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Chapitre 1 : L’Afrique du Sud ou la transition d’un régime ségrégationniste à l’ère de la

1. La rencontre des peuples bantous et des Boers en Afrique australe

La « Grande dispersion » des Bantous est un phénomène majeur dans l'histoire de l’Afrique australe. Ce mouvement de population s'est étalé sur plusieurs siècles durant lesquels les populations bantoues se sont progressivement installées et sédentarisées sur le territoire sud-africain. Le terme « bantou » désigne un vaste groupe linguistique, comprenant quatre cent cinquante langues, qui couvre une grande partie de l’Afrique centrale et australe65. Considérés comme étant les premiers colons de l’Afrique du Sud,

les Bantous sont divisés en deux branches linguistiques importantes: celle de l'Est et celle de l'Ouest. Partis de l’ouest du continent africain, la population bantoue de l'Est a migré à travers les hauts plateaux, au Zimbabwe et au Mozambique jusqu'en Afrique du Sud. Pour leur part, les Bantous de l'Ouest se sont installés dans la forêt et la savane en Angola, en Namibie et au Botswana. La « dispersion » aurait débuté au début de la formation du Sahara66.

Le climat étant devenu aride, la nappe phréatique s’atténue et le milieu se détériore. De ce fait, l'économie de la région, d’origine centrée sur l'exploitation des ressources naturelles surtout aquatiques, sur la chasse, la pêche et la cueillette change

65 Luc de Heusch, « Bantou », Encyclopédie Universalis, [En ligne], http://www.universalis.fr/encyclopedie/bantou/ (page consultée le 5 mai 2015).

66 Le début de la formation du Sahara est discuté par les scientifiques. Les chercheurs situent la première diminution des pollens d’herbe dans cette région il y a 4 800 ans. Un millénaire plus tard, soit entre 3 900 et 3 100, ils relèvent l’arrivée progressive de grains de sable.

considérablement67. De plus les avancées dans le domaine de la métallurgie et de

l’agriculture avec l’Âge du fer amènent des avantages matériels ce qui mène à une grande croissance de la population bantoue et à une explosion démographique. Cette augmentation de la population, combinée à la recherche de nourriture et de nouvelles terres cultivables, poussent les tribus bantouphones à des migrations de masses qui sont lentes, continues et progressives68.

Au cours des premiers mouvements migratoires, les Bantous se sont tout d'abord installés, durant le Ve siècle avant notre ère, aux limites du Cameroun et du Nigeria. Puis, ils ont migré, progressivement et par étape, jusqu'en Afrique orientale et australe. C’est la plus importante branche bantoue, les N'Gunis, comprenant les Sothos, les Tswanas, les Ovambas et les Khosas qui est la première à aller plus au sud et à véritablement se sédentariser en Afrique du Sud. Lorsque les Bantous arrivent en Afrique du Sud, ils se heurtent aux populations autochtones d’ores et déjà présentes sur le territoire, les Khois et les San et prennent leurs pâturages. Les ethnies vaincues par les populations bantoues trouvent alors refuge dans les forêts ou décident de migrer vers des régions plus arides.

Depuis le IVe siècle, les Bantous occupent la majeure partie de l'espace du plateau, du désert du Kalahari jusqu'à la montagne du Khahlamba. Jusqu’au XVIIe siècle, d'autres groupes migrent plus loin encore, en longeant le couloir côtier de l'Océan Indien. C’est donc suite à une migration massive vers le sud que les Bantous s’installent à différents endroits sur le territoire sud-africain. Au cours de cette « dispersion » qui ne se terminera qu’au milieu du XIXe siècle, les tribus bantouphones prennent conscience qu’ils ne sont pas seuls sur le territoire et sont confrontés à l’arrivée et l’installation d’immigrants européens, blancs : les Néerlandais69.

