• Aucun résultat trouvé

Le renfort épisodique des pouvoirs publics, et des associations

Chapitre II Urgence du défi « déchets » à Dakar

2.2.3 Le renfort épisodique des pouvoirs publics, et des associations

Parallèlement à la collecte officielle, les pouvoirs publics par le biais des certains démembrements de l’appareil étatique, mènent ponctuellement des opérations de collecte des déchets entassés dans des dépôts anarchiques, notamment ceux qui essaiment dans tous les coins de la capitale notamment durant les périodes de crises. Ce sont les réponses officielles au franchissement des fameux seuils d’insalubrité admis pour la capitale.

Ces opérations ne datent pas d’aujourd’hui : en 1928 déjà, dans le cadre des mesures sanitaires, et alors qu’il existait déjà un service de collecte des déchets, le Service d’Hygiène renforcé de trois cents militaires procéda au nettoyage de la ville de Dakar et de l’île de Gorée afin d’éliminer les dépôts anarchiques de déchets qui favorisaient le développement des gîtes à larves, responsables de la prolifération du paludisme1. Après la seconde guerre mondiale des opérations du même type dénommées AUGIAS étaient menées par le Gouverneur de la région de Dakar, à l’époque où ce dernier bénéficiait de toutes les prérogatives pour pallier aux manquements des services municipaux de la Commune de Dakar. Ce fut aussi le cas entre 1984 et 1985 ou suite à la cessation d’activités de la SOADIP, ce furent le Génie Militaire et les services techniques communaux qui assurèrent l’enlèvement des ordures de la capitale. Pendant les années d’intervention de la SIAS aussi, les Services techniques communaux se sont vues impliqués ponctuellement pour dans la collecte des ordures de la ville, afin de suppléer aux manquements ou aux dysfonctionnements de l’organisme qui avait en charge cette question.

Durant toutes les périodes, les services de l’Etat (le Service d’Hygiène ou l’armée) ont été sollicités (mobilisés) pour venir en aide, soit aux services municipaux, soit aux entreprises de collecte privées devant leurs difficultés à assurer convenablement le service de la collecte. Les mêmes procédés ont d’ailleurs été reconduits durant une période plus récente, que ce soit celle du NSN mais aussi quelques semaines seulement après l’entrée en action de la société AMA en 2001, sanctionnant ainsi ses limites dans son action. Pour éradiquer certains dépôts sauvages trop visibles, ces interventions « villes propres » ciblent surtout les quartiers du centre ville et des banlieues populaires notamment les axes de communication les plus fréquentés.

Ces actions initiées par les autorités gouvernementales pour remédier de manière ponctuelle à la prolifération des dépôts anarchiques, sont le plus souvent menées lors des pics dans le développement des dépôts sauvages. Ces pics exposent la ville à des risques plus accrus de déclaration d’épidémies liées à l’hygiène (choléra). Elles peuvent aussi viser certains équipements sociaux tels que les gares routières, et se coupler à des opérations de désengorgement ou de désencombrement de certaines artères du centre-ville avec le soutien logistique des directions concernées. Mobilisées, ces directions essaieront alors de rivaliser d’ardeur et de zèle, en impliquant par le lobbying des sociétés privées qui à leur tour et par ce biais se positionneront pour l’attribution ultérieure de quelques faveurs notamment dans l’attribution des marchés publics. C’est dans la même optique que s’inscrivent les opérations de démolition d’installations illégales dans le centre ville ou dans certains quartiers comme celle menée le 10 mars 2002 par les autorités préfectorales qui, avec les moyens logistiques (bulldozers) des… Travaux Publics, et dans le cadre de la lutte contre l’encombrement de la

ville ont rasé un ensemble d’échoppes implantées sur les avenues Peytavin et Jean Jaurès non

loin du fameux marché Sandaga, afin de donner à la capitale un beau visage (…).

1

114

Pour ne pas être en reste, d’autres structures gouvernementales telles que l’APRODAK organisent parfois de manière sporadique et en grande pompe, pareilles sorties.

