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Les relations de fluctuation-dissipation

2.4.1 Le théorème de fluctuation-dissipation à l’équilibre

Le théorème de fluctuation-dissipation (FDt) relie, dans sa forme statique, une susceptibilité à la variance thermodynamique d’une observable à l’équilibre thermique. Il se démontre par simple dérivation de la fonction de partition dans l’ensemble canonique [Plischke et Bergersen, 2006], et est par conséquent un théo-rème très général. En pratique, il est notamment utilisé dans les simulations numé-riques pour obtenir une susceptibilité sans avoir à appliquer un champ extérieur. Par exemple, il permet d’écrire la susceptibilité magnétique par spin et la capacité calorifique par spin [Newman et Barkema, 1999] comme

χ=∂hmi ∂h = Nhm2i − hmi2 kBT (2.35) cV = 1 N ∂hEi ∂T = 1 N hE2i − hEi2 kBT2 (2.36)

où m = (1/N) PiSi. La formulation générale pour une observable A conjuguée au champ f est

T ∂hAi

∂f = hA2i − hAi2 (2.37) où on a pris kB= 1. Le théorème est en fait généralisable dans le cas dynamique, où la valeur des observables est suivie temporellement. Pour une observable A, conjuguée à un champ f avec une susceptibilité χA, le théorème de fluctuation-dissipation s’écrit [Livi et Politi, 2017], [Crisanti et Ritort, 2003] :

T χA(t, tw) = T ∂hA(t)i

∂f(tw) (2.38)

=hA(t)A(t)i − hA(t)ihA(t)ihA(tw)A(t)i − hA(tw)ihA(t)i (2.39) Le cas statique se retrouve dans la limite t − tw → ∞. Dans ce cas, la corré-lation hA(tw)A(t)i est simplement hA(tw)ihA(t)i car A(tw) et A(t) deviennent indépendants. On a alors

T χA(t) ≈ hA2(t)i − hA(t)i2= hA2i − hAi2 (2.40) puisqu’à l’équilibre la moyenne à t est la moyenne thermodynamique. On retrouve bien l’équation (2.37).

Théorème de fluctuation-dissipation (FDt)

Il est d’usage de diviser l’équation (2.39) par hA(t)A(t)i − hA(t)ihA(t)i. Le théorème de fluctuation-dissipation prend alors la forme

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

1

C˜

S

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

T

˜

χ

S

T=1.0 K

FDt

Figure 2.5 – Tracé paramétrique de fluctuation-dissipation pour

l’ai-mantation,pour le dumbbell model avec une dynamique de Metropolis. Le pa-ramètre est le temps total t. Le temps d’attente twest fixé. Les points résultent d’une moyenne sur 5 000 configurations initiales. La taille du système est L = 6 soit N = 16 L3 = 3456 spins. Les mesures sont à l’équilibre thermodynamique à 1 K. avec ˜χA(t, tw) = χA(t, tw) hA(t)A(t)i − hA(t)ihA(t)i (2.42) et ˜ CA(t, tw) =hA(tw)A(t)i − hA(tw)ihA(t)i hA(t)A(t)i − hA(t)ihA(t)i (2.43) Le tracé paramétrique de T ˜χA(t, tw) en fonction de 1 − ˜CA(t, tw) (« FD plot ») donne ainsi une droite de pente 1. Il faut noter qu’à l’équilibre, la fonction de réponse et la fonction de corrélation sont en fait des fonctions à un temps seule-ment : t − tw. Le choix de t ou twcomme paramètre de tracé est donc équivalent. La figure 2.5 donne l’exemple d’un FD plot pour l’aimantation, obtenu par une simulation Metropolis du dumbbell model à l’équilibre.

2.4.2 Fluctuation-dissipation hors équilibre

On a observé dans de nombreux systèmes désordonnés l’existence d’un quasi-théorème de fluctuation-dissipation [Crisanti et Ritort, 2003]. Ces systèmes sont caractérisés par un temps de relaxation extrêmement grand : ils n’atteignent donc

jamais l’équilibre mais évoluent continûment. On parle de vieillissement du sys-tème. Dans ces phases de vieillissement, on remarque parfois que la fonction de réponse est proportionnelle à la fonction de corrélation, au moins sur certains intervalles de temps. En définissant le ratio de fluctuation-dissipation XA(t, tw) tel que

T˜χA(t, tw) = XA(t, tw)1 − ˜CA(t, tw), (2.44) on obtient un ratio XAconstant lors des phases de proportionnalité, ce qui amène à définir des températures effectives Teff,A par

Teff,A= T

XA (2.45)

Ces observations empiriques n’ont de justifications théoriques que dans des sys-tèmes modèles [Bouchaud et al., 1997]. Dans les syssys-tèmes plus complexes où les approches analytiques sont inaccessibles, l’étude du ratio XA(t,tw) est donc un outil de choix pour caractériser la dynamique hors équilibre. Ce concept offre en effet l’espoir4d’avoir une approche thermodynamique, en décrivant par une seule grandeur Teff,A la complexité de régimes hors équilibre.

