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Une idée d’Ismaÿl Urbain

L’EMERGENCE DE L’INDIGENE 1834-1870

B) Une idée d’Ismaÿl Urbain

subordonné à la possession et à la jouissance des droits de citoyen », elle semble considérer

que l’indigène ne jouit pas des droits politiques. La chambre civile paraît ainsi considérer que l’accès aux fonctions publiques ne fait pas partie des droits de citoyen : dans un contexte où membres des conseils municipaux et membres des conseils généraux sont nommés et, en cas d’élection, occupent des fonctions publiques électives, où les Français d’Algérie n’ont pas participé à une élection locale depuis qu’ils ont voté majoritairement « non » au plébiscite de 1852, cela revient à leur reconnaître dans la pratique, mais à titre seulement subsidiaire, donc sans porter atteinte aux dispositions privatives de droits ou discriminatoires, des droits identiques aux Français domiciliés en Algérie.

La Cour de cassation fournit ainsi un cadre juridique adapté au compromis entre mission civilisatrice et principe des nationalités qu’est la politique du Royaume arabe.

A vrai dire, que les indigènes ne fassent pas partie de la nation n’est remis en cause ni par la cour d’Alger, ni surtout par la Cour de cassation : le statut personnel des indigènes israélites ou musulmans est contraire « aux principes d’ordre public et même aux lois pénales

sous la double protection desquels vit la nation française » pour l’une, les indigènes sont placés

sous « la souveraineté directe et immédiate de la France » pour l’autre.

Pendant la même période 1860-1865, la cour impériale d’Alger et la Cour de cassation dégagent le principe selon lequel les lois françaises en vigueur le 22 juillet 1834 sont applicables en Algérie, « dans la mesure où les circonstances locales en permettent l’applicabilité ».227

Le 17 novembre 1865, la chambre criminelle affirme : « La conquête et l’occupation de

l’Algérie y ont virtuellement introduit les lois générales de la métropole alors existantes, destinées à protéger les Français dans leur personne et leur propriété, sans qu’il fut besoin d’une législation spéciale » mais « dans la mesure où les circonstances de temps et de lieu en permettent l’application ».228

La loi française est un attribut du Français.

Entre-temps, les réflexions d’Ismaÿl Urbain et le projet politique de Napoléon III semblent devoir aboutir à une amélioration importante de la condition des indigènes.

B) Une idée d’Ismaÿl Urbain

227 C’est la formule employée dans cass., req., 4 fév. 1863 (S. 1863, I, p. 201 ; J.A., 1863, p.1). La cour d’Alger avait estimé auparavant qu’ « Il est de principe que tout établissement colonial est régi par les lois de la mère-patrie, dès l’époque de la conquête et sans promulgation spéciale ; l’histoire de toutes les colonies fondées par la France dès le XVIIe siècle est d’accord avec tous les documents législatifs qu’ont légués les établissements formés par les Français à des époques plus reculées, pour constater l’existence de ces principes ». (11 déc. 1861, J.A. 1861,p. 69).

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Dans L’Algérie française. Indigènes et immigrants, publié anonymement en 1862, Urbain approfondit sa réflexion ébauchée en 1861. La tonalité plus polémique de la brochure est due aux corrections qu’y a apportées Frédéric Lacroix, alors cheville ouvrière des arabophiles229. Ce démocrate d’origine protestante, préfet en Algérie en 1848, avait été un opposant à l’Empire.

Urbain, qui a participé à la guerre contre Abd el-Kader comme interprète, est peu sensible au thème de la nationalité arabe : il emploie l’expression230, mais c’est la notion d’indigène qui domine sa pensée.

Le territoire algérien s’est vu conférer la « nationalité française »231 constate-t-il. Du fait de l’annexion, « la situation se trouve radicalement modifiée, car notre droit politique ne peut

admettre sur une partie de l’Empire l’existence d’une population qui ne serait ni nationale, ni étrangère, dont les droits ne seraient pas garantis par notre pacte fondamental, hôtes tolérés par une sorte de transaction tacite, mais séparés de nous aussi bien dans le passé que dans l’avenir. »

En conséquence, les indigènes sont des régnicoles : ce ne sont pas des étrangers, ils n’ont pas que des devoirs : « En nous appropriant la terre, nous avons accepté les habitants ;

nous les avons admis dans notre grande unité politique ».

