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ACCENTUATION ET REMISE EN CAUSE DE L’INFERIORITE DE L’INDIGENE

1909-1916

Jusqu’en 1909, les Annamites sujets ou protégés français, les Tunisiens, les indigènes algériens, les Cambodgiens- uniquement s’ils sont domiciliés en Cochinchine, demeurent les seuls à pouvoir être naturalisés. La production normative ne reprend qu’après que la conquête et la pacification des territoires africains (y compris Madagascar) soient achevées. S’ouvre alors une période où la multiplication des textes sur la naturalisation des indigènes va s’accompagner de conditions de recevabilité de plus en plus restrictives, et d’un alignement de plus en plus important, au regard du droit de la nationalité française, du statut des indigènes protégés d’Indochine sur celui des indigènes sujets français.

Mais la manifestation la plus spectaculaire de cette « sujettisation » des nationaux des Etats protégés indochinois est un texte adopté à la suite d’une délibération du Comité consultatif des affaires indigènes : le décret du 25 novembre 1913 « déterminant les conditions d’accession

à une nationalité étrangère des indigènes sujets ou protégés français, originaires des possessions françaises autres que l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie ». Le rapport du garde des

Sceaux et du ministre des colonies précise qu’ « au point de vue international, les sujets ou les

protégés français doivent être considérés comme des ressortissants français »490, ce qui revient à constater qu’ils ne le sont pas à l’intérieur de l’empire.

Le texte instaure l’allégeance perpétuelle à la France des indigènes protégés et sujets français relevant du ministère des colonies. En effet, l’article 1er dispose que « Dans les

possessions491 françaises autres que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, les indigènes sujets ou

protégés français ne peuvent perdre cette qualité par l’acquisition d’une nationalité étrangère qu’avec l’autorisation du Gouvernement français. Toute naturalisation obtenue sans cette autorisation est nulle et non avenue. »

490 H. SOLUS, Traité de la condition des indigènes en droit privé,op. cit., pp. 40-41 ; A. GIRAULT, Principes de colonisation et de législation coloniale, 5ème éd., op.cit., pp. 512-513.

491 « Se dit d’un territoire situé hors de la métropole d’un Etat sur lequel celui-ci exerce son autorité. Le terme, qui est généralement utilisé au pluriel, est volontairement vague et évite ainsi de se prononcer sur le statut juridique de ces territoires. Il est souvent employé comme synonyme de « colonies ». » J. SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit.

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Tout comme les Français de 1811 à 1889, ces indigènes ne peuvent être naturalisés dans un pays étranger sans l’autorisation du pouvoir exécutif492. Le texte est vague : vise-t-il toute acquisition d’une nationalité étrangère, comme l’indique la première phrase d’article, ou son application est-elle limitée à toute acquisition d’une nationalité étrangère par le biais de la naturalisation, comme l’indique la deuxième phrase. Les exceptions étant d’interprétation stricte, il faudrait pencher pour la seconde solution.

Le tribunal civil de Nouméa se prononcera ainsi sur la question de savoir si cette disposition s’applique à la femme indigène qui, épousant un étranger, acquière sa nationalité : après avoir considéré en 1924 qu’une autorisation était nécessaire, il considérera le contraire en 1925.493

L’application du texte est par ailleurs problématique puisqu’il faut savoir quand l’indigène perd sa qualité de sujet ou de protégé français. La solution varie selon la législation définissant la qualité d’indigène, si elle existe, et, en son absence, de l’appréciation de la jurisprudence.

L’article 2 précise que l’autorisation est donnée par décret rendu sur la proposition conjointe du ministre des colonies et du ministre de la justice, après avis du gouverneur général ou du gouverneur de la colonie dont l’indigène est originaire.

La forme est ainsi proche de celle des décrets sur la naturalisation française des indigènes.

Le texte sera modifié par décret du 17 août 1922 afin de préciser qu’un droit de sceau de 300 francs serait versé à la colonie. A titre de comparaison, le droit de sceau pour la naturalisation d’un étranger au titre du décret de 1897 est de 100 francs. Il était sans doute problématique pour le législateur que la gratuité existe aussi bien pour l’acquisition de la nationalité française que pour celle d’une nationalité étrangère. Le coût de l’acceptation du pouvoir exécutif doit sans doute inciter l’indigène à préférer la nationalité française, mais les conditions de naturalisation demeurent dissuasives.

