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LE RENFORCEMENT DE LA DISTINCTION ENTRE POPULATIONS

1889-1897

Ce renforcement procède de la loi du 26 juin 1889 « sur la nationalité » applicable en France, en Algérie et dans les « vieilles » colonies, d’une part (section 1), et du règlement d’administration publique du 7 février 1897 « déterminant les conditions auxquelles les

dispositions de la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité sont applicables aux colonies autres que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion » d’autre part (section 2).

Section 1 :

La loi du 26 juin 1889 et les indigènes d’Algérie466

En 1884, l’Ecole de droit d’Alger, sollicitée par le gouverneur général d’Algérie Louis Tirman, élabore un projet de loi. L’article 1er y est rédigé ainsi :

Est Français tout individu né en Algérie d’un étranger, à moins que, dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, telle qu’elle est fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d’étranger par une déclaration faite, soit devant l’autorité municipale du lieu de sa résidence, soit devant les agents diplomatiques ou consulaires de France à l’étranger, et qu’ il ne justifie avoir conservé sa nationalité d’origine par une attestation en due forme de son gouvernement, laquelle demeurera annexée à la déclaration. Cette déclaration pourra être faite par déclaration spéciale et authentique. Serait ainsi français l’enfant d’étranger né en Algérie, sauf s’il demande à conserver sa nationalité d’origine dans l’année qui suivra sa majorité. A l’option pour la nationalité française prévue par le Code civil, qui implique que l’enfant d’étranger est présumé vouloir conserver la nationalité de ses parents, serait substituée la présomption selon laquelle l’enfant d’étranger est censé vouloir adopter la nationalité française, sauf option contraire.

Le 20 novembre 1884, le gouverneur Tirman explique au conseil supérieur de l’Algérie la portée de la disposition projetée :

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Le dernier recensement de 1881 a constaté que la population française d’origine européenne ne l’emporte plus sur la population étrangère que d’un chiffre de 14 064 individus. Cet écart, qui était de 26 248 en 1865, va chaque année en diminuant, et déjà dans le département d’Oran l’élément national n’est plus en majorité. Il y a là, sinon un danger, du moins matière à préoccupations sérieuses. Puisque nous n’avons plus l’espérance d’augmenter la population française au moyen de la colonisation officielle, il faut chercher le remède dans la naturalisation des étrangers. C’est dans ce but qu’un projet de loi a été transmis à M. le Garde des sceaux. Nous proposons de déclarer Français tous les étrangers nés dans ce pays, à moins que, dans l’année de leur majorité, ils ne répudient cette qualité. Ce projet, j’en ai l’espoir, nous donnera d’heureux résultats. Vous savez qu’en Algérie on ne trouve d’ordinaire chez les étrangers aucune répugnance à devenir Français. Mais le plus grand nombre d’entre eux, par le sentiment d’attachement au pays d’origine qui se conçoit, ne veulent faire aucune démarche pour acquérir notre nationalité, de même qu’ils ne feraient aucune démarche pour la répudier, si cette nationalité leur appartenait légalement.467

La spoliation foncière des indigènes algériens ayant repris suite à la loi Warnier, l’immigration européenne en Algérie a fortement augmenté. L’apparition de nouvelles puissances dans le jeu des rivalités coloniales (comme l’Allemagne ou l’Italie), l’émergence en France d’une idéologie nataliste voulant compenser les faiblesses de la démographie française face au dynamisme des puissances rivales, le refus de voir émerger une nationalité créole algérienne et un « dominion » algérien, le refus d’accorder désormais des droits politiques aux étrangers, la volonté de couper court à toute contestation de la colonisation française par l’Espagne et surtout l’Italie (à laquelle la Tunisie vient d’échapper alors que les Italiens y sont majoritaires parmi les Européens), aboutissent à la volonté de faciliter la transformation des étrangers européens en Français. La supériorité relative de l’indigène algérien dans certains domaines (représentation dans les conseils municipaux selon un suffrage capacitaire et censitaire, accès limité à la fonction publique « française », jouissance à titre subsidiaire des droits des Français) se trouverait ainsi limitée aux immigrants étrangers de la première génération.

