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Relations entre les valeurs et la motivation

Deuxième partie : Rôles des valeurs dans les modèles psychologiques et anthropologiques

Chapitre 1 : Les valeurs et leurs interactions avec les autres variables psychologiques

1.2 Relations entre les valeurs et la motivation

La définition des valeurs est souvent liée et mélangée à celle de la motivation. Par exemple, Schwartz définit les valeurs comme des construits motivationnels, car elles expriment la motivation de la personne (Schwartz & Bardi, 2001).

Les théories classiques des valeurs de Schwartz et Rokeach sont organisées autour de la motivation et des besoins fondamentaux de l’homme (les valeurs terminales et les valeurs instrumentales, les valeurs de changement et les valeurs de conservation). Schwartz et Bilsky

pensent que les valeurs lient les besoins fondamentaux (la motivation générale) aux buts de la vie quotidienne (la motivation concrète, Schwartz & Bilsky, 1987 ; Schwartz, 2006). Perron remarque aussi que l’élément motivationnel de la valeur, sa capacité à motiver, à stimuler le comportement, est l’un de ces éléments clés qui différencie les valeurs et les attitudes (Perron, 1974).

Il y a plusieurs théories de motivation qui incluent les valeurs dans leur système et expliquent la place de celles-ci et les différences entre les valeurs et la motivation.

1.2.1 Modèle de la motivation sociale de Zurich

Le modèle de la motivation sociale de Zurich a été développé par Bischof (Bischof, 1975). Ce modèle est basé sur l’idée de confrontation entre deux types de motivation. La première se construit autour des valeurs de sécurité, de santé, de stabilité (le type des valeurs conservatrices). La deuxième est concernée par les valeurs portées par une vie excitante, active, le succès, l’autonomie, le pouvoir et le prestige. Selon Bischof, ces deux systèmes sont toujours en confrontation. Il explique que la satisfaction de l’un mène à l’insatisfaction de l’autre.

Il a été démontré que la contradiction entre les deux systèmes de motivation change au cours du développement de l’être humain (Schönbrodt, Unkelbach & Spinath, 2009). Pour ces recherches dans le domaine de la théorie de l’attachement, Bischof a reçu le Bowlby-

Ainsworth award en 2011. Bischof a montré que pendant l’enfance, la motivation de sécurité

et de santé est principale. Selon la théorie de l’attachement, cela veut dire que la position de dépendance assure la sécurité de l’enfant et le développement d’un attachement sûr. Pendant la période d’adolescence, une inversion apparaît. La motivation vers l’autonomie devient plus importante que la motivation vers la sécurité et la santé. Ce fait peut expliquer en partie le développement de comportements à risque pendant l’adolescence, plus fréquemment que durant l’enfance.

1.2.2 Modèle de motivation intrinsèque et extrinsèque

Deci et Ryan, dans leur modèle de motivation, ont postulé qu’il y avait deux types de motivation : la motivation intrinsèque (qui dirige le comportement apportant la satisfaction et le plaisir) et la motivation extrinsèque (qui dirige le comportement vers les résultats que l’individu peut utiliser pour obtenir ce qui est important pour lui ; Deci & Ryan, 1985). La

motivation intrinsèque dirige le comportement associé aux émotions positives et aux valeurs qui sont personnellement importantes pour l’individu (par exemple, faire du sport parce que c’est une activité importante et intéressante, qui apporte du plaisir). La motivation extrinsèque dirige le comportement associé aux émotions négatives (la honte, l’anxiété, la colère, le désespoir, etc.) et aux valeurs qui ne sont pas directement importantes pour la personne (par exemple, faire du sport pour obtenir un statut social ; Ryan & Deci, 2000).

La motivation intrinsèque vis-à-vis du comportement de santé apparaît quand la valeur de santé est considérée comme une valeur terminale et non instrumentale : la santé est le but du comportement ; ainsi, le comportement de santé est associé aux émotions positives. La motivation extrinsèque vis-à-vis du comportement de santé apparaît quand la valeur de santé est considérée comme une valeur instrumentale. La santé n’est pas un but de l’activité, mais un instrument pour atteindre d’autres buts, personnellement importants (la carrière, le succès, la reconnaissance sociale ; Ntoumanis, 2001).

