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Vers une balkanisation du patrimoine brutaliste en ex-Yougoslavie

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Academic year: 2021

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(1)S AN TE I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N EC. O. LE. N. AT. VERS UNE BALKANISATION DU PATRIMOINE BRUTALISTE EN EX-YOUGOSLAVIE Léo Mazurek Juin 2017. Sous la direction de Marie-Paule Halgand Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes.

(2) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. AN TE. N. S.

(3) S AN TE N I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. Balkaniser :. 1. Diviser en États autonomes un ensemble territorial ou politique, afin de profiter des divisions ainsi créées. 2. Fractionner une institution, une administration et la rendre inefficace.. EC. O. LE. N. AT. Patrimoine :. 1. Bien qu’on tient par héritage de ses ascendants. 2. Ce qui est considéré comme l’héritage commun d’un groupe : Le patrimoine culturel d’un pays. 3. Ensemble des éléments aliénables et transmissibles qui sont la propriété, à un moment donné, d’une personne, d’une famille, d’une entreprise ou d’une collectivité publique..

(4) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 1 Mémorial de Tjentište (Bosnie-Herzégovine). AN TE. N. S.

(5) LE CHOC DE SKOPJE. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. La représentation collective des Balkans en Europe de l'Ouest reste très partielle et est en grande partie fantasmée. La découverte de ce territoire reste donc une opportunité unique de se confronter à la réalité de cette région qui, à travers son histoire récente, a contribué à rendre toujours plus floues les représentations qui lui sont associées. Découvrir une ville dont les représentations collectives sont quasi absentes, même à l'heure d'internet et de la mondialisation de l'accès aux informations, est une expérience très intéressante. J'ai ainsi pu m'adonner à cet exercice à de nombreuses reprises lors d'un voyage en ex-Yougoslavie. J'ai ainsi pu me confronter physiquement avec un certain nombre de villes dont j'ignorais tout auparavant, parfois même l’existence.. La découverte de la ville de Skopje1, et plus particulièrement de son patrimoine brutaliste des années 1980, a été un double choc : un choc visuel, tout d'abord, face à des bâtiments extrêmement beaux, cultivant sans concession un style à la fois brutal et délicat, mais dont l’existence est quasi inconnue en France ; un choc symbolique ensuite, face à la destruction programmée de ces bâtiments dont très peu se font le relais en Europe de l'Ouest. Face à la façade d'un bâtiment de Kenzo Tange, en plein ravalement à la sauce néoclassique, j'avais l'impression qu'à la même seconde j'avais trouvé mon jardin secret d'architecte et que l'on venait de me le subtiliser. Au delà de l'émotion, j'ai surtout cherché à comprendre.. EC. O. LE. N. AT. Il apparaît que la requalification des bâtiments brutalistes de Skopje s'inscrit plus globalement dans les rapports incertains que nous lions au patrimoine brutaliste en général. En effet, s’il semble assez clair, et notamment sous l'impulsion de plusieurs ouvrages et travaux photographiques comme celui de Jan Kempenaers, qu'une valorisation d'un certain nombre de corpus brutalistes, construits sous les régimes communistes du bloc de l'Est au cours du XXème siècle, a eu lieu, en particulier dans les milieux connexes à l'architecture ces dernières années, cet intérêt soudain pour ces constructions peut être rapproché des spéculations mentales évoquées plus tôt. L'Europe de l'Est, et plus encore depuis la guerre froide, demeure un lieu fantasmé plus que vécu par les occidentaux et la 1 : Capitale de l’ARYM (Ancienne République Yougoslave de Macédoine). 5.

(6) I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. vision d'édifices sculpturaux à la matérialité extrêmement présente, perdus au milieu de paysages désertés par l'urbanisation, flatte nos représentations collectives en manque d'un "orientalisme2"à la sauce slave.. Pourtant, dans le même temps, un certain nombre d'autres corpus, pourtant porteurs des mêmes caractéristiques architecturales, mais cette fois-ci situées de l'autre côté du rideau de fer, subissent un traitement diamétralement opposé. En effet, un certain nombre de destructions programmées ou effectives de bâtiments, en particulier au Royaume-Uni3, entre en dissonance avec la valorisation d'autres édifices qui, bien que partageant des caractéristiques communes ont la "vertu" de ne pas se trouver à notre contact direct.. La question centrale autour de cette dualité de traitements est celle de la patrimonialisation du patrimoine architectural brutaliste. Mais plus encore, elle amène à se poser la question des rapports que l'on souhaite entretenir avec les bâtiments hérités du mouvement moderne et dont les constructions s'étalent sur tout le XXème siècle.. EC. O. LE. N. AT. Dans ce contexte, le corpus brutaliste ex-Yougoslave, peut être perçu, en plus de ce qu'il représente, à savoir un ensemble unique au monde, comme un ensemble cohérent et homogène. Il va s'agir ici de démontrer que ce n'est pas vraiment le cas, aussi bien de par les mécaniques qui ont permis leur construction que par leurs gestions actuelles. Ce travail se focalise donc dans un premier temps sur la constitution de ce patrimoine afin de comprendre comment et pourquoi il s'est formé. Un fois re-contextualisé, une seconde partie à travers notamment les exemples de Belgrade, Sarajevo et Skopje, se focalisera sur la gestion de ces bâtiments autour de trois grands axes : conservation, reconstruction et destruction.. Par ailleurs, il est impossible d'évoquer ce sujet sans parler de l'histoire récente et douloureuse de cette région. Pourtant, il n’existe ici aucun jugement de valeur à apporter, il faut juste essayer de comprendre à travers un certain nombre d'exemples quelles sont les mécaniques à l’œuvre dans les rapports entretenus avec ces bâtiments. Il est évident que ce travail est lié à la question de la mémoire et qu'il englobe des sujets politiques, notamment sur la question du nationalisme. Pourtant la posture adoptée s'est voulue comme la plus neutre possible.. Essayer de comprendre les intrications entre mémoire, politique, architecture et urbanisme est le seul objectif de ce travail.. 6. 1 : concept défini par Edward Saïd dans SAID Edward. L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident. Seuil, Paris (France), 2014, 430 p. 2 : La bibliothèque de Birmingham ou le quartier londonien de Barbican pour ne citer qu’eux..

(7) S AN TE I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N EC. O. LE. N. AT. Fig. 2 Réhabillage de la facade du bâtiment de la compagine MEPSO deesiné par Kenzo Tange. Février 2016.

(8) Fig. 3 Géographie de la Yougoslavie à travers le XXème siècle.. LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. AN TE. N. S.

