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Chapitre III : Conversation en face-à-face et multimodalité

3.7. Le geste dans la conversation

3.7.2. Relation des gestes aux paroles dans une conversation

Pour interagir les locuteurs se servent de la parole et des gestes. Ces derniers jouent un rôle fondamental lors de la structuration et organisation de la parole, et dans la gestion des conversations. Dans certains cas, les gestes complètent ou précisent le sens de la parole, dans d’autres cas, ils la remplacent.

Les gestes co-verbaux accompagnent les paroles et ils peuvent établir plusieurs types de relations avec celles-ci : redondance, complément, élaboration, supplément, contradiction et substitution, (Colletta et al., 2010, p.27-28).

En ce qui concerne la relation de redondance, elle a lieu lorsque « l’information apportée par le geste est identique à l’information linguistique avec laquelle il est en relation », (ibid., p.27). C’est cette relation qui est souhaitée lorsque nous avons recours aux gestes lors de la réalisation d’une conversation. Le message transmis par le geste et celui de la parole sont cohérents. Le geste accomplit donc sa fonction réelle, celle de « stimuler les processus de la pensée », (Barrier, 2006, p.104). Si l’information véhiculée est de nature

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culturelle, en AAD, dans ce cas précis, l’usage du geste permettrait aux étudiants de développer des savoirs et savoir-faire en culture.

Quant au complément, la deuxième relation du geste et de la parole, (Colletta et al., 2010, p.27) affirment que « l’information apportée par le geste fournit un complément nécessaire à l’information linguistique incomplète avec laquelle il est en relation ». Assez souvent, les participants à une conversation font appel à cette relation du geste et de la parole. Surtout lorsqu’ils ne trouvent pas le mot juste pour faire passer leur message, ou encore, quand ils jugent insuffisante l’information véhiculée par la parole.

Pour ce qui a trait à l’élaboration, elle se manifeste quand « l’information apportée par le geste précise celle apportée par la parole en spécifiant la modalité d’une action, la direction d’un mouvement ou la forme et la dimension d’un objet », (ibid., p.27). Comme dans les deux situations précédentes, les deux messages transmis sont cohérents, car le message du geste ne diffère pas de celui de la parole. Le plus souvent, cette relation concerne les gestes représentationnels et elle permet de distinguer les différents mouvements. Par exemple : mimer un objet, mimer une action ou mimer un événement. Ce sont donc des idées abstraites. Ce geste non seulement transmet la même information, mais il apporte des éléments qui permettent à l’interlocuteur de se construire une image mentale de l’objet ou de l’action référencée.

Quant à la relation du geste aux paroles nommée supplément, Colletta et al. affirment qu’elle se produit quand « l’information apportée par le geste vient ajouter une signification supplémentaire à celle désignée par les mots avec lesquels il est en relation », (2010, p.28). Cette situation est fréquemment observable lorsque les participants à l’interaction ont recours aux gestes performatifs, désignés autrement comme emblèmes (Vaysse et Cosnier, 1997). C’est-à-dire des gestes qui ont une signification connue par des interlocuteurs. Ils n’ont donc pas besoin d’être associés aux mots.

De cette façon, lorsque nous les associons aux mots, l’information qu’ils donnent est supplémentaire. Le même phénomène est observé avec des gestes représentationnels, ils ont aussi un sens, l’association de ces gestes aux mots produit une information supplémentaire.

Pour ce qui est de la contradiction, d’après Colletta et al., elle a lieu lorsque « l’information apportée par le geste est non seulement différente de l’information

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linguistique avec laquelle il est en relation, mais elle vient contredire celle-ci », (2010, p.28). Cette relation ne concerne que les gestes performatifs et les gestes représentationnels. Étant donné qu’ils ont une signification, ils peuvent donc être utilisés seuls ou de façon indépendante. Nous pouvons prendre comme exemple, l’utilisation du geste performatif pour signaler une idée affirmative associé au mot « non », ou le contraire, l’usage du mot « oui » associé au geste performatif qui a la signification négative.

