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Hétérogénéités globales

3.4 Résultats

3.4.2 Etude globale

3.4.2.2 Hétérogénéités globales

La carte globale d’inertie thermique (figure 3.33) représente les moyennes des iner-ties thermique apparente et ne reflète pas les potentielles variations d’ineriner-ties thermique apparentes vues par OMEGA. A une résolution de 4 pixels par degrés et entre 45°S et 45°N de latitude, nous avons au moins deux observations d’inertie thermique apparente pour 62 % de la surface, au moins trois observations pour 36 % de la surface et au moins quatre observations pour 20 % de la surface. Afin de repérer et d’analyser les possibles variations diurnes d’inertie thermique apparente, nous avons rééchantilloné chaque pixel de la carte selon des intervalles d’1 H. Neuf cellules sont ainsi associées à chaque pixel de la carte, correspondant aux données avec des heures locales de 8 à 17h. Si plusieurs ob-servations ont été faites durant le même intervalle d’1 H, les valeurs d’inertie thermique apparentes sont moyennées. Les incertitudes des valeurs d’inertie thermique de chaque cellule ∆ITcellule est la somme quadratique de la moyenne quadratique des incertitudes sur les valeurs individuelles d’inerties thermique apparentes ∆T Iobservation (voir section

3.2.4) et de la dispersion (3 déviations standard) de ces valeurs dans la cellule σcellule,

exprimée mathématiquement en équation3.3, avec N observations pour la cellule.

∆ITcellule = v u u u u u t * . . , 1 N v u t N X i=1 ∆ITi2+/ / -2 + σ2 cellule (3.3)

Une fois les cellules remplies et leurs incertitudes calculées, on cherche les pixels de la carte qui ont au moins deux cellules remplies, avec au moins une observation le matin (heure locale < 11h) et une l’après-midi (heure locale > 12h). Environ 35 % de la surface entre 45°S et 45°N de latitude remplissent ces conditions, principalement dans la gamme de longitude -100°E, 30°E. Pour ces points, nous faison une régression linéraire à partir des inerties thermique des cellules remplies. On obtient ainsi une relation IT = pente × heur e locale. On considère que la pente est significative si et seulement si :

— l’inertie thermique calculée avec la relation linéaire est en accord avec toutes les valeurs d’inertie thermique des cellules remplies (plus ou moins leurs incer-titudes). Par exemple, si cinq cellules sont remplies pour un pixel et qu’une valeur d’inertie thermique apparente plus ou moins son incertitude ne tombe pas sur la régression linéaire, la pente est considérée comme étant non-significative.

— la différence d’inertie thermique entre les deux valeurs les plus extrèmes en heure locale (la plus tôt et la plus tardive) est inférieure à la somme quadratique de leurs incertitudes. Par exemple, si cinq cellules sont remplies et qu’une droite de pente nulle peut passer entre toutes leurs barres d’erreurs, la pente est considérée comme étant non-significative

Si la pente est significative, son signe nous indique que le pixel considéré présente une augmentation (pente > 0) ou une diminution (pente < 0) de l’inertie thermique appa-rente avec l’heure locale. Cette méthode ne tient pas compte des variations saisonières qui peuvent masquer ou appuyer les variations diurnes apparentes, cependant les varia-tions saisonnières sont toujours de moindre amplitude que les variavaria-tions diurnes et notre méthode est donc assez conservatrice et représente une manière de détecter les variations diurnes d’inertie thermique apparente à minima. La distribution des pentes calculées avec notre méthode en fonction de l’albédo des surfaces est montrée en figure3.37. On trouve

fraction surfacique d’hétérogénéité

FIGURE 3.37 – Distribution des comportement hétérogènes en fonction de l’albédo. En-viron 35 % de la surface de Mars entre 45°S et 45°N de latitude est représentée dans ce diagramme qui est normalisé de manière à ce que la somme des courbes rouge (pente > 0) et noire (pente non significative) soit égale à l’unité à chaque valeur d’albédo. 88% des pentes sont non significatives (écart type des variations d’inertie thermique apparente est inférieure à l’incertitude théorique).