(9) SITUER LA YOUGOSLAVIE. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Avant de pouvoir étudier le corpus brutaliste yougoslave des années 1960-1980, il convient, en premier lieu de situer le contexte géographique et historique. Si ces bâtiments ont été construits durant une période de stabilité assez longue à l’échelle des Balkans, l’histoire récente mais aussi plus ancienne de cette région est tourmentée et marquée par les guerres.. Jusqu’en 1815, les Balkans sont divisés en deux parties, chacune sous la domination d’un empire. Au nord, la Croatie et la Slovénie sont partie intégrantes de l’empire austro-hongrois, dont la capitale est située à Vienne, tandis qu’au sud, tous les autres territoires sont sous la domination de l’empire Ottoman. Ces influences ont très largement marqué l’histoire architecturale et urbaine des villes de la future Yougoslavie.. A la suite des guerres balkaniques de 1912 et 1913, les possessions ottomanes en Europe sont remplacées par de nouveaux états indépendants comme la Bulgarie la Grèce ou l’Albanie. Le Royaume de Serbie et du Monténégro, tous deux indépendants depuis 1815 et 1908 sont confortés. Le nord du pays reste possession viennoise.. EC. O. LE. N. AT. Il faudra attendre la fin de la Première guerre mondiale pour voir se former la première Yougoslavie : le royaume des Serbes, des Slovènes et des Croates. En effet, à la suite de la défaite de l’empire austro-hongrois lors de la première guerre mondiale, ses possessions dans les Balkans, sont intégrées dans la Yougoslavie naissante. Le pays se déchire une première fois lors de la Seconde guerre mondiale. Les différentes régions sont envahies par les pays alentours, et l’influence de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste s’étend sur le territoire, soit par l’occupation, soit par la mise en place de régimes répressifs. Cette période sombre, associée à de nombreux nettoyages ethniques, voit se matérialiser les différentes tensions au sein des communautés qui constituent la Yougoslavie. . Pourtant, en 1944, le mouvement multi-ethnique des partisans yougoslaves, mené par Jospep Broz Tito, aidé de l’armée rouge parvient à libérer le pays, et en 1945, la fédération de Yougoslavie est proclamée. Elle est composée de six républiques : La Slovénie, la Croatie, la Serbie, le Monténégro, La Bosnie et le Kosovo. Jusqu’à la fin des années 1980, le pays a été stable sur le. 9.

(10) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. plan politique. En effet, le régime parfois autoritaire et la situation économique favorable ont permis de faire taire les différents nationalismes et les tensions entre les communautés. Cette période d’essor économique atteint son apogée lors de la réception des Jeux Olympiques d’hiver à Sarajevo en 1984.. A partir de la mort de Tito, en 1980, les différents nationalismes refont surface et vont mener à l’explosion du pays.. Ce travail n’entend pas porter de jugement sur cette période. Il convient juste de conclure que la Yougoslavie titiste a été une période stable, permettant la mise en place de divers courants architecturaux successifs et qu’après les différentes guerres, au début des années 2010, toutes les républiques constituant jadis ce pays sont toutes devenues indépendantes, apportant ainsi une diversité de regards sur les destrcutions de la guerre et sur la gestion de leur patrimoine du XXème siècle.. 10.

(11) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. COMPRENDRE LA CONSTITUTION DU CORPUS BRUTALISTE YOUGOSLAVE AN TE. N. S.

(12) S AN TE N I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT N LE O EC. Fig. 4 Pôle enfance de l’hôpital universitaire de Belgrade (Serbie) Construit par Milan Zlokovic en 1933.

(13) LA NAISSANCE DU MODERNISME YOUGOSLAVE 1920-1940. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. La création architecturale en Yougoslavie dans les années 19601980 ne peut être prise en compte en temps que telle. Elle a grandement été influencée par le mouvement moderne, dont la branche yougoslave a été très active, notamment entre les deux guerres mondiales. C’est, en effet, une période de grands changements pour le pays voyant, sous une industrialisation grandissante, se développer des centres urbains importants. Durant cette même période des villes, comme Belgrade ou Zagreb, doublent leurs populations en à peine vingt ans.. C’est dans ce contexte, en vue d’être un appoint de la faculté technique de Belgrade, ouverte depuis 1897, que sont créées l’Université Technique de Zagreb, en 1919, et l’Université Slovène d’Architecture de Ljubljana, en 1921. Avant la Première Guerre Mondiale, les échanges internationaux étaient déjà assez présents et un grand nombre de jeunes architectes allaient se former à l’étranger, notamment à Vienne. Mais sous l’influence du mouvement moderne, des villes comme Prague, Berlin ou Paris deviennent des destinations de plus en plus attractives. On trouve ainsi un certain nombre de jeunes diplômés dans des cabinets européens, auprès d’Adolf Loos, de Peter Behrens ou du Corbusier, dont l’agence parisienne a compté, durant son existence, pas moins de dix-huit architectes yougoslaves, faisant du pays des Balkans le troisième contingent pourvoyeur d’employés, après la France et la Suisse1.. Ces échanges réguliers ont bien sûr eu des répercussions directes sur l’enseignement et la pratique de l’architecture en Yougoslavie.. Zagreb, en premier lieu, se distingue comme le premier point central du modernisme yougoslave. En 1926, sous l’impulsion de Drago Ibler, est créé un deuxième département d’enseignement de l’architecture dans la ville, au sein de l’Académie des Beaux Arts et, en 1933, Zagreb est choisie comme l’un des cas d’étude pour les CIAMS IV.. Belgrade se dote, elle aussi, d’un corpus de bâtiments modernes et fonctionnalistes assez important dont l’un des plus remarquables est sûrement la clinique pour enfant de Milan Zlokovic, «considérée comme le pinacle de l’architecture moderne serbe d’avant-guerre2».. Ljubljana est la dernière ville à subir cette influence de manière directe, et ce, malgré l’influence de la figure tutélaire de Jospep Plecnik, dont les élèves 1 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.25. 2 : Ibid, p.26.. 13.

(14) N. AN TE. S. sont parvenus à s’émanciper afin de doter la ville d’un corpus fonctionnaliste des plus intéressant.. Ces trois villes étant les seules capitales fédérales de la Yougoslavie, la diffusion de cette architecture nouvelle se fait essentiellement en leur sein. La diffusion vers d’autres centres urbains d’importance se fait beaucoup plus lentement, même si Skopje, avec des premiers ensembles de logements dessinés par Drago Ibler, ou Sarajevo, sous l’influence de l’architecte tchèque Jan Kotera, se dotent elles aussi de premiers bâtiments modernes.. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour que se développent réellement, sur l’ensemble du territoire, les architectures modernes et fonctionnalistes, appuyées par le besoin de reconstruction rapide et à bas coût, mais aussi grâce à la révolution socialiste, qui a porté au sommet une grande partie des jeunes architectes modernes, majoritairement à gauche sur l’échiquier politique, au détriment des partisans d’une architecture plus traditionnelle, conservateurs et évincés par cette révolution.. EC. O. LE. N. AT. Le développement de ce corpus de bâtiments modernes et fonctionnalistes a été un pré-requis, nécessaire au développement de l’architecture yougoslave des décennies suivantes, servant de socle à la fois théorique et pratique tout en apportant des réponses aux problématiques d’une urbanisation grandissante et en posant certains points de départ des recherches esthétiques des décennies suivantes.. 14.

