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De façon générale, les œuvres des XVe et XVIe siècles qui se proposent de former les individus et de définir des modèles de comportement et d’éducation visent une condition ou à un état bien particulier, l’épistémologie renaissante étant incapable de concevoir une éducation qui serait universelle et commune à tous et à toutes. Les « instructions » ou « traités de savoir-vivre » précisent donc bien souvent l’état, la condition, voire le sexe sur lequel l’ouvrage va proposer des conseils (les princes, les femmes, les nobles, etc.), tout en cherchant bien souvent à intéresser des publics plus larges par divers moyens et « produits d’appel » – dont les récits de vie de personnages célèbres peuvent faire partie. La manière dont les hommes et les femmes sont évoqués ou visés s’avère toutefois différente dans la plupart de ces ouvrages, quoique chaque sous-catégorie soit marquée par des déclinaisons particulières de ce trait.

1a. Les institutions des princes, des grands et de quelques « autres »

À la Renaissance, les ouvrages traitant de l’éducation affichent très majoritairement leur souci des hommes du plus haut degré de l’échelle sociale. Il leur arrive néanmoins de viser, avec ou derrière le « prince », d’autres catégories d’hommes, notamment ceux qui lui sont proches. De rares œuvres élargissent l’horizon – jusqu’à

notamment ceux qui lui sont proches. De rares œuvres élargissent l’horizon – jusqu’à parfois s’adresser aussi aux femmes.

1a1. Les textes venus du passé : honneur aux rois, aux historiens, aux philosophes

Plusieurs œuvres convoquent les modèles venus de l’Antiquité gréco-latine, en même temps qu’elles sont marquées par une vision spéculative héritée des miroirs médiévaux383. Les plus célèbres sont le Secret des secretz attribué à Aristote à l’intention d’Alexandre (14 éditions entre 1484384

-1485 et 1556) ; le An Nikoklès d’Isocrate, connu d’abord dans la traduction d’Antoine Macault intitulée Institution d’un jeune prince (9 éditions entre 1533 et 1594) ; La Cyropédie de Xénophon (9 éditions entre 1547 et 1581).

Ces textes sont volontiers imprimés avec d’autres « enseignements » au sein de compilations où apparaissent plusieurs noms fameux. En 1497, Antoine Vérard publie le Secret des secretz avec L’Instruction d’un jeune Prince de Hugues de Lannoy et les Enseignements de Saint Louis à sa fille Isabelle, puis avec un abrégé de Valère Maxime et Le tresor de noblesse traduit de l’espagnol ; et le texte paraît encore en 1531 avec Les dictz moraulx des Philosophes et Les dictz des saiges. Le jurisconsulte Jean Brèche publie en 1541 sa traduction du An Nikoklès avec son Brief traicté de l’institution et condition d’ung bon Roy et un texte de Plutarque (sans doute Ad principem ineruditum/ Il faut qu’un prince soit instruit385), dans une compilation qu’il intitule Manuel royal ou opuscules de la doctrine et condition du prince. Pierre Boaistuau profite de cette vogue lorsqu’il présente L’Histoire de Chelidonius Tigurinus sur l’institution des princes (dont il est l’auteur) comme un texte traduit du latin, auquel il dit ajouter plusieurs traités dont un Traité de l’excellence & dignité de mariage, procédé vendeur au vu des neuf éditions de cette prétendue compilation entre 1556 et 1585. Enfin le best-seller des institutions des princes (43 éditions de 1540 à 1594), L’Horloge des princes, traduction de l’œuvre de l’espagnol Antonio de Guevara réalisée par René Berthault, sieur de La Grise et Nicolas de Herberay sieur des Essarts, est annoncée avec l’histoire de Marc Aurèle (1540), voire avec le tresrenomme livre de Marc Aurele (dès 1555).

Des textes médiévaux traduits du latin ou écrits dans un français ancien sont également mis en valeur par les noms d’auteurs célèbres ou de destinataires prestigieux.

383 Voir André Stegmann, « Le Modèle du prince », in Claudie Balavoine, Jean Lafond et Pierre Laurens (dir.), Le Modèle à la Renaissance, Paris, Vrin, 1986, p. 117-138.