On voit sur la figure3.37que le comportement d’augmentation diurne de l’inertie ther-mique apparente concerne plus fréquemment les surfaces d’albédo compris entre 0.23 et 0.27 que les autres surfaces, ce qui correspond principalement à l’ensemble intermédiaire dans la distribution thermo-physique de la figure3.35c (inerties thermique centrées sur 200 J.K−1.m−2.s−1/2). Comme montré sur la figure3.2.5, un tel comportement peut être causé par trois types d’hétérogénéités : mélange horizontal de matériaux d’inertie ther-mique différente (analogue au « 50% de rochers + 50% de poussière »), exposition de pente préférentiellement orientées vers l’Est ou stratification vertical du régolite avec un matériau d’inertie plus faible au dessus (analogue au « 2 mm de poussière sur du rocher »). Nous examinons ces trois possibilités.

Globalement, l’abondance de roches à la surface est plus importante aux endroits des surfaces de faible albédo (Nowicki and Christensen,2007), albédos pour lesquels la fré-quence de l’augmentation diurne de l’inertie thermique apparente est minimale. Si les rochers exposés à la surface étaient responsables du comportement hétérogène observé, celui ci serait plus fréquent aux albédos faibles et non dans la gamme 0.23 - 0.27. Une orientation globale préférentielle vers l’est des pentes locales à l’intérieur des pixels est également peu plausible car l’azimuth des pentes sous-pixellaires des dépôts eoliens sont

controlées par les vents dans le cas des dépôts éoliens, et la direction des vents est com-plexe et très hétérogène à l’échelle globale alors que nos hétérogénéités sont détectées au nord comme au sud et à plusieurs longitudes. La plupart des terrains d’albédo 0.23 -0.27 sont situés entre des zones très poussièreuses de fort albédo et les zones peu poussiè-reuses. La couche de poussière à la surface peut y être suffisament faible pour produire une signature d’hétérogénéité verticale (typiquement moins de 1 cm). A l’échelle de notre car-tographie (~15 km par pixel), les pixels peuvent mélanger des terrains plus ou moins pous-sièreux qui sont proches dans ces régions. Un mélange horizontal de zones plus ou moins poussièreuses (même lorsqu’il n’y a pas de différence d’inertie thermique, c’est-à-dire si l’épaisseur de la couche de poussière est inférieure à quelques centaines de microns) produit une augmentation diurne de l’inertie thermique apparente qui s’ajoute alors à la signature hétérogène de la stratification verticale. La distribution géographique des pixels avec une pente diurne d’inertie thermique apparente positive est montrée en figure3.38. On observe en effet que des ensembles de pixels qui montrent une augmentation diurne de l’inertie thermique apparente, les moins ambigus par leur grande cohérence géographique (voir la figure3.38), se situent dans des régions où ont été observés des mouvements de poussière à la surface (voir notammentGeissler,2005) : toute la bande d’albédo intermé-diaire au nord-ouest de Meridiani, et plus discrètement la partie nord-ouest d’Alcylonius (vers 95°E, 32°N) et dans Utopia Planitia. Il suffit de seulement quelque dizaine de µm de poussière à la surface pour que l’albédo atteigne des valeurs vers 0.25 et au delà. De telles épaisseurs de poussière sont invisibles thermiquement et les variations temporelles d’inertie thermique apparente de ces surfaces sont alors plus probablement causées par des mélanges horizontaux de matériaux ou de surface de texture différentes.

En raison de sa faible profondeur de peau, il ne suffit que de quelques centimètres de poussière pour masquer thermiquement les matériaux sous-jacents. On a vu que les terrains très poussièreux formaient de grands ensembles, globalement dans l’hémisphère nord. A l’échelle régionale, ces ensembles peuvent connaître des conditions de vents as-sez stables (surtout Arabia Terra), comme dans le cas de l’étude locale de Tharsis (section

3.4.1.1). Pour cette raison, il est possible que la fréquence assez importante des

augmen-tations diurnes de l’inertie thermique apparente pour les albédos très élevés (entre 0.28 et 0.35) soit due à des variations de texture et à des pentes locales préférentiellement orien-tées vers l’Est plutôt qu’à une stratification verticale. Une autre possibilité, indiquée par la forme géographique de certains groupes de pixels à pente positive qui ont la forme de la trace au sol de certains cubes OMEGA sur la figure3.38, est que ces pentes significatives positives peuvent être dûes à l’influence d’une observation OMEGA spécifique, séparée des autres par un grande période ou prise dans des conditions atmosphériques différentes. Ces pixels sont alors soit des faux positifs, soit reflètent un changement physique à la surface, c’est-à-dire que des changements (déplacements de poussière) ont eu lieu entre les observations.