(15) LES DIFFÉRENTS STATUTS JURIDIQUES DES AGENCES D’ARCHITECTURE EN YOUGOSLAVIE. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. L’architecture sous la présidence du maréchal Tito joue un rôle d’avant garde artistique, culturel et social extrêmement significatif. Cette position sociale privilégiée est en grande partie liée au statut des agences d’architecture ellesmêmes.. EC. O. LE. N. AT. A la fin de la seconde guerre mondiale, après avoir libéré les différents états des Balkans, aux côtés des partisans yougoslaves, le parti communiste yougoslave prend le pouvoir. En novembre 1945, la République Fédérale de Yougoslavie est proclamée, dirigée par le maréchal Josep Broz Tito. La guerre, qui vient de s’achever, laisse des villes en ruines et on dénombre entre deux et quatre millions de personnes sans logement. S’il apparaît clairement que la reconstruction est un enjeu majeur pour les décennies à venir, le rôle que vont y jouer les architectes l’est, à première vue, beaucoup moins.. En effet, la révolution socialiste a contribué à la centralisation de l’économie et à la mise en place du contrôle des moyens de production, ces mesures s’appliquant bien évidemment au secteur du bâtiment. En 1947, les agences d’architecture privées cessent d’exister et la profession s’organise autour d’agences d’architecture et de planification urbaine, en totalité détenues par l’état. On peut citer en exemple les «instituts de dessin d’état» qui emploient non loin de 60 % des architectes et ingénieurs du pays1, les postes étant attribués par le système bureaucratique de l’administration socialiste.. Dans le même temps, toutes les associations culturelles sont dissoutes et le seuil moyen de participer à la création culturelle est de passer par des associations d’état, qui veillent, bien évidemment, à ne financer que les projets en accord avec la doctrine du régime. Il semble donc que, dans ce contexte, la situation des architectes yougoslaves ne leur permette pas forcement d’avoir la liberté d’action nécessaire à une reconstruction efficace du pays. Pourtant une série de mesures politiques vont mener à une refonte rapide de ce système monolithique.. En effet, en juin 1948, suite à des pressions directes de l’URSS, la Yougoslavie est exclue du Kominform, le conseil européen des états communistes. Dans un contexte mondial déjà tendu et à l’aube de la Guerre Froide, la Yougoslavie se doit de trouver une ligne politique lui permettant 1 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.28.. 15.

(16) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. de continuer de se reconstruire et d’exister dans le ballet des nations européennes. C’est pourquoi une série de réformes profondes, «sur les plans économiques, sociaux et civiques», est menée pour passer d’un état centralisé à un état «autogéré2».Dans les faits, les entreprises sont toujours la propriété exclusive de l’état, mais les employés sont libres, aux travers d’assemblées générales, de décider des répartitions des gains et du développement de leurs entreprises. Ainsi, la Yougoslavie parvient, en l’espace de plusieurs décennies, et à l’image de sa position politique future, de pays non-aligné, à se situer, dans une relative mesure, entre les blocs de l’Est et de l’Ouest et à réaliser la synthèse entre deux doctrines économiques antagonistes, à savoir l’économie de marché et l’état socialiste centralisé, dans ce que l’on a qualifié de «démocratie industrielle».. Jusque dans les années 1980, ce système économique, qui permet à la Yougoslavie de figurer, un temps, parmi les pays avec la plus forte croissance, mène surtout, sur le plan urbain, à un exode rural massif, à l’échelle de tout un pays, faisant passer la Yougoslavie d’une région majoritairement agricole à un pays fortement industrialisé et urbanisé.. La profession d’architecte est, elle aussi, directement touchée. Après 1948, ces derniers obtiennent le droit de s’associer à nouveau librement. Les agences d’état sont peu à peu dissoutes, les choix esthétiques et conceptuels ne sont plus dictés et les divergences de doctrines entre différents groupes d’architectes sont désormais admises. De nouvelles agences se créent. On peut en distinguer deux types. Certaines, comme toutes les entreprises autogérées yougoslaves sont administrées de manière collaborative, mais d’autres, notamment en Croatie, sont nommées d’après leur chefs de projet, bénéficiant souvent d’une certaine renommée et sont gérées de manière plus hiérarchique, malgré le fait qu’elles ne demeurent que des entreprises d’état autogérées, et non de réelles sociétés privées.. 16. 1 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.28..

(17) LA POSITION D’ARCHITECTE EN YOUGOSLAVIE : STATUT SOCIAL PRIVILÉGIÉ ET ÉLITE INTELLECTUELLE. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Il semble que la position d’architecte en Yougoslavie, durant la seconde moitié du XXème siècle, et à l’échelle de la société yougoslave, soit relativement confortable et associée à la vision d’une élite intellectuelle et technique.. En effet, jusque dans les années 1980, un grand nombre de postes d’architectes et d’ingénieurs sont à pourvoir, y compris pour un grand nombre de femmes, afin de répondre aux besoins toujours constants du secteur de la construction, en grande partie stimulé par l’urbanisation croissante du pays. Par ailleurs la situation politique leur assure, en plus d’une grande autonomie, des commandes permanentes, par le biais d’une administration socialiste, devenue seule commanditaire, tout en les protégeant des pressions d’un marché libéral.. De plus il est offert aux jeunes architectes des possibilités de voyager et d’aller étudier à l’étranger, par des procédures facilitées, comme cela avait été le cas pendant l’entre-deux guerres. On trouve ainsi de nombreux ressortissants yougoslaves dans les cabinets d’Alvar Aalto, Paul Rudolph, I. M. Pei ou Louis Kahn. Plus encore, après la mise en place de la politique de non alignement du pays, des accords d’échanges bilatéraux avec le bloc de l’Ouest se créent et il est possible d’émigrer librement vers un pays étranger puis de revenir en Yougoslavie relativement aisément.. Mais plus encore, ce qui assure la qualité de l’architecture yougoslave des années 1960-1980, outre les formations à l’étranger et le plein emploi, c’est la grande liberté qui est accordée aux architectes sur les plans théorique et esthétique. En effet, les commanditaires ne sont plus vraiment des personnes physiques mais des entités impersonnelles et technocratiques, accordant une confiance totale en l’expertise apportée par les architectes et les ingénieurs, et n’apportant que très rarement des doutes sur les choix esthétiques ou théoriques. Par ailleurs, dans ce pays subissant une modernisation rapide, et avec des commissions peu nombreuses, manquant de cadres ayant fait des études universitaires et face à un nombre important d’architectes qualifiés, le champ est libre pour que se développe une période de création architecturale décomplexée.. Ainsi, le développement de la Yougoslavie et sa rapide urbanisation après la seconde guerre mondiale, ont été, pour le meilleur et pour le pire,. 17.

(18) en grande partie définis par des critères énoncés par les architectes d’alors et non par des intérêts spéculatifs.. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Commandes régulières et position de force pour les architectes face aux commanditaires, liberté intellectuelle et position sociale aisée, il est assez simple de comprendre pourquoi le développement d’une architecture aussi étonnante et riche que celle de la Yougoslavie des années 1960-1980 a été possible. C’est ainsi que le développement de la Yougoslavie et sa rapide urbanisation après la seconde guerre mondiale ont été en grande partie définis par des critères énoncés par les architectes d’alors, et non par des intérêts spéculatifs.. 18. Fig. 5 Bâtiment fédéral du conseil exécutif, Belgrade (Serbie) Dessiné par Neumann, Perak et Jankovic 1947-1950 1954-1962.

