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4.5 Bilan et perspectives

5.4.1 Comparaison avec les autres jeux de données

5.4.1.2 Expériences in situ

Plusieurs expériences permettant d’étudier le cycle de l’eau et en particulier l’hydrata-tion du régolite ont été ménées par les robots Phoenix et Curiosity. Les deux missions sont équipées d’expériences permettant une mesure quantitative (en température) de l’hydra-tation et de la force des liens entre les molécules d’H2O et d’OH et le régolite. Ces deux expériences (SAM, présenté dans la section2.2.2pour Curiosity et TEGA pour « Thermal and Evolved Gas Analyzer » pour Phoenix) consistent en un four (milieu purgé) dans le-quel un échantillon du régolite, récolté à la surface par un bras mécanique puis tamisé, est déposé. L’échantillon est alors chauffé et les gaz progressivement relâchés sont comptés et identifiés (par spectroscopie de masse). Dans cette section, les résultats de ces expé-riences sont présentées, avec ceux de DAN, CheMin et ChemCam pour Curiosity et avec ceux de la sonde de mesure de conductivité électrique TECP (« Thermal and Electrical

d’eau adsorbées désorbent en premier, puis les molécules chemisorbées et enfin les grou-pements hydroxyls se recombinent en H2O à haute température (Dyar et al.,2010).Leshin et al.(2013) etArcher et al.(2014) interprètent l’augmentation de H2O aux basses tem-pératures (<180K) comme la contribution de l’eau faiblement liée aux matériaux comme les sulfates, les perchlorates et les allophanes. La majeure partie de la vapeur d’eau est cependant relâchée à plus haute température (entre 180 et 450 K), indiquant plus proba-blement les molécules chemisorbées liées à plus haute énergie aux substrats. A très haute température (>500K), les groupements hydroxyl se libèrent des matériaux et peuvent se recombiner en molécules d’eau, contribuant aux flux d’H2O de la figure5.20. Ces mesures estiment l’hydratation totale des échantillons de Rocknest entre 1.6 ± 0.9 et 2.4 ± 1.4 % en poids et indiquent qu’en majeure partie, cette hydratation n’est pas de l’eau adsorbée liée à faible énergie avec le substrat (Leshin et al.,2013).

FIGURE5.20 – Evolution des gaz relâchés par les échantillons à Rocknest en fonction de la température par SAM. Figure extraire deArcher et al.(2014).

A Rocknest, l’instrument CheMin (cristallographie par rayons X, voir section 2.2.2) n’a pas détecté de phase hydratée (Bish et al., 2013). Ceci implique que les composants hydratés sont soit dans la phase amorphe du régolite, non détectable par CheMin, soit sont répartis dans plusieurs phases cristallines en très faible abondance (sous le seuil de détection de CheMin, 1%). Auncun minéral hydraté n’est cependant nécessaire pour reproduire les figures de diffraction par rayon X des échantillons à Rocknest. A partir de comparaisons entre les mesures APXS et CheMin,Bish et al.(2013) estime que la phase amorphe représente ~25% de l’échantillon, ce qui porterait son hydratation à 5-9 % en poids si la totalité de l’hydratation mesurée par SAM y était concentrée.

L’instrument DAN, présenté dans la section 2.2.2, est une version embarquée de MONS et a ainsi pu mesurer l’abondance en hydrogène des premiers décimètres du ré-golite. Mitrofanov et al. (2014) présente les résultats de cette expérience pour les 360 premiers sols de la mission, rélévant des abondance d’hydrogène équivalent-eau (WEH) entre 1.5 et 2.2 % pour les premiers ~15 cm puis entre 1.5 et 3.5 % pour le régolite plus profond (et cependant < 1 m). A Rocknest,Mitrofanov et al. (2014) indique une abon-dance de 2.2 % pour les matériaux récoltés quelques cm sous la surface, en accord avec les valeurs mesurées par SAM. Durant les 360 premiers sols de la mission, DAN n’a pas détecté d’important réservoir d’hydrogène enfoui.