Ces derniers ne sont pas les seuls à s’être intéresser à l’Afrique australe. Au XVIe

siècle, les Portugais utilisaient d’ores et déjà la route commerciale du Cap particulièrement pour la traite d’esclaves ce qui consistait une part importante du commerce du Portugal. Alors que cette route commerciale est largement convoitée durant le XVIIe siècle, entre autres par la British East India Company (BEIC) et la Dutch

67 Tidiane N'Diaye, « Les Bantous : entre dispersion, unité et résistance », Africultures, [En ligne], http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=10920 (page consultée le 17 mars 2015).

68 Théophile Obenga, Les Bantu. Langues, peuples et civilisations, Paris, Présence africaine, 1985, p. 92 et 97.

Verenigde Oostindische Compagnie (VOC), les Portugais sont parvenus à en conserver

une partie70.

Arrivés au Cap de Bonne-Espérance en 1652, sous la conduite de Jan Van Riebeeck et de la VOC, les Néerlandais fondent la Colonie du Cap, destinée à devenir une colonie d’approvisionnement pour la flotte de transport néerlandaise vers les Indes. Initialement, il n’est pas question de colonisation, mais bien de la construction d’un fort, de l’érection d’un mât de signalisation à l’attention des navires de passage et de la construction de bateaux-pilotes pouvant escorter ces navires dans la baie. Or, de colonie d’approvisionnement, elle devient progressivement une colonie de peuplement en 1657, motivée par le désir de la VOC d’atteindre une autosuffisance alimentaire71.

L’immigration européenne vers le Cap est importante et rapidement, la colonie prend de l’expansion. En 1688, un grand nombre de Huguenots français s’installent au Cap, suite à la révocation de l’édit de Nantes en France72.

Lorsque la VOC a établi son poste à Table Bay, une grande partie du Cap était alors habituée par les Khoisans73. Les premiers contacts se sont passés relativement sans

heurts puisque les Néerlandais dépendaient des Khoisans qui leur fournissaient le bétail. Aussi, la VOC souhaitait éviter des guerres coûteuses au Cap et il a donc été ordonné à Jan Van Riebeeck de traiter les Khoisans avec respect et de ne pas déranger leur intégrité culturelle et leur stabilité politico-économique. Or, la décision de la Compagnie de faire du Cap une colonie de peuplement a déclenché une guerre de pillage entre la VOC et les Khoisans en 1659. Une privation des terres des populations africaines débute, processus qui perdurera durant plus de deux cent cinquante ans et qui culminera en 1913, avec le

Native Land Act74. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les Boers ne sont plus dépendants des Khoisans, dorénavant conquis, et ils les utilisent en tant qu’ouvriers ou

70 Sampie Terreblanche, A history of inequality in South Africa 1652-2002, Pietermaritzburg, University of Natal Press, 2002, p. 153.

71 Robert Ross, « Khoesan and Immigrants: The emergence of colonial society in the Cape, 1500-1800 » dans Carolyn Hamilton, Bernard K. Mbenga et Robert Ross, sous la dir. de, The Cambridge history of

South Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 175-176.

72 South African History Online, « Johan Anthoniszoon van Riebeeck », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/people/johan-anthoniszoon-jan-van-riebeeck (page consulté le 6 mai 2015). 73 Nom collectif qui désigne deux groupes africains : les Khoikhoi et les San.

74 Loi qui délimite et contrôle les régions où les autochtones, c’est-à-dire les Noirs, peuvent, en fonction de leur couleur de peau et de leur tribu, posséder des terres situées dans des espaces spécifiques, les réserves et ce, à raison de seulement 13% de tout le territoire sud-africain.

serfs ce qui créé inévitablement des affrontements, dont la rébellion des Khoisans de 1799-180375.

Donc, nous voyons que si les premiers contacts sont assez respectueux en raison de la dépendance de la VOC envers les Africains, rapidement, la volonté des Néerlandais de transformer le Cap en colonie de peuplement a sonné le glas des relations cordiales, lesquelles se transforment en véritables guerres territoriales. Or, l’arrivée d’un troisième acteur modifiera considérablement la dynamique des relations entre les groupes, en plus de changer la façon dont la colonie est administrée.

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