(19) ENTRE EST ET OUEST, UNE ARCHITECTURE EN POSITION D’ÉLECTRON LIBRE 1950-1980. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Durant la guerre froide, la Yougoslavie est sûrement le seul endroit en Europe où peuvent cohabiter des officiels des blocs de l’Est et de l’Ouest, notamment sur la côte Adriatique, où se sont développées un grand nombre d’infrastructures hôtelières et balnéaires. Si l’on ajoute à cela la position du pays, à la tête du Tiers-Monde, par le biais des pays non alignés, on peut localiser le pays au centre de ces trois sphères d’influence. Cette place au sein d’un réseau mondial, unique pour l’époque, a permis à la Yougoslavie d’être baignée par un certain nombre d’influences très diverses. Bien évidemment cette position privilégiée a eu des répercutions notables sur l’architecture yougoslave des années 1960-1980.. EC. O. LE. N. AT. Grâce à l’implication d’un grand nombre d’architectes yougoslaves dans le mouvement moderne, notamment à travers des participations aux CIAMS, des échanges réguliers ont lieu aussi bien avec le bloc de l’Est que celui de l’Ouest. Pourtant, après la Seconde guerre mondiale, et la révolution socialiste, l’architecture yougoslave, en grande partie dictée par la doctrine d’état, est très influencée par le social réalisme russe. Cette période, bien qu’assez courte, a laissé quelques exemples, notamment dans les entrées du concours pour les bâtiments officiels de Novi Beograd, la ville nouvelle de Belgrade, même si le projet finalement retenu a réussi à passer outre la doctrine et propose une architecture résolument moderne.. En 1948, suite à la rupture avec la Russie, ce style est peu à peu abandonné. Dans le même temps, une série de connexions nouvelles se mettent en place, avec les États-Unis, notamment. En effet l’intérêt d’une alliance entre ces deux pays est mutuel. D’une part, les États-Unis se positionnent en temps que soutien militaire des yougoslaves, ce qui permet, dans le même temps, une première percée du soft power américain au-delà du rideau de fer. Bien évidemment, des connexions culturelles s’établissent également entre les deux pays. Ainsi, à partir du début des années 1950, les magazines d’architecture yougoslaves commencent à publier en très grand nombre des projets construits en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. De grands concerts de jazz sont organisés, dont ceux notables d’Elza Fitzgerald ou Louis Armstrong à Belgrade. Des expositions étrangères sont également programmées. On 19.

(20) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. peut citer par exemple celles de photos, sous la direction du MoMa Newyorkais, de 1956 et 1957, dont certaines sont directement commandées par les autorités yougoslaves. Pourtant, la plus fameuse restera la rétrospective consacrée au travail du Corbusier, qui est présentée, à partir de 1953, dans toutes les grandes villes du pays. Bien que considéré comme «bourgeois» et peu en accord avec la doctrine d’état, il n’en demeure pas moins que son influence sur cette dernière, en matière d’architecture, est indéniable1, à tel point que chaque ville, même de moyenne importance, s’est doté d’au moins un bâtiment reprenant l’idée de l’idée d’habitation.. Suite à ces différents rapprochements culturels, les architectes yougoslaves réintègrent les CIAMS en 1956, qui se tiennent pour l’occasion à Dubrovnik, et qui se déroulent sous la direction du croate Drago Ibler, déjà présent aux précédents congrès avant la Seconde guerre mondiale. Pourtant seuls deux ressortissants yougoslaves participent réellement à l’édition de Dubrovnik. En effet, la nouvelle génération d’architectes s’est déjà en partie détourné du mouvement moderne et s’est déjà rapproché des thèses de Team X, notamment Alexis Josic, qui fondera par la suite la prolifique association Candilis-Josic-Woods. Ce ne sont plus les bâtiments inspirés du style corbuséen qui fleurissent un peu partout, mais ceux inspirés du style international caractérisés par les «façades américaines», comme elles étaient baptisées alors, inspirées notamment par la Lever House de 1951, dessiné par Gordon Bunshaft2, à l’image de la tour Usce à Belgrade construite, quant à elle, en 1964.. Dès la fin des années 1950, sur le plan politique, la Yougoslavie cherche à revenir à une position équidistante entre les pôles Est et Ouest, c’est-à-dire, en se rapprochant un peu plus vers l’Est, notamment depuis la mort de Staline en 1956, qui a permis de rétablir les relations avec Moscou, même si la Yougoslavie ne réintégrera jamais le Kominform. Elle va réellement parvenir à ses fins à partir de 1961, et la création du groupement des pays non-alignés, suite à des rencontres organisées à Belgrade, à l’issue desquelles la Yougoslavie obtient «une stature internationale disproportionnée vis-à-vis de sa taille3».. Ce détachement progressif des deux blocs tente alors de s’exprimer sur le plan architectural notamment lors des différentes expositions universelles. Celle de 1958, à Bruxelles, est marquante car le pavillon, dessiné par l’architecte croate Vjenceslas Richter (1917-2002), fut classé par Architectural Review parmi «les six pavillons les plus marquants de l’exposition4».. Mais c’est surtout à partir des années 1970 que le point culminant. 20. 1 : KULIC Vladimir. Modernism in-between : the mediatory architectures of socialist Yugoslavia. Jovis, Berlin (Allemagne), 2012, p.36. 2 : Ibid, p.39. 3 : Ibid, p.44. 4 : Ibid, p. 63..

(21) I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. de l’importance de la Yougoslavie sur la scène internationale est atteint. Des leaders du mouvement des pays non-alignés, Tito est le seul toujours en vie, contrairement à l’indien Nehru (1889-1964) et à l’égyptien Nasser (19181970). Les architectes, mais surtout les grandes corporations d’état yougoslaves, comme Energoprojekt, vont pouvoir ainsi accéder, prioritairement, au marché du Tiers-Monde, et construire des projets sur tous les continents.. Par ailleurs, cette position équidistante entre les deux pôles cristallisant les tensions de la guerre froide et le Tiers Monde, a permis à la Yougoslavie, sorte de zone neutre, d’organiser une série de grands événements internationaux. En 1979, les Jeux méditerranéens sont accueillis par la ville croate de Split, tandis que 1984 est l’année des Jeux Olympiques d’hiver de Sarajevo et que Zagreb organise en 1987 les Universiades. Ces événements ont bien sûr été le support pour un grand nombre d’infrastructures, parfois très imposantes, comme le Sava Center de Belgrade, le stade Poljud de Split, le Cibona Center de Zagreb ou l’hôtel Holiday Inn de Sarajevo.. EC. O. LE. N. AT. Cette période riche en échanges internationaux marque réellement l’âge d’or de l’architecture yougoslave, qui voit en l’espace de quelques décennies seulement se constituer un grand patrimoine moderne et fonctionnaliste puis brutaliste.. Fig. 6 Pavillon yougoslave de l’exposition universelle de Bruxelles de 1958. 21.