En marge de ces motivations, sont aussi très souvent menés de grands toilettages en prévision de manifestations nationales ou internationales d’envergure, auxquelles doivent assister des personnalités étrangères (chefs d’Etats, ministres, ambassadeurs et autres membres des corps diplomatiques). Mais si ces opérations qui se renouvellent souvent à l’approche de grands évènements1 peuvent sembler sur le moment salutaires car permettant à la capitale de respirer un peu mieux, les limites de ces « coup d’épée dans l’eau », sorte de traitement placébo apparaissent aussi très rapidement. Les dépôts anarchiques renaissent en effet très vite de leurs cendres, alors que tel un éternel recommencement de nouvelles installations irrégulières refleurissent sur les ruines des anciennes.

Beaucoup d’associations s’investissent aussi dans ces questions, lorsque la salubrité dans les quartiers ou équipements, commence à être entamée par des rejets divers. Aussi bien pour des équipements sociaux (CEDEPS2, écoles), lieux de transit de biens et personnes (gares ferroviaire et routières), que pour pôles marchands comme les marchés urbains et hebdomadaires, élèves, mouvements de jeunes, transporteurs et commerçants, regroupés ou non en associations d’usagers, procèdent ponctuellement à l’enlèvement de dépôts de déchets en formation ou en extension. Un quartier ou un axe routier fréquenté est alors investi durant des journées dites « d’investissement humain », dédiées à apporter une contribution à la résorption de la plaie des dépôts anarchiques d’ordures.

Ces actions de propreté menées par des usagers préoccupés par la dégradation des conditions de salubrité, bénéficient là aussi souvent l’appui de sponsors. Démembrements étatiques, personnalités politiques ou patrons d’entreprises, proposent ou financent la location des moyens logistiques (bennes, camions, petit matériel) pour les opérations.

Si elles sont généralement de bonne foi, il arrive aussi pourtant que les véritables raisons de cette gravitation du milieu associatif ainsi que de la sphère politique dans le milieu « déchets solides », soient souvent inavoués. Certaines cherchent à travers de tels investissements humains et / ou financiers à justifier leur existence, ou alors montrer leur légitimité en se positionnant comme des acteurs non virtuels du secteur du nettoiement (opérations du 09 avril et du 09 septembre 2001 sur la VDN).

Signalons aussi qu’à une échelle plus réduite, de telles opérations de nettoiement sont aussi menées dans les établissements et lieux d’habitation spéciaux que sont les casernes et camps militaires. Que ce soit de manière spontanée ou avec l’incitation de la hiérarchie militaire, les associations de résidents mènent souvent des opérations de propreté dans l’enceinte des casernes, afin d’enlever gravats, volumineux, et dépôts d’ordures en formation.

1

Elles ont souvent en ligne de mire certains évènements tels les conférences internationales qui se tiennent dans la capitale, les visites présidentielles, la célébration de la fête de l’Indépendance… Les délégations sont alors accompagnées par la presse, dont les caméras braquées sur la capitale ne manqueraient pas de dévoiler puis de révéler au monde tout dysfonctionnement , dont quelque aspect peu glorieux de la gestion de l’assainissement solide.

2

115 2.2.4 Intervention de quelques ONG.

C’est principalement l’exclusion de certaines populations de la collecte officielle des déchets ménagers, qui a poussé un temps certaines associations et ONG à s’impliquer dans ces questions de salubrité publique. Ainsi, ENDA qui entendait réduire la prolifération de ces points de rejet illégaux à Rufisque, y a mis en place dés 1991 un projet alternatif de collecte des déchets (environ 35 tonnes/jour ) par le biais de charrettes de précollecte. Le système était complété par l’établissement dans la zone d’une aire de compostage des déchets collectés, compost visant principalement comme acheteurs potentiels les producteurs maraîchers de Rufisque et Mbao.