Le projet ne sera pas adopté.

Mais, peu de temps avant, une refonte et une codification de la législation française sur la nationalité ont été engagées. Lorsque le 1er avril 1882, le sénateur orléaniste Batbie avait déposé une proposition de loi relative à la naturalisation des étrangers en France, il avait un objectif limité : harmoniser les différentes dispositions relatives à l’enfant né en France de

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parents étrangers. L’Assemblée nationale décida de consulter le Conseil d’Etat sur ladite proposition et le rapporteur, Camille Sée, suggéra alors de mettre à jour toutes les règles relatives à la nationalité468. Il fut suivi par le Conseil. Par contre, sa proposition de prendre le contre-pied de la législation métropolitaine depuis 1851 en réaffirmant la primauté du jus

sanguinis fut rejetée.

L’examen de ce projet par la Chambre des députés en 1889 va entraîner la victoire de principes relevant du droit du sol, suite à l’intervention des députés du Nord, des départements frontaliers et de l’Algérie. Imposer la nationalité française aux enfants nés en France de parents étrangers nés en France, et laisser à l’enfant né en France de parents étrangers la possibilité d’opter pour sa nationalité d’origine par manifestation expresse de sa volonté à sa majorité, s’il reste domicilié en France, permet dans un cas de faire de nouveaux conscrits, et d’instaurer ainsi « l’égalité des devoirs », dans l’autre de rétablir l’équilibre démographique entre Français et étrangers, et, après le décret « Crémieux » du 24 octobre 1870, d’opposer un bloc homogène d’ Européens aux indigènes. De fait, le Sénatus-consulte du 14 juillet 1865 469, n’avait pas eu les effets escomptés : le décret Crémieux et la loi de 1889 sont chacun à leur manière un constat d’échec, l’un pour les israélites indigènes, l’autre pour les étrangers ; ces deux textes permettent enfin aux Français de « faire nombre ».470

S’agissant des indigènes d’Algérie, le principe ne change pas : ils continuent de ne pas relever des dispositions du Code civil relatives à la nationalité, de ne pas faire partie de la « famille civile » française.

Toutefois, les nouvelles dispositions concernant la naturalisation sont désormais intégrées au Code. Plusieurs possibilités s’offrent : soit priver les indigènes d’Algérie de la possibilité d’être naturalisés, soit insérer des dispositions relatives à la naturalisation des indigènes d’Algérie parmi les nouveaux articles du Code, soit maintenir le sénatus-consulte. Or, les conditions de recevabilité des demandes de naturalisation des étrangers prévues par la loi de 1889 sont beaucoup plus strictes que celles prévues par le sénatus-consulte de 1865 : 10 ans de résidence ou 3 ans de domicile (l’admission à domicile préalable est donc nécessaire) dans un cas, trois ans de résidence dans l’autre. Afin de maintenir ces conditions plus favorables

468 C’est à son initiative que l’expression est utilisée pour la première fois dans le titre d’une loi. P. WEIL, Qu’est-ce qu’un Français ?, op. cit., p. 77, p. 82.

469 En effet, le Sénatus-consulte instaurait en Algérie une durée de « stage de naturalisation » de 3 ans, sans condition d’admission à domicile. Si l’admission à domicile allait perdre tout intérêt pratique avec la loi de 1889, il n’en demeure pas moins que la loi de 1927, en procédant à la réduction du délai de « stage » de 10 à 3 ans, alignait la législation métropolitaine sur la législation algérienne. Cf. P. WEIL, Qu’est-ce qu’un Français ?, p. 86-88.

470 Ibid., pp. 78-91, pp. 345-349. Le recensement de 1886 dénombrait 219 627 « citoyens français », 202 212 étrangers, et 17 445 Marocains.

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aux étrangers en Algérie tout en continuant de laisser aux indigènes d’Algérie la possibilité d’être naturalisés, l’article 2, alinéa 2 de la loi de 1889 dispose : « Continueront toutefois de

recevoir leur application, le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et les autres dispositions spéciales à la naturalisation en Algérie ».

