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CORRUPTION INTERNATIONALE

SECTION 1. LE RENFORCEMENT DE LA SAISIE ET DE LA CONFISCATION PÉNALE

367. – Plan de section. – Très ancienne en droit français1244, la peine de confiscation a considérablement évolué au cours des vingt dernières années. En particulier, la loi n°2007-297 du 5 mars 2007, laquelle a transposé la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005, a profondément réformé le régime général de confiscation, notamment en créant des dispositifs de confiscation plus étendus1245. Par ailleurs, la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 a introduit la possibilité d’ordonner des mesures conservatoires sur les biens d’une personne mise en examen, notamment afin de garantir l’exécution de la confiscation1246. Mais c’est surtout la loi n°2010-768 du 9 juillet

2010 qui a « modernisé »1247 un régime des saisies pénales aux fins de confiscation jusque-là « éparpillé »1248. D’autres lois postérieures1249 ont fini de parachever l’édifice1250. La loi n°2010- 768 du 9 juillet 2010 a également créé l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGARSC) dont l’une des principales missions est d’assurer la gestion des biens saisis et confisqués nécessitant des actes d’administration. Cette section se propose d’analyser, à la lumière des dispositions de la CNUCC, le régime général de confiscation pénale (§1), le dispositif de saisies pénales aux fins de confiscation (§2), et enfin la gestion des biens saisis et confisqués par l’AGRASC ainsi que les autres missions confiées à cette nouvelle agence (§3).

1244 La peine de confiscation était une peine romaine que les rois francs ont conservée (BONGERT Y., Histoire

du droit pénal. Cours de Doctorat, Éd. Panthéon-Assas Paris II, 2012, p. 215 (point 168). La confiscation générale des biens est quant à elle apparue en tant qu’accessoire de la peine de mort en 809 (CARBASSE J.-M., Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, PUF Droit fondamental, 3e éd., 2014, p. 315 (point 154).

1245 Depuis, le dispositif a été complété par les lois n°2010-768 du 9 juillet 2010, n°2012-409 du 27 mars 2012 et

n°2013-1117 du 6 décembre 2013.

1246 CPP, art. 706-103. Cet article a rapidement montré ses limites. Outre le fait que son champ d'application était

strictement restreint aux infractions relevant de la criminalité organisée et que les mesures conservatoires ne pouvaient être ordonnées qu’au stade de l’instruction, les conditions de sa mise en œuvre se sont révélées être excessivement complexes car opérant un renvoi aux procédures civiles d'exécution avec lesquelles des magistrats spécialisés dans le domaine pénal étaient peu familiarisés (CAMOUS E., Des saisies pénales spéciales. Régime général, JCI Procédure pénale, p. 5 (point 3)). Aujourd’hui, il ne vise plus à garantir l’exécution de la peine de confiscation mais seulement à garantir le paiement des amendes et, le cas échéant, l'indemnisation des victimes.

1247 CAMOUS E., « Les saisies en procédure pénale : un régime juridique modernisé. – Commentaire des

dispositions pénales de droit interne de la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale », Droit pénal n°1, janv. 2011, étude 1 (point 5).

1248 Id. « Les saisies en procédure pénale : un régime juridique éparpillé », Droit pénal n°2, fév. 2010 étude 5. 1249 Les lois n°2011-267 du 14 mars 2011, n°2012-409 du 27 mars 2012, n°2013-1117 du 6 décembre 2013 et

n°2016-731 du 3 juin 2016.

1250 ASCENSI L., « Les saisies et confiscations en matière pénale après la loi du 9 juillet 2010 : l’édifice

176 §1. LA CONFISCATION PÉNALE

A. Les dispositions de la CNUCC

368. – Confiscation du produit de l’infraction. – La CNUCC exige que les Etats parties

prévoient dans leur droit interne la confiscation des biens en lien avec les infractions relevant du domaine de la corruption, cette mesure étant considérée par les rédacteurs de la convention comme « l’outil juridique le plus important qui permet de priver les délinquants de leurs gains mal acquis »1251. Les Etats parties doivent en premier lieu prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation du produit du crime provenant d’infractions établies conformément à la convention1252. Selon cette dernière, la confiscation s’entend comme « la dépossession permanente de biens sur décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente »1253. Quant au produit du crime, il est définit comme « tout bien provenant directement ou indirectement de la commission d’une infraction ou obtenu directement ou indirectement en la commettant »1254

. Cette première forme de confiscation repose sur la corrélation entre l’infraction et les biens1255. Par conséquent, elle s’applique qu’elle qu’en soit la personne ayant effectivement possession de l’objet et est habituellement exécutée in rem1256.

