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CORRUPTION INTERNATIONALE

SECTION 2. L’EXTENSION DE L’ACTION CIVILE EN MATIÈRE DE CORRUPTION

200. – Plan de section. – Outre la mise en place de dispositifs de déclaration et d’alerte en

milieu professionnel, le législateur a récemment facilité l’action des victimes directes ou indirectes de la corruption. En droit français, l'action civile en réparation d’un dommage matériel, corporel ou moral causé par un crime, un délit ou une contravention « appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction »681. Néanmoins, la loi n°2000-595 du 30 juin 2000 avait prévu que la poursuite des délits de corruption active d’agents publics étrangers et internationaux ne pouvait être exercée qu’à la requête du ministère public682

, conférant ainsi un monopole au parquet en la matière et excluant de fait toute action émanant de la victime. La loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 avait même étendu ce monopole à la corruption passive d’agents publics étrangers et internationaux ainsi qu’au trafic d’influence d’agents publics internationaux683. La loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 est finalement venue mettre fin à ce monopole dérogeant au droit interne et non conforme au droit international684. Cette même loi a

également reconnu aux associations se proposant par leurs statuts de lutter contre la corruption la possibilité d’exercer les droits réservés à la partie civile, notamment en matière de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers et internationaux685

. Cette section se propose de présenter, à la lumière des dispositions de la CNUCC et de décisions de la Cour de cassation, la suppression du monopole d’action du parquet en matière de corruption et de trafic d’influence d’agents publics ou de justice, étrangers et internationaux (§1) puis la reconnaissance aux associations de lutte contre la corruption de la possibilité d’exercer les droits réservés à la partie civile (§2).

681 CPP, art. 2 al. 1.

682 Loi n°2000-595 du 30 juin 2000, art. 2 (anciens articles 435-3 et 435-4 du code pénal). 683 Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007, art. 2 (ancien article 435-6 du code pénal). 684 Loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, art. 1 II.

104 §1. LA SUPPRESSION DU MONOPOLE D’ACTION DU PARQUET EN MATIÈRE DE CORRUPTION ET DE TRAFIC D’INFLUENCE INTERNATIONAL

A. Les dispositions de la CNUCC

201. – Action judiciaire des victimes de la corruption. – La CNUCC exige des Etats parties

qu’ils prennent les mesures nécessaires « pour donner aux entités ou personnes [physiques ou morales686] qui ont subi un préjudice du fait d’un acte de corruption, le droit d’engager une action en justice à l’encontre des responsables dudit préjudice en vue d’obtenir réparation »687

.

B. La suppression en droit français du monopole du parquet en matière de corruption internationale

I. Un monopole injustifiable

a) Un double régime contestable

202. – Double régime. – Avant la loi n°2013-1117, le droit français réservait au parquet un

monopole d’action quant à la poursuite des délits de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers et internationaux. Néanmoins, ce monopole n’était pas applicable à la corruption d’agents publics issus d’un des Etats membres de l’Union européenne (UE), et à la corruption et au trafic d’influence de fonctionnaires des institutions européennes. Le législateur instaurait donc un régime différencié pour la corruption et le trafic d’influence communautaires et internationaux.

203. – Justification du double régime. – Ce double régime était tout d’abord justifié par le

principe dit d’assimilation résultant du droit communautaire688 qui impose de poursuivre les faits commis au sein de l'Union Européenne « dans les mêmes conditions que ce qui prévaut pour la corruption d'un agent public national »689. Ce régime différencié était également légitimé au regard

du « risque d’abus de constitution de partie civile »690

. Selon certains, des entreprises non européennes auraient pu être tentées d'utiliser trop systématiquement la constitution de partie civile

686 Notes interprétatives de la CNUCC (A/58/422/Add. 1), point 37. 687 CNUCC, art. 35.

688 Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des communautés européennes

ou des fonctionnaires des États membres de l'Union Européenne signée le 26 mai 1997 à Bruxelles (dite « convention de Bruxelles »), art. 4 (1) : « Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que, dans son droit pénal, les qualifications des infractions visées aux articles 2 et 3 commises par ou envers les ministres de son gouvernement, les élus de ses assemblées parlementaires, les membres de ses plus hautes juridictions ou les membres de sa Cour des comptes dans l'exercice de leurs fonctions sont applicables de la même façon aux cas dans lesquels les infractions sont commises par ou envers les membres de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes, respectivement dans l'exercice de leurs fonctions ».