(22) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 7 Bogdan Bogdanovic. AN TE. N. S.

(23) L’APPORT THÉORIQUE DE BOGDAN BOGDANOVIC. N. AN TE. S. Chaque mouvement artistique est sous l’influence de figures tutélaires charismatiques, dont les apports théoriques et pratiques viennent fonder les réflexions à venir. Pour l’architecture yougoslave de la seconde moitié du XXème siècle, cette figure se manifeste en la personne de Bogdan Bogdanovic.. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. Architecte reconnu, vainqueur du prix Piranese en 1989 pour le parc mémorial de Vukovar (1978-80), maire de Belgrade à partir de 1982, opposé dès 1987 à la politique nationaliste de Milosevic1, exilé à Vienne à partir de 1993, il y enseigne à la faculté d’architecture jusqu’à sa mort en 2010. Opposant farouche aux divers nationalismes intrinsèques à la Yougoslavie, il milite à travers ses prises de position et son architecture pour une Yougoslavie «supranationaliste, multiethnique, trans-religieuse et affirmant la vie2».. Une grande partie de son travail, composée essentiellement de mémoriaux, nécropoles ou cénotaphes, construits entre la fin des années 1950 et les années 1980, a largement été publiée. Ses œuvres, véritables recherches sur la matérialité et le rapport à l’artisanat, recèlent également un certain nombre de réflexions liées aux symboles et à leurs significations.. En effet, l’un des enjeux de ses mémoriaux est précisément contenu dans les différents rapports de symbolique ; d’une part ceux liés aux différentes cultures des Balkans, dont les différences ont été bien souvent à l’origine des massacres auxquels les mémoriaux sont liés, d’autre part l’esthétique apportée par la révolution communiste, et reprenant les codes du réalisme social russe. Ainsi, plutôt que de tomber dans des représentations narratives et d’éviter les allusions symboliques trop chargées d’histoire, il cherche à développer des objets avec des «allusions symboliques» mais débarrassées de sens explicite et ouverte à l’interprétation, cherchant à exprimer «une énergie inspiratrice3». Ses influences sont à chercher dans ses études minutieuses de différentes cultures européennes, mais aussi dans ses liens avec les groupes d’avantgarde surréalistes, dont la cellule belgradoise qui a été en contact régulier avec celle de Paris.. Pourtant, malgré l’apport évident de son travail d’architecte, c’est surtout. 1 : KULIC Vladimir. Bogdan Bogdanovi and the Search for a Meaningful City. In MORAVANSZKY Akos, HOPFENGARTNER Judith. Re-huma,ising architecture : New forms of community, 1950-1970. East West Central : Rebuilding Europe 1950-1990 Vol.1. Birkhauser, Bâle (Suisse), 2017, p.200. 2 : ACHLEITNER Friedrich. A Flower for the dead : The memorials of Bogdan Bogdanovic. Park Books, 2013, p.20. 3 : Idib.. 23.

(24) N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. sa carrière de théoricien qui a eu un impact sur la production architecturale yougoslave. Engagé à la fois en temps que professeur d’architecture et d’histoire de l’architecture et de la ville à la faculté de Belgrade, il est également l’une des figures les plus importantes du département d’urbanisme de la ville, dont il sera élu maire par la suite1. C’est depuis cette position qu’il lancera, en 1986, le grand concours international d’urbanisme, dont le but était de réinventer Novi Beograd, la ville nouvelle de l’après guerre, dont les limites se faisaient déjà ressentir. Sa carrière d’auteur, également prolifique, lui permet de développer de manière plus théorique les thèmes qui lui tiennent à cœur, à savoir la critique de l’urbanisme d’après guerre, et notamment des villes comme Novi Beograd ou Novi Zagreb. Il oppose ainsi dans ses écrits les différentes visions de la ville, celle «fantastique, littéraire, incontrôlable et émotionnelle» des villes anciennes, et celle «scientifique, schématique, stérile et sans vie2» héritée de l’urbanisme des années 1950.. A partir des années 1970, une de ses thématiques de prédilection devient celle des mégavilles et des supercities, sujet de recherche également exploré par un certain nombre d’architectes de cette période. Il base sa réflexion sur l’urbanisation rapide des grandes villes de Yougoslavie, comme Belgrade qu’il connaît bien, dont les populations ont plus que doublé lors des deux décennies consécutives à la seconde guerre mondiale. En réaction, il développe la théorie de la «meaningful city3», une ville dans laquelle est exalté le plaisir urbain des espaces de différentes échelles et les «relations organiques constitutives entre la ville et les différentes communautés qui l’habitent».. Par ailleurs, et à l’image de ce qu’a pu faire un certain nombre d’architectes, et notamment Frank Llyod Wright avec Taliesin, tous les étés, il est le directeur de workshops de plusieurs semaines avec une dizaine d’étudiants de la faculté d’architecture de Belgrade, triés sur le volet, durant lesquels il s’adonne à des constitutions d’urbanismes hypothétiques.. EC. O. LE. Enfin, durant la fin de sa vie, lors de l’éclatement progressif de son pays et de son exil, Bogdan Bogdanovic aura tenté de théoriser d’un point de vue urbain les destructions urbaines à l’œuvre durant la guerre. Il est entre autre à l’origine du néologisme «urbicide4», développé notamment pour évoquer, dans un premier temps, les sièges de Dubrovnik puis de Sarajevo5.. 24. 1 : En 1982. 2 : KULIC Vladimir. Bogdan Bogdanovic and the Search for a Meaningful City. p.201 3 : Théorie développée dans BOGDANOVIC Bogdan. Urbs et logos. Gradina, Nis (Serbie), 1976, 183p. Ibid p.207 4 : Volonté de destruction volontaire de la ville, L’urbicide : meurtre du social, Véronique Nahoum-Grappe in Tous Urbains n°11. Puf, Paris (France), Septembre 2015, p.32. 5 : Siège de dubrovnik Octobre 1991-Mai 1992. Siège de Sarajevo Avril 1992-Février 1996..

(25) S AN TE N I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. EC. O. LE. N. Fig. 8 Mémorial du camp de concentration de Janesovac (Croatie) Dessiné par Bogdan Bogdanovic en 1968.

(26) Il met également en valeur l’opposition à l’œuvre, selon lui, entre urbanité et ruralité, dans les Balkans, d’où serait née une haine profonde des villes, qui serait le lieu de manifestation du faire société et le «terreau rendant possible l’explosion progressiste des libertés pragmatiques1».. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Ainsi, il est évident que cette figure majeure de l’architecture yougoslave, largement méconnue en Europe occidentale, et dont la carrière s’étire sur toute la durée de la Yougoslavie, depuis sa naissance jusqu’à son tragique éclatement, et qui n’aura eu cesse à la fois de développer une pensée théorique, stylistique et critique sur les différents bouleversements architecturaux et urbains traversés par son pays, aura eu une influence non négligeable sur toute la production architecturale des Balkans du siècle dernier.. Fig. 9 Centre culturel de Kolasin (Monténégro) Dessiné par Marko Music en 1976. 26. 1 : Volonté de destruction volontaire de la ville, L’urbicide : meurtre du social, Véronique Nahoum-Grappe in Tous Urbains n°11. Puf, Paris (France), Septembre 2015, p.34..