La distinction entre motivations intrinsèque et extrinsèque est artificielle. En réalité, comme le mentionnent Deci et Ryan, la motivation est distribuée sur le vecteur de l’autodétermination (Figure 3).

Figure 3. Vecteur de l’auto-détermination selon Deci et Ryan.

La motivation intrinsèque est la plus autodéterminée ; elle dirige l’activité qui est directement importante et intéressante pour la personne et, ainsi, porte les émotions positives. La motivation extrinsèque de régulation intégrée (integrated regulation) est la motivation précédente sur le vecteur de l’autodétermination. Elle dirige le comportement qui n’est pas directement intéressant et important pour la personne, mais qui est lié à ses valeurs intériorisées (« je suis une personne sportive, donc je m’engage dans une activité sportive »). La motivation précédente sur le vecteur de l’autodétermination est une motivation extrinsèque : la motivation de la régulation identifiée (identified regulation). Ce n’est pas le

comportement qui est valorisé par la personne, mais les résultats de ce comportement (« si je m’engage dans une activité sportive, je deviendrai une personne en bonne santé »). La motivation précédente sur le vecteur de l’autodétermination est la motivation extrinsèque introjectée (introjected motivation). Elle permet d’éviter les émotions négatives et d’avoir un sentiment d’estime de soi positif (« je m’engage dans une activité sportive pour être accepté dans un groupe »). La motivation qui est la moins autodéterminée est une motivation extrinsèque qui est mue par l’évitement de la punition ou la recherche de récompenses de l’extérieur. Enfin, Deci et Ryan décrivent le phénomène de l’amotivation. L’amotivation est une absence d’action, car cette action et ses résultats ne sont pas associés à des valeurs personnelles.

Selon la théorie de Deci et Ryan, les motivations et les valeurs influent sur les cognitions (l’attention et la capacité à se concentrer), sur les émotions (le plaisir, l’intérêt, l’anxiété, la colère, le désespoir, etc.) et le comportement (la prise de décision). La description du rôle des émotions, dans leur théorie, se réfère au modèle de compréhension des émotions de Lewin et Lazarus. Les émotions sont les indices de l’éloignement et de la proximité des objectifs désirables de la vie (des motivations extrinsèque et intrinsèque).

Les chercheurs ont montré que la motivation intrinsèque de santé influe positivement sur l’observance médicale (Williams, Ryan, Rodin, Grolnick & Deci, 1998 ; Senécal, Nouwen & White, 2000) et le comportement dirigé vers la santé : l’engagement dans une activité physique régulière (Chatzisarantis, Hagger, Biddle, Smith & Wang, 2003), la perte de poids (Williams, Grow, Freedman, Ryan & Deci, 1996), et une nutrition saine (Pelletier, Dion, Slovinec-D’Angelo & Reid, 2004) ; tandis que la motivation extrinsèque est positivement liée à l’anxiété, aux troubles alimentaires et à une détérioration de la santé des adolescents (Maugendre & Spitz, 2009, 2011).

1.2.3 Modèle de motivation de l’auto-concordance

Le modèle de motivation de l’auto-concordance (Self-concordance Model of Motivation) a été développé par Sheldon et Elliot sous l’influence de la théorie de la motivation de Deci et Ryan (Sheldon & Elliot, 1999). Cette théorie lie la notion de valeurs et la motivation. Elle suppose que seule la motivation intrinsèque exprime les valeurs personnelles. La motivation extrinsèque n’est pas liée aux valeurs personnelles, mais à la pression sociale. Ainsi, la

motivation intrinsèque est associée à un meilleur état de santé que la motivation extrinsèque (Sebire, Standage & Vansteenkiste, 2009).

Sheldon et collaborateurs ont conduit une large recherche interculturelle et montré que le comportement guidé par la motivation intrinsèque est lié au bien-être que ce soit dans les cultures individualistes ou dans les cultures collectivistes (Sheldon et al., 2004).