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Hystérésis et loi d’échelle de Kibble-Zurek

Dans cette partie nous suivons la procédure développée par [Hamp et al., 2015]. Celle-ci se base sur le mécanisme de Kibble-Zurek présenté dans le chapitre 2. Le principe est de tremper le système à travers le point critique à différentes vitesses.

Origine du cycle d’hystérésis

L’hystérésis est un phénomène connu autour des transitions de phase du pre-mier ordre. Dans ce cas, lorsque le système est suffisamment proche de la ligne de transition, la phase qui n’est pas la phase d’équilibre est métastable et est séparée de la phase d’équilibre par une certaine barrière énergétique, de plus en plus basse à mesure qu’on s’éloigne de la ligne de transition. Un système piégé dans l’état métastable peut franchir la barrière en question par fluctuations thermiques. Ceci prend un certain temps, d’autant plus long que la barrière est haute, et explique que le système accuse un retard par rapport à la consigne lorsqu’on cherche à lui faire traverser la ligne de transition. En faisant des allers-retours de part et d’autre de cette ligne, on obtient un cycle d’hystérésis.

Ici, l’origine de l’hystérésis est tout autre. Si le système accuse un retard, c’est à cause du ralentissement critique, cette fois propre aux transitions de phase du second ordre. Il s’explique par le fait que le système doit développer des corré-lations sur des échelles de plus en plus grandes à mesure qu’on l’approche du point critique. L’effet de ce retard est le même : on obtient également un cycle d’hystérésis ; mais le fait que l’origine de ce retard provienne de la criticalité du système laisse espérer qu’il puisse y avoir une universalité dans ce phénomène et a fortiori des lois d’échelle pour le caractériser. C’est l’idée derrière le protocole de Kibble-Zurek.

4.2.1 Cycle d’hystérésis

En pratique, on effectue des variations cycliques de ∆ autour de ∆c à tempé-rature T = Tc fixée. Le temps d’un cycle est noté 4 τQ : plus τQ est petit, plus les cycles sont rapides et plus le système tombe hors équilibre « loin » (en terme de (∆ − ∆c)/∆c) du point critique.

En toute rigueur, on construit le protocole de Kibble-Zurek en faisant varier ∆ linéairement en temps. Dans cette thèse nous avons fait varier ∆ sinusoïdalement pour des raisons pratiques, sans que cela n’affecte ni le principe ni l’interprétation du protocole. Dans nos simulations, la loi horaire de ∆ est

∆(t) = ∆c  1 + α sin  π t 2 τQ  (4.10) avec α = 0,1 de sorte que ∆max= 1,1 ∆c2,24 K et ∆min = 0,9 ∆c1,83 K. Pour 500 configurations initiales équilibrées à (Tc,c), on effectue une simulation de durée 5 τQ, chacune des configurations parcourant alors les cinq portions de cycle

1.95 2.00 2.05 2.10

∆ (K)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

φ

t

Q=

250

t

Q=

500

t

Q=

1000

t

Q=

2500

t

Q=

5000

t

Q=

10000

Figure 4.3 – Hystérésis du paramètre d’ordre φ à T = Tc pour∆ variant

sinusoïdalement autour dec, pour différentes périodes d’oscillation (un cycle dure 4 τQ). La taille de système est 8192 spins. Le point noir est indicatif, il a pour abscisse ∆c et pour ordonnée φ = 0,5. Les données sont des moyennes sur 500 configurations initiales.

Le résultat est présenté en figure 4.3. Le système développe une hystérésis lorsqu’il tombe hors équilibre pour un temps tKZ défini par (voir le chapitre 2)

tKZ= τ1+zνσzνσ

Q (4.12)

soit, en convertissant en terme de potentiel chimique alterné ∆(tKZ) = ∆c  1 + α sin π2 τ 1 1+z νσ Q  (4.13) qui correspond à un écart à ∆c d’autant plus grand que τQ est petit.

Comme mentionné précédemment, l’origine de cette hystérésis est la dyna-mique critique du système. Pour cette raison on s’attend à une universalité du phénomène qui se traduirait par une loi d’échelle. C’est ce qui est exploré ci-dessous.

4.2.2 Loi d’échelle de Kibble-Zurek

L’étude des cycles d’hystérésis ainsi obtenus permet l’estimation des exposants critiques z et νσ en exploitant la loi d’échelle (voir chapitre 2)

hφ(t)i ∼ 1 tδ/zKZ G  t tKZ  (4.14)

10 5 0 5 10

t/t

KZ

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

t

δ/ ν K Z ×

φ

hyst

(

t

)

t

Q=

250

t

Q=

500

t

Q=

1000

t

Q=

2500

t

Q=

5000

Figure 4.4 – Loi d’échelle de Kibble-Zurek pour les cycles d’hystérésis. On trace en fonction de t/tKZ l’écart entre les valeurs du paramètre d’ordre φ entre la montée et la descente pour un potentiel chimique alterné ∆ donné, renor-malisé par tδ/z

KZ. Nous avons utilisé les exposants du modèle d’Ising 3D avec une dynamique de single spin flip Metropolis : νσ = 0,4 et z = 2,0. En pratique, ce sont les valeurs qui conduisent au meilleur effondrement des différentes courbes.

où δ = 3 − 1/νσ. En notant ∆φhystla différence entre les valeurs de φ sur les deux branches du cycle d’hystérésis à (∆ − ∆c)/∆c donné, les tracés de la fonction

tδ/zKZ∆φhyst= F  t tKZ  (4.15) pour plusieurs τQ s’effondrent sur une seule courbe maîtresse pour des exposants νσ et z bien choisis. C’est effectivement ce que nous observons dans la figure 4.4. Dans cette figure, les données pour τQ = 104 étapes Monte Carlo ont été supprimées, puisqu’il est visible sur la figure 4.3 qu’il y a trop peu de points dans la partie présentant une hystérésis. Pour les cinq autres valeurs de τQ, elles s’effondrent sur une seule courbe lorsque nous utilisons les exposants propres à la classe d’universalité du modèle d’Ising 3D avec une dynamique de single spin flip Metropolis, à savoir [Wansleben et Landau, 1991]

νσ= 0,4 et z= 2,0 (4.16) Ces valeurs sont à comparer à celles obtenues par [Hamp et al., 2015] pour le di-polar spin ice model sous champ magnétique [111]. Ces auteurs trouvent après un ajustement des données respectivement νσ= 0,42 et z = 1,85, qui sont également des valeurs compatibles avec celles d’Ising 3D.

À ce stade nous avons trouvé, à l’instar de [Hamp et al., 2015], une loi d’échelle de Kibble-Zurek pour un point critique terminal dans les glaces de spin, mais cette fois pour la cristallisation de monopôles sous potentiel chimique alterné. Une autre différence réside dans l’utilisation du dumbbell model plutôt du dipolar spin ice model. La similarité des résultats est un argument de plus pour apprécier la per-tinence du dumbbell model à décrire la physique des glaces de spin. Nous sommes néanmoins conscients que le point critique (Tc,c) est moins accessible expé-rimentalement que celui sous champ magnétique [111]. Dans la partie suivante, nous introduisons une autre méthode permettant de caractériser la criticalité d’un système : l’étude du rapport de fluctuation-dissipation après une trempe sur le point critique. Si nous menons cette étude pour le point (Tc,c), nous souhaitons souligner qu’elle est tout à fait adaptable au point (Tc, H111

c ).