Le texte, en tout état de cause, renforce la distinction entre populations et confirme l’infériorité de l’indigène par rapport à l’étranger : ce statut paraît trop avantageux au législateur

492 La loi de 1889 limite l’autorisation aux hommes en âge de porter les armes.

Cf. P. WEIL, Qu’est-ce qu’un Français ?, op. cit., p. 54, pp. 389-391 ; Claude GOASGUEN, Les Français au service de l’étranger sous le Premier Empire. Législation et pratique, Thèse de doctorat en droit, Université de Paris II, 1976 ; Jules HERBAUX, De la naturalisation acquise par un Français en pays étranger, Paris, A. Maresq ainé, 1880.

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pour qu’on laisse le colonisé librement en bénéficier. Par ailleurs, il peut redouter que certains nationalistes bénéficient de la protection de gouvernements étrangers.

Mais la période 1909-1916 va être dominée par deux ruptures. D’une part, le mouvement amorcé dès la mise en œuvre du sénatus-consulte de 1865 trouve un aboutissement : de conversion à une civilisation incarnée par le droit français, sans distinction parmi les indigènes, la naturalisation devient subordonnée au degré de civilisation et réservée à certaines catégories d’entre eux (section 1) ; d’autre part, la conjoncture internationale et européenne entraîne une remise en cause des arbitrages de 1865 et de 1870 (section 2).

Section 1 :

La naturalisation subordonnée au degré de civilisation

Le changement de conception que vont traduire les nouveaux décrets sur la naturalisation des indigènes s’accompagne d’une évolution du vocabulaire législatif : désormais, on désigne la naturalisation de l’indigène originaire d’un territoire français par l’expression « accession à la qualité de citoyen français ». Auparavant mode d’entrée dans la nation française dont pouvaient bénéficier les indigènes ou les étrangers, la naturalisation est maintenant censée désigner ce mode d’entrée uniquement quant aux étrangers. Son apparition est due essentiellement aux lacunes du sénatus-consulte de 1865 d’une part, et à un « effet de texte », d’autre part.

D’une part, comme on l’a vu494, le sénatus-consulte de 1865 demeure silencieux quant au statut de la femme et des enfants mineurs de l’indigène algérien naturalisé. Cette question donne lieu à une controverse doctrinale et jurisprudentielle opposant les tenant de l’analogie avec les effets de la naturalisation de l’étranger, et ceux qui défendent au contraire l’adoption de règles différentes, spécifiques, qu’ils considèrent comme plus adaptées. Ces derniers, pour appuyer leur thèse, affirment que les indigènes algériens ne sont pas naturalisés, mais

« accèdent à la qualité de citoyen français », ce qui ne peut que justifier le rejet de l’analogie495,

494 Cf. supra.

495 Ainsi A. HUGUES, plaidant pour l’effet familial automatique de la naturalisation de l’indigène d’Algérie contre les tenant d’un raisonnement par analogie avec la naturalisation des étrangers dans la loi de 1889 (La nationalité française chez les musulmans de l’Algérie, op. cit., pp. 185-186), écrit (c’est moi qui souligne) : «A la vérité, s’il existait une disposition légale, déclarant applicable à la naturalisation des indigènes musulmans les articles qui régissent celle des étrangers, la question serait vite tranchée, et les discussions seraient vaines. Mais nous ne trouvons aucun texte qui édicte une pareille assimilation. Bien plus, nous avons établi qu’il y avait des raisons particulières pour rejeter la confusion que l’on veut faire, dans le système contraire, entre les nationaux étrangers et nos sujets français d’Algérie, au point de vue de l’acquisition du titre de citoyen. L’indigène n’a pas à changer de nationalité : tout ce qu’il peut demander, c’est d’obtenir la qualité de citoyen, en répudiant son statut personnel.

