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COMPRENDRE LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DE CETTE VILLE NOUVELLE

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, le site choisi pour l’érection de Novi Beograd n’est encore qu’une plaine marécageuse, utilisée comme système de défense naturel, en complément de la forteresse qui surplombe la ville.

A partir du début du XXème siècle, de nombreux plans d’aménagement sont imaginés, le premier, en 1922, par Erwin Ilz et Erwin Bock, dont la proposition prévoyait une ville néo-baroque. Aucune de ces propositions ne verra finalement le jour. Il faut attendre 1930 pour voir les premiers ensembles de bâtiments se construire sur le site et l’achèvement du bloc 17, localisé sur l’une des parties les plus émergées de la zone. La seconde guerre mondiale va être un nouveau facteur de retard pour le début de la construction de cette ville nouvelle, et va même associer un destin tragique au bloc 17, qui servira de camp de concentration.

C’est après la Seconde Guerre Mondiale que l’idée de construire de nouveaux quartiers d’habitation, dans la capitale de ce nouveau pays qu’est devenu entre temps la Yougoslavie, est devenue une nécessité. Mais au vue de l’ampleur de la tâche à accomplir en terme de drainage, pour rendre le marais constructible, la Yougoslavie a été contrainte de souscrire des crédits auprès de la banque mondiale, ce qui a constitué une des raisons de la rupture avec Moscou en 19481.

En 1946, Nikola Dobrovic fait une proposition de plan de masse pour la ville nouvelle. Ce projet en rupture totale avec la structure de la ville existante, plus vallonnée, présente des strates alternant zones bâties et zones agricoles, projetant une véritable « city in a garden »2, sorte de cité-jardin

inspirée par la pensée des CIAMS. Pourtant, cette proposition ne sera pas retenue et en 1947 une compétition officielle est organisée. Là encore aucune des treize propositions ne sera retenue, peut être parce que les objectifs de la compétition étaient trop flous et ne s’accordaient finalement que sur la réalisation des bâtiments officiels du nouveau régime. Nikola Dobrovic est donc rappelé en 1948 pour enfin proposer un plan directeur officiel. Mais, là encore l’architecte, impliqué dans les domaines allant de artistique à l’urbain, avait une vision très globale du projet, dont découlait une envie de maîtriser tous les aspects de sa conception. Repositionnant ce contexte au sein d’une

1 : BOBIC Nikolina. Balkan(ising) myths: Historical (Re)Formations of the New Belgrade” in Proceedings of the Society of Architectural Historians, Australia and New Zealand: 30, Open. Sahanz, Gold Coast (Australie), 2013, vol. 1, p 308.

2 : Ibid p.304.

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agence d’architecture d’état, cette gestion du projet a été jugée autoritaire et Dobrovic fut évincé.

Quelques bâtiments sont tout de même construits dans les années 1940, comme le bâtiment fédéral du conseil exécutif et le Block 1 mais, suite aux échecs répétés de la mise en place d’un plan urbain pour la réalisation de Novi Beograd, il est décidé la mise en œuvre d’un institut d’urbanisme à partir de 1948, et en 1950 le premier plan urbain est finalement adopté. Il prévoit la construction des blocs 21 à 29 et est grandement inspiré par le principe de la cité radiante du Corbusier. Contrairement à la vision de Dobrovic, qui permettait la mise en place de diverses extensions de son plan, même avec des systèmes urbains différents, le plan de 1950 sonne le glas d’une « vision ouverte pour Novi Beograd […] car un idéal moderne avait été imposé1».

La constitution de Novi Beograd suit ce plan jusqu’à la mise en place d’un nouveau par l’institut de planification urbaine en 1972 et qui projette la construction de la ville jusqu’en 20002. Ce schéma directeur est le dernier mis

en place avant l’éclatement de la Yougoslavie.

L’année 1986 représente un tournant important pour la constitution de ce qui compose déjà quasiment une ville à part entière. En effet, à partir de la fin des années 1980, l’institut de planification urbaine perd peu à peu son pouvoir en même temps que le marché s’ouvre de plus en plus à des agences privées étrangères, et qu’il reste toujours maître en matière de planification. C’est également le moment choisi par Bogdan Bogdanovic, alors à la tête de ce même institut, pour lancer un grand concours international pour ré-imaginer Novi Beograd. Les attentes et les résultats de cette compétition proposent de redonner une vision plus post-moderne à la ville, en émettant de sérieux doutes sur l’urbanisme moderne et en cherchant à s’inspirer de villes plus anciennes. Ce concours n’aboutira à aucune proposition concrète, même si elle apporte une collection non négligeable de contre-propositions à l’urbanisme des CIAMS.

Dans le même temps l’étude pour la ré-urbanisation de Novi Belgrade, publiée en 1985 par Milos Perovic, va être l’une des inspirations majeures pour tous les projets avortés de refonte urbaine de la ville.

Dans cet ouvrage, très inspiré par les travaux de Colin Rowe, Collage City et Roma Interotta, Perovic théorise la critique du bloc ouvert belgradois

1 : BOBIC Nikolina. Balkan(ising) myths: Historical (Re)Formations of the New Belgrade” in Proceedings of the Society of Architectural Historians, Australia and New Zealand: 30, Open. Sahanz, Gold Coast (Australie), 2013, vol. 1, p 306.

2 : STEVANOVIC Tijana. Humane spontaneity : Teaching New Belgrade the lessons of the past. In MORAVANSZKY Akos, LANGE Torsten. Re-Framing identities : Architecture’s turn to history, 1970-1990. East West Central : Rebuilding Europe 1950-1990 Vol.3. Birkhauser, Bâle (Suisse), 2017, p.289.

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décrit comme introverti1. Il expose qu’il n’est finalement qu’une composition

héritée d’un plan de masse vaguement artistique, organisé autour d’un centre communautaire et d’équipements comme une école ou une crèche, entouré de parkings et qui ne propose aucun dialogue avec son environnement extérieur, comme un « petit monde en soi2 ». Par ailleurs, il fait le constat

de la séparation et de la ségrégation des programmes, chaque bâtiment devenant mono-programmatique dans cette ville nouvelle qui n’est plus qu’une « collection de bâtiments individualisés3». Il réalise aussi des séries de collages

où il fait l’exercice intellectuel de l’insertion de blocs de Novi Beograd dans le tissu de la ville ancienne et constate l’impossibilité d’un tel schéma jugé « destructif et perdant l’échelle humaine », tandis que l’inverse semblait réaliste grâce à la supériorité des structures du centre historique, faites de places et de rues, sur celle des blocs ouverts8.

Ainsi, dès la fin des années 1980, alors que Novi Beograd est toujours en construction, on voit se former un certain nombre de critiques sur la forme de la ville même. Cette critique de la ville moderne correspond à la période à partir de laquelle les architectes yougoslaves ont eu des contacts avec des architectes post-modernes et que la Yougoslavie s’ouvrait de plus en plus à l’économie de marché dès le début des années 1990.

1 : STEVANOVIC Tijana. Humane spontaneity : Teaching New Belgrade the lessons of the past. In MORAVANSZKY Akos, LANGE Torsten. Re-Framing identities : Architecture’s turn to history, 1970-1990. East West Central : Rebuilding Europe 1950-1990 Vol.3. Birkhauser, Bâle (Suisse), 2017, p.292.

2 : Ibid. 3 : Ibid, p.289. 4 : Ibid, p.292.

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Fig. 14 Vue sur le nouveau centre commercial Usce, à côté de la tour du même nom

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