689 Rapp. Sénat n°51 (PORTELLI H.), 24 oct. 2007, p. 61.

690 SEGONDS M., « Commentaire de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude

105 « comme arme de rétorsion à l'égard de concurrents plus heureux »691. De telles plaintes ainsi déposées par un concurrent évincé d'un marché auraient donc été de nature « profondément déstabilisante » 692 pour l'entreprise ayant décroché le marché. Enfin, on a pu lire qu’en raison de l'homogénéité des systèmes juridiques des pays européens, le risque d'une instrumentalisation de la justice française par un concurrent évincé aurait été « moins grand »693 au sein de l'UE qu’en dehors.

204. – Critique du double régime. – Si à sa création, ce double régime pouvait être admis

au regard du principe d'assimilation, ce ne fût plus le cas après l'adoption de la loi n°2007-1598 du 27 mars 2007, car entre temps, la CNUCC avait été ratifiée par la France le 11 juillet 2005. Or, celle-ci exige des États parties qu’ils permettent à toutes les victimes d’actes de corruption de pouvoir engager une action en réparation. Quant à l’argument relatif au risque d’abus de constitution de partie civile, il paraissait « parfaitement erroné, […] l’analyse juridique ne pouvant se satisfaire d’un raisonnement (primaire) qui consiste à se prémunir d’un abus en supprimant un droit »694

. b) Un monopole contraire aux conventions internationales

205. – Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe. – Outre ses justifications

critiquables, le monopole du parquet en matière de corruption et de trafic d’influence international était contraire à plusieurs instruments internationaux, et en premier lieu à la Convention civile du Conseil de l'Europe sur la corruption, laquelle exige de chaque État partie qu’il prévoie « dans son droit interne que les personnes qui ont subi les dommages résultant d'un acte de corruption disposent d'une action en vue d'obtenir la réparation de l'intégralité de ce préjudice »695. C’est pourquoi dès 2009, le GRECO avait incité les autorités françaises à « éliminer le traitement inégal des conditions de poursuite des infractions de corruption active et passive d'agents publics étrangers, ainsi que de trafic d'influence actif et passif commis en direction d'un agent international ou d'un élu d'une organisation internationale »696.

206. – Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption. – En second lieu, le

monopole du parquet était également contraire à la Convention anti-corruption de l’OCDE. Dans le troisième rapport d’évaluation de la mise en œuvre par la France de cette convention, l’OCDE encourageait les autorités françaises à modifier la législation « pour s'assurer que le monopole du parquet dans le déclenchement des enquêtes et des poursuites [s'exerce] de manière indépendante

691 Rapp. AN n° 243 (HUNAULT M.), 3 oct. 2007, p. 42. 692 Rapp. Sénat n° 42, (BALLARELLO J.), 3 nov. 1999, p. 41. 693 Ibid.

694 SEGONDS M. Ibid. 695 STE n°174, art. 3 (1).

696 GRECO, Rapport d’évaluation de la France. Incriminations (STE n°173 et 191, PDC 2) (Thème I). Troisième

106 du pouvoir politique »697. Les experts de l’organisation s’interrogeaient notamment sur les trente- huit affaires impliquant des entreprises françaises ayant donné lieu à des procédures à l'étranger ou ayant fait l'objet de révélations dans la presse, mais n’ayant fait l'objet d'aucune enquête de la part du ministère public français698.

