits cosmétiques (colorations d’oxydation, shampoings, laques, crèmes défrisantes, produits pour le visage et le corps, parfums désodorisants),

- médicaments.

De nombreux secteurs d’activité utilisent des éthers de glycol1 :

- vernissage métallique, fabrication d’emballage mécanique, peintures sur matières plastiques,

- industrie automobile : peintures de finition, - industrie aéronautique : peintures,

- industrie navale,

- industrie du bâtiment : peintures de charpentes, de bâtiments, - imprimerie : sérigraphie, offset, tampographie,

- industrie du meuble,

- fabrication de circuits imprimés, - industrie textile et teinturerie,

- ponts et chaussées : produits bitumineux, - emballage/transformation,

- maroquinerie/chaussures, - entretien, lavage de voiture, - coiffure, parfumerie,

- industries métallurgiques et métalliques (fraisage, tournage, rabotage),

- agriculture (la France est le troisième consommateur mondial de pesticides et le premier consommateur européen avec 5 kg/ha/an épandus sur les 18 millions d’hectares de terres cultivées),

- aéronautique (jet fuel), - photographie,

- industrie pharmaceutique (excipients).

1Voir le « Panorama de l’utilisation des solvants 2004 » établi par l’INRS.

Substances volatiles et légèrement odorantes, les éthers de glycol peuvent être utilisés à titre professionnel ou domestique sans que leur caractère nocif soit perçu par les utilisateurs.

Il existe environ 80 dérivés des éthers de glycol, dont 40 ont donné lieu à une exploitation industrielle dont les débuts remontent à 1930.

Chaque dérivé possède des propriétés toxicologiques particulières.

x Situation des éthers de glycol au sein des solvants organiques

«Un solvant sans risque, ça n’existe pas » (plaquette documentaire INRS, 2005)

Parmi les substances chimiques les plus préoccupantes, se trouvent les solvants répartis en quatre grandes familles :

- les solvants oxygénés : alcools (méthanol, éthanol*), glycols* (dont éthylène glycol…), cétones (acétone, méthyléthylcétone…), éthers-oxydes (étherdiéthylique, tétrahydrofurane…) dont les éthers de la série E éthyléniques à deux atomes de carbone en C2 et ceux de la série P propyléniques en C3, esters, esters carboxyliques, acétates, lactates ; soit plus de 52% des solvants utilisés en France ;

- les solvants hydrocarbonés : hexane, hydrocarbures aromatiques dont le benzène, le toluène, le xylène, les solvants pétroliers dont les essences spéciales type White-spirits, ainsi que l’essence de térébenthine, le limonène…

qui sont des terpènes ;

- les solvants halogénés : hydrocarbures chlorés – dichlorométhane ou chlorure de méthylène, trichloroéthylène, le « trichlo », tétrachloroéthylène, le « perchlo », chlorobenzène… ;

- les solvants particuliers : amines, amides (DMF), sulfoxydes (DMSO)…

* Les noms usuels des glycols se terminent toujours par « glycol » mais les noms officiels de plusieurs d’entre eux se terminent par « éthanol » (voir ci-dessus la « nomenclature et la classification selon le type de toxicité des principaux éthers de glycol » et, en annexe 5 le glossaire des substances et produits chimiques).

Ces solvants présentent des risques pour la santé : les affections communes à l’ensemble des solvants sont les effets neurotoxiques centraux (ébrieux et narcose) et périphériques (polynévrites), les irritations de la peau et des muqueuses, des atteintes hépato-rénales ou touchant la reproduction.

A noter que ces solvants présentent aussi des risques d’incendie ou d’explosion et des risques pour l’environnement.

x Les caractéristiques chimiques des éthers de glycol au sein des éthers-oxydes

Les éthers de glycol font partie de la famille chimique des éthers-oxydes dont les principales caractéristiques chimiques simplifiées sont les suivantes :

Les éther-oxydes, autrefois dénommés simplement éthers, ont pour formule générale R1-O- R2 dont la structure dans l’espace est la suivante :

Ce sont des solvants aprotiques (qui ne donnent pas de protons H+).

