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La relativisation en siwi

VI.13 Adverbes de temps amra : maintenant amra : maintenant

7 Les propositions relatives en siwi

7.2 La relativisation en siwi

Nous résumerons ici ce qui a été dit à propos des relatives et relativiseurs du siwi dans les études précédentes, même si nous avons déjà parlé du statut du relativiseur wən / tən en 6.3.5.

Ce que Laoust désigne comme pronom relatif (Laoust 1931 :119) et Leguil comme pronom support (1986b, selon la terminologie de Galand 1974 : 205-224) est un relativiseur de type joncteur. En effet, Leguil remarque: « comme wa, wi touaregs, ils peuvent aussi fonctionner comme déterminants en reprise immédiate de leur référent ou antécédent. Mais contrairement à leurs homologues touaregs, ils ne sont que des supports de détermination, c’est-à-dire qu’ils sont obligatoirement déterminés (par un complément déterminatif ou une relative). » (Leguil 1986b :107).

Laoust avait repéré trois relativiseurs différents: wən pour le masculin singulier, tən pour le féminin singulier et wiyen pour le masculin/féminin pluriel. Leguil (1986) avait déjà remarqué dans son corpus la disparition de la forme du pluriel. Cette information est confirmée par les données de Vycichl (2005 :222-223), Souag (2010) et celles de notre corpus. wən est désormais utilisé pour le pluriel tant masculin que féminin. Les données de notre corpus

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montrent pour la première fois qu’un procès d’assimilation complète (wən comme relativiseur unique) est en cours. Nous parlerons de cet aspect dans le paragraphe 7.2.5.

Jusqu’à Souag (2010) les auteurs ont parlé de propositions relatives en siwi seulement quand elles étaient introduites par un relativiseur, alors qu’il existe des cas où la proposition principale et la proposition relative sont dans un rapport de subordination seulement marqué par la prosodie.

Souag explique que lorsqu’il n’y a pas de relativiseur, il s’agit de cas où la tête est indéfinie, et rapproche cette construction de l’arabe qui, en général, utilise toujours un relativiseur pour une tête définie et n’utilise pas de marquage si la tête est indéfinie. Il remarque qu’il y a aussi d’autres langues berbères qui font cette différence (tamacheq, tashelhiyt, entre autres) (Souag 2014a :155-156).

Dans ce chapitre, nous essaierons de voir quelle est la fonction des différents types de relatives en siwi (avec et sans relativiseur) et comment la présence/absence du relativiseur n’est pas liée à la définitude/indéfinitude de la tête mais plutôt à la distinction entre propositions relatives restrictives et descriptives. Nous passerons ensuite à certains points qui n’ont pas été remarqués auparavant (notamment par rapport à la présence du pronom résomptif dans les relatives objet, l’utilisation de wən pour le féminin singulier aussi, etc) et nous développerons ces points, surtout ce qui concerne le statut de ce relativiseur.

Il faut admettre que le manque de participe et l’utilisation des pronoms résomptifs dans les relatives non sujet rapproche le système de cette langue de celui de l’arabe. Néanmoins, nous verrons que des différences sont encore présentes. Les données utilisées dans cette étude font presque entièrement partie du discours spontané, les élicitations ne donnent pas de résultats convaincants dans ce domaine (surtout pour les relatives descriptives, étant donné que le siwi utilise d’autres stratégies par rapport à une langue comme le français).

Du point de vue formel, une proposition relative typique suit cet ordre : Nom- (relativiseur) - (sujet lexical) - verbe - arguments.7

7 Pour la relativisation du possesseur, le pronom résomptif est cliticisé sur le nom, pour la relativisation de l’objet direct et indirect, il est cliticisé sur le verbe alors que pour tous les autres rôles, le pronom résomptif suit le verbe et il est cliticisé sur la préposition.

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Ce pronom n’est pas présent dans une relative sujet, facultatif dans une relative objet (ex.7.2 et 7.3) et obligatoire dans une relative oblique (7.4) :

7.1

tálti tə́n t-nəggər g ʃáli

femme.F REL.F 3SG.F.vivre.INACC dans citadelle

La femme qui habite dans la citadelle (Notes_Siwa_2014)

7.2

timə́drast tən ssn-aṭ

école.F REL.F savoir.ACC-2SG

L’école que tu connais (Notes_Siwa_2014)

7.3

tanf̣ást tən t-əṃṃa-i-tət

conte.F REL.F 3SG.F-dire.ACC-1SG.IO-3SG.F.OD

Le conte qu’elle m’a raconté (Notes_Siwa_2014)

7.4

tálti wən aggʷid-ə́nn-əs jə-ṃṃut

femme.F REL homme.M-de-3SG 3SG.M-mourir.ACC

La femme dont le mari est mort (SIZ_VS_NARR.007)

7.2.1 Le pronom résomptif dans les relatives objet (direct)

Dans son corpus, Souag remarque que toutes les fonctions grammaticales, mis à part le sujet, utilisent obligatoirement le pronom résomptif, et en cela il rejoint l’idée de Leguil (1986b :110) selon laquelle l’absence du pronom résomptif dans les relatives d’objet direct de Laoust (1931) n’est plus acceptable. Cela suggère donc que la présence de ce pronom dans les relatives objet est un phénomène assez récent. Nos données montrent que le pronom résomptif dans les relatives objet n’est pas encore obligatoire, comme nous l’avons vu dans l’exemple 7.2 et dans les suivants :

7.5

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tableau.F.PL-de-2SG.M REL peindre.INACC-2SG sur citadelle.M

Les tableaux que tu peins de la citadelle (SIZ_VS_CONV.011)

