• Aucun résultat trouvé

CORRUPTION INTERNATIONALE

SECTION 2. L’INCRIMINATION DU BLANCHIMENT ET L’EXTENSION DE LA RESPONSABILITE JURIDIQUE AUX PERSONNES MORALES

77. – Plan de section. – Outre l’extension du champ d’application rationae personae de

l’infraction de corruption aux agents publics et de justice, étrangers ou internationaux, le législateur a également incriminé l’infraction générale de blanchiment suite à la ratification par la France de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 et de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990288. Par ailleurs, il a également consacré la responsabilité des personnes morales. En droit français, la responsabilité, c’est à dire « l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences »289 – notamment pénales – n’a longtemps concerné que les seules

personnes physiques. Ce n’est qu’avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er

mars 1994290 qu’a été consacré le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. Prévue à

l’origine pour ne s’appliquer que dans certains cas limitativement énumérés par la loi ou le règlement, celle-ci a été par la suite été étendue à l’ensemble des infractions291, et donc à la corruption, par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004292. La responsabilité pénale générale des

personnes morales est applicable depuis le 1er janvier 2006. Cette section se propose d’analyser, à la lumière des dispositions de la CNUCC et de la jurisprudence pertinente, l’incrimination du blanchiment (§1), puis la responsabilité pénale des personnes morales (§2).

288 Loi n°96-392 du 13 mai 1996. 289 CORNU G., Ibid. p. 919.

290 Lois n° 92-683, n° 92-684, n°92-685 et n° 92-686 du 22 juillet 1992. 291 Elle est entrée en vigueur le 31 décembre 2005.

292 A l’exception des infractions qui ne peuvent par nature être commises par des personnes morales, comme par

exemple les délits de manquement au devoir de probité qui ne peuvent être commis que par des agents publics, personnes physiques.

54 §1. LE BLANCHIMENT GÉNÉRAL

A. Les dispositions de la CNUCC

78. – Présentation. – La CNUCC établit l’infraction de blanchiment du produit du crime293

reconnaissant ainsi expressément le lien entre les pratiques de corruption et le blanchiment d’argent294. L’objectif est de « fournir à tous les Etats une norme minimale [afin de réduire les

disparités juridiques entre les pays, lesquels permettent aux avoirs d’être] transférés instantanément d’un endroit à un autre [et finalement de] se présenter comme des avoirs légitimes, disponibles n’importe où dans le monde »295.

79. – Première forme du blanchiment. – Les Etats parties doivent tout d’abord incriminer la

conversion ou le transfert de biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes296. Les termes « conversion » et « transfert » visent notamment les cas où des avoirs financiers d’une certaine forme ou d’un certain type sont convertis en une autre forme ou un autre type – par exemple par l’utilisation d’argent liquide obtenu illicitement pour acheter des métaux précieux ou un bien immeuble – et les cas où les mêmes avoirs sont transférés d’un endroit ou d’un État à un autre ou d’un compte bancaire à un autre297.

80. – Deuxième forme du blanchiment. – Les Etats parties doivent ensuite conférer le

caractère d’infraction pénale à « la dissimulation [ou au] déguisement de la nature véritable, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils sont le produit du crime »298 ainsi « [qu’] à l’acquisition,

à la détention ou à l’utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu’ils sont le produit du crime »299.

81. – Association, tentative et complicité. – Les Etats parties doivent enfin incriminer la

participation à l’une des formes de blanchiment précédentes ou la participation « à toute association,

293 La notion de « produit du crime » est définie par la CNUCC comme « tout bien provenant directement ou

indirectement de la commission d’une infraction ou obtenu directement ou indirectement en la commettant » (CNUCC, art. 2 (e)).

294 ONUDC, Guide législatif pour l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption, Ibid. p.

93 (point 224).

295 Ibid. (point 221 & 223). 296 CNUCC, art. 23 (1) (a) (i). 297 ONUDC, Ibid. p. 94 (point 231). 298 CNUCC, art. 23 (1) (a) (ii). 299 Ibid. art. 23 (1) (b) (i).

55 entente, tentative ou complicité par fourniture d’une assistance, d’une aide ou de conseils en vue de sa commission »300.