384 Les dates en gras sont celles où l’on trouvera les textes dans l’Annexe 1.

385 En 1548, l’édition d’un texte anonyme intitulé Dispute, qu’il est necessaire a un grand prince sçavoir les lettres, de même que l’édition en 1575 de deux traités de Claude d’Espence dont l’un monstre combien les lettres et sciences sont utiles et proufitables aux rois et princes semblent marquer le succès de ce texte des Moralia.

L’anonyme Liber de informatione principum (XIIIe s.), traduit en 1503 par Octovien de Saint-Gelais, paraît avec un prologue adressé à Charles VIII (Le trésor de noblesse), puis en 1517, la traduction de Jean Golein annonce en titre le texte de Gilles de Rome et le Secreta secretorum d’Aristote qui n’y figurent pas (Le Mirouer exemplaire et très fructueuse instruction…386). Galliot Du Pré publie de même en 1517 L’instruction d’un jeune prince d’Hugues de Lannoy387 et Le Chappellet des princes de Jean Bouchet, dans un volume où figure le fameux Temple de Jehan Bocace, de la ruyne d’aulcuns nobles malheureux. Les liens entre la prescription didactique et l’usage de l’exemple apparaissent également dans l’histoire éditoriale du Rosier des guerres (Guidon des guerres dans certains imprimés), texte attribué au roi Louis XI ou présenté comme compilé à sa demande, qui comportait à la fois une chronique historique et des « instructions et beaulx enseignemens » (8 éd. entre 1490 et 1528) : alors que les premières éditions ne comportaient que les chapitres moraux, celle de 1523 développe la chronique, et celle de 1528 la place en tête de l’ouvrage. Plus étonnant : entre 1514 et 1519, trois éditeurs publient cette « œuvre éthico-politico-militaro-historique388 » avec

le Livre du chevalier de la Tour Landry adressé aux femmes nobles –

vraisemblablement pour faire acheter le même volume par les deux publics intéressés. Moins célèbre que ce roi, Charles de Bourbon est nommé comme destinataire du Livre de François Patrice de l’Institution et administration de la chose publique… dans sa première édition (1520, traduction du De institutione Rei publica de l’évêque de Gaeta Francesco Patrizi, 1413-1494), mais il est oublié dans les trois suivantes.

D’autres ouvrages connaissent une grande vogue en s’appuyant sur d’autres références. Le texte de Patrizi sur l’institution de la chose publique, redonné douze fois en extraits entre 1544 et 1584 et retitré Le Livre de police humaine, se présente dans les premières éditions comme assorti de maintes belles sentences d’historiens & philosophes, & divers propos & faictz d’hommes prudens, tandis que dans les neuf dernières, il est accompagné d’une traduction abrégée du De Regno et regis institutione du même auteur et du Brief recueil du livre d’Erasme de l’enseignement du Prince chrestien, les éditeurs comptant sur le nom d’un homme très respecté parmi les érudits pour donner du lustre à l’abrégé des deux volumes de Patrizi. Quant au Prince de Machiavel, traduit de l’italien par Guillaume Cappel en 1553 puis par Gaspard

386

Selon Noëlle-Laetitia Perret, Les Traductions françaises du De regimine principum, op. cit., p. 54.

387 Voir Bernhard Sterchi, « Hugues de Lannoy, auteur de l’Enseignement de vraie noblesse, de l’Instruction d’un jeune prince et des Enseignements paternels », Le Moyen Âge, 110 : 1, 2004, p. 79-117.

388 Jacques Krynen, « Sur la culture historique des rois : Louis XI et le Rosier des Guerres », in Gérard Aubin (dir.), Études offertes à Pierre Jaubert, Liber amicorum, PU de Bordeaux, 1992, p. 399-409 (cit. p. 404).

d’Auvergne et Jacques Gohory en 1571, il connaît en tout neuf éditions jusqu’en 1586 – année qui ne signe pas la fin de sa carrière.