II. Un monopole finalement supprimé

a) Un monopole affaibli par la Cour de cassation dans l’affaire Karachi

207. – Faits. – Avant sa suppression définitive par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013,

le monopole du parquet en matière de corruption et de trafic d’influence international a été mis à mal par la jurisprudence, notamment dans le volet financier de l’affaire Karachi. Cette affaire débute le 15 juin 2010 lorsque les ayants droits des victimes de l'attentat suicide – survenu dans la mégapole pakistanaise le 8 mai 2002 et ayant entraîné la mort de onze salariés français de la Direction des constructions navales internationales (DCNI) – se constituent parties civiles699, notamment des chefs de corruption active et passive d'agent public. Ces actions faisaient suite à la révélation par la presse de l'existence de deux rapports des services secrets700 établissant un lien entre l'attentat du 8 mai 2002 et une vaste affaire de corruption. A l'origine, un contrat de 826 millions d'euros signé le 21 septembre 1994 pour la vente par la France au Pakistan de trois sous-marins de guerre, avait été assorti de la promesse du versement de commissions d'un montant de plus de 10% du marché – soit près de 85 millions d'euros – à différents intermédiaires, lesquels se seraient ensuite chargés de reverser ces sommes aux bénéficiaires ultimes, à savoir de hauts fonctionnaires pakistanais. Mais le versement des commissions s'arrêtera brusquement avec l’élection du nouveau président le République française en 1995701 ce qui provoquera l’attentat.

208. – Procédure. – Par deux ordonnances du 6 octobre et du 18 novembre 2010, les

constitutions de partie civile des ayants droits des victimes, mais également des salariés de la DCN- I blessés lors de l'attentat ainsi que de leurs familles, étaient déclarées recevables. Ces deux ordonnances reconnaissaient à ces personnes un préjudice personnel directement causé par le versement de commissions qui auraient été destinées, soit à corrompre les autorités pakistanaises, soit à verser en France des rétro-commissions, elles-mêmes indissociables du contrat de vente des trois sous-marins. Le parquet faisait appel de la décision devant la chambre de l'instruction qui se

697 OCDE, Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention de l'OCDE contre la

corruption, oct. 2012, p. 40.

698 Ibid.

699 Suite au dépôt en 2009 d'une plainte simple n'ayant fait l'objet d'aucune suite. 700 Les rapports « Nautilus » datés des 11 septembre et 7 novembre 2002.

701 Car le contrat avait été conclu sous le gouvernement de son principal opposant politique (Edouard

BALLADUR) du nouveau président (Jacques CHIRAC). La campagne électorale du premier pourrait avoir été financée en partie par des rétro-commissions liées à ce contrat.

107 prononçait le 31 janvier 2011 en faveur de l'irrecevabilité de la plainte, en raison du monopole des poursuites du ministère public en matière de corruption internationale.

209. – Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 avril 2012. – Le 4 avril

2012, la chambre criminelle cassait et annulait la décision de la chambre de l'instruction. Elle accueillait ainsi favorablement la constitution de partie civile des ayants droits des victimes de l'attentat de Karachi. Dans un premier temps, la Cour de cassation reprochait à la chambre de l'instruction d'avoir fait un examen abstrait des plaintes, celle-ci ayant estimé que les constitutions de partie civile du chef de corruption d'agent public étranger étaient irrecevables en raison du monopole des poursuites conféré au parquet. Or, ni le juge d'instruction ni la chambre de l'instruction ne sont liés par les qualifications provisoires du ministère public ou des parties civiles702. En requalifiant les faits, la Cour de cassation avait ainsi contourné l'obstacle que représentait le monopole. Dans un second temps, et pour justifier l'accueil positif des constitutions de partie civile des ayants droit des victimes, elle avait eu recourt au lien d'indivisibilité entre les faits de corruption – entre autres – et d'assassinat. Ce principe, non défini par la loi703, constituait pour la Cour le fondement du déclenchement de l'action publique704.