82. – Infraction préalable. – Le blanchiment suppose la commission d’une infraction

préalable. Les Etats parties doivent appliquer le blanchiment « à l’éventail le plus large d’infractions principales »301, incluant au minimum un éventail complet d’infractions pénales relevant du domaine de la corruption302.

83. – Caractère indépendant et autonome du blanchiment. – Selon les notes interprétatives

de la convention, l’infraction de blanchiment est réputée être une infraction indépendante et autonome303. Par conséquent, une condamnation préalable pour l’infraction principale n’est pas nécessaire pour établir la nature ou l’origine illicite des avoirs blanchis304.

B. Le blanchiment général en droit français

I. Définitions

84. – Première forme du blanchiment. – Le droit français incrimine deux formes de

blanchiment général. La première est définie par le code pénal comme « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect »305.

85. – Seconde forme du blanchiment. – La seconde forme de blanchiment général incriminée

par le législateur français est « le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit »306.

86. – Infraction générale, distincte et autonome. – Même si elle se base sur des avoirs

provenant d’une autre infraction, l’infraction de blanchiment n’en demeure pas moins – selon une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation – une « infraction

300 Ibid. art. 23 (1) (b) (ii).

301 Ibid. art. 23 (2) (a). Les infractions principales incluent « les infractions commises à l’intérieur du territoire

relevant de la compétence de l’Etat partie [ainsi qu’à] l’extérieur du territoire relevant de la compétence de l’Etat partie »sous réserve de réciprocité d’incrimination (Ibid. art. 23 (2) (c)).

302 Ibid. art. 23 (2) (b).

303 Notes interprétatives de la CNUCC (A/58/422/Add.1), p.6 (point 32). 304 Ibid.

305 CP, art. 324-1 al. 1. 306 Ibid. art. 324-1 al. 2.

56 générale307, distincte et autonome »308. La poursuite du blanchiment « n’impose pas que des poursuites aient été préalablement engagées ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchies »309.

II. Éléments constitutifs

a) Infraction préalable

1. L’infraction

87. – Nécessité d’une infraction préalable. – Le blanchiment est une infraction de

conséquence qui porte sur les « biens ou revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit » ou sur le « produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ». Tout crime ou délit profitable peut se trouver à la source du blanchiment310. Seules sont exclues les contraventions. Par conséquent, toutes les

infractions principales établies conformément à la CNUCC peuvent être à l’origine du blanchiment, et notamment la corruption. A titre d’exemple, un pot-de-vin versé à un agent public corrompu afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction peut être blanchi au moyen prêt adossé (back-to-back)311.

88. – Nécessité de rechercher les éléments constitutifs de l’infraction principale. – Selon

une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la cour de cassation, le délit de blanchiment implique que soient relevés précisément les éléments constitutifs du crime ou du délit principal ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect, et que soit établi l'élément intentionnel de l'infraction caractérisé par la connaissance de l’origine délictueuse des fonds312.

2. L’auteur de l’infraction

89. – Le blanchiment pour autrui. – L’auteur de l’infraction préalable peut être une personne

différente de celle qui commet le blanchiment. Dans ce cas dit de blanchiment pour autrui, seul le

307 D’abord infraction spéciale (il subsiste des régimes spéciaux comme par exemple l’article 222-38 du CP relatif

au blanchiment de trafic de stupéfiant), l’infraction de blanchiment est devenue infraction générale principalement car « la nature de l’infraction d’origine devait par la force des choses devenir tôt ou tard indifférente pour être digne d’une véritable politique criminelle de lutte contre le blanchiment des capitaux d’origine illicite qu’elle qu’en soit l’origine infractionnelle » (SEGONDS M., « Les métamorphoses de l’infraction de blanchiment…ou les enjeux probatoires de la lutte contre le blanchiment », AJ Pénal 2016, p. 168).

