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Relation avec le cycle de l’eau

4.5 Bilan et perspectives

5.4.2 Relation avec le cycle de l’eau

On l’a vu dans la section5.1.3, les matériaux adsorbent d’autant plus d’eau que l’hu-midité relative (RH) est élevée (figure5.4). Le cycle de l’eau, c’est à dire la distribution et l’évolution de PH2O, peut être simulé par les modèles climatiques globaux (GCM), comme celui deForget et al.(1999). A chaque pas de temps, le modèle 1D de calcul des équilibres dynamiques (utilisé dans les chapitres3et4et présenté dans la section3.1.1) va lire une carte globale de PH2O préalablement produite par le GCM. Le modèle 1D per-met de calculer la température et donc la pression de vapeur saturante Psat. On a ainsi accès à PH2O/Psat, c’est-à-dire à RH. Nous avons utilisé le modèle pour calculer le RH sur une grille de 0.5 × 0.5° de latitude et de longitude, avec une résolution temporelle de 1 H. Les valeurs d’albédo et d’inertie thermique utilisées sont celles publiées parPutzig and Mellon(2007a). Nous avons associé à chaque pixel OMEGA la valeur de RH la plus proche en distance et en temps. Le résultat est montré sur la figure5.21.

FIGURE 5.21 – Histogrammes bi-dimensionnels des valeurs d’hydratation mesurées par OMEGA en fonction de l’humidité relative simulée. Chaque graphique comporte les don-nées d’une bande de 10° de latitude (30° pour les hautes latitudes pour lesquelle l’échelle de l’axe des ordonnées est différente). Le graphique entre 30°S et 20°S de latitude (en haut à droite) est reproduit en bas à droite avec τe f f en couleur, et l’on voit que les grandes va-leurs d’hydratation qui correspondent aux fortes vava-leurs de RH proviennent des données les moins perturbées par les aérosols atmosphériques.

pixels considérés sont libres de toute glace. Durant cette saison, les variations de RH avec la latitude se semblent pas suffisantes pour expliquer l’augmentation de l’hydratation avec la latitude. OMEGA a observé des terrains aux basses et hautes latitudes de Mars dans des conditions de RH similaires alors que leurs niveau d’hydratation sont très différents. Un autre phénomène que l’adsorption semble ainsi être responsable de l’hydratation observée par OMEGA.

Notre simulation de RH peut cependant être biaisée. On a vu que PH2O provenait d’un GCM (d’il y a 5 ans) plus complexe que notre modèle dont le rôle est de simuler Psat. Des récents développements dans la paramétrisation des nuages (microphysique et effet radiatif) ne sont pas pris en compte dans notre calcul de PH2O et de Psat, ce qui pourrait en modifier les résultats (Navarro et al., 2014). Les comparaisons avec les nouvelles si-mulations montrent notamment qu’aux régions équatorialles, le PH2O de nos simulations est artificiellement trop élevé aux endroits où il est important car les nuages ne sont pas modélisés. De plus, la distribution verticale de la vapeur d’eau dans l’atmosphère pourrait bien être différente de celle utilisée dans nos simulations (qui considèrent un mélange parfait) (Tamppari et al., 2010). La carte globale des moyennes annuelles de nos simula-tions de RH (notée ¯RH) est montrée sur la figure5.22a et la moyenne annuelle de PH2O

issue du GCM bénéficiant des travaux présentés dansNavarro et al.(2014) est montrée en figure5.22b. Une ¯RH = 1 signifie que la saturation de la vapeur d’eau atmosphérique est atteinte toute l’année. On voit que PH2O augmente principalement avec l’altitude et que les hautes latitudes de l’hémisphère sud ont ainsi une PH2O moyenne beaucoup plus faible que celles de l’hémisphère nord. En raison des très faibles températures au pôle sud, cette région atteint toutefois des valeurs de RH similaires à celles de la région du pôle nord.

