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Chapitre 1 : L’Afrique du Sud ou la transition d’un régime ségrégationniste à l’ère de la

3. Les relations au sein de l’Empire britannique

4.3 La résistance au système d’apartheid

Parallèlement à cette institutionnalisation du racisme, une résistance s’organise entre autres au sein de la société civile. Les universités de Cape Town et de Witwastersrand émergent comme des foyers de l'opposition contre l'apartheid. Le milieu culturel sud- africain s’implique également avec les poètes, peintres, photographes, dramaturges qui ont mis leurs talents au service de la résistance noire sud-africaine et du journal Staffrider qui a publié leurs œuvres125.

Afin de protester contre la ségrégation, puis dès 1948 contre l’apartheid, plusieurs mouvements noirs de résistance sont fondés en Afrique du Sud. Le plus connu d’entre tous est créé le 8 janvier 1912, à Bloemfontein, sous le nom de South African Native

National Congress (SANNC). En 1923, l’organisation devient l’African National Congress (ANC), par la suite rendue illégal en 1960 par le gouvernement d’apartheid126.

Dès sa création, le mouvement s’est inspiré de Gandhi et a mis en œuvre des stratégies de résistance pacifique, entre autres avec des boycotts, des grèves et des manifestations non violentes. Cependant, le massacre de Sharpeville en 1960 s’avère être un point tournant dans les moyens utilisés par l’ANC. Dès ce moment, le mouvement prend conscience qu’il n’est plus possible de contester pacifiquement alors que la répression est si brutale. Pour l’ANC, la lutte armée et la guerre à l’apartheid a donc été imposée par la violence de l’état127. C’est ainsi que la branche armée est mise sur pied, la Umkhonto weSizwe (la

lance de la nation) le 16 décembre 1961128.

La résistance sud-africaine à l’apartheid est principalement portée par la communauté noire. En 1949, un programme de protestation est mis en place et appliqué

125 Leonard Thompson et Lynn Berat, A History of South Africa, New Haven, Yale University Press, (1990), 2014, p. 205, 207, 211 et 228.

126 South African History Online, « African National Congress (ANC) », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/organisations/african-national-congress-anc (page consultée le 7 septembre 2015).

127 Mandela, Un long chemin…, p. 124 et 534.

128 South African History Online, «Umkhonto weSizwe (Mk) », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/topic/umkhonto-wesizwe-mk (page consultée le 7 septembre 2015).

en 1952 avec la Defiance Campaign qui incite la population à enfreindre les lois d’apartheid par la désobéissance civile et les manifestations non violentes. Conduite sous le leadership de l’ANC, elle est également suivie par les autres groupes raciaux opprimés c’est-à-dire les Métis avec le South African Coloured People’s Organization (SACPO) et les Indiens avec le South African Indian Congress (SAIC)129.

Si la résistance est surtout le fait des Noirs et de l’ANC, cela ne veut pas dire qu’elle est uniquement noire puisque les populations métisses et indiennes, aussi touchées par les lois d’apartheid, organisent également une contestation. Fondé en 1919, le SAIC est institué afin de défendre et soutenir les intérêts de la communauté indienne, arrivée en Afrique du Sud durant la période de 1860-1923, pour être embauchée en tant que travailleurs au Natal, ou alors pour commercer. Si le SAIC n’a jamais été interdit par le gouvernement d’apartheid, sa résistance a été rapidement brisée par ce dernier dans les années 1960130.

Également victimes de la ségrégation puis de l’apartheid, les Métis comptent sur le SACPO pour défendre leurs intérêts et leur liberté. Alors que de multiples mouvements de contestation existaient d’ores et déjà, ils n’ont pu perdurer dans le temps dû à leur incohérence et à leur manque de coopération entre eux, préférant faire cavalier seul et refusant de se joindre aux Noirs pour faire une campagne commune. Dans les années 1950, les Métis rejoignent les grandes campagnes de l’ANC et c’est en 1953 qu’est fondé le SACPO. L’organisation mise sur les boycotts pour contester la ségrégation. Elle a également été très active dans la contestation du Separate Representation of Voters Act of 1956 qui a enlevé les Métis des listes électorales pour les mettre sur des listes distinctes et séparées131.