Mais, à cette nuance près, les indigènes d’Algérie et les étrangers sont désormais régis par des textes différents. La loi de 1889 permet ainsi une plus grande autonomisation de la législation relative aux indigènes.

En outre, le droit du sol double prend, en Algérie, une signification entièrement différente de celle qu’il a en France. Sur le territoire français, le territoire de la nation comme le dit Hauriou, le droit prend en compte la socialisation des étrangers établis depuis plusieurs générations, francisés désormais par une école laïque, gratuite et obligatoire, sans distinction de race, et permet ainsi l’égalité des devoirs. Sur le territoire algérien, la distinction asymétrique entre populations, séparant les Français et les étrangers d’un coté, et les indigènes de l’autre, s’articule à l’absence de volonté politique d’instaurer une école franco-indigène digne de ce nom, et rend ainsi possible une lecture raciste du droit du sol double. Si la descendance de l’étranger établi en Algérie a vocation à devenir française dans le cas des enfants, et devient française automatiquement dans le cas des petits enfants, c’est parce que, présumée comme étant d’origine européenne et/ou chrétienne, on la considère comme plus apte à être scolarisée. Si le discours sur la scolarisation des indigènes dans les colonies d’exploitation tendait à les cantonner dans des fonctions subordonnées, on n’ira jamais jusqu’à affirmer que leur scolarisation est inutile, comme ce sera le cas en Algérie471.

Un fossé sépare désormais ceux dont la descendance a vocation à devenir automatiquement française et ceux dont la descendance a vocation à ne pas le devenir. Le législateur choisit de renforcer l’homogénéité de la société européenne afin de mieux l’opposer à la société indigène : il accentue la distinction entre populations et place l’aptitude à devenir français au cœur de sa reproduction.

La portée de l’exclusion est par ailleurs limitée aux seuls indigènes de l’Algérie. Les étrangers qui leurs sont assimilés ne sont pas considérés comme une catégorie du droit de la nationalité, et sont donc, au regard du seul droit de la nationalité, des étrangers de droit

commun.472

En ce qui concerne les colonies, le principal problème tient à la hiérarchie des normes.

471 Cf. Charles-Robert AGERON, Histoire de l’Algérie contemporaine, T2, Paris, PUF, 1979, pp. 152-167 ; pp. 533-541.

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Section 2 :

Le décret du 7 février 1897 et les indigènes des colonies

D’après les articles 3 à 8 du consulte du 3 mai 1854 (modifié par un sénatus-consulte du 4 juillet 1856), la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion sont régies, selon l’importance des matières, par des consultes (remplacés par des lois à partir du sénatus-consulte du 21 mai 1870473), par des lois, des décrets en Conseil d’Etat, des décrets simples. Pour ces trois territoires, il n’y a aucun doute : les matières relatives à l’état des personnes, et donc à la nationalité, relèvent du domaine législatif. Par contre, toutes les autres colonies sont soumises au régime des décrets simples (article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854), dont on considère alors qu’ils ont valeur législative, sauf en matière de douane (loi du 7 mai 1881, article 3, §2) : la nationalité y relève du domaine réglementaire474.

Toutefois, la loi du 29 mai 1874 avait déclaré applicables à toutes les colonies les lois sur la naturalisation des 3 décembre 1849 et 29 juin 1867 : la naturalisation des seuls étrangers relevait donc désormais de la compétence de l’Assemblée nationale. Seules de nouvelles lois pouvaient la modifier.

Or le décret du 25 mai 1881 sur la naturalisation en Cochinchine et le décret du 10 novembre 1882 sur la naturalisation des étrangers en Nouvelle Calédonie, dérogent par la suite à cette loi de 1874 en supprimant la condition d’admission à domicile. Ces deux textes sont donc illégaux.475

Le législateur de 1889, qui déclare la loi applicable aux Antilles, à la Réunion et, sous certaines réserves, en Algérie, préfère, suite à un amendement sénatorial, se dessaisir de la matière pour les colonies soumises au régime des décrets simples476. L’article 5, 1° de la loi du

473 Le sénatus-consulte du 21 mai 1870 « fixant la Constitution de l’Empire », promulgué suite à son approbation par plébiscite du 8 mai, supprime les sénatus-consultes pour l’avenir et confère aux sénatus-consultes antérieurs à 1870 et non-abrogés « force de loi ». Cf. L. ROLLAND, P. LAMPUE, Précis de législation coloniale, op. cit., p. 149.

