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Dans cette section, les causes potentielles des comportements thermique non-idéaux présentés factuellement dans la section précédente sont analysées. Nous avons vu qu’au premier ordre, les comportements non-idéaux sont similaires tout au long du trajet de Cu-riosity, et varient au second ordre selon la saison et le type de terrain observés. Cette grand régularité peut indiquer différentes possibilités dont les vraisemblances sont discutées ci-dessous : un biais instrumental ou observationnel affecte toutes les données GTS (section

4.4.1) ; tous les terrains observés ont en commun une hétérogénéité qui explique le

com-portement (section4.4.2) ou les simulations de température ne prennent pas en compte un processus influant sur la température de surface (section4.4.3).

4.4.1 Facteurs instrumentaux

Un des facteurs propres au robot et qui est connu pour influer sur les températures de surface mesurées par GTS est le réacteur nucléaire de Curiosity, le MMRTG (cf

sec-tion2.2.3.3). Le MMRTG émet du rayonnement thermique en permanence, avec a priori

une intensité continue (Zorzano et al., 2014; Hamilton et al.,2014b). Les surfaces envi-ronnantes équilibrent leur température avec cette émission supplémentaire en quelques

dizaines de minutes. L’influence du MMRTG sur les températures de GTS est donc cen-sée être la plus importante lorsque le robot finit un déplacement. Le MMRTG n’est ainsi a priori pas responsable des comportements non-idéaux diurnes complexes présentés sur les figures4.12et4.13, le robot y étant immobile.

Cependant, il y a une influence positive du MMRTG sur les températures GTS de l’ordre de quelques K. Il s’agit a priori d’un biais systématique affectant toutes les don-nées (Zorzano et al., 2014), ce qui peut expliquer que les mesures depuis l’orbite de la température de la surface sont systématiquement plus froides que les températures me-surées par GTS (section 4.2.2). Si cette influence était correctement évaluée et corrigée dans les données, les propriétés thermo-physiques des meilleurs ajustements ne seraient plus les mêmes mais les comportements non-idéaux par rapport à ces nouveaux meilleurs ajustements ne devraient pas changer qualitativement : toutes les températures de GTS seraient plus froides, laissant l’anomalie diurne intacte (les températures de nuit seraient toujours anormalement froides par rapport aux températures de mi-journée).

Nous n’avons vu aucune corrélation entre la valeur des < TRE M S− Tmodele` > à une heure donnée et les valeurs des différents angles d’attitude du tobot (notamment le roulis, qui influe beaucoup sur la surface du champ de vue de GTS, voir section 2.2.3). A la même heure locale, les angles varient beaucoup d’un arrêt à l’autre alors que le < TRE M S− Tmodele` > est très régulier, ce qui permet de conclure que la surface du champ de vue de GTS a peu d’influence sur le comportement thermique observé. L’échantillonage de la diversité de la surface semble atteindre un niveau suffisant même lorsque le champ de vue est très réduit (une dizaine de m²).

On a vu que que les variations des < TRE M S− Tmodele` > sont corrélées aux variations diurnes et saisonnières de la température. Il est possible que les comportements non-idéaux soient, en partie ou en totalité, causées par un défaut des pyromètres de GTS qui font que les mesures dépendent de la température lors des observations. Les capteurs sont cependant fréquemment calibrés à l’aide d’une plaque métallique couvrant une partie du champ de vue des capteurs et dont on contrôle la température (cf section2.2.3.3), et GTS a été rigoureusement caractérisé avant la mission (Sebastián et al., 2010). Il est donc peu probable que la totalité ou que la majeure partie de l’anomalie non-idéale observée provienne d’un défaut des capteurs dépendant de la température .

4.4.2 Hétérogénéités potentielles

On analyse ici les différentes hétérogénéités physiques de la surface qui pourraient expliquer le comportement non-idéal observé avec une grande régularité par GTS durant les 450 premiers sols de la mission MSL. Les hétérogénéités considérées sont semblables à celles utilisées pour analyser les données OMEGA dans le chapitre précédent (section

3.2.5) : mélanges horizontaux de matériaux d’inertie thermique différentes ou avec des

pentes divergentes et stratification verticale du régolite. Les mélanges horizontaux de ma-tériaux d’émissivité différentes peuvent également causer des comportements non-idéaux (voir section2.2.3.3). Cependant, la grande similarité entre les comportements non-idéaux à Bradbury et ceux observés plus loin malgré la différence de couverture poussièreuse n’est pas en faveur de cette hypothèse.

On a vu l’influence de ces hétérogénéités physiques sur l’inertie thermique apparente (équivalente aux < TRE M S− Tmodele` >) sur la figure3.23(pour les heures de journée). Les

de surface homogènes. De plus, les ∆T des meilleurs ajustements de ces hétérogénéités ne sont pas meilleurs que ceux des meilleurs ajustements des solutions homogènes. Les basses températures des nuits par rapport à ce à quoi on pourrait s’attendre en considérant les températures de jour ne sont notamment pas reproduites par les hétérogénéités.