369. – Confiscation de biens dont la valeur correspond au produit. – La CNUCC exige

ensuite des Etats parties qu’ils permettent la confiscation des biens dont la valeur correspond à celle du produit du crime1257. Cette seconde forme de confiscation s’apparente au système fondé sur la valeur. Inspirée de l’idée selon laquelle le crime ne doit pas payer, elle peut être appliquée à des sommes d’argent ayant été acquises au moyen du produit d’un crime1258. Il n’est donc pas nécessaire

de déterminer quels sont exactement les biens obtenus grâce à l’infraction mais plutôt la valeur que ces biens ont apporté, ni de s’inquiéter de savoir s’il s’agit du produit direct ou indirect d’un acte criminel ou si l’on se trouve en présence d’avoirs à la fois légaux et illégaux1259. Exécutée in

personam, la confiscation fondée sur la valeur impose l’obligation de payer une certaine somme

d’argent, habituellement l’équivalent de l’avantage indu tiré de l’acte criminel, quelle que soit la forme sous la laquelle cette somme est donnée ou reçue1260.

1251 ONUDC, Guide technique de la Convention des Nations Unies contre la corruption, 2010, p. 104. 1252 CNUCC, art. 31 (1) (a).

1253 Ibid. art. 2 (g). 1254 Ibid. art. 2 (e).

1255 ONUDC, Ibid. p. 107. On parle alors de système « fondé sur les biens » ou « fondé sur les objets ». 1256 Ibid.

1257 CNUCC, art. 31 (1) (a).Selon la convention, la notion de bien recouvre « tous types d’avoirs, corporels ou

incorporels, meubles ou immeubles, tangibles ou intangibles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant de la propriété de ces avoirs ou les droits y relatifs » (Ibid. art. 2 (d)).

1258 ONUDC, Ibid. p. 107-108. 1259 Ibid. p. 108.

177

370. – Confiscation du produit transformé, converti ou mêlé. – La convention encourage en

outre les Etats parties à confisquer le produit du crime lorsque celui-ci a été transformé ou converti, en partie ou en totalité, en d’autres biens1261

ainsi que lorsqu’il a été mêlé à des biens acquis légitimement1262. Dans ce deuxième cas, ces biens ne sont confiscables qu’à concurrence de la valeur estimée du produit qui y a été mêlé.

371. – Confiscation des revenus et avantages tirés du produit. – Les Etats parties peuvent

également confisquer les revenus et autres avantages tirés du produit du crime, des biens en lesquels le produit a été transformé ou converti ou des biens auxquels il a été mêlé, de la même manière et dans la même mesure que le produit du crime1263. Ainsi, les Etats parties peuvent non seulement confisquer le produit primaire du crime, c'est-à-dire les biens directement tirés de la commission de l’infraction tels que les pots-de-vin, mais également le produit secondaire constitué des avantages tirés du produit initial, comme par exemple les intérêts bancaires perçus sur le montant considéré ou la plus-value réalisée grâce au placement des fonds1264.

372. – Confiscation des instruments utilisés pour commettre l’infraction. – Enfin, la

CNUCC exige des Etats parties qu’ils permettent la confiscation des biens, des matériels et des autres instruments utilisés – ou destinés à être utilisés – pour la commission d’infractions relevant de la corruption1265. Ce concept englobe donc les objets nécessaires pour préparer l’acte criminel et

pour le faciliter1266. Etant justifiée par le fait que les objets en question ont été utilisés d’une façon qui a nui à la société, leur confiscation « est de par sa nature même une mesure punitive [et] ne peut être adoptée qu’in personam étant donné que le défenseur est […] puni en se voyant privé des biens et objets dont il a fait un mauvais usage »1267.