L’ONG fournissait les charrettes et les animaux de traction (ânes ou chevaux) et les charretiers étaient là aussi rémunérés 25 FCFA la poubelle, une partie des sommes récoltées étant reversée au GIE. Mais si l’initiative avait au départ suscité l’engouement des populations, l’absence de débouchés pour le compost produit, ainsi que le caractère incomplet du système handicapèrent sa bonne marche. Les charretiers en déchargeant dans des dépôts non autorisés ne participaient pas à l’éradication des points noirs, alors que les tarifs appliqués pour le ramassage des ordures en passant de 25 à 35 FCFA en l’espace de quelques mois, dissuadèrent très vite nombre d’habitants au revenu déjà assez modeste à pérenniser leur

abonnement. Malgré ses résultats décevants, cette expérience tentée à Rufisque de manière

formelle par l’ONG Enda-Tiers Monde, sera par la suite, repris par l’Etat sénégalais, qui à travers le Ministère de l’Environnement avait à un moment encouragé l’utilisation des ces charrettes à traction animale (voir quatrième Partie).

116

3. Récupération, recyclage et/ou valorisation des déchets solides. D’après MAYSTRE (1994), la valorisation d’un déchet recoupe

- toute action qui permet d’en tirer de l’énergie

- toute action qui permet de trouver un nouvel usage à la matière qui le compose

- toute action qui permet de tirer une matière première secondaire utile à la fabrication du même bien

- toute action qui permet de trouver un nouvel usage ou qui permet à un déchet de redevenir utile pour d’autres.

Voyons quelle est en la matière, la situation à Dakar.

3.1 Officielle et/ou industrielle

Il n’existe à ce jour aucune structure ou entité officielle en charge de la récupération ou de la valorisation des déchets solides produits par la ville de Dakar. Pourtant, le contrat liant le gouvernement sénégalais à la Société AMA prévoyait le financement par cette dernière de trois unités de triage-compostage (que la SOFRESID serait invitée à construire). De même, plusieurs pistes avaient aussi été avancées telle l’implantation d’une unité de traitement global avec possibilité de production d’électricité, de méthane ou de compost sans que celles-ci n’aient été davantage approfondies. On reviendra dans les parties à venir sur l’expérience de l’usine de compostage de Mbao construite en 1967 qui n’a duré qu’environ trois années : d’une capacité de 140 tonnes / jour, elle n’a jamais pu fonctionner en continue du fait de la faiblesse de la production organique de déchets. Son exploitation n’étant pas rentable, elle arrêta de tourner des 1970.

Quant à la récupération privée industrielle, on verra son fonctionnement dans la quatrième partie de l’étude.

1

PDM-PSE-ENDA 2001. Le secteur du recyclage au Sénégal pour les filières métal et plastique. Etat des lieux et perspectives au vu d’un

117 3.2 Informelle

Le Sénégal traverse depuis quelques années une situation économique morose. La petite embellie constatée dans le secteur privé, cache mal la faiblesse des politiques publiques sociales, dont certains indicateurs comme l’éducation, la santé, la nutrition et l’approvisionnement en eau potable ont inversement connu un recul drastique. « Les dépenses

publiques allouées aux services sociaux de base tournent autour de 11 % du budget national soit un gap de 9 point de pourcentage par rapport à l’objectif des 20 % »1.

Dans un pays en proie à la crise économique, la récupération-valorisation s’impose donc de plus en plus comme un secteur à part entière de « l’économie de la débrouille ». Cet artifice socio- économique permet à des couches entières de la population de « maintenir la tête hors de l’eau ». L’auteur KEN BUGUL2 a dans son roman, donné une bonne illustration de cette percée de la récupération de déchets, dans une ville de Dakar fardée en « Yakar ». Devant leur désillusion face à ce qui constituait naguère l’Eldorado dakarois, des ruraux sénégalais, candidats migrants vers la capitale n’eurent d’autre alternative que de se rabattre sur l’or que constituent les déchets : « C’est dans cet amas de pourriture, la « montagne sacrée », que les

plus démunis puisent leur nourriture et divers objets à revendre pour survivre ». La ressemblance avec la réalité est pour le moins déconcertante.