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à laquelle ils n’hésitent pas par ailleurs à recourir quand elle paraît « politiquement opportune ».496

D’autre part, la loi de 1889 rompt le lien entre la naturalisation et l’article 7 du Code civil. Indiquant auparavant que « L’exercice des droits civils est indépendant de la qualité de

Citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle »,

il est désormais rédigé ainsi : « L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des

droits politiques, lesquels s’acquièrent et se conservent conformément aux lois constitutionnelles et électorales ».497 La naturalisation étant maintenant régie par le Code, l’expression « admis à jouir de tous les droits de citoyen français », présente dans la loi de 1867, n’a plus besoin d’être utilisée. En outre, le rétablissement des incapacités de l’étranger naturalisé rend l’expression désormais moins pertinente. Nonobstant le maintien du sénatus-consulte de 1865 pour la naturalisation des étrangers en Algérie, l’expression disparaît entièrement de la législation : il n’est plus question que de naturalisation ou d’étranger naturalisé, aussi bien dans la loi de 1889 que dans le décret de 1897. Ainsi, dans le vocabulaire législatif, naturalisation et accession à la qualité de citoyen cessent d’être des synonymes.

Bien que la loi de 1889 qualifie de naturalisation aussi bien la naturalisation des indigènes d’Algérie que celle des indigènes des colonies, les textes qui lui sont relatifs et qui sont maintenus en vigueur, qu’il s’agisse du décret de mai 1881 ou du sénatus-consulte de 1865, tout en étant explicitement consacrés à la naturalisation, continuent quant à eux d’employer l’expression « peut être admis à jouir des droits de citoyen français ».

La pratique de textes où il est question de naturalisation pour l’étranger et où l’indigène

« peut être admis à jouir des droits de citoyen français » favorise ainsi la distinction, qui ne

Il en résulte que la femme et les enfants du musulman indigène naturalisé n’ont pas besoin, pour perdre leur statut en même temps que le chef de famille, d’abdiquer leur nationalité d’origine, comme les étrangers sont obligés de le faire. »

L’absence de débat analogue à celui qui a lieu concernant l’Algérie sur l’effet familial ou non de la naturalisation des indigènes au titre du sénatus-consulte de 1865, suite à la loi de 1889, explique en partie la réception doctrinale plus tardive pour les colonies, où le problème ne se pose pas, de la thèse d’une accession à la qualité de citoyen français de l’indigène d’un territoire français distincte de la naturalisation, valable pour le seul étranger.

496 Notamment quant aux effets du mariage d’une femme indigène avec un Français. Cf. infra.

497 La référence au citoyen n’est toutefois pas absente de la loi de 1889 : l’article 3, alinéa 1, dispose que « L’étranger naturalisé jouit de tous les droits civils et politiques attachés à la qualité de citoyen français. Néanmoins il n’est éligible aux assemblées législatives que dix ans après le décret de naturalisation (…) », le délai pouvant être réduit à un an. Mais l’alinéa 2 du même article dispose que « Les Français qui recouvrent cette qualité, après l’avoir perdue, acquièrent immédiatement tous les droits civils et politiques, même l’éligibilité aux assemblées législatives ». Le citoyen français demeure celui qui jouit des droits civils et politiques, et donc du plus haut degré de capacité légale, l’expression est ici interchangeable avec celle de Français. On préfère désormais désigner les droits des nationaux plutôt qu’une catégorie particulière parmi les nationaux jouissant des droits politiques en plus des droits civils.

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sera d’ailleurs jamais unanimement admise, entre naturalisation des étrangers et accession à la qualité de citoyen français des indigènes des territoires français.498

Par la suite, on considérera l’ « accession à la citoyenneté » de l’indigène comme une forme particulière de naturalisation ou comme un acte qui diffère totalement de cette dernière.499 La deuxième thèse deviendra dominante dans la doctrine des années 30, alors