210. – Réception. – Si la solution retenue par la chambre criminelle est considérée par une

auteure comme « parfaite techniquement »705, un auteur a estimé que « si le lien d'indivisibilité est

établi, il ne devrait pas rendre recevable une constitution de partie civile pour une infraction pour laquelle, sans l'existence de ce lien, cette constitution ne serait pas admise »706. Pour mettre fin à ces controverses, l’intervention du législateur est apparue nécessaire.

b) Un monopole définitivement supprimé par le législateur

211. – La suppression du monopole par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013. –

Finalement, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 a supprimé « sans heurt notable »707 cette « restriction injustifiée et préjudiciable aux poursuites pénales »708 que constituait le monopole du

702 CUTAJAR C., « Affaire Karachi : une nouvelle consécration du droit à la vérité », JCP G n°23, 4 juin 2012,

674.

703 Il est évoqué à l'article 382 al. 3 du CP. Il ne faut pas confondre le principe d’indivisibilité avec le principe de

connexité. L'article 203 CPP considère que des infractions sont connexes lorsqu'elles ont été commises « en même temps par plusieurs personnes réunies » ou « par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles », mais aussi « lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité » et « lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou partie, recelées ».

704 CUTAJAR C., Ibid. 705 Ibid.

706 MATSOPOULOU H., « Affaire Karachi : recevabilité des constitutions de partie civile pour corruption et abus

de biens sociaux », Rev. Sociétés 2012, p. 445.

707 SEGONDS M., Ibid. 708 Ibid.

108 parquet en matière de corruption et de trafic d’influence international. Saluée par plusieurs auteurs709, la suppression de cette « anomalie juridique »710 semblait en effet être la seule « en mesure de garantir que les enquêtes et les poursuites pour corruption ne [soient] pas influencées par des considérations d'intérêt économique national, par les effets possibles de la décision sur la relation avec un autre État ou encore par l'identité des personnes physiques ou morales en cause »711.

C. Conformité à la CNUCC

212. – Sur la possibilité offerte aux victimes de la corruption d’engager une action

judiciaire en réparation. – Avec la suppression définitive du monopole du parquet relatif à la

poursuite des délits de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers et internationaux par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, le droit français est désormais conforme à la CNUCC. Il permet désormais à toute personne reconnue victime d’une infraction relevant du domaine de la corruption – y compris de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers ou internationaux – d’engager une action judiciaire en réparation.

709 Voir notamment ALIX J., « Les hésitations de la politique criminelle », RSC 2013, p. 677. 710 CUTAJAR C., « Affaire Karachi : une nouvelle consécration du droit à la vérité », Ibid.

711 Id. « Éradiquer la corruption : mode d'emploi. Les moyens de la politique criminelle de lutte contre la corruption

», La Revue du GRASCO (LRDG), n° spécial corruption, septembre 2012, p. 36

109 §2. LA RECONNAISSANCE AUX ASSOCIATIONS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DES DROITS RÉSERVÉS À LA PARTIE CIVILE

A. Les dispositions de la CNUCC

213. – Participation des organisations non gouvernementales à la lutte contre la

corruption. – La CNUCC exige des Etats parties qu’ils prennent les mesures appropriées « pour

favoriser la participation active de personnes et de groupes n’appartenant pas au secteur public, tels que la société civile, les organisations non gouvernementales et les communautés de personnes, à la prévention de la corruption et à la lutte contre ce phénomène »712.