La seule hétérogénéité reproduisant qualitativement les < TRE M S− Tmodele` > observés est le mélange horizontal de pentes divergentes (deux fractions de la surface observée sont penchées dans des directions opposées ou très différentes). Cependant, cette solution est très peu probable au regard des images que l’on a des champs de vue de GTS (cf figure

4.10etHamilton et al.,2014b). La rugosité des clastes (petits cailloux) à la surface du ré-golite a été caractérisée parYingst et al.(2013) etBridges et al.(2014) à l’aide d’images MAHLI des champs de vue de GTS pour les 100 premiers sols de la mission (jusqu’à Ro-cknest). Les résultats de ces études indiquent une orientation préferentielle de la rugosité vers le sud-ouest avec un pic secondaire vers le nord-est, causée par l’action des vents. Nous avons simulé cette hétérogénéité avec les abondances de pentes données parBridges et al.(2014) et les < TRE M S− Tmodele` > résiduels gardent alors encore qualitativement la même structure des figures 4.12 et 4.13. Cette hétérogénéité, observée par une source indépendante, n’explique donc pas le comportement thermique observé. A Rocknest, le champ de vue de GTS est en majeure partie occupé par une dune nettement orientée vers le nord-ouest (avec 10-20° de pente) et au premier ordre, les < TRE M S−Tmodele` > résiduels sont pourtant qualitativement similaires à ceux obtenus à Glenelg lorsque GTS observait une surface bien plus plane (cf figure 4.10). Les pentes locales des surfaces observées ne semblent ainsi pas rendre compte de l’essentiel des comportements thermique non-idéaux observés. Il est possible que les spécificités de certaines étapes (comme Rocknest, où l’on a vu que l’amplitude du comportement non-idéal était la plus importante) soient en partie causées par des hétérogénéités physiques particulières, mais on peut dire que ces hétérogénéités ne sont pas responsable de la majeure partie des < TRE M S− Tmodele` > observés.

La méthode utilisée pour trouver les meilleurs ajustements ne semble également pas influer sur les < TRE M S− Tmodele` > obtenus. Pour les 100 premiers sols de la mission,

Hamilton et al.(2014b) réalise des ajustements de simulation de température sur les tem-pératures mesurées par GTS sol par sol (hors mouvement du robot) avec une méthode différente. Dans notre méthode, nous cherchons à minimiser le ∆T moyen (cf section

4.3.1) alors que Hamilton et al. (2014b) cherche les simulations de température (issues

du modèle 1D deKieffer,2013, similaire au notre) qui reproduisent au mieux l’amplitude thermique observée. Les résidus < TRE M S− Tmodele` > des ajustements deHamilton et al.

n’est probablement pas un artefact méthodologique.

4.4.3 Processus non-modélisés

Le modèle utilisé pour simuler les températures de surface et calculer les < TRE M S− Tmodele` > est un modèle de calcul d’équilibres dynamiques à une dimension (temporelle). Ce modèle, choisi car directement disponible et peu demandeur en temps de calcul, est somme toute assez simple. Il est possible que les comportements diurnes et saisonniers des < TRE M S− Tmodele` > soient causés par une mauvaise prise en compte de certains proces-sus influant sur la température de surface dans la réalité. Des simulations à méso-échelle, c’est à dire à 3 dimensions (deux spatiales, une temporelle), permettent de mieux simuler les échanges d’énergie entre les différentes couches de l’atmosphère et la surface et il est connu qu’elles reproduisent plus fidèlement les températures de la surface. De tels mo-dèles ont été utilisés pour expliquer des anomalies de températures sur les flancs d’Olym-pus Mons mesurées par TES et jusqu’alors interprétées comme des différences d’inertie thermique, et finalement causées par des vents katabatiques (vents orographiques, causés par les différences de topographie) (Spiga et al.,2011).

Une approche similaire a été appliquée au cratère Gale pour tenter de trouver une ex-plication aux températures de GTS par Rafkin et al. (2014) et Hamilton et al. (2014a), en utilisant le modèle méso-échelle MRAMS (« Mars Regional Atmospheric Modeling System ») présenté dansRafkin et al.(2001). Ces simulations méso-échelle (ou « régio-nales ») révèlent que la masse d’air présente au fond du cratère (où se trouve Curiosity) ne se mélange que très peu avec la masse d’air sur le plateau entourant le cratère. Durant les heures de jour, les simulations indiquent que les vents divergent depuis les plaines du nord du cratère vers le mont Sharp et la bordure du cratère et en sens inverse durant la nuit : les vents descendent du mont Sharp et des pentes bordants le cratère vers là où est Curiosity. Les turbulences causées par ces mouvements sont responsables de la majeure partie des dissipations d’énergie et les simulations indiquent que ce régime de turbulence est station-naire, très régulier (à une heure locale donnée). Cependant, les simulations méso-échelle ne reproduisent pas beaucoup mieux les températures GTS que les modèles à une dimen-sion. Ils n’expliquent ni le rapide (et tôt) chauffage des matins, ni les lents refroidissement des après-midi, ni les trop basses températures la nuit (Rafkin et al., 2014). L’amplitude des < TRE M S− Tmodele` > observés reste plus importante que les effets des vents orogra-phiques mis en évidence par les simulations régionales. En l’état présent des modèles méso-échelle, ceux-ci ne peuvent donc pas rendre compte des < TRE M S− Tmodele` > obser-vés. On peut néanmoins espérer des améliorations de la paramétrisation des turbulences dans ces modèles, car elles restent actuellement encore mal définies.

La dépendance à la température de l’inertie thermique (présentée dans la section

3.2.3.2), caractérisée parPiqueux and Christensen(2011), est un candidat possible pour

expliquer une partie des variations du < TRE M S− Tmodele` >. On a vu que notre modèle de simulation de température considère que l’inertie thermique ne varie pas avec la tempé-rature alors qu’en réalité, la capacité calorifique d’un matériau peut varier de 75% et la conductivité thermique varie elle de 10 à 50 % selon le degré de cémentation des pores dans la gamme des températures martiennes. La figure3.18présente des exemples de dif-férences diurnes de température entre un modèle similaire au notre et un modèle prenant en compte les variations de l’inertie thermique avec la température. On voit que

l’ampli-comportement alors interprétables par des hétérogénéités physiques de la surface ou par des phénomènes climatiques diurnes ou saisonniers.