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Recherches sur les valeurs de santé dans le contexte socio-culturel

Deuxième partie : Rôles des valeurs dans les modèles psychologiques et anthropologiques

Chapitre 3 : Recherches sur la valeur de santé en anthropologie

3.2 Recherches sur les valeurs de santé dans le contexte socio-culturel

Les valeurs de santé sont étudiées non seulement dans le cadre de l’expérience personnelle, mais aussi dans le contexte socio-culturel. Le développement du système des valeurs n’est en effet pas uniquement lié à des facteurs personnels. Il évolue dans un contexte social et culturel. Les recherches sur les valeurs de santé en France et en Russie ont montré des différences entre ces deux cultures, différences que nous allons décrire dans les prochains paragraphes.

3.2.1 Recherches sur les valeurs de santé dans la culture russe

A l’époque soviétique, les recherches en sociologie et en anthropologie médicale étaient presque interdites. Ces sciences étaient considérées par l’état soviétique comme des “sciences bourgeoises”. Les premières recherches majeures sur la valeur de santé furent menées dans les

années 1980 et se sont développées après la chute de l’URSS. Ces recherches ont été élaborées non seulement pour répondre à la nécessité du développement scientifique et théorique, mais aussi pour répondre à une demande sociale. Dans les années 1990, avec une crise majeure du système économique, 62% de la population russe a vécu sous la limite du seuil de la pauvreté (Kara-Murza, 1997). Les taux de mortalité ont alors augmenté davantage que ceux de natalité et de longévité. Dans ce contexte, la problématique de la santé et de sa valeur sont redevenues importantes.

Palosuo, Zhuravleva, Uutela, Lakomova & Shilova (1995) ont mené une recherche sur les données objectives de santé de la population russe. Ils ont montré que la perception de l’état de santé par les Russes est de meilleure qualité que leur état de santé objectif. Dans les années 1990, 50% des Russes qui ont estimé leur santé comme «bonne» avaient des maladies chroniques (Adametz, 1990).

Les conditions de vie difficiles pendant la «perestroïka» ont entrainé la manifestation de comportements à risque (consommation de l’alcool, tabagisme, utilisation de drogues, manque d’activité physique et mauvaise alimentation ; Manning & Tikhonova, 2009). Seuls 15% de la population russe pouvaient alors s’engager dans une activité physique régulière. Le tabagisme était considéré comme une stratégie de coping face au stress. Cette manifestation de comportements à risque liée aux conditions de vie a causé la détérioration de l’état de santé des Russes.

Les premières recherches sociologiques dans ce domaine ont étudié la perception de la santé et sa valeur parmi les Russes dans les années 1980-90. Elles ont montré que la valeur de santé n’était pas considérée comme une valeur importante pour le bien-être (Dmitrieva, 2001). Si la valeur de santé contredit la satisfaction des valeurs terminales (les valeurs importantes en soi, par exemple, le plaisir), le comportement sera guidé par la valeur du plaisir et non par la valeur de santé. Cela explique pourquoi, malgré le fait que la santé est déclarée valeur importante, elle n’est pas capable de diriger le comportement de santé. Ce comportement est guidé aussi par d’autres valeurs importantes pour les Russes.

La place particulière de la valeur de santé dans la culture russe peut être expliquée par les traditions liées à la santé en Russie. Historiquement, la valeur de santé n’était pas considérée comme une valeur en soi. A l’époque soviétique, la valeur de santé était liée à l’idéologie selon laquelle la vie de l’homme et sa santé appartiennent à l’Etat (comme dans les sociétés

religieuses, il est considéré que la vie de l’homme et sa santé appartiennent à Dieu). Ainsi, la valeur de santé en tant que la valeur personnelle était sous-estimée. Certains chercheurs mettent en relief que cette attitude de sous-estimation dans la culture russe est liée à l’absence de comportement d’autoprotection chez les Russes (Palosuo, Zhuravleva, Uutela, Lakomova & Shilova, 1995). Selon les recherches actuelles, la valeur de santé a commencé à être plus importante pour les Russes. Actuellement, elle est considérée comme l’une des trois-quatre valeurs les plus importantes pour obtenir le bonheur (parmi les valeurs de famille et le succès au travail ; Zhuravleva, 2006). Mais malgré cela, la valeur de santé reste une valeur instrumentale, importante non pour soi-même, mais parce qu’elle permet d’obtenir le succès et d’autres objectifs importants.