(27) AN TE. (voir carte en annexe). S. CORPUS NON EXHAUSTIF DE L’ARCHITECTURE YOUGOSLAVE DES ANNÉES 1960-1980. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. Se figurer l’architecture yougoslave de cette période sans tomber dans les représentations véhiculées par l’imaginaire collectif n’est pas chose aisée. Ce corpus est donc pensé comme une fenêtre sur cette architecture, une vision non exhaustive mais néanmoins représentative.. Il est composé de quarante-sept bâtiments, quarante-sept, comme le nombre d’années d’existence de la seconde Yougoslavie, entre sa création en 1945 après la révolution socialiste, et 1991, où elle cessa d’exister comme entité politique1.. Chaque bâtiment est issu d’une liste plus étendue, mais a été mis en avant pour un certain nombre de critères : en premier lieu, donner une répartition géographique permettant de mettre en valeur des exemples sur l’ensemble du territoire que constitue l’ex-Yougoslavie ; d’autre part, démontrer la transversalité de cette architecture, en essayant d’illustrer un large panel de programmes : immeubles d’habitation, musées, mémoriaux, complexes commerciaux, bureaux, complexes sportifs ; enfin, mettre en avant les qualités structurelles et formelles de ces architectures aux travers d’exemples évocateurs.. 1 : déclarée en état de «démembrement» par la commission Badinter, mandatée par la Communauté Européenne. 27.

(28) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. AN TE. N. S.

(29) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. CONSERVER. AN TE. N. S.

(30) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 10 Hotel Haludovo, île Krk (Croatie) Dessiné par Boris Magas en 1971. AN TE. N. S.

(31) LA CONSERVATION DU PATRIMOINE BRUTALISTE : ENJEUX POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. On peut parler d’un grand nombre de bâtiments brutalistes des années 1960-1980 laissés à l’abandon à travers la Yougoslavie, on peut citer par exemple le Haludovo Resort, à Malinska, sur l’île de Krk, dessiné par l’architecte Boris Magas en 1971 ou l’un des bâtiments de la poste centrale de Skopje de Janko Kostantinov, construit en 1974.. Pourtant, malgré les difficultés économiques du pays, il existe un réel enjeu patrimonial à réhabiliter ou restructurer ces bâtiments qui sont uniques en leur genre, témoins d’un instant spatio-temporel inédit dans l’histoire de l’architecture. Ainsi, un certain nombre de réhabilitations sont effectuées. Outre le geste symbolique de redonner vie à un bâtiment, qui plus est lorsqu’il est le témoin d’un «âge d’or» d’un pays qui s’est écroulé depuis, il est intéressant de comprendre et de mettre en avant les enjeux économiques politiques ou sociaux sous-jacents à de telles opérations. Il a par exemple été fait le choix de rénover complètement le mémorial du camp de concentration de Janesovac, afin de le rendre à nouveau accessible aux visiteurs. Mais dans un contexte économique peu florissant, et au vu des coûts à engager pour conserver ces bâtiments, les travaux engagés sont quasi exclusivement motivés par des questions économiques.. EC. O. LE. N. AT. Par exemple, ces opérations de pérennisation du patrimoine peuvent être effectuées dans des buts de reconquête et de redéveloppent du territoire national. On peut évoquer la compétition internationale lancée pour la ville de Niksic au Monténégro. Organisée par le ministère du développement durable et du tourisme monténégrin, cette compétition vise à dessiner l’adaptation et la reconstruction de la maison de la révolution1, œuvre de Marko Music, dont la construction a commencé en 1978, mais qui ne s’est jamais achevée. . Ce bâtiment était un programme mixte ambitieux, mélangeant à la fois un mémorial à la mémoire des soldats disparus lors de la révolution socialiste de 1945, un théâtre, une école de musique et diverses autres fonctions sociales, décidé par la municipalité pour célébrer le trentième anniversaire de la libération de la ville. Pourtant, après onze années de construction puis quasiment trente années d’abandon, il demeure une coquille vide et dangereuse en plein centre de la ville. C’est l’association des cabinets suisse 1 : Brief de la compétition disponible sur le site http://www.mrt.gov.me/en/news/154339/Competition-for-the-conceptual-architectural-design-for-adaptation-and-reconstruction-of-the-Revolution-Home-in-Niksic.html. 31.

(32) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. HHF et slovène Sadar+Vuga qui a remporté cette compétition en proposant une solution maximisant le réemploi et laissant la possibilité de venir greffer d’autres projets lors d’opérations urbaines ou architecturales futures.. Outre la proposition retenue, ce qui est ici intéressant c’est de voir comment le ministère du tourisme du Monténégro voit en ce projet l’occasion de redévelopper la ville de Niksic et plus particulièrement son centre-ville, dans le cadre d’une politique nationale afin de faciliter et de continuer de développer le tourisme dans le pays. En effet, le Monténégro fait partie des pays les plus récents, né de l’éclatement de la Yougoslavie2 et a fait du tourisme l’un de ses principaux objectifs, dans le même temps que son rapprochement avec l’Union Européenne.. La ville de Niksic se trouvant au centre du pays, sur les principales lignes de communications et entre les trois pôles touristiques du pays : Podgorica la capitale, dont l’aéroport international est la principale porte d’entrée du pays depuis l’étranger, la côte adriatique, dont le tourisme balnéaire est l’un des principaux moteurs économiques du pays, et le nord du pays, avec ses parcs nationaux.. Fig. 11 Projet gagnant du concours de restructuration de la maison de la révolution Niksic (Monténégro) 32. 1 : Le Monténégro a proclamé son indépendance en 2006..

(33) QUE FAIRE DE NOVI BEOGRAD ?. EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. La constitution de Novi Beograd, sous sa forme actuelle, s’étale sur plus d’un siècle, si bien qu’en 2011 c’est plus de 200 000 personnes qui habitent entre la rivière Sava et le Danube. Aujourd’hui cette zone est aux prises avec des changements urbains assez significatifs du passage d’un état communiste à une économie libérale. Dans ces conditions comment conserver le patrimoine de la fin du XXème siècle, notamment la structure urbaine face à la pression spéculative ou lorsque ce même patrimoine est habité par des dizaines de milliers de personnes.. Fig. 12 Vue sur Novi Beograd. 33.

(34) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 13 Novi Beograd, Block 61. AN TE. N. S.