En ce qui concerne la Substitution, cette relation se produit quand « l’information apportée par le geste remplace une information linguistique absente », (Colletta et al., 2010, p.27). Cette dernière relation concerne les gestes performatifs et déictiques dans la mesure où ils peuvent être employés seuls. Ainsi dans une conversation, ils peuvent être utilisés à place d’un mot. Notre corpus présente plusieurs situations où les gestes performatifs sont utilisés à la place des mots. Tant pour assurer la gestion de l’interaction que pour la gestion du contenu. Il nous paraît important de dire que les gestes lorsqu’ils accompagnent la parole, ne sont pas souvent réalisés en même moment que la parole. Malgré le fait que l’idéal ce serait que les gestes viennent souvent avant la parole comme le précise (Chétochine, 2008, p.38) : « Lorsqu’un interlocuteur nous parle, nous voyons ses gestes et nous les interprétons immédiatement, même si nous ne sommes pas des experts. Dans le millième de seconde, nous entendons le son, c’est-à-dire les mots et le ton de la voix ».

Mais cela ne se produit pas toujours. Pour Colletta, et al. (2010), la réalisation du geste peut désormais avoir lieu en trois différents moments : synchrone, anticipe et suit.

D’abord nous affirmons que la relation synchronique est synchrone, quand « le point de départ du stroke se confond avec le point de départ du segment de parole correspondant, qu’il s’agisse d’une syllabe, d’un mot (nom, verbe, adjectif, connecteur…) ou d’un groupe de mots », (Colletta, et al., 2010, p.29). Dans ce cadre le mot stroke désigne « le geste lui-même, qu’il s’agisse d’un geste manuel ou d’un mouvement de la tête, des épaules ou du buste », ibid. (2010, p.23).

Étant donné que cette relation obéit à la règle de l’utilisation des gestes, notre analyse ne prendra pas en considération l’ensemble des cas où le geste et la parole entretiennent une relation synchrone. Nous nous focaliserons donc sur les relations jugées comme étant moins évidentes, ou spécifiques à notre corpus.

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Ensuite, la relation synchronique est dite : anticipe lorsque « le point de départ du stroke précède le point de départ du segment de parole correspondant : le locuteur fait démarrer son geste avant de parler, ou le fait démarrer sur une information linguistique antérieure à celle correspondant au geste », (ibid., p.29).

Malgré le fait que le geste semble se produire au même moment que la parole, la réalité est autre. C’est le geste qui est produit le premier comme le précise (Barrier, 2006, p.105), lorsqu’il affirme qu’: « Il y a généralement un court délai entre le geste et le mot, ce délai peut créer un léger suspense le temps que la phrase s’actualise ». Ce qui se passe dans la réalité, c’est que le délai est très court et nous ne nous rendons pas compte de l’écart. Toutefois, quand le locuteur ne réussit pas à trouver le mot juste pendant la conversation, nous avons la possibilité de mieux comprendre que le geste se produit avant la parole, car il se sert du geste pour faire passer son message au même moment où il cherche le bon mot.

Les données de notre corpus présentent plusieurs exemples de cette relation synchronique, mais comme nous l’avons déjà dit, elles ne constituent pas du tout une exception. Elles représentent le fonctionnement normal du processus de la pensée. Par conséquent, elles ne seront pas analysées dans la présente étude.

Enfin, la relation synchronique est nommée : suit, quand elle « correspond le point de départ du stroke survient après le point de départ du segment de parole correspondant : le locuteur fait démarrer son geste après avoir fini de parler, ou le fait démarrer sur une information linguistique postérieure à celle correspondant au geste », (Colletta, et al., 2010, p.29).

Contrairement aux deux relations décrites précédemment (anticipe et synchrone), cette relation synchronique (le geste suit la parole) mérite une attention particulière. Car elle est due au décalage du signal, (Develotte et al., 2008). De ce fait, nous ne nous intéresserons exclusivement qu’aux situations où la production tardive du geste semble avoir une interprétation différente de celle donnée par Develotte et al. (2008). Autrement dit le geste produit, modifie le sens de l’énoncé ou renforce le sens de ce dernier. Afin de rendre claire cette utilisation simultanée du geste et de la parole dans la conversation nous nous focaliserons sur la multimodalité dans le sous-point qui suit.

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