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Tous les chemins mènent vers Dakar :

Carte 1. Découpage administratif de la République du Sénégal 1 . Source CSE

2. Dakar en panoramique ou le reflet du déséquilibre territorial

2.2 Et dans ses entrailles, côté face

2.2.1 Tous les chemins mènent vers Dakar :

2.2.1.1 Difficultés du transport : questions de mobilité urbaine.

Pour atténuer l’embolie du secteur du transport routier dakarois et les impasses devant lesquelles l’exiguïté de la ville l’acculait, c’est par « petites touches » qu’intervenaient jusque là, les techniciens du Ministère des Transports et des directions compétentes. Périodiquement, quelques portions du réseau routier étrennaient leur revêtement bitumé, alors que d’autres étaient remises en état. Parallèlement on assistait à de fréquentes réorganisations des sens de circulation, notamment pour l’accès au centre névralgique du Plateau.

Entreprise depuis 2002, la nouvelle politique de rénovation de la voierie urbaine et de réalisation d’infrastructures routières à Dakar, s’est inscrite dans un projet plus global et plus ambitieux de redéfinition du système actuel de transport.

Le Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU) est piloté par l’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR). Son volet infrastructures routières dont l’étendard demeure sans doute le Tunnel de la Corniche Ouest, devait marquer l’engagement des pouvoirs publics à parvenir à une fluidification durable de la mobilité urbaine. L’élargissement et la modernisation de la VDN, la rénovation de l’autoroute Dakar-Pikine, la construction d’une autoroute à péage Dakar-Diamnadio, ainsi que construction de nombreux échangeurs figurent parmi les réalisations prévues. Elles doivent aussi bien permettre une meilleure liaison de la capitale avec son aire d’influence et le reste du pays, que soulager la ville de ses traditionnels et permanents embouteillages. Selon DIOP (2004, 185) des estimations du Gouvernement sénégalais ont chiffré les pertes engendrées par les dysfonctionnements dans la circulation à Dakar et les embouteillages, à environ 108 milliards de FCFA en terme économique et sanitaire1.

Cette impression de permanente congestion du Plateau s’explique aussi par l’ampleur et l’intensité des migrations pendulaires vers la capitale, qui se mesure à l’aune des difficultés que rencontrent dés le matin les citadins, pour rallier leur lieu de travail et notamment le centre-ville. Les usagers ont en effet acquis l’habitude de progresser par pallier vers le secteur du Plateau à l’image du système de correspondance en place dans les villes équipées de réseaux de transport denses et complémentaires. Mais la comparaison s’arrête là2.

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DIOP A, (2004). « Villes et aménagement du territoire au Sénégal ». Thèse de doctorat d’Etat. UCAD-DAKAR 404 pages. 2

A pied, en taxi classique, taxi-clando ou en cars rapide, ils rallient les « garages » ou autres gros points de captage de voyageurs, où la place dans une voiture se paie au prix fort…et parfois au prix de franches coudées.

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Photo 5. Echangeur et rond-point à l’entrée du Plateau à hauteur de la caserne des Sapeurs Pompiers de l’avenue « Malick Sy ». (Cliché Diawara A-B 2008)

L’intensité de la circulation automobile et la condensation des embouteillages, témoignent d’une agglomération qui semble suffoquer sous le poids de sa macrocéphalie, et apparaît sous dimensionnée1. Cette situation est renforcée par la faiblesse ou l’absence de signalétique urbaine : feux tricolores, marquages au sol, panneaux de signalisation ou d’indication sont très peu présents ou fonctionnels etc. L’état général défectueux des ruelles même bitumées, ainsi que les variables appréciations du règlement routier par les automobilistes dakarois participent aussi à cette situation, qui engendre blocages et ralentissements dans les artères.

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Le centre-ville, principal lieu de convergence semble étouffer sous le poids démographique alors que les activités en tout genre y maintiennent une impression de rues et ruelles bondées en permanence et dédiées à l’informel.

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Photo 6. Le cœur du Plateau : l’avenue Ponty et ses permanents embouteillages en journée. (Cliché Diawara A-B 2007)

S’agissant du réseau routier, quelques grandes pénétrantes, en franchissant la rocade Fann-Bel-Air, assurent l’accès au Plateau :

- l’Autoroute qui débouche sur l’Avenue Malick Sy puis Lamine Guèye. En amont, elle amont capte à hauteur de la Patte- d’oie1 le flux provenant de la route de Pikine (via cité « FAYCAL »), et récupère aussi le trafic en provenance des quartiers de la banlieue Nord (Guédiawaye, Hamo,Parcelles Assainies…)

- la Route de Rufisque ou Boulevard du Centenaire de la Commune de Dakar débouchant sur la zone portuaire,

- la Voie de Dégagement Nord (VDN) et la Route de Ouakam, se jetant sur Blaise Diagne par l’Avenue Cheikh Anta DIOP ou bifurquant par la Corniche Ouest.