Mais Urbain se propose d’aller plus loin : il veut « éclaircir une situation qu’aucun

document officiel n’a encore définie »232 tout en citant, en note en bas de page, le considérant de principe de l’arrêt de la cour d’Alger de 1862.

« En effet, nous n’avons encore envisagé que le côté en quelque sorte extérieur de la question. Nous savons ce que sont les indigènes par rapport aux étrangers ; quelle sera leur position à l’égard des citoyens français ? Ils ont été, en face des nations étrangères, placés sous la sauvegarde de notre droit international ; que sont-ils à l’égard de notre droit civil intérieur ? Il est évident que, ne pouvant ou ne voulant pas accepter toutes les charges de notre état social, ils ne doivent pas en recueillir tous les avantages. Autant par une sage circonspection de notre part qu’à cause de leur répugnance particulière, ils ne peuvent participer à l’égalité civile et politique réglée par nos lois. Notre droit est absolu ; on ne saurait en réclamer le bénéfice si

229 Ce dernier prône un territoire multinational : « On nie la nationalité arabe comme l’Autriche niait la nationalité italienne alors qu’on applaudit la nationalité italienne et polonaise ». « … Le mot malheureux, c’est celui d’assimilation, c’est à dire de les rendre absolument semblables à nous. Il faut civiliser, non absorber. » Cité in A. REY-GOLDZEIGUER, op. cit., p. 80

230 Cf I. URBAIN, L’Algérie française. Indigènes et Immigrants, op. cit., pp. 123-124, où il évoque une nationalité arabe (« cette vigoureuse nationalité ») et une nation arabe (« une nation qui sans organisation, sans argent (…) a, pendant vingt ans, résisté à la première puissance militaire du monde, n’est certes pas dégénérée »).

231Ibid., pp. 51-50.

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l’on veut se retrancher dans certaines situations privilégiées. »233 Il n’y a pas de différence, sur ce point, avec le raisonnement de la cour d’Alger.

Puis, après avoir indiqué que la qualité de régnicoles reconnue aux indigènes leur ouvre droit à la protection diplomatique, il cherche à définir plus précisément leur position « vis-à-vis

de notre droit intérieur » : « ils nous apparaissent comme des clients, comme des sujets politiques, et non des sujets civils (si une pareille distinction est possible), comme des affranchis de la nationalité étrangère, auxquels un stage est imposé avant de devenir participants à la souveraineté française. Ils ont leur domicile parmi nous, mais les délais ne sont pas expirés pour qu’ils reçoivent la grande naturalisation. »234 Une sorte de grande admission à domicile collective : après avoir fermé la porte à l’extranéité de l’indigène, Urbain la fait rentrer par la fenêtre.

Il cherche par la suite à préciser ses idées : l’indigène en tant qu’individu doit être considéré comme l’égal du Français, mais la collectivité indigène est soumise à la France. Il faut reconnaître l’égalité individuelle, mais limiter les droits collectifs : « La sujétion de

l’ensemble des Indigènes à la France est réelle ; mais ce droit attribué à l’Etat ne doit produire aucune conséquence dans les relations des Français avec les individus indigènes ».235

En réalité, le Guyanais métissé qu’est Urbain cherche à élaborer une solution juridique permettant de concilier les nécessités de la mission civilisatrice, ce qui implique la hiérarchie des sociétés, et la volonté de ne pas ressusciter, sous une autre forme, les discriminations raciales abolies en 1833236, ce qui implique l’égalité des races :

Pour que la qualité de régnicole, que nous avons attribuée aux Indigènes, ait une signification pratique et positive, nous sommes obligés de distinguer nettement, en ce qui concerne la France, l’Etat de l’individu. De même que nous avons reconnu, pour les Indigènes, un droit de liberté individuelle qui ne répondait pas, pour l’ensemble, à un droit collectif en général, de même nous séparerons, en Algérie, l’intérêt de la nation française de l’intérêt de l’individu français. Ces réserves seront bientôt justifiées. Nous avons constaté que les Indigènes n’étaient, au point de vue