La littérature interculturelle a montré que la définition de la santé répandue en Russie correspond à la définition médicale : la santé est une absence de maladie et de problèmes de santé (Manning & Tikhonova, 2009). Malgré la diffusion de la définition de la santé comme un état de bien-être physique, social et mental (acceptée par l’OMS en 1945) la conception médicale de la santé reste la plus populaire parmi les Russes (Dmitrieva, 2001). 57,4% des Russes ont déclaré qu’ils allaient prendre soin de leur santé seulement si elle commençait à se détériorer (Dmitrieva, 2001).

Les Russes croient que les facteurs externes (la politique d’état, les conditions de vie, le système de santé publique) sont plus responsables de leur état de santé que les facteurs internes comme le mode de vie et le comportement de santé. D’autre part, la population russe ne fait pas confiance à ces facteurs externes. Par exemple, 62% de population rurale en Russie ne fait pas confiance aux hôpitaux publics et ne consulte pas le médecin même en cas de maladie (Dmitrieva, 2001).

Ainsi, la valeur de santé en tant que la valeur collective et non individuelle en Russie est liée à des croyances sur la responsabilité de facteurs externes sur la santé (et non à la responsabilité personnelle), à la définition de la santé comme une absence de maladie (et non comme l’état de bien-être), et enfin à la manifestation de comportements à risque.

3.2.2 Recherches sur les valeurs de santé dans la culture française

Malgré le fait que la France a beaucoup contribué au développement de l'anthropologie et de la sociologie, les recherches en sociologie et anthropologie médicale ont commencé à se développer seulement dans les années 1970-80 (Augé, 1986 ; Augé & Herzlich, 1984).

La majorité de la population française évalue son état de santé comme relativement satisfaisant. Les Français perçoivent la santé comme un état de bien-être, et non seulement comme l’absence de problèmes de santé et la longévité (Le Queau & Olm, 1998). De plus, la majorité de la population française (75%) accepte l’idée d’une responsabilité individuelle de la santé (le mode de vie, le comportement de santé) plus que l’importance des facteurs externes (l’écologie, le système de santé publique ; Orfali, 2001).

Malgré le fait que la valeur de santé soit l’une des valeurs les plus importantes pour les Français, les comportements à risque sont très fréquents parmi eux (Orfali, 2001). La consommation d’alcool, le tabagisme et le sexe non protégé sont spécialement répandus parmi les adolescents et les jeunes gens. Ce comportement a reçu plusieurs types d’explications, qui demeurent partielles. Par exemple, la consommation massive d’alcool («binge drinking») et le tabagisme en Russie sont souvent associés au statut socio-économique (l’alcool et le tabac sont utilisés comme des stratégies de coping parmi la population avec un statut socio- économique faible ; Dmitrieva, 2001) ; tandis qu’en France ces liens entre niveau socio- économique faible et comportement à risque n’ont pas toujours été retrouvés. Ainsi, la consommation d’alcool est liée au rôle spécifique du vin dans la culture française (la consommation de vin en France est liée non seulement au rôle du vin dans l’économie du pays, mais aux valeurs culturelles et à l’identité nationale dans ce pays ; Demossier, 2012).

Synthèse

En anthropologie, e construction personnelle mais

aussi sociale et culturelle.

Les recherches sur l'aspect personnel de la la

. La maladie chronique n’influe pas directement sur la perception de soi comme malade (Eugeni, 2011). Il est probable que les valeurs (qui donnent sens aux objectifs de la vie et aux activités) soient des médiateurs entre la maladie chronique et la perception de soi. La construction d’une nouvelle identité, avec le nouveau système de valeurs, médiatise l’influence d

patient.

mis en évidence des différences entre ces deux cultures. Dans la culture russe,

, importante car elle permet d’obtenir les autres buts désirés par la personne (le plaisir, le succès, l’acceptation sociale). La valeur influe sur les comportements prophylactiques seulement si ces comportements ne contreviennent pas aux

buts désirés. Dans le cas d’une ,

d seront parfois adoptés. Les chercheurs

associée à la sous-estimation des valeurs intrinsèques de la personne pour les valeurs extrinsèques collectives (Dmitrieva, 2001).

Dans la culture française, est considérée comme l’une des plus

importantes mais, ce fait

encés

, mais aussi par les autres valeurs importantes dans la culture française.