(35) COMPRENDRE LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DE CETTE VILLE NOUVELLE. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, le site choisi pour l’érection de Novi Beograd n’est encore qu’une plaine marécageuse, utilisée comme système de défense naturel, en complément de la forteresse qui surplombe la ville. A partir du début du XXème siècle, de nombreux plans d’aménagement sont imaginés, le premier, en 1922, par Erwin Ilz et Erwin Bock, dont la proposition prévoyait une ville néo-baroque. Aucune de ces propositions ne verra finalement le jour. Il faut attendre 1930 pour voir les premiers ensembles de bâtiments se construire sur le site et l’achèvement du bloc 17, localisé sur l’une des parties les plus émergées de la zone. La seconde guerre mondiale va être un nouveau facteur de retard pour le début de la construction de cette ville nouvelle, et va même associer un destin tragique au bloc 17, qui servira de camp de concentration.. EC. O. LE. N. AT. C’est après la Seconde Guerre Mondiale que l’idée de construire de nouveaux quartiers d’habitation, dans la capitale de ce nouveau pays qu’est devenu entre temps la Yougoslavie, est devenue une nécessité. Mais au vue de l’ampleur de la tâche à accomplir en terme de drainage, pour rendre le marais constructible, la Yougoslavie a été contrainte de souscrire des crédits auprès de la banque mondiale, ce qui a constitué une des raisons de la rupture avec Moscou en 19481.. En 1946, Nikola Dobrovic fait une proposition de plan de masse pour la ville nouvelle. Ce projet en rupture totale avec la structure de la ville existante, plus vallonnée, présente des strates alternant zones bâties et zones agricoles, projetant une véritable « city in a garden »2, sorte de cité-jardin inspirée par la pensée des CIAMS. Pourtant, cette proposition ne sera pas retenue et en 1947 une compétition officielle est organisée. Là encore aucune des treize propositions ne sera retenue, peut être parce que les objectifs de la compétition étaient trop flous et ne s’accordaient finalement que sur la réalisation des bâtiments officiels du nouveau régime. Nikola Dobrovic est donc rappelé en 1948 pour enfin proposer un plan directeur officiel. Mais, là encore l’architecte, impliqué dans les domaines allant de artistique à l’urbain, avait une vision très globale du projet, dont découlait une envie de maîtriser tous les aspects de sa conception. Repositionnant ce contexte au sein d’une 1 : BOBIC Nikolina. Balkan(ising) myths: Historical (Re)Formations of the New Belgrade” in Proceedings of the Society of Architectural Historians, Australia and New Zealand: 30, Open. Sahanz, Gold Coast (Australie), 2013, vol. 1, p 308. 2 : Ibid p.304.. 35.

(36) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. agence d’architecture d’état, cette gestion du projet a été jugée autoritaire et Dobrovic fut évincé. Quelques bâtiments sont tout de même construits dans les années 1940, comme le bâtiment fédéral du conseil exécutif et le Block 1 mais, suite aux échecs répétés de la mise en place d’un plan urbain pour la réalisation de Novi Beograd, il est décidé la mise en œuvre d’un institut d’urbanisme à partir de 1948, et en 1950 le premier plan urbain est finalement adopté. Il prévoit la construction des blocs 21 à 29 et est grandement inspiré par le principe de la cité radiante du Corbusier. Contrairement à la vision de Dobrovic, qui permettait la mise en place de diverses extensions de son plan, même avec des systèmes urbains différents, le plan de 1950 sonne le glas d’une « vision ouverte pour Novi Beograd […] car un idéal moderne avait été imposé1».. La constitution de Novi Beograd suit ce plan jusqu’à la mise en place d’un nouveau par l’institut de planification urbaine en 1972 et qui projette la construction de la ville jusqu’en 20002. Ce schéma directeur est le dernier mis en place avant l’éclatement de la Yougoslavie.. L’année 1986 représente un tournant important pour la constitution de ce qui compose déjà quasiment une ville à part entière. En effet, à partir de la fin des années 1980, l’institut de planification urbaine perd peu à peu son pouvoir en même temps que le marché s’ouvre de plus en plus à des agences privées étrangères, et qu’il reste toujours maître en matière de planification. C’est également le moment choisi par Bogdan Bogdanovic, alors à la tête de ce même institut, pour lancer un grand concours international pour ré-imaginer Novi Beograd. Les attentes et les résultats de cette compétition proposent de redonner une vision plus post-moderne à la ville, en émettant de sérieux doutes sur l’urbanisme moderne et en cherchant à s’inspirer de villes plus anciennes. Ce concours n’aboutira à aucune proposition concrète, même si elle apporte une collection non négligeable de contre-propositions à l’urbanisme des CIAMS.. Dans le même temps l’étude pour la ré-urbanisation de Novi Belgrade, publiée en 1985 par Milos Perovic, va être l’une des inspirations majeures pour tous les projets avortés de refonte urbaine de la ville.. Dans cet ouvrage, très inspiré par les travaux de Colin Rowe, Collage City et Roma Interotta, Perovic théorise la critique du bloc ouvert belgradois. 36. 1 : BOBIC Nikolina. Balkan(ising) myths: Historical (Re)Formations of the New Belgrade” in Proceedings of the Society of Architectural Historians, Australia and New Zealand: 30, Open. Sahanz, Gold Coast (Australie), 2013, vol. 1, p 306. 2 : STEVANOVIC Tijana. Humane spontaneity : Teaching New Belgrade the lessons of the past. In MORAVANSZKY Akos, LANGE Torsten. Re-Framing identities : Architecture’s turn to history, 1970-1990. East West Central : Rebuilding Europe 1950-1990 Vol.3. Birkhauser, Bâle (Suisse), 2017, p.289..

(37) I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. décrit comme introverti1. Il expose qu’il n’est finalement qu’une composition héritée d’un plan de masse vaguement artistique, organisé autour d’un centre communautaire et d’équipements comme une école ou une crèche, entouré de parkings et qui ne propose aucun dialogue avec son environnement extérieur, comme un « petit monde en soi2 ». Par ailleurs, il fait le constat de la séparation et de la ségrégation des programmes, chaque bâtiment devenant mono-programmatique dans cette ville nouvelle qui n’est plus qu’une « collection de bâtiments individualisés3». Il réalise aussi des séries de collages où il fait l’exercice intellectuel de l’insertion de blocs de Novi Beograd dans le tissu de la ville ancienne et constate l’impossibilité d’un tel schéma jugé « destructif et perdant l’échelle humaine », tandis que l’inverse semblait réaliste grâce à la supériorité des structures du centre historique, faites de places et de rues, sur celle des blocs ouverts8.. EC. O. LE. N. AT. Ainsi, dès la fin des années 1980, alors que Novi Beograd est toujours en construction, on voit se former un certain nombre de critiques sur la forme de la ville même. Cette critique de la ville moderne correspond à la période à partir de laquelle les architectes yougoslaves ont eu des contacts avec des architectes post-modernes et que la Yougoslavie s’ouvrait de plus en plus à l’économie de marché dès le début des années 1990.. 1 : STEVANOVIC Tijana. Humane spontaneity : Teaching New Belgrade the lessons of the past. In MORAVANSZKY Akos, LANGE Torsten. Re-Framing identities : Architecture’s turn to history, 1970-1990. East West Central : Rebuilding Europe 1950-1990 Vol.3. Birkhauser, Bâle (Suisse), 2017, p.292. 2 : Ibid. 3 : Ibid, p.289. 4 : Ibid, p.292.. 37.