Il est intéressant de souligner que la résistance n’est pas seulement menée par les groupes opprimés. En effet, on retrouve également une contestation chez certains Afrikaners entre autres avec Alan Paton, auteur blanc et homme politique, fondateur du

129 South African History Online, « Defiance Campaign 1952 », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/topic/defiance-campaign-1952 (page consultée le 14 septembre 2015).

130 South African History Online, « South African Indian Congres (SAIC) », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/organisations/south-african-indian-congress-saic (page consultée le 14 septembre 2015).

131 South African History Online, « South African Coloured People’s Organization (SACPO) », [En ligne], http://www.sahistory.org.za/topic/south-african-coloured-people-organisation-sacpo (page consultée le 14 septembre 2015).

Parti Libéral sud-africain, en 1953, qui propose une alternative non raciale à l’apartheid. À travers ses œuvres littéraires dont Cry, the Beloved Country en 1948, il dénonce l’injustice raciale de l’apartheid132. Dans les années 1980, la contestation du statu quo fait

en sorte que de nouvelles formes d’expression culturelle émergent en Afrique du Sud, entre autres avec la musique. Alors que la musique était d’ores et déjà très présente dans la lutte des Noirs contre l’apartheid dès les années 1930 avec le jazz et le blues, c’est dans les années 1980 que le mouvement rock Voëlvry apparaît, avec des groupes comme

Gereformeerde Blues Band qui connaît un immense succès en faisant une satire de l’État,

de l’afrikaan, des dirigeants politiques, des valeurs de la classe moyenne blanche et de l’apartheid133.

La résistance à l’apartheid est également internationale. Dès les années 1950, le mouvement de lutte britannique est bien ancré dans la société civile anglaise, entre autres grâce à l’action de trois prêtres, Michael Scott, Trevor Huddleston et Canon John Collins qui, grâce à des visites répétées aux sessions des Nations Unies, tentent de sensibiliser les pays à l’importance de la contestation du régime sud-africain. Ils sont considérés comme des pionniers de la lutte contre l'apartheid en Grande-Bretagne134.

Pour sa part, la société civile canadienne a aussi été très impliquée dans la lutte, particulièrement le mouvement syndical dont les travailleurs ont, dans les années 1970 et 1980, milité au sein de leurs lieux de travail ou de leurs collectivités, pour inciter le gouvernement à appliquer des mesures contre l’Afrique du Sud135. Les Nations Unies ont

également été très actives dans la lutte internationale, entre autres en priant ses États membres de suspendre leurs relations économiques et diplomatiques, et les échanges culturels et sportifs avec l’Afrique du Sud136. Cette résistance à la fois à l’interne et à

132 Encyclopédie Britannica, « Alan Paton », [En ligne], http://www.britannica.com/biography/Alan- Stewart-Paton (page consultée le 14 septembre 2015).

133 Albert Grundlingh, « "Rocking the Boat" in South Africa? Voëlvry Music and Afrikaans Anti-Apartheid Social Protest in the 1980s », The International Journal of African Historical Studies, vol. 37, no. 3, 2004, p. 483-514.

134 Rob Skinner, « The Moral Foundations of British Anti-Apartheid Activism, 1946–1960 », Journal of

Southern African Studies, vol. 35, no. 2, juin 2009, p. 400-401, 403 et 415.

135 Congrès du Travail du Canada, « Le CRTC pleure le décès de Mandela- Les syndicats militaient contre l’apartheid », [En ligne], http://congresdutravail.ca/news/news-archive/le-ctc-pleure-le- d%C3%A9c%C3%A8s-de-nelson-mandela-les-syndicats-militaient-contre-l (page consultée le 3 septembre 2015).

136 Nations-Unies, « Les Nations-Unies : Partenaires dans la lutte contre l’apartheid », [En ligne], http://www.un.org/fr/events/mandeladay/apartheid.shtml (page consultée le 3 septembre 2015).

l’international met de plus en plus de pression sur l’Afrique du Sud de l’apartheid qui n’a d’autres choix que d’opérer un certain assouplissement de ses lois.

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