498 L’évolution des intitulés des thèses et études sur la naturalisation des indigènes ou des indigènes et des étrangers est éloquente : ROUARD DE CARD, Etude sur la naturalisation en Algérie, Paris, Berger-Levrault, 1881 ; E. RACK, Des effets de la naturalisation d’un indigène musulman, survenue pendant le mariage, sur la condition de sa femme et de ses enfants, J.R. 1885, pp. 273 ss. ; L. HAMEL, De la naturalisation des indigènes musulmans de l’Algérie, R..A. 1886, I, pp. 111 ss., 1887, I, pp. 35 ss., 1890, I, pp. 19 ss. ; SURVILLE, Naturalisation d’un indigène musulman. Ses effets au regard du statut personnel des enfants mineurs du naturalisé, Revue critique de législation et de jurisprudence, 1894; E. LARCHER, Des effets du mariage d’une femme indigène musulmane avec un indigène admis à la jouissance des droits de citoyen après la dissolution de ce mariage, R.A., 1908, pp. 209 ss. ; NGUYEN Khac Ve, La naturalisation française en Indochine, op. cit., 1921 ; R. GANTOIS, L’accession des indigènes algériens à la qualité de citoyen français, Alger, 1928 ; J. MERIMEE, De l’accession des Indochinois à la qualité de citoyen français, Toulouse, Andrau et Laporte, 1931 ; C. LAZARD, L’accession des indigènes algériens à la citoyenneté française, Paris, Librairie technique et économique, 1938.

Edmond BICKART, en 1890, tout en parlant de naturalisation des indigènes musulmans d’Algérie, indique, après avoir estimé qu’ils ne jouissent pas de tous les droits des citoyens et restent soumis à leur lois spéciales : « Pour être assimilés complètement aux citoyens français, il leur est nécessaire d’obtenir une sorte de demi-naturalisation » (De l’acquisition de la qualité de citoyen romain ; De la demi-naturalisation, Paris, A. Giard, 1890, pp. 76-77).

En 1893, G. GRUFFY (De l’unité de nationalité dans la famille, op. cit., p. 29) est hésitant : « … on distingue en législation coloniale deux sortes de naturalisations : 1° Celle des étrangers comme dans la France continentale, 2° Celle des indigènes qu’il est plus exact d’appeler l’admission à la jouissance des droits de citoyen ».

A. WEISS, en 1892, (Traité théorique et pratique de droit international privé, op. cit., pp. 374 ss.) n’a aucun scrupule à parler de naturalisation d’indigènes, tout comme C. APCHIE en 1898 (De la condition juridique des indigènes dans les colonies et dans les pays de protectorat,op. cit., pp. 54 ss.), P. DISLERE en 1914 (Traité de législation coloniale, T.2, op. cit., pp. 840 ss.) et A. GIRAULT dans les différentes éditions de ses Principes de colonisation et de législation coloniale. En 1922, ce dernier se contente de préciser, à propos du décret du 26 mai 1913 qui distingue, en Indochine, accession à la qualité de citoyen des indigènes sujets français et naturalisation des indigènes protégés français, que « l’effet produit est le même dans les deux cas. Pour plus de brièveté, nous dirons simplement naturalisation. » (Principes de colonisation et de législation coloniale, vol. 2, 1922, op.cit., p. 570).

On assiste à un véritable basculement dans la thèse d’Albert HUGUES (La nationalité française chez les musulmans de l’Algérie, op. cit., p. 27) : « L’acquisition du titre de citoyen ne constitue pas, à l’égard d’un musulman indigène, à proprement parler une naturalisation. Il ne peut, en effet, s’agir de naturalisation à l’égard d’individus qui possèdent la nationalité française et qui réclament simplement leur admission au titre de citoyen, la naturalisation étant, par définition, un bénéfice accordé aux étrangers, et qui a pour objet et pour résultat d’entraîner pour eux changement de nationalité ; il réclame simplement une qualité et des prérogatives dont il ne jouissait pas jusqu’alors. Sous le bénéfice de cette observation, il nous sera permis d’employer par commodité le mot « naturalisation » pour désigner l’acte juridique qui confère aux indigènes le droit de cité ».

Il n’y a donc pas ici de conception politique de la citoyenneté comme en 1865, mais le bricolage d’un véritable droit de cité français par analogie avec la citoyenneté romaine. Cf. supra.

Par ailleurs l’article 8 du décret de mai 1881 sur la naturalisation des Annamites de Cochinchine peut sembler formuler la distinction pour dispenser l’indigène annamite du paiement d’un droit de sceau (« Aucun droit de sceau ne sera perçu pour l’admission des indigènes annamites aux droits de citoyen français. La naturalisation des étrangers donnera lieu (…) , mais les débats de 1896 démontrent que l’on n’y prête pas attention. En outre, cette précision revient à reconnaître qu’il s’agit d’une naturalisation, alors qu’elle serait inutile dans le cas contraire. 499 Par exemple, le Recueil général et méthodique de la législation et de la réglementation des colonies françaises de Bernard SOL et Daniel HARANGER (Paris, société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, T. 5, vol. 1, 1934) classe l’ « accession des indigènes à la qualité de citoyen français » dans la rubrique « naturalisation ».