233 Ibid., pp. 52-53. 234 Ibid., p. 55.

235 Ibid., p 56. « Notre domination n’affecte en rien ni les biens des Indigènes, ni leur liberté de conscience ; chacun d’eux est libre de vendre ses biens et de quitter l’Algérie. Mais si l’on considère la collectivité, l’agrégation sociale, le même droit n’existe plus : ils ne peuvent ni émigrer en masse, ni opérer de grands déplacements ; ils appartiennent à la terre française ». Ibid.

236 En revenant en Algérie, Urbain est effrayé par le racisme des colons. Il écrit à Frédéric Lacroix le 26 juin 1862 : « L’animosité des colons contre les Indigènes frappe tous les esprits non prévenus et pour peu qu’on ait le cœur ouvert aux sentiments de philanthropie et de justice, cette animosité apparaît comme un sentiment monstrueux. Il est vraiment étrange que l’abolition de l’esclavage ait transporté sur un terrain nouveau les haines et les mépris de race à race. C’est maintenant en Algérie que le préjugé s’est implanté ; seulement ici, il ne s’attaque plus à la couleur. Vous verrez qu’il faudra les efforts de toute une génération pour modifier ces tendances ». Cité in Ibid., préface de Michel Levallois, p. 46. Cf. aussi p. 32.

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du droit civil, que des clients et des affranchis de la France. Ces restrictions ne les placent pas cependant dans une position de subalternité, ni d’infériorité, par rapport aux Français qui habitent l’Algérie. Ce serait ressusciter le régime des castes, incompatible avec notre constitution politique et notre état social. Nous ne pouvons pas plus subir l’inégalité que l’imposer.

L’Indigène est l’égal, comme régnicole, du Français venu du continent européen, en ce sens qu’il a droit, de la part de l’Etat, à la même protection pour sa liberté, pour sa propriété et pour son culte. L’inégalité qui existe, -puisque l’un est citoyen et l’autre ne l’est pas,- est une inégalité abstraite, en quelque sorte circonstancielle, dont aucune individualité ne peut se prévaloir pour faire sentir à l’Indigène, au profit d’un intérêt personnel, cet état d’infériorité. L’Indigène algérien et l’Immigrant français sont tous deux, à des titres et à des degrés différents, sujets de la France, sans que la suprématie de l’Etat à l’égard des Indigènes puisse être invoquée par les autres sujets français comme une sorte de droit d’aînesse. A certains points de vue, cette inégalité rappellerait celle que la loi reconnaît, en fait, entre les sexes, sans l’avoir nulle part formellement exprimée ni consacrée. L’incapacité qui frappe temporairement l’Indigène ne doit pas être tournée contre lui et exploitée par d’autre régnicoles émancipés, parce que l’on perpétuerait ainsi des distinctions que l’Etat s’efforce de faire cesser.

En d’autres termes, il n’existe sur le sol algérien qu’un intérêt prédominant, celui de la France. C’est elle qui exerce la tutelle envers les Indigènes, et qui seule peut leur demander ou leur imposer, au besoin, des sacrifices. Quant aux intérêts privés des Immigrants, ils ne doivent jouir d’aucun privilège à l’égard des Indigènes. L’Etat n’a pas deux buts en Algérie : l’un européen ou chrétien, l’autre indigène ; il n’a qu’un but : la prospérité du pays par la civilisation des Indigènes.237

De fait, pour Urbain, la mission civilisatrice n’est pas un simple argument de légitimation : c’est un véritable programme politique.