- La Route de la Corniche Ouest qui permet justement d’accéder au Plateau.

- Et enfin l’Avenue de la Liberté et la Rue 13, qui par le Boulevard Général De Gaulle et l’Avenue Faidherbe, atteignent le Plateau via les allées Papa Guèye Fall.

Souvent saturés, ces cinq grands axes parviennent difficilement à absorber la quasi-totalité des flots d’automobiles qui converge vers le centre-ville.

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Une 2 x 2 voies par ailleurs et pour la circonstance, transformée tous les matins de 6h30 à 9h30 en voie à direction unique dans le sens Pikine – Patte-d’Oie. Si cette réorganisation temporaire en fluidifiant le trafic sur cet axe névralgique, permet un meilleur accès au centre-ville, elle ne manque pas de causer certains accidents dus notamment au non-respect des horaires d’application.

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Toutefois, la crise du secteur des transports urbains dans un contexte d’étalement spatial de la ville reste aussi accentuée par la vétusté du parc automobile, et notamment celle des véhicules de transports en communs, facteur qui influe directement sur l’offre de service. Les taxis urbains (de couleur jaune et noir), les Cars Rapides (Véhicules SAVIEM SG2) et

Ndiaga-Ndiaye (Mercedes 508), représentent le secteur privé des transports de transport en

commun. Assurant le gros des transports collectifs de voyageurs, ils déchargent aux terminus de Pétersen et Lat-Dior avant d’emprunter le chemin inverse et refaire le même circuit. Néanmoins ils subissent de plus en plus la concurrence de taxis clandestins collectifs de la banlieue appelés clandos1, bannis du centre ville et qui déversent leur clientèle dans les faubourgs de la capitale.

Photos 7 & 8. A gauche Terminus des cars de transport en commun « Ndiaga-Ndiaye ». A droite, station de Cars-Rapides.(Clichés Diawara A-B 2008)

Ces moyens de locomotion représentent environ 75 % des modes de déplacements pour le secteur du transport routier de voyageurs de l’agglomération dakaroise. En 1995, les transports collectifs assuraient 53 % des déplacements, alors que seuls 10 % des ménages disposaient d’une voiture particulière.

C’est qu’en réalité, la faiblesse de l’offre officielle pour le transport en commun routier, ne participe pas vraiment au désengorgement de la capitale. Cette offre officielle est assurée par la société Dakar-Dem-Dikk (DDD) héritière de la défunte SOTRAC, dont les bus bleus sont fabriqués au Sénégal sous licence de la marque indienne Tata. Si ses bus assurent 25 % des transports en commun routier, ce chiffre masque difficilement la médiocrité du service qui s’illustre par les difficultés dont sont coutumiers les usagers de DDD pour leurs déplacements. Irrégularité, voire caractère aléatoire des horaires de passage, longs temps d’attente, entassement dans les bus source de désagréments divers (vols, proximité masculine

volontaire dont se plaint souvent la gente féminine) sont généralement de mise.

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Les clandos un peu plus discrets et moins « flagrants » de Liberté 6, Sacré-Cœur ou encore Mermoz seront tacitement autorisés à accéder au Plateau, alors que ceux de Pikine et de la lointaine banlieue, plus vétustes sont tenus de ne pas « franchir » la périphérie du département de Dakar en direction de l’ouest (Castors, Grand-Yoff, Hann…)

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Photo 9. Garage « clandos » dans la banlieue de Dakar. Noter l’état de vétusté avancé des véhicules,

mais aussi l’absence de revêtement du parking, ainsi que…la profusion de petits déchets. Ces éléments concernant l’équipement gare de transport seront plus amplement abordés dans l’étude.

(Cliché Diawara A-B 2008)

A ces contraintes dues à la déliquescence, la vétusté et l’insuffisance du parc roulant de DDD1, vient s’ajouter la pollution atmosphérique symptomatique des grandes métropoles des pays en voie de développement, dont une part est imputable aux fumées d’échappement des véhicules motorisés, observées plus densément aux heures de pointe. Ces polluants atmosphériques dont les fumées noires, poussières, particules fines ou particules en suspension proviennent essentiellement des transports routiers (et de l’industrie). D’après SALOMON (2003,15) ils sont principalement constitués dioxyde d’azote (NO2) émis aux

deux tiers par la circulation routière, -transports urbains et les poids lourds-, l’ozone (O3), le dioxyde de soufre (SO2), ainsi que le monoxyde de carbone (CO).

On est loin des niveaux du Caire ou de Mexico. Mais la pollution atmosphérique de la capitale sénégalaise peut à l’image de la situation des villes des pays en voie de développement, très vite s’apprécier à travers l’émanation « libre » des gaz et fumées industrielles, et du rejet peu réglementé des fumées d’échappement d’automobiles2.