308 Voir par exemple Crim. 16 janv. 2013, n° 11-83689. 309 Crim. 20 fév. 2008, n° 07-82977.

310 ROBERT H., « Réflexion sur la nature de l'infraction de blanchiment », JCP G n°22, 28 mai 2008, I 146. 311 DUTEIL G., « Modes opératoires et évolutions », AJ Pénal 2016, p. 175. Le corrupteur commence par rédiger

un faux contrat de prestation de services, via une société qu’il contrôle, prestation qu’il va payer à cette société ; puis la société va faire de même en utilisant une société filiale offshore ce qui va lui permettre d’envoyer le flux monétaire à l’étranger ; l’argent offshore va finalement permettre d’établir un contrat de cautionnement au profit de la banque dans laquelle l’agent public détient un compte, laquelle va lui accorder un prêt qui sera soldé par le garant.

57 blanchisseur pourra être condamné sur le fondement des dispositions du code pénal incriminant le blanchiment.

90. – L’auto-blanchiment. – Mais il existe des situations dans lesquelles l'auteur d'une

infraction principale blanchit lui-même les biens ou revenus ou le produit de l’infraction qu'il a commise. Cette hypothèse, appelée auto-blanchiment, a été validée par la jurisprudence313. Néanmoins, certains auteurs soutiennent qu'elle est affirmée avec « moins de netteté »314 à l'égard du fait de faciliter la justification mensongère de biens ou de revenus issus d'un crime ou d'un délit que quant au fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'une infraction. Mais, selon d’autres, le cumul des poursuites doit être admis, les modalités des deux alinéas pouvant se cumuler et ainsi, être imputées au même auteur315. Cette

solution « logique »316 est appelée par un auteur à être confirmée par le législateur317. b) Élément matériel

91. – Dualité des éléments matériels. – Infraction autonome, le blanchiment se définit par

des éléments matériels qui lui sont propres. Comme nous l'avons vu, le code pénal incrimine « deux modalités de blanchiment [général] avec des éléments matériels différents »318. Rares sont cependant les décisions rendues sur la base de la seule facilitation de la justification mensongère de l’origine des biens ou revenus de l’auteur d’une infraction profitable319. En revanche, plusieurs

arrêts de la chambre criminelle de la cour de cassation sont rendus « sans plus de précision »320. Ainsi, les deux modalités de blanchiment général sont envisagés « alternativement ou cumulativement [et] se trouvent fréquemment entremêlés, sans que le juge répressif prenne toujours soin de les distinguer »321.

92. – La facilitation de la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de

l'auteur d'un crime ou d'un délit profitable. – La première forme de blanchiment général est celle

qui consiste à « faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ». Le fait de « faciliter » suppose un acte positif. Même si la formulation de simples conseils semble

313 Crim. 14 janv. 2004, n°03-81165 (pour le second alinéa) ; Crim. 20 fév. 2008, Ibid. (pour le premier alinéa) 314 Voir notamment SEGONDS M., Ibid. RDP (point 53).

315 Voir notamment CUTAJAR C., Fasc. 20 : Blanchiment. Éléments constitutifs. Répression., JCl Pénal des

Affaires > V° Blanchiment (point 45).

316 SEGONDS M., « Les métamorphoses de l’infraction de blanchiment…ou les enjeux probatoires de la lutte

contre le blanchiment », Ibid.

317 Ibid.

318 GAFI, Rapport d'évaluation mutuelle de la France, 25 février 2011, p. 84 (point 280). 319 CUTAJAR C., Ibid. (point 51).

320 Ibid. (point 46).

58 pouvoir être appréhendée sous ce régime322. L'expression « par tout moyen » indique que les modes opératoires par lesquels la justification mensongère est facilitée par le blanchisseur sont indifférents323. La justification mensongère de l’origine des biens peut ainsi prendre différentes

formes parmi lesquelles l'usage de fausses factures, de fausses reconnaissances de dettes, d'écritures bancaires fictives, de faux témoignages ou encore d'attestations de complaisance324. Enfin, l’infraction préalable doit avoir procuré un « profit » à son auteur, c’est-à-dire « un gain ou un avantage pécuniaire »325. Lorsqu'il est indirect, il peut s’agir d'argent ou d’un bien « qui s'est substitué au produit direct de l'infraction par le jeu de la subrogation »326.