Solubles à la fois dans l’eau et les graisses, très utiles en synthèse organique comme milieu réactionnel dans les conditions standards, les éthers-oxydes sont, pour les premiers termes, des liquides volatils. Leurs températures d'ébullition sont très inférieures à celles des alcools. Cela n’est plus vrai pour les éthers de glycol qui ont un haut point d’ébullition.

La solubilité dans l'eau des éthers-oxydes ayant des chaînes carbonées courtes est très grande jusqu’à quatre atomes de carbone, mais devient très faible au-delà de douze atomes de carbone. Du fait de leur miscibilité avec beaucoup de produits organiques et certains produits minéraux, ces éthers-oxydes sont très utilisés comme solvants.

Cette molécule d’éther-oxyde présente deux liaisons covalentes carbone-oxygène et deux doublets libres sur l’atome d'carbone-oxygène qui peut aussi fixer un proton en donnant un cation oxonium chargé positivement.

Il peut y avoir rupture de la liaison C-O, en présence d'halogénures d'hydrogène, principalement avec l’acide iodhydrique ou bromhydrique :

¾ Trois exemples d’éthers-oxydes

Les éthers-oxydes aliphatiques (non cycliques)

Éther-oxyde (di)éthylique

Également appelé oxyde de diéthyle ou éthoxyéthane : CH4 H10O CH3 — CH2 — O — CH2 — CH3 ou C4H10O.

Dans le langage courant, cet éther-oxyde est souvent désigné sous le terme d'éther (ou éther sulfurique ou éther éthylique. Il a été utilisé en médecine pour ses propriétés anesthésiques et antiseptiques et pour sa capacité à dissoudre les colles (résidus de pansements adhésifs).

Aujourd'hui, il est remplacé pour l'anesthésie humaine par des produits moins inflammables.

Actuellement, il est surtout utilisé comme solvant pour les extractions et les synthèses chimiques.

La première synthèse aurait été réalisée par l’alchimiste Valerius CORDUS en 1540.

Méthylterbutyléther ou méthoxy-2-méthylpropane (MTBE)

Le MTBE (de sa dénomination anglo-saxonne methyltertiobutylether) est utilisé pour augmenter l'indice d'octane des carburants. Son utilisation est remise en cause du fait de sa transformation dans l’organisme humain en formaldéhyde, molécule mutagène et cancérogène chez l’homme (groupe 1 du CIRC). Néanmoins, c’est un bon produit de remplacement de l’éther-oxyde diéthylique car, en présence d’oxygène, il ne forme pas de peroxydes explosifs.

Les éthers-oxydes cycliques

Les époxydes

Les époxydes ou oxacyclopropanes sont des éthers cycliques à trois atomes. Ce sont des composés utilisés en synthèse organique du fait de leur forte réactivité (synthèse de certains plastiques et des résines). En revanche, en tant qu’agents alkylants (donneurs de groupements organiques hydrocarbonés) beaucoup d’entre eux, en particulier l’oxyde d’éthylène (CH2-O-CH2) sont souvent des produits mutagènes et cancérogènes. Ainsi, l’oxyde d’éthylène, agent de désinfection courant (milieu hospitalier, traitement des épices) conduit chez l’homme à des leucémies.

Le tétrahydrofurane (THF)

Le tétrahydrofurane, éther-oxyde cyclique à cinq chaînons, est un solvant incorporé dans les résines, colles et vernis. Il est utilisé en chimie comme solvant d'extraction et milieu réactionnel. Il semble peu toxique mais son odeur

particulière peut fortement incommoder certaines personnes (hypersensibilité olfactive aux produits chimiques).

