• Aucun résultat trouvé

§ I. Le renouvellement pour une durée déterminée ou indéterminée

Dans le présent chapitre, l’étude portera sur des contrats nommés qui ne prévoient aucune règle sur le renouvellement tacite. D’une manière générale, les règles sur la reconduction tacite donnent un cadre juridique à une situation en principe incertaine.

Lorsqu’un renouvellement tacite implique la prolongation du contrat pour une durée déterminée, comme par exemple dans le contrat d’agence347, les parties sont en principe liées jusqu’à une date précise. Même si la règle sur le renouvellement tacite du contrat d’agence prévoit une durée de prolongation maximale, les parties risquent tout de même d’être liées pendant une période pouvant aller jusqu’à une année.

En revanche, lorsque la règle sur le renouvellement tacite a comme conséquence de transformer le contrat en une relation de durée indéterminée, la fin d’un tel contrat ne peut être établie qu’eu égard aux règles relatives à la fin d’un tel contrat de durée indéterminée, c’est-à-dire les règles sur la résiliation.

§ II. Appréciation de règles potentielles

En cas de renouvellement tacite348 à l’échéance d’un contrat de durée déterminée, trois scénarios sont potentiellement envisageables. Dans le premier, toutes les parties sont d’accord sur le renouvellement du contrat ainsi que sur la durée d’un tel renouvellement. Dans le deuxième, les parties sont d’accord sur le principe du renouvellement, mais leur volonté réelle n’est pas concordante en termes de durée de prolongation. Dans le troisième cas, une seule partie veut véritablement renouveler et son cocontractant s’est vu

347 Cf. supra ¶ 312.

348 L’analyse du renouvellement effectuée supra ¶¶ 34 et seq. demeure valable dans le cadre des contrats ne prévoyant aucune règle sur le renouvellement.

424

425

426

427

imposer la prolongation du contrat à la suite d’une interprétation de son comportement en vertu du principe de la confiance.

Le premier scénario. Cette situation est évidemment la plus souhaitable. Dans la mesure où la volonté réelle des parties est réciproque et concordante, l’exécution du contrat se poursuit selon cette volonté.

Le deuxième scénario. Soit on impose une prolongation fixe et définie déjà au moment du renouvellement tacite, soit on transforme le contrat en une relation de durée indéterminée. Cette dernière solution est celle qui ne lierait pas une partie à l’autre contre sa volonté pour une trop longue période. Dans la mesure où les parties veulent poursuivre l’exécution du contrat, elles pourront toujours formaliser cette entente par un accord écrit et éviter ainsi une situation d’insécurité juridique.

Le troisième scénario. Dans ce cas, il convient de trouver une solution qui prenne en compte les intérêts des deux parties ; une partie voulant réellement poursuivre l’exécution du contrat, l’autre ne voulant pas, mais son comportement a créé des attentes légitimes à l’endroit l’autre partie.

Les éléments à prendre en considération. Que l’on se trouve dans le deuxième ou dans le troisième scénario, il convient de mettre en balance deux éléments, l’un s’opposant à l’autre. D’un côté, les attentes légitimes éveillées chez une partie (application du principe de la confiance) méritent protection ; de l’autre, il est souhaitable de ne pas lier une partie pour une période trop longue. Les parties n’ayant pas réglé la question du renouvellement tacite, on ne saurait les lier trop longtemps contre leur volonté. En outre, si une partie se trouve dans une situation de faiblesse par rapport à l’autre, l’équilibre doit être trouvé en tranchant plutôt en sa faveur.

Lesattentes légitimesd’une partie sont selon nous déterminantes. La durée de la prolongation du contrat dépendra donc de ce qu’une partie pouvait de bonne foi croire en fonction du comportement de son cocontractant ; il ne s’agit que d’une application du principe de la confiance, lui-même découlant des règles de la bonne foi349.

Il est toutefois des cas dans lesquels la recherche des attentes légitimes relatives à la durée du renouvellement peut s’avérer impossible par manque d’éléments.

Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer un accord sur la durée du contrat renouvelé, il convient en principe de présumer que le contrat se transforme en contrat de durée indéterminée, à moins que les circonstances du cas concret ne commandent l’application d’une autre solution. Les deux parties pourront donc mettre un terme au contrat selon les règles applicables à la fin des contrats de durée indéterminée qui varient en fonction de la qualification

349 ATF 99 II 67, c. 3 ; CR-CC-I-CHAPPUIS C., art. 2, N 14.

428

429

430

431

432

433

434

juridique du contrat objet du litige. Cela permet aux parties, en règle générale, de se départir du contrat dans un délai convenable établi par la loi. Cette solution s’inspire de la tendance générale du législateur de considérer qu’un contrat de durée déterminée tacitement renouvelé devient un contrat de durée indéterminée.