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qu’elle est considérablement nuancée par le législateur, et la nouvelle génération de spécialistes du droit colonial l’accréditera sous la IVème République500.

Enfin, dans le cas des colonies, la distinction entre naturalisation et accession à la citoyenneté permet de justifier a posteriori le non-respect du mandat qu’avait confié le législateur au pouvoir exécutif en 1897 : aucune illégalité n’a été commise en ne traitant pas de la naturalisation des indigènes, puisque les indigènes sujets français ne sont pas naturalisés mais accèdent à la citoyenneté.

Cette évolution du vocabulaire, qui paraît renforcer la distinction entre indigènes sujets français et indigènes protégés, s’accompagne pourtant de l’atténuation (§1), puis de la disparition (§2) de la divergence entre colonies et protectorats, quant aux conditions de recevabilité à remplir pour être naturalisé.

§1 L’atténuation de la divergence entre colonies et protectorats

Si le décret du 3 mars 1909 sur la naturalisation des indigènes malgaches se situe dans la continuité du décret de 1881 sur la naturalisation des indigènes cochinchinois (1°), une synthèse est esquissée par le décret du 3 octobre 1910 sur la naturalisation en Tunisie (2°).

1°) Le décret du 3 mars 1909 sur la naturalisation des indigènes malgaches501

Le contexte malgache paraît propice à une politique assimilationniste : une population christianisée, monogame, et dans le cas des ethnies des plateaux, les Merina et les Betsileo, une influence européenne qui remonte à près d’un siècle.502 Mais la « politique des races » du gouverneur général Gallieni, expérimentée au Tonkin, consistant à jouer des ethnies côtières contre les Merina qui avaient unifié la majeure partie de l’île sous leur autorité, la rend difficilement concevable. Madagascar n’en sera pas moins la colonie où la justification de l’infériorité de l’indigène par le statut personnel s’avèrera la plus problématique à gérer politiquement.

500 Je pense notamment ici à Pierre Lampué. Cela n’empêchera pas certains auteurs de la IVème République d’être pleinement conscients du fait que l’on avait bien affaire à une naturalisation. Cf. infra.

501 H. SOLUS, Traité de la condition des indigènes en droit privé, op. cit., pp. 102-104.

502 Cf. Francis KOERNER, L’accession des Malgaches à la citoyenneté française (1909-1940). Un aspect de la politique d’assimilation aux colonies in Madagascar. Colonisation française et nationalisme malgache, Paris, L’Harmattan, 1994, pp. 177-204.

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Annexée en août 1896, la colonie connaît dès la fin de l’année 1897 un mouvement de renonciation au statut personnel.503

Le 22 décembre 1897, un arrêt de la cour d’appel de Tananarive504 se prononce sur une déclaration, reçue devant notaire, par laquelle un indigène « renonçait formellement à

contracter sous l’empire de la loi indigène et entendait à l’avenir contracter sous l’empire de la loi française, et ce, relativement à toutes les affaires qu’il a pu, peut ou pourra avoir à traiter, ainsi que de toutes les contestations nées ou à naître ». La Cour considère que cette déclaration

est une renonciation partielle et non une renonciation générale au statut personnel. Ce faisant, elle laisse penser, a contrario, que l’indigène malgache peut entièrement renoncer.

Il y a alors un certain nombre de renonciations globales qui provoquent quelque inquiétude. Mais le mouvement est brisé par un jugement du tribunal de Tananarive du 14 mars 1898505 qui ne fera pas l’objet d’un appel. S’appuyant sur l’article 16 du décret du 9 juin 1896 sur l’organisation de la justice qui reconnaît le droit d’opter, en cas d’accord des deux plaideurs indigènes, en faveur de la compétence des tribunaux français, il estime que « cette disposition

restrictive implique que les indigènes ne sauraient en aucune circonstance (...) être admis à renoncer d’une façon générale à leur statut personnel ».

Il faut attendre l’arrivée au poste de gouverneur général de Victor Augagneur, ancien