7.6

i-zəṛṛʕ-ən ṭmaṭə́m / i-fəll-án / ṃṃaxṃáxx /

3-cultiver.INACC-PL tomate.F / PL-oignon-PL / pourpier /

kúll ʃi ədbáʃ wən i-zəṛṛaʕ-ən

chaque chose chose/PL REL 3-cultiver.INACC-PL

Ils cultivent les tomates, les oignons, le pourpier. Il s’agit des choses qu’ils cultivent (SIZ_VS_NARR.017)

Ceci dit, cela reste assez rare, la plupart du temps le pronom est présent :

7.7

tləʧʧá n wən jə-xs-et

fille.M of REL 3SG.M-vouloir.ACC-PL-3SG.F.OD

La fille qu’il voulait (SIZ_VS_NARR.124)

7.2.2 Présence ou absence du relativiseur wən /tən

Les propositions subordonnées qui sont liées au nom de domaine sans relativiseur sont très présentes en siwi, comme d’ailleurs dans l’ensemble des parlers berbères :

yili ġurs ulġm iYa adġral

aor.3sg.m.exist at-home-of-him camel pfv. 3sg.m.be blind

‘He had a camel that was blind’ (Il avait un chameau qui était aveugle) (Maroc central, Galand 2014 : 84 qui cite Roux 2007: 117)

Le statut de relatives de ce type de construction leur a été attribué par Galand (1984), qui voit bien la différence entre ce type de subordination et la série de deux propositions indépendantes entre elles. Il appelle ce type de proposition relative adjointe, en soulignant qu’il s’agit bien d’une subordonnée qui limite ou caractérise le nom de domaine. Dans ce type de construction, la relation de subordination entre les deux propositions est marquée par la prosodie : cela est loin d’être un phénomène typique du berbère. On le retrouve, par exemple, dans le français parlé ainsi que dans d’autres langues, par exemple le mohawk (langue

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iroquoienne parlée en Amérique du Nord) qui a été étudié par Mithun. L’auteur démontre que dans deux propositions subordonnées (relatives ou complétives) il n’y a pas de marque syntaxique qui manifeste cette relation de subordination, mais si l’on prend aussi en considération la prosodie, on se rend compte que les deux propositions ne peuvent pas être interprétées comme deux propositions indépendantes étant donné qu’elles sont contenues dans le même contour intonatif. (Mithun 2009: 56-57)

A propos du siwi, comme nous l’avons vu dans l’introduction, Souag déclare : « Where a head noun is present, a distinction must be drawn between definite and indefinite forms: definites feature the marker wən / tən, indefinites drop it »8 (Souag 2014a: 151).

La situation est plus complexe en siwi et notre étude complète sur un corpus spontané a montré que la présence / absence d’un relativiseur était en réalité le marquage d’une distinction entre modification restrictive et modification descriptive. Dans le premier cas, la relative restreint la référence de la tête nominale, alors que dans le deuxième cas il s’agit d’une expansion descriptive qui donne des propriétés additionnelles à ce nom.

Ceci est montré par l’exemple suivant où, même si le nom est défini (par le possessif) il n’y a pas de relativiseur et les deux propositions sont dans la même unité intonative. La modification effectuée par la relative est de type descriptif parce qu’elle ajoute des propriétés à ce qui est représenté par le nom:

7.8

ɣuṛ-əs təṛwawén-n-əs i-təkkam-ən sg ə́lʤənb

chez-3SG enfant.PL-de-3SG 3-entrer.INACC-PL de côté

n tɣəṛf̣ə́t

de chambre.F

Il a des enfants qui rentrent d’un côté d’une chambre (SIZ_VS_NARR.054)

L’exemple suivant, de manière similaire, montre comment, même si la tête est indéfinie, elle peut être suivie par un relativiseur :

8 « Là où il y a une tête nominale, une distinction doit être faite entre formes définies et indéfinies : les définies ont le relativiseur wən / tən alors que les indéfinies ne l’ont pas. »

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7.9

kúll ə́ʤʤən wən ɣuṛ-əs aṭíl / i-təṛṛaħ

chaque un.M REL chez-3SG jardin.M / 3SG.M-aller.INACC

Chaque personne qui a un jardin, part (SIZ_VS_NARR.111)

Dans cet exemple, seuls ceux qui ont un jardin sont concernés par le prédicat principal (restriction).

Le type de relative sans relativiseur est typique des constructions introduites par la préposition existentielle di. C’est la prosodie qui nous aide à donner cette interprétation et à ne pas les considérer comme deux propositions indépendantes. Dans la majorité des cas, la personne qui parle présente des personnages (ce cas est très fréquent au début d’un conte mais aussi dans d’autres contextes) :

7.10

di itádәm ɣuṛ-sən lәgṛuʃ

EXIST gens.PL chez-3PL argent

Il y a des gens qui ont de l’argent (SIZ_VS_NARR.088)

7.11

di itadə́m jə-ʕṃaṛ-ən-tən

EXIST gens.PL 3-faire.ACC-PL-3PL.OD

Il y a des gens qui les fabriquent (SIZ_VS_NARR.088)

7.12

di jaẓíṭ i-nәqqәb / j-ifa

EXIST coq.M 3SG.M-becqueter.INACC / 3SG.M-trouver.ACC

tħəbbə́t n yardә́n

grain.F de blé.M

Il y a un coq qui becquetait. Il trouva un grain de blé (SIZ_VS_NARR.035)

Cette construction (di+N+proposition relative) est une structure particulière (cf. 10.5) qui a justement pour fonction d’introduire des éléments dans la narration et d’en donner une description pour qu’ils puissent être développés ensuite par le locuteur et repérés par le destinataire.