Le LIBS de l’instrument ChemCam (présenté dans la section2.2.2) mesure une émis-sion liée à l’hydrogène présent dans les matériaux vaporisés (vers 656 nm). Cette ligne d’émission (nommée « signal H » par la suite) est analysée parMeslin et al.(2013) et se trouve être systématiquement plus forte dans la poussière martienne (sondée par les pre-miers tirs de LIBS) que dans les matériaux compacts (les rochers). Des tirs successifs sur des cibles homogènes ne montrent pas de variation de l’hydratation avec la profondeur sondée et un résultat similaire est observé lors des grilles de tirs du LIBS dans les tran-chées creusées par le robot (Meslin et al., 2013). L’hydratation ne varie ainsi pas dans le premier ~mm du régolite, et varie seulement avec la composition (le signal H est d’autant plus fort qu’il y a de poussière ou du composant amorphe hydraté caractérisé par SAM, CheMin et APXS). Plus le régolite est composés de matériaux fins, plus le signal H varie avec la profondeur selon les grains rencontrés par le laser. ChemCam n’a pas détecté de variations diurnes significatives du signal H (Meslin et al., 2013;Schröder et al., 2014), notamment entre l’aube et les heures de jour alors que RH varie de plus d’un ordre de grandeur (Harri et al., 2014). Ceci montre que l’essentiel de l’hydratation observée est non-échangeable avec l’atmosphère dans les conditions actuelles.

La quantification précise du signal H du LIBS de ChemCam en terme de pourcentage d’équivalent-eau reste encore un problème (ChemCam est le premier LIBS à quitter la Terre) car la compréhension de la physique du plasma et de la mesure de LIBS est en-core imprécise et les biais induits pourraient même compromettre certaines comparaisons relatives du signal H. Des efforts ont été engagés (par exempleRapin et al., 2014) pour résoudre ce problème.

Avec notre séléction des données d’OMEGA, nous avons 5 observations des plaines du nord du cratère Gale où était Curiosity, toutes réalisées avant l’arrêt de la voie C et le début de la mission MSL. Ces observations sont présentées dans le tableau5.1et donnent une hydratation moyenne de 4 ± 1% en poids. Deux cubes qui indiquent une forte hydra-tation (1577_3 et 6433_2) ont un critère de nuage de glace d’eau (H2O(3.5µm)) inférieur à 0.8, ce qui peut indiquer la présence de fins nuage lors de ces observations, augmentant

d’ensemble de l’hydratation du régolite sur plusieurs cm et dm. Cube τe f f H2O (3.5µm) Ls hydratation (% massique)

Erreur relative à cause du bruit des données

(% massique) 1577_3 2.15 0.78 190° 5.02 0.24 2363_4 2.30 0.83 324° 3.50 0.18 5273_4 1.80 0.83 29 4.68 0.26 6433_2 2.41 0.78 185° 4.06 0.20 6676_4 2.83 0.84 228° 2.87 0.13

TABLE 5.1 – Observations OMEGA des plaines du nord du cratère Gale à proximité du site d’atterrissage de Curiosity (pixel de ~900m×900m). Le cube 5273_4 fournit l’esti-mation la plus fiable de la teneur en H2O du régolite supérieur.

Phoenix L’expérience TEGA à bord de la mission Phoenix a produit des mesures simi-laires à celles de SAM. La quantité de vapeur d’eau relâchée à basse température (<200°C) est très faible, ce qui indique l’absence de grandes quantités d’eau adsorbée, l’essentiel s’échappant à plus haute température. L’hydratation totale de l’échantillon est estimée à 2% en poids (Smith et al., 2009). A Phoenix (68°N), de la glace d’eau a pourtant été observée quelques cm sous la surface (Mellon et al., 2009a,b;Smith et al., 2009) et l’ex-périence TECP a mesuré un signal de forte conductivité électrique inteprété parStillman and Grimm(2011) comme étant causé par de grande quantités d’eau adsorbée. De plus,

Arvidson et al.(2009); Shaw et al. (2009) expliquent que les résistances mécanique et cohésive du régolite autour de Phoenix sont controlées par des grandes quantités d’eau adsorbée. Enfin, pour expliquer la distribution verticale des perchlorates (environ 1% en poids ont été détecté,Hecht et al.,2009),Cull et al. (2010) fait intervenir un mécanisme impliquant le transport de ces éléments au sein des films liquides nanommétriques formés par l’eau adsorbée.

Les 11 observations OMEGA des plaines où Phoenix a effectué ces mesures donnent en moyenne une hydratation de 8.6% en poids (1σ= 0.5% en poids), bien plus élevée que pour le cratère Gale et que ce qui a été mesuré par Phoenix. On ne remarque pas de variation systématique avec la saison et l’heure locale. Il est possible que l’essen-tiel de l’hydratation à Phoenix soit concentré dans les premiers µm du régolite, comme proposé par (Poulet et al., 2010). Dans ce cas, l’augmentation de l’hydratation avec la

latitude serait limitée au premiers µm de la surface. On peut également envisager que la collecte et le tamissage des échantillons avant leur analyse par TEGA les aient déstabilisé et qu’une partie importante de l’eau adsorbée ait ainsi été perdue. Finalement, une incer-titude persiste sur les masses d’échantillons effectivement analysés par TEGA et SAM, ce qui pourrait modifier d’un facteur 2 leurs estimations de l’hydratation.