93. – Le concours apporté à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion

du produit du crime. – La seconde forme de blanchiment général est celle qui consiste à « apporter

un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ». Le « concours » apporté peut consister aussi bien dans des actes positifs, tels que la constitution de sociétés, qu'en des « conseils prodigués ou des intercessions pour présenter l'auteur de l'infraction sous-jacente à tel ou tel interlocuteur utile »327. Le « placement » – ou prélavage – désigne l'introduction par le blanchisseur des sommes acquises illégalement dans le système financier328. En pratique, il consiste à transformer des espèces en monnaie scripturale329.

La « dissimulation » – ou lessivage – désigne la phase où l'argent subi « une série de traitements dans le but de dissimuler l'origine illicite et d'empêcher la traçabilité des fonds »330. A la fin de ce périple, « l’argent aura une apparence légale et sera prêt à être recyclé ou investi »331. Enfin, la

« conversion » – ou essorage vise la phase au cours de laquelle les fonds sont réintroduits dans des activités économiques légitimes332 telles que l’immobilier de luxe, l’achat d’entreprise ou de commerce ou encore les placements financiers333.

94. – Présomption légale de l’origine illicite des biens ou revenus. – La loi n°2013-1117 du

6 décembre 2013 a introduit une présomption simple334 selon laquelle les biens ou les revenus de l’auteur du crime ou du délit préalable sont présumés être le produit direct ou indirect de cette

322 Ibid. (point 46 et 51). 323 Ibid. (point 14). 324 GAFI, Ibid. (point 281). 325 CUTAJAR C., Ibid. (point 49). 326 GAFI, Ibid.

327 Ibid. (point 287).

328 CUTAJAR C., Ibid. (point 57). 329 DUTEIL G., Ibid. p. 171. 330 CUTAJAR C., Ibid. (point 58). 331 DUTEIL G., Ibid. p. 172. 332 CUTAJAR C., Ibid. (points 59). 333 DUTEIL G., Ibid.

59 infraction « dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus »335. L’objectif est

d’appréhender les circuits financiers « inutilement complexes ou sans rationalité économique »336.

Face à l’impossibilité de démontrer l’existence d’une infraction d’origine alors que l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peut avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif des biens ou des revenus, lesdits biens ou revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit337. Ainsi, le lien entre l’infraction sous- jacente et les biens et revenus de son auteur est présumé dès lors qu’est rapportée la preuve de l’anormalité de l’opération de blanchiment338. Le législateur opère ici un renversement partiel

de la charge de la preuve. C’est à la personne soupçonnée d’amener la preuve contraire.

95. – Présomption jurisprudentielle de l’objet illicite de l’acte de blanchiment. – A cette

présomption légale de l’origine illicite des biens et revenus vient s’ajouter une présomption jurisprudentielle d’objet illicite de l’acte de blanchiment qui autorise les juges à déclarer une personne coupable de blanchiment dès lors que la preuve de l’infraction d’origine est rapportée et que la personne réalise des opérations de blanchiment qui ne peuvent s’expliquer par des revenus officiels339.

c) Elément intentionnel

96. – Dol général. – Le blanchisseur doit avoir « la conscience et la volonté de justifier

mensongèrement l'origine de biens ou revenus [et savoir] que la personne dont il facilite la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus est l'auteur d'un crime ou d'un délit profitable, [ou bien] avoir connaissance de l'origine criminelle ou délictueuse des fonds placés, convertis ou dissimulés »340. Dans les deux cas, les juridictions établissent l'élément moral de l'infraction de blanchiment au moyen d'un « faisceau de circonstances de fait objectives »341.

97. – Dol spécial. – En plus d’un dol général, certains auteurs estiment nécessaire la

caractérisation d'une intention particulière dans l'accomplissement du blanchiment342. Ainsi, « la volonté particulière de conférer une apparence légitime au produit d'une infraction doublée de la

335 CP, art. 324-1-1.

336 Rapp. AN n°1348 (GALUT Y.), 11 sept. 2013, p. 24. 337 SEGONDS M., Ibid.

338 LÉTOCART A., « La revitalisation du traitement judiciaire du blanchiment. – A propos de l’article 324-1-1 du

Code pénal », JCP G n°30-35, 27 juillet 2015, 899.