373. – Renversement de la charge de la preuve. – Afin de faciliter la confiscation, la

CNUCC recommande aux Etats parties d’envisager d’exiger que l’auteur d’une infraction établisse l’origine licite du produit présumé du crime ou des autres biens confiscables1268. En d’autres termes,

elle suggère d’inverser la charge de la preuve quant à l’origine du produit allégué du crime.

374. – Droit des tiers de bonne foi. – Les dispositions relatives à la confiscation ne doivent

en aucun cas être interprétées comme pouvant porter atteinte aux droits de tiers de bonne foi1269. A 1261 CNUCC, art. 31 (4). 1262 Ibid. art. 31 (5). 1263 Ibid. art. 31 (6). 1264 ONUDC, Ibid. p. 109. 1265 CNUCC, art. 31 (1) (b). 1266 ONUDC, Ibid. p. 106. 1267 Ibid.

1268 CNUCC, art. 31 (8). Dans la mesure où cette exigence est conforme aux principes fondamentaux des droits

internes des Etats parties et à la nature des procédures judiciaires et autres.

178 cette fin, les auteurs de la convention recommandent aux Etats parties de s’attacher à déterminer si le requérant a agi dans le but de dissimuler l’infraction sous-jacente ou se trouve impliqué dans l’une des infractions accessoires, a un droit juridiquement établi sur les biens en question, a agi avec la diligence voulue conformément à la loi et aux usages commerciaux, a observé, le cas échéant, les formalités d’enregistrement de la transaction ou les formalités administratives requises ou encore si, dans le cas d’une transaction à titre onéreux, il a conclu l’opération à la valeur réelle du marché1270.

B. La confiscation pénale en droit français

I. Nature et champ d’application de la confiscation

375. – Nature de la confiscation. – En droit français, une mesure de confiscation n’est

possible qu’à l’issue d’une condamnation pénale1271

. La matière est principalement régie par l’article 131-21 du CP dont les dispositions ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)1272

. La confiscation est, dans la plupart des cas, une peine1273 complémentaire1274, c'est-à-dire une « peine qui peut s’ajouter à la peine principale lorsque la loi l’a prévue et que le juge la prononce »1275

. Toutefois, le juge peut décider de prononcer la confiscation à titre principal ou comme alternative à l’emprisonnement ou à l’amende1276. Dans la plupart des cas, elle est facultative1277 constituant

une simple « faculté soumise à la libre appréciation des magistrats »1278.

376. – Champ d’application matériel. – La confiscation s’exerce forcément sur une

chose1279 et peut porter sur tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction1280. Elle est encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une

peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse1281. Elle

1270 ONUDC, Ibid. p. 113-114.

1271 Cette situation est amenée à changer depuis l’adoption de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014 (art. 4

(2)).

1272 Cons. Const., 26 nov. 2010, n°2010-66 QPC, art. 1er. Selon le Conseil constitutionnel, l’existence d’une

peine de confiscation « ne méconnaît pas, en elle-même, le principe de nécessité des peines » et « eu égard aux conditions de gravité des infractions pour lesquelles elles sont applicables et aux biens qui peuvent en faire l’objet, les peines de confiscation ainsi instituées ne sont pas manifestement disproportionnées » (considérants 5 & 6).

1273 Quand elle porte sur des armes ou des objets dangereux, elle s’apparent plutôt à une mesure de sûreté. 1274 CP, art. 131-10.

1275 CORNU G., Vocabulaire juridique, PUF Quadrige, 9e édition, 2012, p. 744. 1276 CP, art. 131-6 10° et 131-11.

1277 Elle est obligatoire notamment quand elle porte sur des armes ou des objets dangereux.

1278 CAMOUS E., Fasc. 20: Peines criminelles et correctionnelles. Confiscation, JCl Pénal, p. 25 (point 71). 1279 Ibid. (point 7).

1280 CP, art. 131-21 al. 4. 1281 Ibid. art. 131-21 al. 1.

179 est également encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement1282. Ainsi, tout crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an et certains délits punis d’une peine inférieure ou égale à un an – dès lors que la loi le prévoit spécialement – peuvent donner lieu à confiscation1283. L’ensemble des infractions constituant le dispositif anticorruption français est susceptible de donner lieu à des confiscations, et notamment les délits de corruption d’agents publics ou de justice, étrangers ou internationaux1284, et de blanchiment1285.