Si les Indigènes « ont leur place, sinon dans notre famille civile, du moins dans notre

famille politique », « le statut personnel des Indigènes tels que nous l’avons défini nous permet de leur appliquer progressivement notre droit civil et nos institutions politiques, dans la forme et dans la mesure que nous croirons le plus utile à nos intérêts et aux leurs. »238

Urbain a bien compris les potentialités racistes de l’arrêt de la cour d’Alger, qui justifie l’infériorité de l’indigène par la « Capitulation » de 1830 : « La concession que nous avons faite

en leur conservant un statut personnel spécial n’a pas été l’objet d’un contrat synallagmatique ; elle n’a, par le fait, qu’une valeur de transition ; mais le progrès loyalement accompli et accepté peut seul dégager notre parole. Les régnicoles algériens resteront provisoirement sous un gouvernement paternel, qui est essentiellement dans le goût traditionnel des peuples orientaux

237 Ibid., pp. 57-58. 238 Ibid., p. 86.

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et musulmans. Ils arriveront, après une transformation successive, à un gouvernement garanti par une constitution ».239

L’instruction doit être le principal moyen pour aboutir à cet objectif.240 Par ailleurs,

« l’autorité française devra se faire sentir moins aux individus qu’aux masses ; la civilisation convertira les individus241. Ce but pourra être atteint si l’on ne détruit pas trop brusquement leur organisation par tribu, si on ne les dissémine pas trop vite dans les communes françaises, où ils seraient livrés à l’exploitation des immigrants ».242 Ce qui signifie le maintien de la

distinction entre territoire civil et territoire militaire.

Puis cette politique aboutira : « L’évolution étant accomplie par la masse entière, la

civilisation descendra du faîte social jusqu’aux dernières couches, du groupe à l’individu. A ce moment, l’Indigène sera prêt pour prendre tous les droits et toutes les charges du citoyen français. »243.

Le projet politique d’Urbain ne peut être que paternaliste : aller au-delà reviendrait à abandonner purement et simplement la colonisation, alors qu’il a lui-même participé à la conquête. Mais c’est un paternalisme anti-raciste : si la société française est supérieure à la société indigène, cela n’implique pas l’incapacité des Indigènes à vivre à terme selon la loi française. Par l’éducation, par une action politique avisée, la transition vers une société d’individus est possible, accompagnée par une émancipation politique graduelle.

Dans aucune page de sa brochure, Urbain n’envisage explicitement la possibilité pour l’indigène de se faire naturaliser individuellement, alors qu’il considère qu’on devrait « rédiger

une loi de naturalisation pour les étrangers, aussi large que possible ».244

Cependant, en 1861, il évoque la question dans sa conclusion de L’Algérie pour les

Algériens. Rappelant que l’article 9 du Code civil permet à l’individu né en France de parents

étranger d’opter pour la nationalité française à sa majorité, sur simple déclaration au maire de la commune, il cite le cas d’ « un jeune Arabe, élevé au lycée français d’Alger [qui] avait été

autorisé à suivre les cours de l’école militaire de Saint-Cyr. A la fin de ses études, il subit un examen et fut nommé sous-lieutenant dans un régiment de spahis, au titre indigène. Mais en

239 Ibid., pp. 86-87.

240 Ibid., p. 86 ; cf. aussi pp. 90-91. 241 C’est moi qui souligne.

242 Ibid., pp. 88-89. 243 Ibid., p. 96. 244 Ibid., p. 118.

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arrivant en Algérie, il se présenta devant le maire de sa commune : elle ne put lui être refusée. »

Il put alors être admis dans l’armée comme officier au titre français.245

« D’autre jeunes indigènes pourront faire de même et revendiquer leur admission dans d’autres branches des services publics ou la qualité de Français est exigée. » conclut-il alors.246

Puis il observe que la loi du 7 février 1851 fait des enfants nés en France d’étrangers nés en France des Français à leur majorité, sauf s’ils déclarent opter pour leur nationalité d’origine. « Combien d’indigènes se trouveront dans une dizaine d’années citoyens français de

par la loi du 7 février ! Ce ne sera ni un mal, ni un danger ; mais il vaut la peine qu’on s’en préoccupe, et on ferait sagement de devancer cette introduction de fait dans la nationalité française par une loi sur la naturalisation des étrangers et des indigènes en Algérie ».247

Urbain paraît ainsi favorable à un droit d’option mais hostile à une naturalisation collective. Par contre, en 1863, il paraîtra plus préoccupé de faire entrer progressivement les indigènes dans la modernité française sans déstructurer leur société : il misera avant tout sur une évolution collective, même si la civilisation doit « convertir les individus ». Par ailleurs, il est silencieux sur l’accès aux fonctions publiques, se contentant d’observer que les indigènes concourent déjà aux charges publiques en matière militaire et qu’il est souhaitable qu’ils le fassent dans une plus ample mesure.248

La politique du Royaume arabe, qui va bientôt être assumée publiquement par Napoléon III, repose en réalité sur la pérennisation et même l’extension du territoire militaire : Urbain raisonne avant tout par rapport à la grande majorité des indigènes qui y vivent. Demeure, par contre, la question des indigènes établis en territoire civil, dont la quasi-totalité des israélites.

