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Chapitre VI : Résultats d’analyse des entretiens auprès des concepteurs des dispositifs

6.1. Le locuteur natif est-il indispensable dans des dispositifs d’AAD ?

Afin de savoir, si le LN qui intervient en AAD devrait garder les mêmes caractéristiques que celles décrites dans la conception traditionnelle : quelqu’un « qui appartient, par longue pratique depuis la naissance, à une communauté linguistique qui utilise la langue visée comme outil de communication », (Gremmo, 2000, p.53), nous avons posé aux concepteurs de dispositifs d’AAD, la question : le locuteur natif est-il indispensable dans les dispositifs d’AAD ?

Selon C1 il faut voir les rôles que le LN peut jouer au sein du dispositif (cf. tableau 6), alors que C2 hésite sur le sens du terme indispensable, puis affirme que tout dépend des objectifs d’apprentissage des apprenants. Pour l’acquisition de certaines compétences, le LN est dispensable.

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Propos d'interviewé C1 Propos d'interviewé C2

C1 heum : : il est indispensable / oui / oui et non // il faut bien voir où il est indispensable / alors moi / ma façon d'analyser ça c'est de regarder ce que le locuteur natif peut jouer comme rôle dans le processus d'acquisition //

C2 alors / indispensable : : indispensable / c'est ça qui me paraît un mot difficile// parce que : je : je : pense que ça dépend peut-être : : des objectifs des apprenants // heum : : dans le sens où / pour le travail / heum : : de la compréhension écrite on peut parfois /fin / on peut trouver un grand nombre de ressources / outre que le locuteur lui-même //

Tableau 6: Opinions des concepteurs sur les LN

La présence du locuteur natif est envisagée non seulement pendant la phase de découverte des systèmes langagier et sociolinguistique, comme ressource d’apprentissage mais encore pour développer des compétences en compréhension et expression orales (cf. tableau 7). C’est-à-dire le locuteur natif comme partenaire communicatif.

Ces réponses des concepteurs tendent à montrer que la présence du LN est nécessaire pour l’acquisition et développement de certaines compétences et dans certaines phases d’apprentissage. Donc, il ne peut pas être considéré comme étant indispensable. D’ailleurs, les deux concepteurs ont du mal à se servir du mot indispensable.

Propos d'interviewé C1 Propos d'interviewé C2

l'environnement langagier il est fourni : et il peut être fourni par des documents écrits / c'est sûr / par des enregistrements oraux // et il peut être fourni en direct en quelque sorte par ce locuteur natif // là oui / il en a besoin // il en a besoin pour la première phase de l'acquisition qui est le : : si vous voulez la découverte des systèmes linguistiques de cette langue qu'il est en train d'apprendre / linguistique et

ça me parait plus indispensable si on travaille dans la perspective de compréhension orale en interaction ça reste aussi très / très intéressant très utile de pouvoir utiliser un locuteur natif //

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culturelle d'ailleurs //

ensuite dans la partie d'acquisition des : des savoir-faire : : là aussi / il y a éventuellement donc une place pour le locuteur natif : : pour l'acquisition du savoir-faire // donc il y en a besoin en expression / ouais / orale et en compréhension orale //

Tableau 7: Domaines d'apprentissage où la présence des LN est nécessaire

Pour ce qui est du rôle d’informant en langue et culture C1est d’opinion que pour avoir « un vrai », « un véritable informant » il faut que le LN soit en contact permanent avec sa langue maternelle, car cette dernière évolue constamment. L’opinion de C2 est similaire à celle de C1. Dans la mesure où celui-ci est d’avis que le natif expatrié, au bout de quelques années, n'est plus représentatif de sa langue et culture. Il ne conserve plus la précision de l'actualité du discours (cf. tableau 8). De ce fait, il ne peut plus jouer les rôles de natif dans les systèmes d'AAD.