474 Cf. supra.

475 Cf. en ce sens, Paul DISLERE, Traité de législation coloniale, Paris, P. Dupont, 1886-1888, T.1, pp. 202 ss. ; Georges GRUFFY, De l’unité de nationalité dans la famille. Etude sur la naturalisation des femmes mariées et des mineurs, Paris, Librairie de jurisprudence ancienne et moderne, 1893, pp. 28-32 ; Pierre DARESTE (dir.), Traité de droit colonial, T. 1, Paris, 1931, pp. 304-306.

La loi du 29 juin 1867 ouvrait la possibilité de se faire naturaliser aux étrangers admis à domicile qui résidaient en France depuis 3 ans, cette durée commençant lors leur demande d’admission.

476 Batbie justifie ainsi ce dessaisissement : « ce n’et pas là seulement une question de législation, c’est une question de politique coloniale qu’il ne faut résoudre qu’avec une connaissance parfaite de tous les éléments, de

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26 juin 1889 prévoit qu’un règlement d’administration publique déterminera, pour l’exécution de ladite loi, « les conditions auxquelles ses dispositions sont applicables aux colonies autres

que [la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion], ainsi que les formes à suivre pour la naturalisation dans les colonies ». Ceci impose l’examen du texte à venir par l’Assemblée

générale du Conseil d’Etat. Il ne verra le jour qu’en 1897.

Eu égard au fait que les indigènes d’Algérie sont exclus du champ d’application de la loi de 1889 notamment par le biais d’une référence au sénatus-consulte de 1865 et aux « autres

dispositions spéciales à la naturalisation en Algérie », le mandat du législateur pour les

colonies soumises au régime des décrets (notamment concernant les « formes à suivre pour la

naturalisation ») ne peut que concerner les indigènes. Mais s’il y a un déclassement concernant

les dispositions relatives à la naturalisation des étrangers, on passe par contre à la catégorie d’acte réglementaire la plus élevée concernant celle des indigènes.

Les dispositions relatives à la naturalisation des indigènes ne peuvent désormais relever d’un décret simple : seul un règlement d’administration publique peut les régir477. Comme on le verra, le décret de 1897 opérera à son tour un déclassement, en réintroduisant la naturalisation des indigènes dans le domaine du décret simple, en violation du mandat confié par le législateur. Lors de l’élaboration du texte sur la nationalité aux colonies, les frontières de l’empire sont encore floues, la conquête n’est pas achevée, les formes juridiques de la domination française (colonie ou protectorat) ne sont pas encore, selon les territoires, établies avec certitude.

Les débats concernant les indigènes à la commission chargée d’élaborer le règlement d’application de la loi de 1889 opposent le député de l’Inde française, Pierre Alype, à l’ancien gouverneur de Cochinchine, Le Myre de Vilers. Cette commission est composée de représentants des ministères de la justice, des affaires étrangères, des colonies et de représentants des colonies.

D’après Charles Apchié478, les débats de la commission sont marqués par la question des natifs de l’Inde française et des originaires des communes de plein exercice du Sénégal. Si leur droit à participer aux élections nationales est reconnu, la portée de ce droit est discutée : est-il limité à leur territoire d’origine ou s’applique-il dans tout l’empire ? Pierre Alype, souhaitant revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux natifs

tous les intérêts qui peuvent concerner la colonie ». Cité in NGUYEN Khac-Ve, La naturalisation française en Indochine, op. cit., pp. 34-35.

477 P. DISLERE, op. cit., p. 218; G. GRUFFY, op. cit., pp. 139-140.

478 Cf. Charles APCHIE, De la condition juridique des indigènes dans les colonies et dans les pays de protectorat, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 1898, pp. 51-54.