C) Un projet généreux

Le décret du 7 juillet 1864 consacre le triomphe des militaires et des arabophiles. Gouvernée par un maréchal de France, l’Algérie fait l’objet, conformément aux vœux d’Urbain249, d’une partition à la fois géographique et ethnique : l’article 12 prévoit que tous les indigènes, non rattachés à des communes constituées (les territoires civils), ne relèvent que de l’autorité militaire, tandis que l’article 11 prévoit que tous les civils européens sont régis par les institutions civiles.

245 Il n’y a aucune raison de mettre en doute le témoignage d’Urbain, étant donné la confusion qui règne à l’époque sur la question.

246 I. URBAIN (G. VOISIN), L’Algérie pour les Algériens, op. cit., p. 150. 247 Ibid., p. 160.

248 I. URBAIN, L’Algérie française, op. cit., p. 62. « L’impôt du sang demande à être régularisé et accru progressivement, dans une proportion qui ne compromette pas notre prépondérance militaire ».

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Dans le même temps, alors que la Cour de cassation vient de rendre son arrêt de principe, le ministère de la guerre fait admettre à domicile, le 25 juillet 1864, un officier indigène né en 1830, Mohamed Ben Hacem, qu’il cherche à faire naturaliser depuis 1851. Mais le Conseil d’Etat lui refuse la naturalisation exceptionnelle prévue par la loi du 3 décembre 1849, qui permet la réduction du délai de stage de 10 à un an pour l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France.250

En Algérie, la lettre de Napoléon III à Pélissier du 6 février 1863, très inspirée de la seconde brochure d’Urbain, déchaine l’hostilité des colonistes251.

La référence à une nationalité arabe, qui est propre à Napoléon III, choque. Les indigènes sont des « nouveaux privilégiés », le Royaume arabe est « une nationalité qui n’existe

pas », « la société arabe n’est pas une nationalité ».252

Le maréchal de Mac Mahon nommé en remplacement de Pélissier, décédé, en septembre 1864, est lui aussi hostile à la « reconstitution » d’une nationalité arabe disparue avec la reddition d’Abd el-Kader et refuse que l’on résolve le problème algérien par le principe des nationalités : ce n’est qu’un agrégat de tribus.253

Le projet de texte est annoncé lors du voyage de Napoléon III en Algérie, en mai 1865. Avant d’entrer plus avant dans le vif du sujet, une remarque préalable s’impose : un des problèmes que posent le sénatus-consulte de 1865 et son élaboration est le caractère particulièrement confus du vocabulaire, faute d’avoir su inventer une nouvelle terminologie. Selon le contexte, le mot « naturalisation » peut désigner aussi bien cette sorte d’admission à domicile collective et élargie qu’est la déclaration selon laquelle les indigènes sont Français, que la naturalisation permettant à l’indigène d’entrer dans la « famille civile française », de devenir Français au sens du Code civil.

La question de l’accès aux fonctions publiques est abordée, car l’empereur souhaite utiliser des troupes indigènes pour réduire les effectifs des troupes françaises immobilisées en Algérie. Napoléon III décide, malgré l’opposition des officiers, d’appliquer les méthodes pratiquées en Russie et aux Indes : les membres des familles indigènes les plus influentes se verraient attribuer les grades les plus élevés de l’armée. En conséquence, il écrit au ministre de la guerre, le maréchal Randon, le 30 mai 1865 de « préparer un décret qui (la naturalisation

une fois adoptée) établirait que les Arabes peuvent parvenir (sauf examen) à tous les emplois