Propos d'interviewé C1 Propos d'interviewé C2

C1 ça certainement oui // si vous voulez qu'il soit un informant / heum : : enfin : : efficace / disant / un vrai : un véritable informant / il faut qu'il : oui / qu'il soit en contact permanent avec cet environnement langagier : et culturel quoi // linguistique et culturel / si non on avait eu des problèmes / pour citer entre parenthèses / avec les : savoir si on allait garder nos lecteurs anglophones / c'était en anglais / mais plus que je crois / deux ou trois ans / un truc comme ça // et finalement / on avait dis non // un lecteur au bout de deux ou trois ans / il n'est plus assez en contact / vous voyez avec la réalité langagière de cette

C2 je n'ai pas beaucoup d'exemples en tête / pour pouvoir répondre // heum / j'ai envie de dire que : : je pense que c'est plus simple, plus facile si on a effectivement un locuteur réellement natif {rire} / après un locuteur compétent ça peut être utile aussi / pour un apprenant / par exemple un apprenant débutant ou qui s'entraîne sur une compétence spécifique pouvoir : pouvoir : échanger/ interagir avec un locuteur compétent qui a vécu un certain temps dans la communauté de la langue cible qui a des bonnes compétences peut aussi être utile à

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langue et il perd le contact / ça va depuis : il se rend plus compte de : : des gallicismes / qu'il utilise / des cas : : en anglais et du français et puis au niveau évolu : la langue évolue sans arrêt / assez vite //

défaut / d'un pur locuteur natif //

un vrai {rires} entre guillemets locuteur natif// s'il vit dans un pays étranger / au bout de quelques années / il n'est plus tellement représentatif de la langue de la culture en question / parce que je prends un exemple / une australienne qui vit à Paris pendant dix ans qui travaille comme locutrice native / à un moment quand elle rentre en Australie / elle découvre tout un tas de nouveaux vocabulaires des nouvelles expressions et des nouvelles façons de parler qu'elle n'a pas pu apprendre pendant le temps de son expatriation /

Tableau 8: Locuteurs natifs expatriés

Quant à la présence des locuteurs compétents non natifs (LCNN) en langue cible au sein du dispositif, la réponse de C1est précédée d’un rire, mais elle va dans le même sens que celle de C2. Les deux concepteurs disent que la présence de LCNN est importante, mais celui-ci ne peut pas jouer tous les rôles réservés à des natifs en langue celui-cible. L’intervention des LCNN est donc limitée à l’accomplissement de certains objectifs d’apprentissage.

Pour C1, les LCNN peuvent seulement jouer le rôle de partenaire communicatif, mais pour cela il faut former les apprenants. Cette formation vise à éviter que les apprenants confondent les productions d’un LN avec celles d’un LCNN. Ces deux positions sont partagées par C2. Car selon ce dernier avec le LCNN probablement, les apprenants ne vont pas réaliser toutes les activités (cf. Tableau 9). Ils vont seulement effectuer des activités qui visent le savoir-faire.

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Propos d'interviewé C1 Propos d'interviewé C2

C1 y a : y a / y a {rires} heum : il y a : pas / il y a des rôles qu'il ne pourra pas jouer // il ne pourra pas jouer le rôle d'informateur [: : ] heum : : le rôle de partenaire / pourquoi pas ? oui // pourquoi pas / après tout ce qu'on fait dans les activités de simulation / heum / où / c'est les : les co-apprenants qui sont les : les partenaires communicatifs / donc là / pourquoi pas / heum / mais là aussi / il faudra former les apprenants : à l'utilisation d'un co-apprenant : comme partenaire // pour qui ne s'attende pas à ce que les : productions / ou même les : les compréhensions de leurs partenaires là / soient toujours identiques à celles d'un natif //

on rencontre d'autres étrangers // dans cette perspective-là / ça ne me paraît pas : heum : inadéquate / après c'est juste qu'il faut que les apprenants le sachent pour pouvoir juger et ne pas utiliser // on ne va pas peut-être faire les mêmes activités avec ce type du locuteur et demander le même type du retour sur l'expérience / qu'avec un locuteur natif / heum : plus usuel / c'est-à-dire / peut-être avec un locuteur natif / on va dire : heum : mais en français / est-ce que ça se dit / ou ça se dit pas / vous voyez ce que je veux dire ? vous allez faire des traductions / vous allez faire des choses avec un locuteur compétent / on va pouvoir

faire des jeux de rôles / communiquer / échanger des idées / on va plus être / peut-être dans le faire que dans le comment dire // mais le faire / est important aussi //

Tableau 9: intervention des LCNN dans les dispositifs d'AAD

En somme, pour C1 et C2 l’intervention du LN est souhaitable pour l’acquisition et le développement des compétences en compréhension et expression orales, et pour représenter le rôle d’informant en langue et culture. Toutefois, il faut que le LN soit en contact permanent avec sa langue maternelle. Le LCNN peut également intervenir dans les dispositifs d’AAD mais il ne peut que représenter le rôle de partenaire communicatif. De plus, il faut informer les apprenants qu’ils sont en face d’un LCNN.

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