Dans tous les cas, les parties doivent avoir l’opportunité de prouver qu’elles entendaient renouveler le contrat pour une durée déterminée ou indéterminée.

Le problème se pose ici au niveau de la preuve. Qu’il s’agisse de déterminer la preuve d’une entente réelle ou la preuve d’une attente légitime (interprétation objective selon le principe de la confiance), il est nécessaire de considérer un certain nombre de facteurs.

Correspondance entre les parties. Suivant sa teneur, il est parfois possible de déterminer le moment jusqu’auquel les parties veulent poursuivre l’exécution du contrat. Prenons comme exemple le cas du prêt d’un appartement. A l’échéance de la durée initialement stipulée, l’emprunteur ne rend pas la chose à son cocontractant, lequel, en connaissance de cause, ne réagit pas. Si l’emprunteur a envoyé une communication au prêteur lui signifiant sa volonté de garder l’appartement encore jusqu’à une date déterminée ou déterminable, et dans la mesure où le prêteur n’a pas réagi alors que l’on pouvait raisonnablement s’attendre à une réponse de sa part, il convient de fixer la durée du renouvellement jusqu’à l’échéance de cette date.

Autres renouvellements du même contrat dans le passé. Lorsqu’un contrat a été systématiquement renouvelé pour des périodes d’une année, cela fera plutôt présumer que la durée du dernier renouvellement sera également d’une année.

Autres contrats équivalents ou analogues conclus entre les parties – Usages entre les parties. Si l’on peut déterminer une certaine similitude en termes de durée de ces contrats, on pourra s’en inspirer pour déterminer la durée du contrat tacitement renouvelé. Il s’agit d’un usage entre les parties ; ce principe est expressément consacré à l’art. 9 al. 1 CVIM et à l’art. 1.9 al. 1 des Principes UNIDROIT. Même si la CVIM et les Principes UNIDROIT ne sont pas applicables au contrat, il s’agit d’un principe largement reconnu qui mérite d’être pris en considération.

Les parties sont liées « par les habitudes qui se sont établies entre elles »350. Seules sont pertinentes les pratiques entre les parties351. Souvent, une

350 Art. 9 al. 1 CVIM, deuxième partie de la phrase.

351 SCHMIDT-KESSEL, CISG Commentary (SCHLECHTRIEM/SCHWENZER), art. 9, N 8 ; cf. aussi MELIS, Kommentar zum UN-Kaufrecht (HONSELL), art. 9, N 4 : «Sie [die Gepflogenheiten] entwickeln sich durch individuelle Übung von Vertragspartnern während der Vertragsabwicklung » (gras dans l’original) ; SAENGER, Internationales Vertragsrecht (FERRARI), art. 9 CISG, N 3, qui définit les habitudes comme étant des «kaufmännische Übungen und Verhaltensweisen […] welche die

435

436

437

438

439

circonstance répétée deux fois a déjà été considérée comme suffisante352. La relation entre les parties doit avoir créé une attente légitime que les parties procéderont de la même manière à l’avenir353. La question qu’il faut se poser est celle de savoir si les parties ont atteint un point où elles peuvent raisonnablement s’attendre à ce que la pratique représente une entente commune et que l’autre partie se sente liée par celle-ci354. Cette entente est alors automatiquement applicable355.

La règle est une expression du principe général de la bonne foi356et sanctionne le venire contra factum proprium357. Les « habitudes » n’influencent pas seulement l’interprétation du contenu d’une manifestation de volonté, mais sont également importantes pour l’interprétation du contrat afin de le compléter358.

Les usages d’une certaine branche. Dans la mesure où il existe des usages particuliers en matière de durée des contrats dans une branche donnée, ils seront nécessairement pris en compte pour apprécier la durée du contrat renouvelé.

L’absence d’une règle générale unique rend particulièrement délicat le cas du renouvellement tacite d’un contrat où ni la loi, ni le contrat lui-même ne prévoient quoi que ce soit en cas de reconduction. Dans ce chapitre, l’analyse portera sur de tels contrats.