339 SEGONDS M., Ibid. (voir notamment Crim. 28 oct. 2015, n°14-85120). 340 Ibid. (point 56 - 57).

341 CUTAJAR C., Ibid. (point 74).

60 volonté de faire échec à l’œuvre de justice pourrait parfaitement participer à la dimension intellectuelle du blanchiment »343.

C. Conformité à la CNUCC

98. – Sur l’infraction de blanchiment. – Les dispositions du code pénal relatives au

blanchiment confère le caractère d’infraction pénale au fait de convertir ou transférer le produit d’une infraction afin d’en déguiser l’origine illicite ainsi qu’au fait de dissimuler la nature, l’origine ou encore la propriété de biens qui sont le produit d’une infraction. Elles s’appliquent à tous les crimes ou délits, y compris les infractions relevant du domaine de la corruption. Le législateur réprime – outre les auteurs – les complices de l’infraction de blanchiment, les personnes ayant tenté de commettre cette infraction ainsi que le blanchiment commis en bande organisée. Les éléments constitutifs de l’infraction de blanchiment prévus par le code pénal permettent de sanctionner les comportements prohibés par la CNUCC. La législation française anti-blanchiment apparait donc conforme à la convention.

D. Efficacité du dispositif

99. – Nombre de condamnations. – L’annuaire statistique de la justice ne comptabilise pas

les condamnations pour blanchiment. Selon une enquête du Ministère de la justice, environ 200 condamnations par an ont été prononcées entre 2007 et 2010344. Plus de la moitié de celles-ci l’ont été pour blanchiment général, simple ou aggravé345. En 2007, 131 condamnations ont été

prononcées de ce chef contre 150 en 2008 et 116 en 2009346. En 2011, TRACFIN a été tenu informé de 28 condamnations pénales ayant pour origine une transmission du service à l’autorité judiciaire347. Par ailleurs, il n’existe pas de données relatives aux condamnations pour blanchiment lorsque l’infraction d’origine relève de la corruption. Entre 2011 et 2015, TRACFIN a transmis neuf notes à l’autorité judiciaire portant sur une présomption d’infraction principale de corruption d’agents publics étrangers et huit notes portant sur une présomption d’infraction de trafic d’influence sans que le devenir de ces signalements soit connu348.

343 Ibid.

344 LELIEUR J., Ibid. p. 137 (point 262).

345 ONUDC, Rapport de l’examen de la France, Ibid. p. 37. 346 Ibid.

347 TRACFIN, Rapport d’activité 2011, p. 67

61 §2. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES MORALES

A. Les dispositions de la CNUCC

100. – Principe. – La CNUCC exige des Etats parties qu’ils établissent la responsabilité des

personnes morales qui participent aux infractions relevant de la corruption349. Cette mesure, que les

Etats parties doivent impérativement transposer, se base sur l’existence de nombreux cas de personnes morales ayant commis des actes de corruption commerciale ou de hauts fonctionnaires350. Selon l’ONUDC, la complexité des structures d’une personne morale permet en effet de dissimuler certaines opérations liées à des infractions telles que la corruption351.

101. – Nature de la responsabilité. – Si l’établissement de la responsabilité des personnes

morales est obligatoire, la convention laisse aux Etats parties le choix quant à la nature de cette responsabilité : celle-ci peut être pénale, civile ou administrative352. La CNUCC prend ici en compte la diversité des approches adoptées par les différents systèmes juridiques353.

102. – Distinction de la responsabilité des personnes physiques. – En revanche, la

responsabilité des personnes morales doit obligatoirement être établie « sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont commis les infractions »354. Lorsqu’une personne physique commet des infractions au nom d’une personne morale, l’ONUDC estime qu’il doit être possible de poursuivre et de sanctionner les deux355. Mais la personne morale seule peut être poursuivie et sanctionnée, notamment dans les affaires de corruption impliquant le paiement de pots-de-vin via des « structures de plus en plus grandes et complexes [au sein desquelles] le processus opérationnel et décisionnel est diffus [et pour lesquelles il est] souvent difficile