Les éthers-couronnes

Représentation tridimensionnelle

Un exemple d’éther-couronne

C’est une famille chimique de découverte assez récente qui, avec les cryptates, a valu le Prix Nobel de chimie en 1987 à MM. Charles J. PEDERSEN, Donald J. CRAM et Jean-Marie LEHN (CNRS, Strasbourg).

Les plus simples ont 4, 5 ou 6 ponts oxygène. Leur cavité centrale permet de piéger des cations tels que Na+, Li+, K+, NH4+, d’où leur utilisation comme agents chelatans.

Des éthers-couronnes plus complexes ont de 8 à 30 atomes d'oxygène et peuvent avoir des propriétés intéressantes.

Ce sont des composés dont la toxicité est imparfaitement explorée ce qui nécessite d’être prudent.

Les éthers de glycol

Les éthers de glycol, objets de cette partie du présent rapport, sont des dérivés de l'éthylène glycol, composé à deux atomes de carbone ou du 1,2-propylène glycol, composé à trois atomes de carbone.

Ce sont des liquides incolores et volatils qui dégagent une odeur agréable.

Ils se dissolvent dans l'eau et dans les graisses (molécules amphiphiles) et traversent de ce fait facilement la barrière cutanée et les muqueuses.

Comme déjà signalé, ils sont beaucoup utilisés comme solvants : vernis, peinture, colles, détergents, traitements anticorrosion, fluides de coupe, dégraissant, mais aussi dans des produits domestiques (nettoyants pour vitres…), cosmétiques et parfois pharmaceutiques.

Les éthers de glycol présentent une toxicité immédiate (toxicité aiguë assez faible, irritations, légers effets neurotoxiques…). En revanche, à long terme pour des personnes manipulant de grandes quantités de ces solvants (notamment les ouvriers des usines), on peut observer des atteintes graves dans le foie et les reins, le sang, mais surtout dans la reproduction tant féminine que masculine mais aussi dans la santé de la descendance des personnes intoxiquées.

Plusieurs éthers de glycol sont interdits d'importation dans l’Europe. Parmi les principaux effets toxiques, figurent :

x destroubles de la fertilité,

x des cytopénies sanguines (atteintes des globules rouges, des globules blancs ou des plaquettes) généralement réversibles, qui disparaissent à l'arrêt de l'exposition,

x une atteinte génétique : certains éthers pénètrent dans les cellules jusqu’au noyau et en modifient le patrimoine génétique.

¾ Procédés de fabrication des éthers-oxydes

yPar la synthèse de WILLIAMSON

Selon la méthode de WILLIAMSON, un halogénure d’alkyl (R1-X avec X=C1, Br ou I) est traité par un anion alcoolate (R2O-) ou phénate (Ar- O-).

L'ion alcoolate est formé à partir d’un alcool, par exemple, par l’action d’un métal alcalin (sodium Nao, potassium Ko) ou par action d’hydrure H-. Les ions alcoolates ne sont pas stables dans l'eau, aussi on effectue la réaction dans l'alcool correspondant à l'alcoolate. On peut utiliser aussi d'autres solvants polaires, comme le diméthylsulfoxyde (DMSO) ou le diméthylformamide (DMF).

La synthèse de WILLIAMSON est limitée aux halogénures primaires ; en effet, pour les halogénures secondaires ou tertiaires, la réaction concurrente d'élimination devient majoritaire. Le rendement est souvent très faible. Il existe des synthèses de WILLIAMSON intermoléculaires ou intramoléculaires, ces dernières conduisant à la formation d'éthers cycliques comme indiqué ci-dessus.

yPar la synthèse par déshydratation d'un alcool

Le chauffage modéré (vers 140° Celsius) d'un alcool en présence d'un acide fort (généralement l'acide sulfurique) provoque la déshydratation de l'alcool, avec formation d'un éther-oxyde. Il s'agit d'une déshydratation intermoléculaire d'équation :

Le tétrahydrofurane mentionné ci-dessus peut être synthétisé par ce procédé à partir du butan-1,4-diol mis en présence d’acide sulfurique concentré.