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renonçants en Cochinchine479, soutient qu’ils sont absolument « citoyens français » tout en conservant leur statut personnel, et propose d’étendre cette possibilité à toutes les colonies.

Il propose l'article suivant, manifestement inspiré de l’arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 1883, qui maintenait le droit de participer aux élections nationales des non-renonçants :

Art. 1er : Sont Français et jouissent des droits civils :

-les Indigènes des colonies françaises. Néanmoins, ils peuvent continuer à jouir de leur statut personnel, ils peuvent néanmoins à l'âge de 21 ans accomplis renoncer à leur statut pour être régis par les lois civiles de la France.

Ils peuvent, quel que soit le statut personnel auquel ils sont soumis, être admis à jouir des droits de citoyens français, conformément aux lois constitutionnelles et électorales.

Pour Alype, le statut personnel est secondaire : dès lors que des droits politiques identiques à ceux des Français ont été reconnus aux indigènes d’un territoire, ces droits sont valables dans tout l’empire. Par ailleurs, il s’agit de faire de tous les indigènes des colonies, comme les natifs de l’Inde, une sous-catégorie de Français.

Le Myre de Vilers proteste lors d’une autre séance de la commission. Il déclare que pour être citoyen français il faut être soumis au droit civil français : « Une exception a été faite en

faveur des Indiens de l’Inde, mais on ne peut admettre qu’ils en bénéficient en dehors de leur pays ».

Dans la même séance, Le Myre de Vilers déclare que la commission doit émettre une opinion de principe : « Veut-elle que la population de nos colonies soit cosmopolite ou

veut-elle défendre notre civilisation ? Si veut-elle veut adopter cette seconde opinion, veut-elle ne doit pas étendre démesurément la qualité de citoyen français. Des privilèges ont été accordés, on ne doit pas les retirer mais on ne doit pas non plus adopter le système opposé par lequel on arriverait à avoir des familles polygames à Paris. » Autrement dit, l’institution de territoires

multinationaux égalitaires doit être rejetée, car elle remettrait en cause la hiérarchie des sociétés. En l’absence de consensus, il est décidé qu’il ne sera rien changé à la condition des indigènes, « autrement dit », comme l’indique Charles Apchié, « que les questions

controversées resteraient controversées ».

C’est dans ce contexte que se tient l’Assemblée générale du Conseil d’Etat, le 23 avril 1896. Les sections réunies ont apporté deux modifications substantielles au projet du gouvernement, élaboré par la commission, qui maintient le jus sanguinis dans les colonies: elles ont supprimé la condition d’admission à domicile et l’ont remplacée par la condition de

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résidence de 3 ans pour le stage de naturalisation,480 et elles ont réduit la portée du texte aux seules colonies, alors que le gouvernement voulait l’étendre aux protectorats.

Mais Camille Sée, à nouveau rapporteur, expose à l’Assemblée son désaccord avec les sections réunies, qui ont rejeté sa proposition sur cette question cruciale qu’est la situation des indigènes des colonies au regard du texte. Il considère que c’est une vision à court terme de ne pas permettre aux indigènes de s’assimiler aux Français par la naturalisation, ou au moins par la renonciation au statut personnel 481 :

La délégation, qui nous est donnée, parait très simple. Cependant au sein de la section s’est élevée la question de savoir quelle était la limite de notre mandat. Et en effet le règlement s’appliquerait-il aux étrangers seuls se trouvant aux colonies ; le règlement, au contraire et d’abord régirait-il les indigènes de nos colonies ? Permettrait-on à cet indigène, qui est sujet français, de devenir par le complément de la naturalisation et en renonçant à son statut personnel, citoyen français ?482

Au moment de la conquête, nous nous sommes refusé à faire l’assimilation des indigènes aux Français. Nous nous sommes souvenus sans doute de ce que dit à cet égard Montesquieu lorsqu’il fait remarquer que c’est une folie de la part des conquérants de vouloir imposer aux peuples conquis leurs mœurs et leurs coutumes ; cela ne vaut rien ; Rome n’imposait aucune loi générale ; les peuples faisaient un corps par suite de