La pente de variation diurne de l’inertie thermique apparente est négative pour envi-ron 1.2% des pixels de la carte entre 45°S et 45°N. Deux types d’hétérogénéités peuvent expliquer ce comportement : des pentes locales préférentiellement orientées vers l’ouest ou une stratification verticale dans laquelle le matériau de plus grande inertie thermique est au dessus. Ce comportement concerne principalement des pixels situés dans les ter-rains sombres et souvent isolés, à l’exeption d’une région de 180 x 180 km située dans Chryse Planitia (entre [-48°E, -45°E] et [33.5°N, 36.5°N]). La variation diurne d’inertie

FIGURE 3.38 – Cartes de l’albédo dérivé des données OMEGA (plusieurs années sont mélangées ici). En haut, les pixels blancs indiquent les ~35% de la surface où une pente de variation diurne de l’inertie thermique apparente a pu être calculée. En bas, les pixels blancs indiquent les endroits dont la pente est positive et significative. Quelque faux posi-tifs sont possibles, à cause de conditions atmosphériques différentes lors des observations.

thermique apparente de cette région, montrée en figure3.39a, reste toutefois ambigüe car à la limite de nos critère de significativité de la pente vus plus haut. Aucune orientation particulière de la morphologie de la surface n’est vue à l’aide de l’imagerie haute réso-lution pour cette région. Une interprétation plausible est la présence d’une fine couche de « duricrust », ou couche indurée, à la surface c’est-à-dire que les matériaux particu-laires du régolite ont été cémentés, ce qui augmente l’inertie thermique de l’ensemble. Ce terme peut s’appliquer à des situations très variées, depuis la cémentation de la très fine couche de poussière à la surface révelée par les traces des roues des robots Spirit et Opportunity (Arvidson et al.,2010,2011) jusqu’à la forte cémentation du régolite qui lui donne un aspect très cohérent autour des atterrisseurs Viking. La simulation comparée aux données sur la figure3.39a considère que l’inertie thermique de la couche supérieure, indurée, est de 850 J.K−1.m−2.s−1/2 et que la couche 6 mm en dessous a une inertie ther-mique de 150 J.K−1.m−2.s−1/2. Jakosky et al.(2006) proposent que le phénomène d’in-duration de la surface soit un facteur immportant contrôlant à l’échelle globale l’inertie thermique de la surface de Mars. Dans notre étude, seule une petite fraction de la surface montre un comportement hétérogène cohérent avec la présence d’une fine couche indu-rée. Si cette couche est trop épaisse (> 10 cm), elle masquera progressivement tout ma-tériau se trouvant en dessous. Ainsi, les terrains d’inertie thermique intermédiaire (~250 J.K−1.m−2.s−1/2) peuvent avoir à leur surface une couche indurée de forte épaisseur sans pour autant apparaïtre dans notre recherche des hétérogénéités. Nous sommes également limités par notre couverture partielle (voir figure3.38).

FIGURE 3.39 – Trois cas de décroissance de l’inertie thermique apparente avec l’heure locale. a) Dans Chryse Planitia où se comportement concerne une zone d’environ 180 x 180 km. Une simulation d’hétérogénéités à trois différentes saisons est montrées et permet de reproduire les mesures. b) Les points rouges sont tirés d’un pixel situé sur le flanc est d’Arsinoes Chaos dont la trace au sol est montré en c). Les points noirs sont tirés d’un pixel situé au nord ouest d’un cratère d’impact dont le profil topogra-phique est vraisemblablement mal estimé à notre résolution. c) Portion d’une image CTX (G01_018425_1714_XI_08S029W) dans Arsinoes Chaos où le rectangle bleu indique la position du pixel montré en rouge dans b).

des pixels isolés et sont vraisemblablement causées soit par une mauvaise estimation des pentes locales dans notre calcul de l’inertie thermique, soit par une abondance de pentes orientées vers l’ouest dans les dits pixels. La figure 3.39b en montre deux exemples où