Concept de température effective

La notion de température effective reste subtile, et sa signification est évidem-ment plus délicate que dans le cas de l’équilibre thermodynamique, où X = 1 et Teff = T , avec T la température du thermostat. Pour attribuer sereinement le nom de « température » à Teff, il est souhaitable qu’elle respecte quelques propriétés : I Teff,A doit être indépendante de l’observable A considérée. On souhaite ef-fectivement parler de la température du système, et par conséquent obtenir une température différente pour chaque observable ne permet pas de mimer l’approche thermodynamique d’équilibre, où toutes les observables donnent bien sûr la même température. Cette exigence est néanmoins sévère. Elle n’est notamment pas respectée dans le régime des paires liées que nous étudions au chapitre 5. On la relâche parfois en se contentant de condi-tions moins sévères, comme par exemple l’indépendance de Teff,Aau champ appliqué [Crisanti et Ritort, 2003]. Dans cette thèse nous avons considéré seulement le champ conjugué à l’observable étudiée, par conséquent nous n’avons pas vérifié cette propriété.

I Teff représente les fluctuations. À l’équilibre thermodynamique, les fluctua-tions d’une observable autour de sa valeur moyenne sont entièrement ca-ractérisées par la température (c’est justement le théorème de fluctuation-dissipation statique). Dans notre cas hors équilibre, on souhaite la même chose, à savoir que les fluctuations d’une observable sont reliées à Teff. Lorsque Teffest obtenue, comme c’est le cas dans notre étude, par le rapport de fluctuation-dissipation, cette propriété est vérifiée par construction. 4. Cet espoir est en pratique trop optimiste. La thermodynamique hors équilibre dans sa généralité est un domaine qui échappe pour l’instant à toute formalisation.

Paramétrisation des FD plots

Comme mentionné précédemment, les fonctions de corrélation et de réponse, sont a priori fonctions des deux temps t et tw, qui sont respectivement le temps total et le temps d’attente. À l’équilibre thermodynamique, elles sont en fait fonction d’un seul temps t − tw. Un FD plot d’équilibre peut donc être tracé en utilisant comme paramètre au choix t ou tw. Hors équilibre, la situation est différente et les deux temps t et twont deux significations bien distinctes :

I t est le temps total, correspondant au temps qui s’écoule expérimentalement, I tandis que tw est en pratique le temps à partir duquel on mesure les cor-rélations et parallèlement le temps à partir duquel on démarre le champ conjugué pour mesurer ensuite la réponse.

Les FD plots hors équilibre peuvent donc être tracés en fixant tw et en utili-sant comme paramètre le temps total t variable ; ou bien en fixant t et en uti-lisant comme paramètre le temps d’attente tw variable. Les deux situations ne conduisent a priori pas au même FD plot. Au chapitre 5, dans l’étude du dumb-bell model dans le régime des paires liées, les deux cas mènent en fait aux mêmes températures effectives ; mais ce n’est pas le cas pour la dynamique au point cri-tique de la transition entre la phase glace de spin et la phase fragmentée, étudiée au chapitre 4.

Applications

Les FD plots s’avèrent un outil de choix pour l’étude des systèmes hors équi-libre, numériquement mais aussi expérimentalement. La figure 2.6 montre un exemple d’une étude expérimentale dans le verre de spin CdCr1.7In0.3S4 où on observe le FD plot quitter le comportement d’équilibre.

Il faut également remarquer que les dynamiques lentes et vieillissantes peuvent s’observer à l’approche d’un point critique, où les corrélations se développent à des échelles qui divergent et donnent lieu à un ralentissement critique. Alors, les relations de fluctuation-dissipation peuvent aussi être utilisées pour l’étude de ces régimes. Une illustration se trouve dans les travaux de [Mayer et al., 2003]. Ces auteurs utilisent la dynamique Metropolis pour le modèle d’Ising 2D au point critique. Un de leur résultat est reproduit en figure 2.7.