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Relations entre organisations mécènes et organisations bénéficiaires du mécénat Après avoir détaillé l’écologie du mécénat et identifié ce qui distingue les pratiques de la générosité

Dans le document Fundraising : un accord entre deux mondes (Page 59-61)

Les 3 états du capitalisme

4. la sensibilité face aux souffrances « qui peuvent être imputées à l'action des hommes » et qui sont donc amendables (comme par exemple les souffrances imputables à la « dynamique

2.2 Relations entre organisations mécènes et organisations bénéficiaires du mécénat Après avoir détaillé l’écologie du mécénat et identifié ce qui distingue les pratiques de la générosité

en France par rapport aux autres pays, nous allons essayer de comprendre ce qui pousse les organisations mécènes et les organisations bénéficiaires du mécénat à se rapprocher et construire ensemble un accord de mécénat.

Nous avons vu que les échanges basés sur le don étaient un des fondements du lien social. Aucune règle n’empêche qui que ce soit de donner, son temps ou ses biens, à un tiers. Les organisations comme les individus sont libres de donner à qui ils le souhaitent. Au fil du temps, en France, un cadre s’est cependant construit autour de deux grands principes qui s’opposent à une libre générosité : la contribution au financement de l’Etat215et la protection d’un marché non faussé216. Le don est donc un mode de transaction surveillé217 et encadré par l’Etat. Tout le monde, particuliers comme

214Passage de 300M€à 2Md€ en 10 ans, +7% d’augmentation du nombre d’entreprises mécènes/a n depuis près de 10 ans : voir notre

introduction.

215Le don peut en effet être considéré comme un moyen de transmettre du patrimoine en échappant aux taxes sur les transactions entre

particuliers, et à celles sur les activités économiques.

Les activités économiques font l’objet de taxes sur les résultats des activités marchandes (impôt sur les sociétés) et sur la valeur ajoutée (TVA). Donner contribue à diminuer les ressources d’une entreprise donc son résultat et sa valeur ajoutée, mais aussi les ressources qui en dépendent : dividendes des actionnaires et salaires des salariés, qui contribuent également aux ressources de l‘Etat via l’impôt sur le revenu.

L’impôt sur les particuliers porte sur les revenus (impôt sur le revenu, …) et le patrimoine (ISF, taxe foncière, etc.). Donner contribue à diminuer le patrimoine et les taxes qui lui sont liées. Les prélèvements sur les dons entre particuliers se sont progressivement imposés avec la fin du servage et l’abandon de la pratique de la main morte. Durant le Moyen Age, les serfs ne possédaient aucun bien. Ils ne pouvaient transmettre leurs biens à leurs descendants ou à quiconque (l’Eglise par exemple). Sous la pression de l’église, la pratique de la main morte s’est peu à peu imposée. La main morte consistait à reconnaitre dans la structure familiale une société de fait qui permettait d’assurer une transmission des biens de génération en génération moyennant le paiement d’une taxe (une tête de bétail en général). La main morte a été remplacée à la fin du Moyen Age par la mise en place de droits de mutation (et de taxes sur la propriété, ancêtre des taxes foncières, notamment pour ne pas laisser échapper à l’impôt les biens de mains mortes détenus par l’église). (cf. aussi note 165, p. 39).

216Dans une économie de marché, l’accès au don est susceptible de modifier l’égalité qui doit par principe être la règle entre toutes les

organisations concurrentes sur un même marché.

217Il faut aussi noter ici les pratiques non-monétaires (troc, échange de service, financement de partis politiques, lobbying…) liées à de

l’argent gagné en dehors du cadre réglementant du travail (travail « au noir », non déclaration de revenu), en pratiquant des activités illicites (drogues, ventes d’armes, trafic en tout genre), ou dans le but d’obtenir des faveurs d’une personne dépositaire de l’autorité

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organisations peut recevoir des dons, certains sont cependant taxés alors que d’autres sont abondés. C’est le type de bénéficiaire qui détermine le cadre fiscal du don.218. Nous avons choisi de nous limiter aux dons entre organisations. Nous allons donc voir comment s’est peu à peu précisé le périmètre des organisations susceptibles de recevoir des dons abondés par l’Etat (les organisations bénéficiaires du mécénat), et quelles sont les organisations mécènes qui les soutiennent.

Nous décrirons d’abord les organisations bénéficiaires du mécénat en France et verrons ce qu’elles attendent du mécénat (2.2.1). Nous nous intéresserons ensuite aux organisations mécènes et aux avantages qu’elles espèrent retirer de leurs dons (2.2.2).

