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Renaître de ses cendres : le tremblement de terre de

Le 26 juillet 1963, un tremblement de terre détruit, en l’espace de quelques secondes, plus de la moitié des constructions de la ville. Outre le bilan matériel, le tribut humain est aussi lourd. On dénombre 10 000 morts et plus de 150 000 personnes à la rue1. Ce drame va permettre de mettre en

valeur la position centrale de la Yougoslavie sur la scène internationale. Afin de parer à l’urgence de la situation, des maisons préfabriquées, mais aussi des structures plus grosses comme des hôpitaux ou des écoles sont envoyées par un panel de pays très divers allant du Mexique à la Finlande, en passant par la République Tchèque et les États-Unis. Cette coopération internationale est assez inédite, mais s’explique par un période de détente dans les relations internationales entre Moscou et Washington. Pourtant, malgré la générosité internationale, cette solution reste provisoire, et la nécessité de planifier la reconstruction de la ville sur le long terme apparaît comme évidente. Ainsi, sous l’égide de l’ONU, un planning de reconstruction en cinq phases est mis en place, sous la coordination d’Ernst Weissmann, architecte yougoslave, qui comme beaucoup a fait ses classes chez le Corbusier, puis a pris part à différentes CIAMS, avant de devenir membre du département d’économie et des affaires sociales au sein de l’ONU. Un chef de projet est nommé, en la personne d’Alfred Ciborowski, un architecte-urbaniste polonais dont l’un des projets les plus notables a été la planification de la reconstruction de Varsovie après les destructions de la Seconde Guerre Mondiale. Une compétition internationale est donc lancée en 1965. Elle invite huit équipes d’architectes et d’urbanistes, quatre internationales et quatre yougoslaves, une par état. On compte ainsi la participation de l’italien Luigi Piccinato (Studio Scimemi), des néerlandais Jo Van den Broek et Jap Bakema, de l’américain Maurice Rotival et du japonais Kenzo Tange. Côté Yougoslave, on dénombre le macédonien Slavko Brezovski (Makedonija Projekt), le serbe Alexander Dordjevic, le slovène Edvard Ravnikar et le duo croate composé de Radovan Miscevic et Fedor Wenzler.

A la suite de cette compétition, deux équipes sont annoncées comme gagnantes : l’association croate entre Miscevic et Wenzler mais surtout celle emmenée par Kenzo Tange, déclarée vainqueur à hauteur de 60%, tandis que les croates, crédités de 40%, se verront peu à peu évincés du projet. Pourtant, dans un premier temps les deux équipes sont amenées à collaborer, car si le projet de Tange a séduit le jury par sa force et son innovation,

1 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.44.

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le projet croate, également de qualité, reste beaucoup plus phasable et réaliste1. Les deux équipes vont donc demeurer sur place jusqu’en 1966, afin

d’achever un premier masterplan, logées dans des baraquements de l’armée. Cette expérience quotidienne de la ville va permettre aux architectes de se rendre compte des différents flux et usages au sein de cette ville détruite, afin d’en tirer des conclusions et ajuster leurs dessins en conséquence. Ainsi, certains quartiers, à l’origine réorganisés même si les destructions auxquelles ils avaient dû faire face n’étaient pas si importantes, sont finalement conservés en l’état. La colline de Kale et sa forteresse sont laissées libre d’urbanisation, tandis que le quartier ottoman Turska Caristja, est laissé intact.

Le master plan final est présenté en 1966. Il est en grand partie inspiré de la proposition initiale de Tange. Il convoque plusieurs figures urbaines fortes et assez intrigantes, hors de leur contexte de conception. En effet, le plan de Tange s’appuie sur les motifs urbains du mur et de la porte fortifiée. Cette référence lui vient directement du CIAM X, qui s’était déroulé à Dudrovnik, tout juste dix années auparavant, durant lesquelles il avait été très inspiré par les remparts et la ville fortifiée, et qui l’avait plus globalement amené à s’interroger sur les figures urbaines délimitées par des murs. Ainsi, le plan directeur pour la reconstruction et le développement de Skopje se compose d’un « mur urbain » habité, baptisé « Gradski Zid » qui vient ceinturer le centre-ville historique. A l’est, ce mur s’ouvre au niveau de ce qui est pensé comme un centre d’échanges multimodal, avec notamment une gare, en lien direct avec une zone urbaine, pensé comme un ensemble métaboliste, censé apporter des zones plus densément peuplées à la ville.

Pourtant, une partie seulement du projet sera réalisée, la faute sûrement à un projet trop radical, trop technologique et trop cher pour les finances yougoslaves. Par ailleurs, il peut être reproché au projet de Tange une approche inspirée de Dubrovnik et de la côte adriatique, « pourtant proche géographiquement de Skopje », alors que la structure de la capitale macédonienne est « plus proche des villes de culture ottomane des Balkans comme Sarajevo2 ».

Ainsi, de la partie porte, ne sera réalisée que la gare, signée par Tange, tandis que certains bâtiments du mur sortiront eux-aussi de terre, l’opéra national signé par le groupement d’architectes Biro 77. Ce bâtiment remarquable, qui n’est pas sans rappeler l’opéra d’Oslo, est sûrement réussi là où Tange a manqué la réalisation, à savoir concilier dans un même ensemble, architecture, urbanisme et espace public.

1 : LOZANOVSKA Mirjana. The Intriguing and Forgotten International Exchanges in the Master Plan for the Reconstruction of Skopje. p.437. 2 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.135.

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La reconstruction va également être l’occasion, pour un certain nombre de pays, dans le cadre de la coopération internationale, à la suite du séisme, d’offrir des bâtiments à la ville de Skopje. La Suisse, par le biais d’Alfred Roth construit une école, tandis que divers ensembles de bâtiments sont payés par les pays scandinaves, la Roumanie ou l’URSS, et que la Pologne finance le musée d’art contemporain. Les États-Unis, pour leur part, payent des bourses d’études aux jeunes architectes yougoslaves les plus prometteurs. Un certain Georgi Konstantinovski1, qui réalisera par la suite des bâtiments pour la ville

de Skopje, profitera de cette bourse pour aller étudier puis travailler auprès de Paul Rudolf et I. M. Pei.

Fig. 27

Opéra de Macédoine, Skopje (ARYM) Photographié en 2008

1 : Parmi les réalisation de Georgi Konstantinovdki à Skopje, on peut mettre en avant les archives municipales (1968) ou les logements étudiants Goce Delcev (1975).

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Fig. 28 Carte touristique présentant les différents projets réalisé dans le cadre de Skopje 2014

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