• Aucun résultat trouvé

La négation attributive

VI.13 Adverbes de temps amra : maintenant amra : maintenant

2 La grammaticalisation verbale

3.3 La négation en siwi

3.3.6 La négation attributive

La négation attributive se fait au moyen de qáʧʧi (aʧʧi) :

3.46

aħáṭṭi bídu áʧʧi ams-om xḷáṣ /

mettre.NV aussi NEG comme_ça-2SG.F stop / di-ja

La négation

- 120 -

aħáṭṭi ɣuṛ-əs assán

mettre.NV chez-3SG savoir.NV

L’action de mettre aussi n’est pas juste comme ça et c’est tout. L’action de mettre est un savoir (par rapport à la façon de mettre les dattes ou autre chose dans les paniers). (SIZ_VS_NARR.098)

3.47

áʧʧi aʧʧú am ənʃní

NEG manger.NV comme PRO.IDP.1PL

La nourriture n’est pas comme la nôtre (SIZ_VS_NARR.095)

3.48

kúll ʃi jə-bbəddəl / áʧʧi am ənnháṛdin

chaque chose 3SG.M-changer.ACC / NEG comme dans_le_passé

(maintenant) Tout a changé, ce n’est pas comme dans le passé (SIZ_VS_CONV.004)

(q)aʧʧi peut aussi précéder, normalement des éléments qui sont précédé par la- (comme le verbe, par exemple, ou l’adjectif) :

3.49

qaʧʧi ət-təṃṃ-asən tanf̣ás u xḷaṣ

NEG 3SG.F-dire.INACC-3PL.OI conte.PL ou c_est_tout

Ce n’est pas juste qu’elle raconte des histoires (elle donne aussi des enseignements aux enfants). (SIZ_VS_NARR.091).

Sa fonction est de rectifier ce que le locuteur sait (ou pense savoir) être présupposé par le destinataire. Dans l’ex. 3.48, par example, il s’agit d’une réponse à une question faite au locuteur sur l’état des choses à l’heure actuelle et dans le passé (question : ‘tu peux me raconter ce que tu fais aujourd’hui et ce que tu faisais autrefois ?’). Le locuteur répond en exprimant l’impossibilité d’associer les deux moments et en soulignant son désaccord.

Dans l’exemple 3.49, le locuteur commence par expliquer comment les contes peuvent être un outil pour amuser les enfants ; ensuite il rectifie ce qu’il a laissé penser au locuteur, en soulignant aussi le côté didactique des contes.

Le choix d’utiliser qaʧʧi (au lieu de la-, morphème négatif qu’on s’attendrait avec un verbe) est motivé par le fait que le locuteur ne veut pas juste préciser ce qui est exprimé par le verbe. En

La négation

- 121 -

effet, comme l’a remarqué Mettouchi, la négation attributive est plutôt utilisée, au niveau sémantique, pour indiquer « conflicting views on a given theme » alors que, au niveau pragmatique, il y a « debate between the speaker and his co-speaker as to the degree of validity of the statement, and this debate involves modal standpoints. Attributive-equative negation is used for metalinguistic negative judgements. » (Mettouchi 2006 :266, pour le kabyle maʧʧi). Laoust (1931), Vycichl (2005), Robecchi Bricchetti (1889) mentionnent seulement la forme qáʧʧi. En kabyle on retrouve la particule négative attributive máʧʧi :

3.50

maʧʧi d argaz

NEGATT COP homme.ABS

Ce n’est pas un homme (Mettouchi 2010 :7)

Chaker (kabyle des Ait-Iraten) fait également une liste des particules négatives « empruntées à l’arabe dialectal » ači, mači, lači qui sont « en variation libre » (Chaker 1983 :141).

Souag lie ce morphème à « Arabic qaṭṭ ‘not at all, never’ plus Arabic šay ‘thing’ » (Souag 2014a: 211) alors que maʧʧi est considéré comme venant de ma (élément de négation verbale en arabe dialectal) et ši, forme réduite et grammaticalisée de šāy : chose.

3.4 Conclusion

La négation en siwi se fait donc au moyen du morphème la-, sauf pour la négation attributive.

Nous avons passé en revue en détail le système verbal en contexte négatif : sur la base de la définition donnée par Miestamo de la ‘Standard Negation’, le système du siwi peut être considéré comme presque totalement symétrique (Type Sym): à chaque thème verbal en contexte affirmatif correspond le même thème en contexte négatif, sauf pour l’inaccompli+-a. La seule différence formelle est la préfixation du morphème la- qui précède toujours le verbe et ses indices de personne. Cette symétrie n’est pas partagée avec d’autres variétés

La négation

- 122 -

berbères où il existe des thèmes verbaux spécialisés en contexte négatif (notamment l’accompli et l’inaccompli négatif).

La symétrie n’est plus si stricte si l’on analyse la fréquence de chaque thème entre le contexte affirmatif et le contexte négatif : le thème aspectuel le plus fréquent en contexte négatif est l’accompli, suivi par l’inaccompli. La forme ga+aoriste est par contre très peu fréquente alors qu’elle est plus utilisée que l’inaccompli en contexte affirmatif. Cela souligne la valeur modale de la négation qui est donc peu compatible avec ga+aoriste qui a aussi, parmi ses fonctions, une forte tendance à donner des indications plutôt modales qu’aspectuelles.

De plus, la particule préverbale ga-, obligatoire en domaine affirmatif, ne l’est pas en contexte négatif, surtout après le complementeur anni, quand il introduit une complétive de but. En ce qui concerne les morphèmes de négation (la et ula), nous avons essayé d’en retracer l’origine, grâce surtout au fait que ula apparaît aussi, dans le corpus pris en considération, pour nier le verbe. Son utilisation en position préverbale n’avait pas été remarquée auparavant.

En ce qui concerne le morphème la-, il est le même utilisé dans la négation d’autres catégories grammaticales comme l’adjectif, le quantifieur, la particule existentielle di et attributive ɣuṛ (+pronom). Nous avons également pu remarquer que le nom peut être précédé par ce morphème, souvent quand il suit la-di (il n’y a pas), dans les énumérations négatives, et nous avons avancé l’hypothèse qu’il s’agit probablement du la berbère, marqueur de distributivité (ni…ni en contexte négatif).

Pour terminer, nous avons brièvement analysé la négation attributive qui implique la particule áʧʧi, qáʧʧi d’origine arabe (dialectal), mais que l’on retrouve aussi dans d’autres variétés berbères avec la même fonction, et nous avons remarqué que le choix du locuteur entre qáʧʧi et la- est dicté par le fait qu’il veut rectifier (qáʧʧi) ou préciser (la-).

La négation est un domaine qui a été assez largement étudié ces dernières années, comme nous l’avons vu avec les auteurs cités dans ce chapitre (notamment Brugnatelli et Mettouchi pour le berbère). Dans ce chapitre, nous avons apporté un certain nombre de données nouvelles concernant le siwi (allongement de la première voyelle en domaine négatif pour l’aoriste, fonction de ula en domaine verbal, nouvelle hypothèse sur l’origine d’ula en contexte verbal).

En outre, grace à l’analyse des textes, nous avons pu étudier la fréquence de chaque thème par rapport à son propre correspondant en domaine positif, et cela nous a permis de comprendre qu’il y a bien une asymétrie fonctionnelle entre les deux sphères et que la forme négative ne

La négation

- 123 -

peut pas toujours se combiner avec tous les aspects verbaux que l’on trouve en domaine affirmatif.

Le suffixe -a et l’accompli résultatif

- 124 -