2.2.1 Les organisations bénéficiaires du mécénat en France

Les bénéficiaires du mécénat appartiennent à toutes sortes d’organisations (associations, fondations, collectivités publiques, etc.). Afin de délimiter un périmètre d’étude et caractériser ces organisations nous verrons quel usage il est possible de faire des notions de tiers secteur, d’économie sociale, d’économie solidaire et d’utilité sociale et ce que ces notions recouvrent aujourd’hui. Nous verrons ensuite comment s’est progressivement imposée depuis 10 ans la notion d’intérêt général qui nous permettra in fine de définir la notion d’ « Organisation d’Intérêt Général » (OIG).

Qui sont les organisations bénéficiaires du mécénat ?

Pour caractériser les organisations bénéficiaires de mécénat, nous allons chercher tout d’abord à caractériser à quels principes économiques elles se rattachent.

Nous avons vu que l’association est l’organisation bénéficiaire de dons la plus répandue en France. L’association est traditionnellement définie comme un organisme sans but lucratif (OSBL) appartenant au tiers secteur219.

Néanmoins, de nombreuses associations, bénéficiant de la générosité des particuliers et des entreprises, proposent des services payants (festival, voyages, etc.) qui semblent parfois les rapprocher d’organisations marchandes.

Ainsi, Antoine Vaccaro notait déjà en 1985 que l’arrivée d’associations capables de collecter des fonds privés à grande échelle posait la question de la « mercantilisations » et du clientélisme des associations (Vaccaro, 1985, p. 287-288). Plusieurs auteurs proposent de distinguer parmi les associations, les « para-lucratives » (Mayaux, 2009)220, les « entreprises associatives gestionnaires », les « entreprises associatives partenaires », les « entreprises associatives marchandes » ou les « entreprises associatives mécénales » (Hély2212009). Pour Damien Rousselière (2006, p.418) cependant, il n’y aurait que de « vraies associations », dont certaines expriment des justifications déviantes par rapport à ce qui est

publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public. En France, ces pratiques permettant le blanchiment (réintroduction dans les circuits économiques officiels d’argent gagné illicitement ou n’ayant pas payé les taxes) ou le trafic d’influence, sont surveillés par Tracfin : http://www.economie.gouv.fr/tracfin/accueil-tracfin

218Ainsi, par exemple, certains dons sont taxés (donations et legs à des particuliers) alors d’autres sont encouragés par un abondement de

l’Etat (dons, mécénat, donations et legs pour financer des projets d’intérêt général). Les dons inférieurs à un certain montant, trop difficiles à surveiller, ou considérés comme appartenant à la sphère de l’intime (comme les cadeaux par exemple), ne sont pas encadrés par l’Etat.

219Le tiers secteur est né de l’ « associationnisme » de la fin du XIXème qui impose l’économie sociale comme une troisième forme

d’activités productives, après le marché et l’intervention publique (voir Gautier, 2005).

220François Mayaux « Le marketing au service des associations : légitimité et spécificités », Entreprises et histoire 3/2009 (n° 56), p. 98-116 : 221M. Hély, Les métamorphoses du monde associatif, Paris, PUF, 2009, p. 99-123.

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conventionnellement admis, à propos de ce type d’organisation, dans une Société à un moment donné.222.

En fait le tiers secteur a profondément évolué au cours du XXèmesiècle, notamment à partir des années 1960223, ce qui a conduit à une «dissociation » entre ses différentes composantes (Eme et Laville, 1994). Aujourd’hui, la cohérence sectorielle du tiers secteur peut cependant encore être appréciée sous l’angle de valeurs et de traits communs qui transcendent les statuts juridiques, les moyens mis en œuvre et les secteurs d’activité. (Eme et Laville 2005, p. 256-257.) (Laville, 2001, p. 50.).

Afin de préciser comment cette cohérence s’exprimait, plusieurs auteurs ont proposé des principes224 permettant de distinguer une « économie sociale ». Selon ces auteurs, au-delà d’une liaison souvent forte à l’Etat qui les subventionne (ou leur réserve des marchés) et des pratiques marchandes (vente de produits et de services), les structures de l’économie sociale se distinguent avant tout par des pratiques de l’économie non monétaire225(bénévolat, gouvernance, etc.).

Les structures de l’économie sociale sont ainsi caractérisées par la quantité d’échanges non monétaires qu’elles mettent en œuvre ; elles se distinguent par la finalité de services à la collectivité plutôt que la finalité de profit. Pour décrire les flux économiques de ces structures, Jean Louis Laville (Laville, 2005) propose le concept d’économie plurielle226. Ce concept renvoie à une économie avec marché, dont le marché « constitue l’une des composantes qui, tout en étant majeure, n’est en rien l’unique productrice de richesses ».

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