(38) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 14 Vue sur le nouveau centre commercial Usce, à côté de la tour du même nom. AN TE. N. S.

(39) CONTINUER À CONSTRUIRE LA VILLE DANS UN CONTEXTE NOUVEAU. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Après l’éclatement de la Yougoslavie, et suite à l’intervention de l’OTAN, la ville de Belgrade doit faire face à des reconstructions. Pourtant ce n’est pas le plus grand challenge qui va lui être imposé. En effet, avec l’indépendance de la Serbie et l’accès à l’économie libérale, la ville de Belgrade doit gérer les problèmes liés à l’accession à la propriété et à la spéculation immobilière. Novi Beograd, en particulier, devient l’un des sites recevant le plus d’investissements de tout le pays. Ce nouveau quartier en mutation va être, à l’image de toute l’ex-Yougoslavie, l’expression de la fin d’un monde et de la naissance d’un nouveau, véritable illustration spatiale de l’explosion de la société yougoslave, et matérialisation des liens ténus entre idéologies politiques et patrimoine architectural.. EC. O. LE. N. AT. En effet, à partir des années 2000, Novi Belgrade va être le témoin de la disparition de l’unité sociale régnant dans les blocs d’habitation jusqu’à l’explosion du pays. En premier lieu, la disparition des classes moyennes et l’agrandissement de l’écart entre les foyers les plus modestes et les plus riches va s’exprimer sous la forme d’une ségrégation socio-économique, mais aussi esthétique, entre les blocs qui se gentrifient et ceux qui au contraire se dégradent socialement. Le nouveau plan de développement urbain de 2003, défini jusqu’à l’horizon 2021, contient en lui seul toutes les transformations rapides de cette société passant du « l’espace pour tous au marché pour peu1 » car il définit spatialement le passage d’une ville construite comme résolument anti-capitaliste à une expression spatiale qui l’est elle complètement. Sur le plan architectural, cela se matérialise surtout par la construction de grands centres commerciaux, transformant peu à peu Novi Beograd, ville d’habitation, mais malgré tout multi-programmatique, en une ville dédiée aux loisirs dont les dizaines de milliers de visiteurs journaliers ne sont pas les habitants.. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est de regarder comment ces nouveaux programmes s’implantent dans le tissu existant. Parfois il est tout simplement choisi de raser des blocs existants, souvent habités par les classes populaires, comme cela a été le cas pour les blocs 17 et 18, construits dans les années 1930. Mais la position qui est le plus souvent adoptée est celle de remplir les blocs laissés vacants. Par exemple le bloc 67, qui dans le plan. 1 : BOBIC Nikolina. Balkan(ising) myths: Historical (Re)Formations of the New Belgrade” in Proceedings of the Society of Architectural Historians, Australia and New Zealand: 30, Open. Sahanz, Gold Coast (Australie), 2013, vol. 1, p 308.. 39.

(40) de1972 avait été délibérément non construit pour en faire une respiration dans la ville, a été rempli avec le village olympique des Universiades de 2007 organisées par la ville. L’opération a été financée en grande partie par la première banque privée créée après la fin du régime communiste.. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Le problème majeur est que malgré le côté répétitif et parfois dur de cette ville nouvelle, l’omniprésence des espaces libres très largement plantés, véritable privilège, et expression réussie de la Charte d’Athènes, a fait de ce quartier un lieu où une relation très particulière s’était créée entre la ville et ses habitants, pénétrant même jusqu’aux représentations collectives. Par ailleurs, ces espaces laissés volontairement vacants permettaient à plus ou moins long terme de prévoir des extensions de la ville, laissant même la place à d’autres types de formes urbaines, « rapprochant Novi Belgrade du concept même de ville traditionnelle1 ». A la place, le plan de 2003 a déclaré ces zones secteur de grand développement commercial, en ne tenant bien sûr pas compte des spécificités uniques du plan urbain existant.. EC. O. LE. N. AT. Mais plus encore, il semble que ce soit la corruption qui joue un rôle important dans la gestion de la ville. S’il est certain que gérer la question de la densité de la ville est une réelle thématique pour les décennies futures, elle nécessite un vrai programme de développement et ne se fait pas en validant une addition de projets incohérents et parfois même hors-la-loi, comme la reconstruction du bloc 16. A l’origine ce bloc n’est constitué que d’une tour, grandement inspirée du Lever House de Gordon Bunshaft, mais qui subit des destructions pendant les bombardements de l’OTAN en 1999. En 2003, il est décidé de construire des locaux commerciaux sur cette parcelle, mais l’une des contraintes de la compétition est de respecter l’esprit de l’urbanisme de Novi Beograd, et notamment les questions d’emprise au sol. Le projet gagnant conserve l’esprit du projet urbain avec de larges espaces verts et un nouveau bâtiment dont la volumétrie dialogue avec celle de l’ancien. Pourtant, sous la pression des investisseurs, ce sera un autre projet qui sera construit, sans attendre, et dont la volumétrie est hors-la-loi. Malgré tout, il sera légitimé par une révision partielle du plan adoptée en 2007.. 40. Il aurait été aisé de parler de la conservation effective de certains bâtiments brutalistes emblématiques de la ville comme le musée d’art contemporain de 1965, le centre sportif du 25 mai de 1973 ou le musée d’aviation de 1989, ou les projets internationaux comme le concours international pour le front de rivière de la Hala Beton2, sur la rive du Danube. 1 : MARIC Igor, NIKOVIC Ana, MANIC Bozidar. Transformation of the new Belgrade urban tissue : filling the space instead of interpolation. Spatium – N° 22. Institut d’architecture et de planification urbaine et spatiale de Serbie, Belgrade (Serbie), Juillet 2010, p. 49. 2 : Avec notamment une proposition remarquée de Sou Fujimoto..

(41) EC. O. LE. N. AT. I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. N. AN TE. S. Mais ces projets sont les arbres qui cachent la forêt car plus généralement les bâtiments qui représentent le gros de l’architecture et de l’urbanisme des années 1960-1980 se concentrent soit dans des zones où les investissements publics et privés sont très faibles et laissent ce patrimoine se dégrader, en même temps que les conditions de vie des habitants qui y vivent, soit dans des zones où une architecture commerciale mondialisée est en train de détruire ce même héritage.. Dans le fond, le vrai problème du brutalisme de Belgrade, c’est qu’il est grandement lié au logement, lui même lié à la spéculation immobilière, rendant ces bâtiments, et encore une fois les gens qui les habitent, des otages impuissants de la situation politique et économique.. 41.

(42) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. AN TE. N. S.

(43) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. RECONSTRUIRE. AN TE. N. S.

(44) LE. O. EC I D ON O A C LE U M S EN UP T ER SO IE U UR M IS E AU D'A D RC R H O IT IT E D CT 'A U U R TE E U DE R. AT. N. Fig. 15 Tours Unis, Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) Photographié en 1996 et en 2011. AN TE. N. S.

Références

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