1a2. Instruire le prince et ses proches

La majorité des institutions rédigées en français au XVIe siècle semblent ne s’adresser qu’à des hommes, ou plus exactement à des princes. C’est le terme qu’affichent, outre ceux qu’on vient de voir, les titres des traités de Simon Bougouyn (1508), Guillaume Budé (1547), Claude d’Espence (1548), Étienne Pasquier (1560), Jean Heluïs (1566), Jean Talpin (1567), Edmond Auger (1568), François de Saint-Thomas (1569), et Jean La Madeleine (1575), et bien entendu Jean Meschinot, dont Les Lunettes des princes connaissent sous ce titre au moins 22 éditions entre 1493 et 1539389. Pourtant les dédicataires ne sont pas seulement les hommes de la famille royale. Le Manuel royal (1541) de Jean Brèche est précédé de nombreux textes liminaires à Marguerite de Navarre, Jean de Bourbon et Jeanne d’Albret, à qui l’auteur dédie son Premier livre de l’honneste exercise du prince en 1544. De même l’Institution pour l’adolescence du Roy Charles IX, publiée par Ronsard en 1563, vise-t-elle autant la régente Catherine de Médicis que le souverain de treize ans. La chose est on ne peut plus claire dans l’Epistre au roy, soubs le nom de la royne sa mère pour l’instruction d’un bon roy, écrite par Jean Antoine de Baïf en 1575 (ce roi est alors Henri III, qui vient de se marier) ; et c’est encore à elle que Matthieu Coignet dédie l’Instruction aux princes en 1584.

D’autres « miroirs des princes » visent explicitement un public plus large mais toujours aussi masculin, notamment les hommes qui ont en charge l’administration et le gouvernement d’un état. En 1555, Jean Feron traite De la primitive institution des Roys, hérauldz et poursuivant d’armes, et Guillaume de La Perrière précise que son Miroir politique est non moins utile que necessaire à tous monarches, roys, princes, seigneurs, magistrats & autres qui ont la charge du gouvernement ou administration d’icelles. L’année suivante, Jean Maugin indique que son Parangon de vertu vise l’instruction de tous princes et grans seigneurs. Le genre semble donc évoluer pour traiter de populations plus larges, voire sans précisions de groupes sociaux, en s’intéressant au fonctionnement de la société390. C’est ce que pourraient indiquer plusieurs titres : le Discours sur les moyens de bien gouverner et maintenir en bonne paix un Royaume ou autre Principauté d’Innocent Gentillet (publié au moins cinq fois de 1576 à 1585), La

389 Christine Martineau-Génieys en compte une trentaine jusqu’au début du XVIe siècle (éd. Droz, 1972).

390 Voir Jean Céard, « Le modèle de La République de Platon et la pensée politique en France au XVIe

siècle » in Jean-Claude Margolin et Maurice de Gandillac (dir.), Platon et Aristote à la Renaissance, Paris, Vrin, 1976.

République de Jean Bodin (plus grand succès de la fin du siècle avec douze éditions entre 1576 et 1594), l’anonyme Dialogue du royaume (1589) ou encore le texte de François Le Jay, De la dignité des rois et princes souverains, du droict inviolable de leurs successeurs légitimes et du devoir des peuples et subjectz envers eux (1589).

Enfin, certains textes s’adressent clairement aux gouvernants comme au peuple. C’est le cas de La Nef des princes (1502), compilation de plusieurs textes de Robert de Balsac et Symphorien Champier, qui se présente comme comportant des enseignemens utilz et profitables a toutes manieres de gens, et qui contient des textes comme la malice des femmes, le doctrinal du pere de famille au filz, le regime dung serviteur… C’est aussi le cas de La doctrine des princes et des servans en court (anon., v. 1492) et des Epistres Héroïdes tressalutaires pour servir d’exemple à toute ame fidele de François Habert (1550) qui contiennent un alphabet moral pour l’instruction d’un jeune prince ou princesse – seul miroir affichant à la fois les deux termes. La police chrestienne que Jean Talpin adresse au roi en 1568 (republiée en 1572 et 1577) affiche également son utilité pour tous governeurs de republiques, pour heureusement les regir & gouverner : & autant necessaire à toutes manieres de gens, de quelques estat ou vocation qu’ils soyent, […] curez & predicateurs pour advertir chacun estat de son particulier devoir. Enfin, deux autres textes s’adressent autant aux princes qu’à leurs sujets : le Discours sur les remonstrances et réformations de chacun estat de Louis Musset391 (publié trois fois entre 1582 et 1588), qui contient aussi une déclaration de l’obéissance du peuple aux roys et princes : & de l’amour & dilection, charge & devoir desdicts seigneurs envers le peuple… ; et la Republique chrestienne de Jean de Sainte-Fère (1578 et 1582), qui affirme contenir le vray miroir & institution d’un prince chrestien, pour bien & heureusement conduire ses meurs & actions en l’administration & gouvernement d’un royaume, mais aussi s’adresser à tous ceux qui ont charge & manyement des affaires du public, & pareillement de toutes aultres personnes qui desirent vivre selon les vertues morales & intellectives.