377. – Champ d’application personnel. – La peine de confiscation est encourue aussi bien

par les personnes physiques que par les personnes morales1286. Le législateur prévoit explicitement la possibilité de confisquer les biens d’une personne morale reconnue coupable de corruption d’agents publics ou de justice, étrangers ou internationaux1287

, et de blanchiment1288.

II. La confiscation de l’instrument de l’infraction

378. – Article 131-21 al. 2 du CPP. – L’article 131-21 al. 2 du CP permet tout d’abord de

confisquer tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre un crime ou un délit punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.1289. Depuis la loi n°2007-1598 du 5 mars 2007, la confiscation s’applique également aux biens qui étaient destinés à commettre l’infraction seulement tentée.

379. – Notion d’instrument de l’infraction : le lien entre le bien et l’infraction. – Le bien

ayant servi à commettre une infraction, également dénommé instrument de l’infraction, implique un lien étroit unissant le bien dont la confiscation est envisagée et l’infraction. Ce lien s’établit en démontrant l’utilisation d’un bien aux fins de commission d’un crime ou d’un délit.

380. – Notion de bien meuble. – Tous les biens, ayant servi à commettre l’infraction, peuvent

être confisqués, et en premier lieu les biens meubles. Cette catégorie des biens est celle qui est le plus couramment liée à la commission d'infractions1290. Le code civil distingue les biens meubles par nature – ou objets corporels – et les biens meubles par détermination de la loi – ou droits mobiliers –1291. Les premiers sont ceux qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre1292. Les

1282 Ibid.

1283 BÉTEMPS J., WAGNER M., « Peine complémentaire de confiscation : bien (mal) acquis ne profite jamais ? »,

Droit pénal, mars 2013, p. 55.

1284 CP, art. 435-14 (4°).

1285 Ibid. art. 324-7 (6°) (7°) (8°) (12°). 1286 Ibid. art. 131-39 8°.

1287 Ibid. art. 435-15 (3°). 1288 Ibid. art. 324-9 al. 1. 1289 CP, art. 131-21 al. 2.

1290 CAMOUS E., Ibid. p. 11 (point 20). 1291 C. civ., art. 527.

180 seconds sont « les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies, [ainsi que] les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'Etat, soit sur des particuliers »1293. En pratique, cette catégorie inclut les droits réels mobiliers, les droits personnels – ou droits de créance – et les droits intellectuels1294. Peuvent donc être confisqués des comptes bancaires, des valeurs mobilières, des parts sociales, des titres ou des instruments financiers ou encore des biens immatériels qui composent les fonds de commerce1295.

381. – Notion de bien immeuble. – Les biens immeubles ayant servi à commettre une

infraction peuvent également être confisqués. Si elle est plus rare, la confiscation d'un bien immeuble est plus fréquemment prononcée lorsque celui-ci a été acheté avec le produit de l'infraction1296. Selon le code civil, un bien immeuble est un bien qui par nature ne peut être déplacé1297. On distingue les immeubles par nature, par destination ou par l'objet auquel ils s'appliquent1298. Les premiers incluent principalement les fonds de terre et les bâtiments1299. Les seconds, bien qu’étant des biens mobiliers, sont considérés comme immeubles par une fiction juridique qui s’explique notamment en raison du lien étroit qui unit les meubles concernés à un immeuble par nature1300. Enfin, sont des immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent l’usufruit des

choses immobilières, les servitudes ou services fonciers et les actions qui tendent à revendiquer un immeuble1301. Ainsi, il se déduit des dispositions très générales de l’article 131-21 du CP que tous les droits réels immobiliers, au sens du droit civil, sont susceptibles d’être saisis et confisqués par le juge pénal1302.

