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Relations entre les valeurs et les attitudes

Deuxième partie : Rôles des valeurs dans les modèles psychologiques et anthropologiques

Chapitre 1 : Les valeurs et leurs interactions avec les autres variables psychologiques

1.4 Relations entre les valeurs et les attitudes

La relation entre les valeurs et les attitudes est définie différemment par les théoriciens de ce champ. Il y a ainsi plusieurs points de vue qui existent sur les relations entre les valeurs et les attitudes, décrits dans la littérature scientifique. On peut ainsi identifier 4 conceptions relatives à la relation entre valeurs et attitudes, conceptions que nous allons détailler ci- dessous.

1.4.1 Les attitudes expriment les valeurs

Allport fut l’un des premiers scientifiques à définir les relations entre les valeurs et les attitudes (Allport, 1961). Il a posé que les valeurs sont des jugements abstraits sur ce qui est important dans la vie, tandis que les attitudes sont les expressions des valeurs au niveau concret : les jugements spécifiques. Kristiansen et Zanna (1991) ont conclu que les attitudes expriment les valeurs et que pour influer sur les attitudes, il faut influer sur les valeurs. De plus, les attitudes peuvent être positives ou négatives, alors que les valeurs sont toujours positives.

1.4.2 Les valeurs activent les attitudes

Les valeurs ont pour fonction d’activer les attitudes ou de communiquer aux attitudes la capacité de stimuler le comportement. Cette fonction importante des valeurs a été mentionnée par plusieurs chercheurs, dont Wallston (locus du contrôle de santé, Wallston, Wallston & DeVellis, 1978), Rotter (théorie de l’apprentissage social, Rotter, 1954) et Becker (théorie

Tout d’abord, Wallston a considéré que l’influence de la valeur de santé est importante sur les attitudes vis-à-vis du locus de contrôle de la santé (Shelton Smith & Wallston, 1992). Il a développé un questionnaire de locus de contrôle de la santé (Wallston, 2005) et conseillé de l’utiliser seulement avec la mesure de la valeur de santé. Selon Wallston, si la personne croit qu’elle porte la responsabilité de sa santé (locus de contrôle interne), cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle s’engagera dans un comportement de santé. Ce n’est que si cette personne considère que la valeur de santé est très importante qu’elle adoptera ce comportement. Les recherches de Kaplan et Cowles (1978) et Abella et Heslon (1984) ont apporté des résultats empiriques pour justifier cette hypothèse. Si le locus de contrôle de la santé est interne mais que la valeur de santé n’est pas personnellement importante, le comportement de santé ne sera pas mis en œuvre.

D’autre part, Rotter a inclus les valeurs dans sa théorie de l’apprentissage social (1954). Il a mis en évidence qu’évaluer une action comme bénéfique n’était pas suffisant pour effectuer cette action. L’action et ses résultats doivent être valorisés par la personne. Par exemple, si l’individu croit que les bénéfices d’un comportement bon pour la santé sont plus importants que les pertes, cela ne veut pas dire qu’il s’engagera pour autant dans ce comportement. C’est seulement si cet individu évalue la santé comme une valeur personnellement importante qu’il s’engagera dans ce comportement. Si la valeur de santé n’est pas importante personnellement, le comportement ne sera pas effectué, même s’il est considéré comme bénéfique. Cet élément de la théorie de l’apprentissage social va donc dans le même sens que les travaux de Wallston.

L’importance personnelle accordée à la santé et sa valeur n’étaient pas incluses dans le modèle originel des croyances de santé. Becker a ajouté ce facteur dans son modèle dans les années soixante-dix (Becker, Drachman & Kirscht, 1972 ; Becker, 1974). Il a ainsi expliqué que les autres éléments du modèle des croyances de santé prédisent le comportement de santé seulement chez les personnes pour lesquelles la valeur de santé est une valeur importante. L’un des chercheurs majeurs concernant la valeur de santé, Lau, a bien évalué cette modification du modèle de Becker (Lau, 1982 ; Lau, Hartman & Ware, 1986). Il a ajouté qu’il est nécessaire d’expliquer les interactions de la valeur de santé avec les autres éléments du modèle (notamment, les attitudes). Pour développer ses recherches sur la valeur de santé dans le cadre du modèle des croyances de santé, Lau a développé son propre questionnaire de valeur de santé. Dans ses recherches, il a trouvé que la valeur de santé est capable de prédire

les croyances sur le comportement de santé. Il a conclu que la valeur de santé est capable d’influer sur le comportement à travers les attitudes.

Ainsi, dans ces modèles (modèle des croyances sur la santé, locus de contrôle de la santé, théorie de l’apprentissage social), le rôle de la valeur de santé est primordial par rapport aux attitudes.

1.4.3 Les attitudes sont des médiateurs entre les valeurs et le comportement

Maio et Olson ont fait l’hypothèse que les attitudes sont des médiateurs entre les valeurs et le comportement (Maio & Olson, 2000). Les valeurs sont en haut de la hiérarchie de régulation du comportement, elles sont des éléments-clefs de cette régulation. Tandis que les attitudes sont plus proches du comportement, et changent fréquemment au long de la vie, les valeurs sont au contraire plus stables dans le temps (Konty & Dunham, 1997).

Même si les valeurs sont considérées comme des jugements abstraits et les attitudes comme des jugements concrets, les valeurs ne coïncident pas toujours avec les attitudes. Ceci est lié au fait qu’il y a plusieurs fonctions des attitudes et seulement une fonction qui est concernée par l’expression des valeurs (Kristiansen & Zanna, 1991). Kristiansen et Zanna ont utilisé la classification des fonctions des attitudes proposée par Katz en 1960. Selon Katz, il y a quatre types d’attitudes, avec des fonctions différentes, et seule l’une d’entre elles sert de médiateur pour les valeurs (Katz, 1960) :

- La fonction utilitaire (l’adaptation) sert à minimiser les punitions et à

maximiser les récompenses de l’environnement.

- La fonction ego-défensive sert à protéger le soi contre l’anxiété.

- La fonction des connaissances sert à trouver la signification et le sens pour le

soi.

- La fonction de l’expression des valeurs est la seule fonction des attitudes qui

sert comme médiateur entre les valeurs et le comportement.

Si les attitudes n’expriment pas les valeurs (mais les demandes et les pressions de l’environnement social), elles ne servent pas de médiateurs entre les valeurs et le comportement. Ces attitudes servent à l’adaptation vis-à-vis de l’environnement social, mais ne coïncident pas avec les valeurs personnelles (Smith, Bruner & White, 1956). On peut supposer qu’à la différence des attitudes qui servent à exprimer les valeurs, ces attitudes

servent à exprimer la motivation extrinsèque (la motivation issue plutôt de l’environnement que de l’individu).

Une quatrième conception de la relation entre valeur et attitude peut se dégager de la littérature spécialisée.

1.4.4 Les valeurs sont des attitudes

Certains chercheurs croient en effet que la seule différence entre les valeurs et les attitudes réside dans le fait que les valeurs sont des jugements abstraits (sur ce qui est important dans la vie), tandis les attitudes sont des jugements concrets sur la vie quotidienne. Ainsi, le changement de valeur est plus lent que le changement d’attitude. Bem, qui partage cette position, pense que dans les modèles de comportement de santé, les valeurs doivent être absorbées par les attitudes au lieu d’être le domaine d’une recherche indépendante (Bem, 1970). Williams a également conclu que les valeurs sont des structures cognitives qui peuvent s’allier aux émotions pour guider le comportement (Williams, 1979).