1b. Les traités de bonnes mœurs et civilité

Jean-Claude Margolin a expliqué que la notion de civilité venait du latin civilitas et désignait la qualité des citoyens d’une civitas (cité) vivant pacifiquement sous les lois qui dictaient leurs droits et obligations. Les traités de civilité ne visent donc pas seulement les enfants en situation d’apprentissage : nombre d’entre eux s’adressent à

391Discours sur les remonstrances et réformations de chacun estat, et déclaration de l’obéissance du peuple aux roys et princes : & de l’amour & dilection, charge & devoir desdicts seigneurs envers le peuple…

des adultes pour guider leur participation à la vie civile et civique. De plus, les dérivés civil, civilement ont trait à la politesse, à la courtoisie, aux usages mondains, bref à toutes les attitudes, gestes, comportements et propos qui caractérisent des êtres civilisés392. Toutefois, à l’instar des institutions évoquées précédemment, nombre de ces textes s’affichent comme ne s’adressant qu’aux hommes.

1b1. Le succès du genre à la Renaissance

Dans le contexte de l’importance croissante des cours et des élites urbaines, certains de ces bréviaires laïques remportent un succès considérable. Les œuvres datant de moins d’un siècle viennent en tête, notamment Le doctrinal de sapience attribué à Guy de Roye (1472, 37 éd.), Le livre de bonnes mœurs de Jacques Legrand (v. 1478, 19 éd.), Le bréviaire des Nobles d’Alain Chartier (v. 1480, 16 éd.), ainsi que son Curial (1526, 12 éd.).

Moins en prise sur la société renaissante, les textes issus de l’Antiquité sont tous remis en circulation sans connaître tout à fait le même succès (l’Isocrate à Demonicus, 1578, 7 éd. ; le Manuel d’Epictète, 1544, 4 éd. ; l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, 1488, 3 éd.), à l’exception du De officiis de Cicéron (1494, 14 éd.) et des Moralia de Plutarque (1572, 25 éd. et 2 extraits).

Certaines œuvres contemporaines, françaises ou en provenance d’Italie, sont également ressenties comme éminemment utiles. C’est surtout le cas du Cortegiano de Baldassare Castiglione (1537, 16 éd.), de L’académie françoise de Pierre de La Primaudaye (1577, 9 éd.), et dans une moindre mesure de La civil conversazione de Stefano Guazzo (1574, 6 éd.).

1b2. Des traités majoritairement adressés à des hommes

Pensée pour des publics plus larges que les anciennes œuvres, la production contemporaine nomme volontiers les groupes visés dans le titre des livres, c’est ici aussi le champ lexical de l’homme qui apparaît dans nombreux d’entre eux. Le mot lui-même est présent dans L’homme juste et l’homme mondain (Simon Bougouyn, 1508), Du bonheur de la cour et vraie félicité de l’homme (Pierre de Dampmartin, 1592), Les souhaits des hommes (anon., v. 1500), Des Bonnes meurs et honestes contenances que doit garder un jeune home, tant à table qu’ailleurs, avec autres notables enseignemens (Jean Sulpice, 1542), L’exercise & discours politiques de l’homme vertueux, contenant plusieurs notables enseignemens appartenans tant à la police & gouvernement du public, qu’au particulier… (anon., 1581), etc. D’autres termes signalent également (ou

392 Jean-Claude Margolin, « La Civilité nouvelle. De la notion de civilité à sa pratique et aux traités de civilité », in Alain Montandon (dir.), Pour une histoire des traités de savoir-vivre en Europe, op. cit.,

semblent indiquer) la destination toute masculine de ces œuvres : La doctrine du pere au filz (anon., ap. 1494), Le Favori de court, contenant plusieurs advertissemens et bonnes doctrines, pour les Favoris des Princes, & autres Signeurs & Gentilshommes qui hantent la Court (Guevara, 1556), Le Courtisan, voire Le parfait courtisan (Castiglione, 1537), Le Galathee ou la maniere et fasson comme le gentilhomme se doit gouverner en toute compagnie (Giovanni Della Casa, 1562), l’Institution du père chrestien à ses enfans (Jean Du Tillet, 1563), Le regime du pere de famille : où sont aussi contenues plusieurs notables sentences et preceptes pour l’instruction d’un chacun (Claude Aubri, 1566), l’Instruction et foy d’un chrestien (Clément Marot, 1533), etc.