B. L’habilitation légale des associations de lutte contre la corruption en droit français

I. L’action civile des associations : généralités

214. – Droit commun. – A l’instar des personnes physiques, l’action civile en réparation

d’un préjudice matériel, corporel ou moral directement causé par une infraction713

peut être exercée par une personne morale714, et donc par une association ou une organisation non gouvernementale (ONG). Pour être partie civile à un procès, une telle organisation doit démontrer, d’une part, qu’elle a subi un préjudice certain, direct et personnel, et d’autre part, que ce dommage résulte d’une infraction punissable715. Le préjudice peut consister, par exemple, en une atteinte à son patrimoine ou à sa réputation. L’action civile peut être exercée par voie d’action lorsque l’action publique n’a pas encore été déclenchée716, ou par voie d’intervention lorsqu’une information judiciaire est déjà ouverte. L’association devient titulaire de divers droits au cours du procès pénal : le droit au juge, le droit d’être assistée, le droit de savoir, le droit de participer à la procédure et le droit de la discuter717.

215. – Parties civiles par habilitation législative. – A titre d’exception, certaines

associations peuvent exercer, sous certaines conditions718, les droits réservés à la partie civile sans justifier d’un quelconque préjudice. En effet, plusieurs dispositions légales permettent à certaines

712 CNUCC, art. 13 (1). 713 CPP, art. 2 al. 1.

714 Voir notamment : Crim. 4 oct. 1995, n°94-86206.

715 PRADEL J., Droit Pénal, CUJAS, 19e édition, 2012, p. 382 (point 454).

716 Pour la mettre en œuvre, la personne qui se prétend victime d’une infraction dépose une « plainte simple »

auprès du procureur de la République ou d’un service de police judiciaire. Si cette plainte demeure sans réponse dans un délai de trois mois ou qu’elle fait l’objet d’un classement sans suite, la personne qui se prétend victime peut alors déposer une plainte avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction (CP, art. 85). Dès lors que « les circonstances sur lesquelles s'appuie la constitution de partie civile permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale », une information judiciaire est ouverte.

717 AGOSTINI F., « Les droits de la partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel de la Cour de Cassation

(2000).

718 Généralement, les associations habilitées doivent être déclarées depuis au moins cinq ans avant la date des faits,

110 personnes morales d’agir pour la défense d'intérêts entrant dans le champ de leur objet statutaire719

. Ces textes, qui « traduisent la volonté du législateur de protéger plus nettement certaines catégories de citoyens »720, visent notamment la protection du corps humain, de la moralité, de la famille, des consommateurs, de la liberté, de l'égalité ou encore de l'environnement. Avant la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, l’action civile des associations de lutte contre la corruption ne pouvait être exercée que dans les conditions de droit commun.

II. L’action civile des associations de lutte contre la corruption

a) L’habilitation judiciaire de TI France dans l’affaire des Biens mal acquis

1. Procédure

216. – Première plainte, enquête préliminaire et classement sans suite. – Avant que les

associations anti-corruption ne se voient reconnaître par le législateur les droits réservés à la partie civile, le Cour de cassation avait cependant reconnu pour la première fois de tels droits à une ONG anti-corruption dans le cadre de l’affaire dite des Biens mal acquis. Celle-ci débute en mars 2007 lorsque trois associations déposent une plainte simple devant le procureur de la République de Paris – notamment pour recel et blanchiment de détournement de fonds publics721

– à l'encontre de cinq familles dirigeantes africaines fortement soupçonnées de détenir un important patrimoine – notamment immobilier – sur le sol français, dont les trois associations estiment qu'il n'a pu être constitué qu'aux seuls moyens de leurs revenus légaux. Une enquête préliminaire, diligentée par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, est menée par la plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC), organe français spécialisé dans l'identification des avoirs. La mission des enquêteurs consistait, non seulement à identifier les biens immobiliers acquis en leur nom propre par les personnes visées par la plainte, mais également à établir les conditions dans lesquelles ils avaient été financés. Les résultats de l'enquête « remarquable [et] exemplaire »722 menée par la PIAC, qui seront révélés dans la presse en février 2008723, mettront à jour un patrimoine spectaculaire724 ainsi que des financements atypiques et notamment des chèques tirés par des

sociétés au profil opaque ou encore par la paierie du Gabon, un compte ouvert à la Banque de