Les deux paramètres présentés sur la figure 5.22 retracent ensemble les dépositions de glace ou de neige d’eau à la surface de Mars. Le givre se dépose lorsque RH=1 mais seulement lorsqu’il y a assez de vapeur d’eau. Par exemple, un anneau de glace d’eau autour des hautes latitudes durant l’hiver est systématiquement observé pour l’hémisphère nord, mais il n’est que partiel et parfois absent dans le cas de l’hémisphère sud (Kieffer et al., 2000; Appéré et al., 2011; Titus and Cushing, 2014) malgré des RH similaires. L’hydratation des hautes latitudes est correlée aux endroits où se dépose le givre chaque année, ce qui explique l’asymétrie de l’hydratation entre les deux hémisphères. Une telle corrélation, si elle n’est pas fortuite, pourrait indiquer que la présence saisonnière de givre d’eau à la surface a un impact à long terme sur les matériaux de la surface : le régolite serait altéré par la proximité immédiate de givre et de films nanommétriques d’eau liquide. Une telle action, déjà été évoquée dans la littérature ( « palagonitisation » que l’on a vu dans la section2.2.1et par exemple dansChevrier and Mathé,2007), est appuyée par notre

FIGURE 5.22 – Cartes globales de : a) la moyenne annuelle de l’humidité relative (PH2O

calculée par le « vieux » GCM et Psat par le modèle 1D, voir texte) ; b) la moyenne an-nuelle de PH2O dans la première couche de l’atmosphère (calculée par le « nouveau » GCM prenant en compte les nuages), figure fournie par Alizée Pottier et François Forget. analyse. Un description générale de ce mécanisme, encore à préciser, est donnée dans la section suivante. On a vu qu’aux hautes latitudes, l’hydratation est plus forte lorsqu’il y a de la poussière fine à la surface (figure 5.14b). Un régolite riche en poussière a plus de surface de contact avec les molécules d’eau, et pourrait donc être plus hydraté qu’un régolite plus grossier en raison d’une plus grande surface d’altération à long terme par les molécules d’eau.

Alternativement, l’asymétrie d’hydratation entre les deux hémisphères peut avoir deux autres explications qui sont discutées ci-après :

de la vapeur d’eau dans les basses couches de l’atmosphère est aussi probablement mal modélisée (on peut voir par exemple les observations deTamppari et al.,2010et Malta-gliati et al., 2013), ce qui pourrait modifier significativement les prédictions de RH à la surface. Toutefois, au premier ordre, les simulations des modèles utilisés ici reproduisent assez fidèlement le cycle de l’eau (Montmessin et al.,2004). Par exemple, la RH prédite au cratère Gale est proche des mesures de REMS récemment publiées (Harri et al.,2014). La simulation de PH2O présentée sur la figure 5.22 provient elle d’un modèle 3D plus récent et qui simule la formation, l’évolution et l’impact des nuages (microphysique et effet radiatif,Navarro et al.,2014), et reproduit mieux les observations du cycle de l’eau (notamment celles de SPICAM,Guslyakova et al.,2014). La simulation de PH2O présen-tée sur la figure5.22provient elle d’un modèle 3D plus récent et qui simule la formation, l’évolution et l’impact des nuages (microphysique et effet radiatif,Navarro et al.,2014), et reproduit mieux les observations du cycle de l’eau (notamment celles de SPICAM,

Guslyakova et al.,2014). Il est nécessaire d’effectuer des comparaisons des valeurs d’hy-dratation d’OMEGA avec des simulations de RH directement issues de ce modèle plus récent.

Concernant le point 2, bien que les hautes latitudes de l’hémisphère sud soient les plus difficiles à étudier depuis l’orbite à cause de la glace carbonique persistante et de nombreuses tempêtes de poussière, les signatures spectrales (donc la composition) de la surface ne montrent pas de différence fondamentale avec le reste de la planète. Les spectres sont assez similaires à ceux de l’hémisphère nord (Bandfield,2002;Poulet et al.,

2008b). La différence principale entre les deux hémisphères est que les hautes latitudes de l’hémisphère sud ont un couvert de poussière moins important que celles du nord (Ody et al., 2012). Cependant, cette différence n’explique pas quantitativement la différence d’hydratation entre les deux hémisphères : des terrains situés au nord avec un couvert de poussière équivalent à celui des hautes latitudes de l’hémisphère sud sont toujours plus hydratés. Certaines variations d’hydratation à une longitude donnée sont bien corrélées à des différences du couvert de poussière (cf figure5.14b), mais l’asymétrie hémisphérique de l’hydratation est causée par un processus indépendant du couvert de poussière.