D’autres titres insistent sur le fait que le livre concerne tous les publics, sans toutefois mentionner les femmes. C’est entre autres le cas de La fontaine d’honneur & de vertu, ou est monstré comme un chacun doit vivre en tout aage, en tout temps, & en tout lieu (François Le Breton, 1555) ; de la Briefve instruction pour tous estats en laquelle est sommairement déclairé comme chacun en son estat se doit gouverner et vivre selon Dieu (François de Corlieu, 1558) ; de l’Instruction pour tous estats (René Benoist, 1564) ; du Traitté de la vocation & maniere de vivre à laquelle chacun est appellé (Pierre de La Place, 1561) ; de l’Academie francoise, en laquelle il est traité de l’institution des Mœurs, & de ce qui concerne le bien et heureusement vivre en tous Estats & conditions (Pierre de La Primaudaye, 1577). Il est clair que toutes ces œuvres devraient être regardées de plus près sous cet angle, puisque certaines des plus connues contiennent de fait des chapitres sur les femmes, à l’instar du Courtisan de Baldassare Castiglione (1528), qui donne la parole à la maîtresse des lieux où ont lieu les débats, et dont le troisième et avant-dernier livre oppose les arguments des défenseurs des femmes à ceux de leurs détracteurs.

Quelques titres seulement indiquent que l’œuvre s’intéresse aux rapports entre hommes et femmes ou qu’elle s’adresse aux deux sexes. Le traducteur de La civile conversation du S. Estienne Guazzo décline le contenu de ses quatre livres, précisant : Au second est discouru comme toutes personnes doivent converser hors leurs maisons en general : & comme particulierement se doivent comporter […] les hommes & les femmes conversans ensemble. Au troisiesme sont declairez en particulier les moyens qu’il faut garder en celle conversation domestique, qui est entre le mary & la femme, le pere & le fils... (1579). Jean Quentin expose plus sobrement La manière de bien vivre dévotement et salutairement par chascun jour pour hommes et femmes de moyen estat (v. 1500). Sans s’adresser aux deux sexes, enfin, quelques ouvrages réunissent un traité

s’adressant aux hommes et un traité s’adressant aux femmes. C’est le cas du Specule des pecheurs de Jean Castel, dédié en 1468 à Jean Du Bellay, qui contient d’une part lexhortation des mondains tant gens deglise comme seculiers et d’autre part lexemple des dames et demoiselles et de tout le sexe femenin (1483). Il est retitré encore plus « égalitairement » Mirouer des pecheurs et pecheresses par Antoine Vérard (v. 1495). C’est aussi le cas du Livre doré de Gabriel Meurier, contenant [premièrement] la charge des parens, les preceptes du bon maistre, le debvoir des enfans. [Deuxièmement] De l’office d’une bonne matrone, c’est a dire mere de famille, regente ou preceptrice, specialement de jeunes filles (1578). Ces deux ouvrages sont donc aussi comptabilisés dans la catégorie suivante.

Notons pour finir une œuvre qu’il faudrait regarder de plus près pour savoir si elle relève ou non de ce corpus. Le passe temps de tout homme. Et de toute femme de Guillaume Alexis (v. 1505), est, d’après plusieurs indications bibliographiques, une traduction/adaptation du très sérieux De contemptu mundi attribué à Innocent III. Rien dans son titre ne la relie pourtant à ce pape – bien connu pour sa misogynie393 ; en revanche, c’est la réputation de l’auteur (« le bon moine de Lyre ») qui y est mise en avant dans la plupart des éditions : Ceulx qui vouldront au long ce livre lyre le trouveront bien fondé en raison. Aussi le feist le bon moyne de lyre qui d’amours faulses composa le blason, soit une allusion au Blason des faulses amours qu’on retrouvera dans la littérature polémique sur l’amour. Ce qui est une bien curieuse manière de se faire prendre au sérieux.

1c. Les « Institutions » des femmes

Pour être relativement importante en termes de nombre de volumes et de succès de certains, la production des ouvrages didactiques s’intéressant aux femmes ne ressemble pas à celle des hommes. Aucun ouvrage de l’Antiquité païenne ici, aucun modèle d’impératrice ou de reine à mettre en avant dans le titre, aucun auteur ou philosophe célèbre à signaler pour s’être dévoué à une tâche aussi ingrate – à

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