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Qui par ailleurs est régulièrement vandalisé par les manifestants lors des contestations qu’elles soient estudiantines ou autres. Ces phénomènes déjà perceptibles à l’époque de la SOTRAC.

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On est en effet très loin des normes en vigueur en Europe sur le rejet des moteurs notamment diesel (les plus polluants) : en sept ans 1993-2000 les normes sont passés de 0,36g à 0,1 g/ kw pour les véhicules et ne cessent de se durcir avec des prévisions de passage aux normes 3,4, et 5. Quant aux rejets industriels, des organismes comme la DRIRE veille au respect des normes même si une enquête a montré que 43 % des sites contrôlés en 2005 respectaient l’ensemble de leurs valeurs limites de rejets. (Actualité News Environnement Juillet 2006).

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Photo 10. Bus de transport en commun officiels de la société Dakar-Dem Dikk (DDD) au terminus « LECLERC » sis au port.(Cliché Diawara A-B 2008)

Ces émanations reflètent l’état vieillissant d’un parc constitué principalement de voitures d’occasion. Généralement dépourvues de pots catalytiques, ces véhicules importés d’Europe roulent sans les garanties techniques que procure un contrôle officiel.

La pollution atmosphérique semble préoccuper les pouvoirs publics ; elle a présidé à la création d’organismes de contrôle et de mesure de la qualité de l’air pour Dakar et l’ensemble des régions du pays. Dépendant du Ministère de l’Environnement et du Service de la Météorologie, ils produisent les bulletins liés à la climatologie et à ses évolutions locales, et établissent ensemble des fiches de pollution. Toutefois cette production de données n’a jusque là pas réellement contribué à remédier à ces phénomènes de pollution, qui impliquent le fonctionnement socioéconomique même des villes du sud : niveaux d’exigence peu élevés en gestion du cadre de vie, omniprésence des mécanismes informels, effacement institutionnel etc.

Ce tableau des transports routiers, est complété à Dakar par l’omniprésence dans les centres de véhicules motorisés à deux roues (mobylettes et scooters) foulant au pied tout règlement sur les nuisances sonores : l’absence de pots réducteurs de bruits est quasi systématique chez ces véhicules. Avec les charrettes à traction hippomobile (ralliant de petites distances pour des tarifs allant de 25 à 50 Fcfa), ils disputent la chaussée aux automobiles1, et défient allègrement les codes de la conduite routière.

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«C’est une voie publique, et puis ceux qui sont à l’intérieur des automobiles ne sont pas plus importants que nous… », s’écrient souvent les conducteurs de cyclomoteurs mais surtout passagers des charrettes, exaspérés par les invectives des autres chauffeurs.

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Le secteur régional de transport ferroviaire de voyageurs, est représenté par le Petit Train Bleu (PTB) inauguré en 1987, et qui assure la mobilité d’environ 11 000 passagers par jour. Il constitue l’équivalent du RER (en Europe), avec toutefois une ligne unique reliant Dakar à Rufisque le long d’un axe Hann, Pikine, Thiaroye et Mbao-Rufisque. Si le transport inter urbain par le rail semble donner des motifs de satisfaction, son développement devra néanmoins passer par une modernisation des infrastructures, une multiplication des dessertes mais aussi, par la mise en fonction de nouvelles locomotives et wagons.

Les 1500 habitants de Gorée profitent d’une liaison maritime reliant Dakar à l’île en une vingtaine de minutes, grâce aux navettes de deux chaloupes : le Coumba Castel d’une capacité d’environ 350 places, le Augustin E Ly comportant 150 places. Ces navires qui effectuent près d’une douzaine de rotations par jour dans chaque sens et avec des tarifs différenciés1, devraient être renforcés par un troisième bateau disposant d’environ 350 places. Quant aux dessertes des îles de Ngor et de Yoff vers le continent, elles restent plus traditionnelles, avec essentiellement de petites embarcations (pirogues) transportant aussi bien touristes que résidents des rochers au large de l’axe littoral Ngor-Yoff.

De manière générale, en dehors de la faiblesse de l’offre qu’il s’agisse des réseaux routiers, ferroviaires, ou maritimes, on note une très faible connexion ou articulation entre les différents modes de transport officiels interurbains à Dakar.

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Le tarif s’établi comme suit : pour les nationaux (adulte 1500 FCFA, enfant 500FCFA), les résidents africains su Sénégal (adulte 2500 FCFA, enfant 1500 FCFA et les touristes (adulte 5000 FCFA, enfant 2500 FCFA). Les résidents de l’île profitant quant à eux de tarifs modiques de 100 FCFA par adulte et de 50 FCFA par enfant.

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