382. – Notion d’indivision. – La confiscation d’un bien meuble ou immeuble, instrument de

l’infraction, est possible, que le bien soit divis ou indivis. L'indivision vise « la situation de plusieurs personnes qui détiennent un droit de même nature sur un même bien ou une même masse de biens »1303. Si la confiscation est prononcée, elle ne pourra porter que sur la quote-part ou portion de la

ou des personnes condamnées. Dans une affaire au cours de laquelle un immeuble – appartenant en indivision au prévenu et à son épouse et ayant servi à commettre plusieurs infractions à la législation

1293 Ibid. art. 529.

1294 STRICKLER Y., Les biens, PUF Thémis, 2006, p. 94 et s. 1295 CAMOUS E., Ibid. p. 12 (point 24).

1296 Ibid. p. 11 (point 21). 1297 CORNU G, Ibid. p. 516. 1298 C. civ., art. 517.

1299 Ibid. art. 518.

1300 STRICKLER Y., Ibid. pp. 57-58. 1301 C. civ., art. 526.

1302 ASCENSI L., « État des saisies et confiscations immobilières », AJ pénal, fév. 2016, p. 66. 1303 STRICKLER Y., Ibid. p. 450.

181 sur les stupéfiants – avait été confisqué dans son entier, la chambre criminelle de la cour de cassation a affirmé que « doit être examinée […] la requête de toute personne non condamnée pénalement qui est propriétaire d’un bien indivis et qui soulève des incidents contentieux relatifs à l’exécution d’une décision ordonnant la confiscation de ce bien »1304. En cassant et annulant l’arrêt de la cour

d’appel qui avait ordonné la confiscation, la cour statue ainsi que « la juridiction pénale ne saurait prononcer la confiscation d’un bien indivis appartenant au condamné sans se prononcer sur la bonne foi du tiers indivisaire »1305.

383. – Droits incorporels. – La confiscation de l’instrument de l’infraction s'applique dans

les mêmes conditions à tous les droits incorporels, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis1306. Les droits incorporels relèvent de la catégorie des biens meubles par détermination de la loi. Ce sont des droits subjectifs relevant de l'immatériel, comme par exemple des droits de créances résultant de sommes d'argent ou de contrats d'assurance-vie ou des droits intellectuels1307.

384. – Propriété et libre disposition des biens : le lien entre le bien et le condamné. – Le

législateur exige ou bien l’existence d’un titre de propriété de la personne poursuivie sur le bien pour mettre en œuvre la confiscation de l’instrument de l’infraction, ou bien que le prévenu ait la libre disposition du bien en question. Le recours à la liberté de disposer ou abusus, qui « constitue l'un des attributs les plus importants du droit de propriété »1308, permet d'appréhender des biens dont

le condamné n'est pas le propriétaire juridique mais seulement le propriétaire économique réel, et ainsi de contourner le recours à des prête-noms ou à l'interposition de structures sociales1309. La confiscation peut ainsi viser des biens appartenant à d'autres personnes que le mis en cause.

385. – Droits des tiers de bonne foi. – Mais la confiscation d’un bien, instrument d’une

infraction et dont la personne poursuivie a la libre disposition, s’exerce sous réserve des droits des propriétaires de bonne foi. Pour échapper à la confiscation, ces derniers doivent démontrer qu’ils sont les propriétaires réels du bien confiscable, instrument de l’infraction, par exemple au moyen d’un titre sur une chose immatriculée1310. Cela peut se révéler plus complexe pour les biens meubles

en raison du fait que, selon le code civil, « possession vaut titre »1311. Les propriétaires présumés des biens confiscables doivent, d’autre part, démontrer leur bonne foi1312

, laquelle « renvoie

1304 Crim., 20 mai 2015, n°14-81741.

1305 ASCENSI L., « Les conditions de confiscation d’un bien indivis », AJ Pénal, sept. 2015, 441. 1306 CP, art. 131-21 al. 8.

1307 CAMOUS E., Ibid. (point 45).

1308 CUTAJAR C., « Le nouveau droit des saisies pénales », AJ pénal, 2012, p. 124. 1309 Circ. Du 16 juillet 2012 (NOR: JUSD1229412C), p.3.

1310 CAMOUS E., Ibid. (point 92). 1311 C. civ., art. 2276.

182 nécessairement à l’absence de connaissance que pouvait avoir la personne de ce que le bien dont elle a acquis la propriété a un lien avec la commission d’une infraction »1313

.

III. La confiscation de l’objet, du produit et du produit mêlé de l’infraction

386. – Article 131-21 al. 3 du CP. – L’article 131-21 al. 3 du CP prévoit également que la

peine de confiscation puisse porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime1314. Cette forme de confiscation est la