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Le cratère Gale : contexte géologique

3.5 Bilan - Conclusions

4.1.1 Le cratère Gale : contexte géologique

Le cratère d’impact Gale, d’un diamètre d’environ 155 km autour de [-5.4°N, 137.7°E], est situé sur la dichotomie globale de la topographie de Mars, entre les hauts terrains cra-térisés du sud et les basses plaines du nord (cf figure4.1). La géologie de ce cratère a fait l’objet de nombreuses études (Malin and Edgett, 2000; Anderson and Bell,2010; Milli-ken et al.,2010;Thomson et al.,2011;Deit et al.,2013), qui sont utilisées ici pour établir un bref portrait géologique du site d’atterrissage de Curiosity.

L’impact qui a créé le cratère Gale est daté entre 3.6 et 3.8 Ga par Thomson et al.

(2011) et à 3.61 Ga par Deit et al.(2013), ce qui le situe entre la fin du Noachien et le début de l’Hespérien. Le cratère Gale dispose d’un mont central qui s’élève plus haut que ses bordures (5 km par rapport au point le plus bas du cratère), nommé Aeolis Mons ou Mont Sharp. Cette véritable montagne (voir figure4.1b) est constitué de dépôts stratifiés séparés par de nombreuses discordances, indiquant la nature sédimentaire de ces maté-riaux (Malin and Edgett,2000;Anderson and Bell,2010;Milliken et al.,2010;Deit et al.,

2013). Des processus sédimentaires ont ainsi été actifs au moins sporadiquement dans le cratère Gale. La partie supérieure du mont est couverte de poussière, ce qui ne permet pas d’identifier les matériaux qui constituent l’essentiel du volume du mont Sharp. Les quelques affleurements semblent cependant indiquer qu’il est en majeure partie formé de sédiments détritiques d’origine eolienne : des composants fins comme du sable, de la poussière et des cendres volcaniques qui ont cémentés pour former des grés (Anderson and Bell, 2010;Deit et al., 2013). Les strates les plus en aval du mont (notées « Dépôts stratifiés » sur la figure4.1c) sont moins couvertes de poussières, ce qui a permis à l’ima-gerie hyperspectrale d’y cartographier des minéraux hydratés (Milliken et al.,2010; Pou-let et al., 2014). Les unités stratifiées comportant des phyllosilicates sont insérées entre des lits riches en sulfates, ce qui indique une variation du faciès chimique de déposition de ces strates dans Gale (voir figure1.3). L’étude par Curiosity de ces strates de minéraux argileux et hydratés permettrait d’établir en détail la chimie de ces dépôts, ce qui infor-merait sur l’habitabilité passée et présente de Gale. Ces strates, encore à quelques km du robot en août 2014, consituent ainsi la cible scientifique principale de la mission MSL.

Plusieurs cônes alluviaux sont présents en bordure du cratère (Anderson and Bell,

2010), dont un directement au nord du site d’atterrissage de Curiosity (voir figure 4.1c). Ce cône alluvial a été nommé Peace Vallis et est décrit en détail dansPalucis et al.(2014). Il était probablement alimenté par les fontes périodiques des neiges situées sur le plateau au nord du cratère et Curiosity a atterri a quelque centaine de mètres des matériaux qu’il a déposé dans le cratère. Plusieurs conglomérats fluviaux (des « alluvions ») ont été obser-vés par Curiosity le long de son trajet dans les plaines du nord de Gale, indiquant qu’au moins de brefs épisodes (quelques dizaines d’années au moins) d’écoulement d’eau s’y sont déroulésWilliams et al.(2013).

L’étude par Deit et al. (2013) des morphologies et des recoupements des strates a permis de reconstituer la séquence des événements sédimentaires dans le cratère Gale. La morphologie des unités composant le plancher du cratère. La séquence peut être re-présentée schématiquement comme sur la figure 4.2 et résumée sommairement comme suit :

— après la dissipation des conditions hydrothermales dues à l’impact, le sous-sol est gelé et la glace d’eau est stable à la surface sous certaines conditions d’obliquité (obliquité qui peut varier de plusieurs dizaines de degrés en quelques dizaines

FIGURE 4.1 – a) Topographie (MOLA) de la région de Gale crater avec des lignes de niveau tous les 250 m de dénivelé. Cette figure est modifiée d’aprèsPalucis et al.(2014). b) Image oblique du cratère de Gale issue d’une combinaison des données HRSC et MOC (crédits : NASA/JPL-Caltech/ESA/DLR/FU Berlin/MSSS). c) Image CTX de la région spécifiée dans b) Les étoiles jaunes indiquent le site d’atterrissage de Curiosity.

de millions d’années, Laskar et al., 2004). Les dépôts sédimentaires détritiques commencent, comprenant de la neige, des poussières et des cendres.

— la neige et la glace présentes à la surface fondent épisodiquement. De l’eau percole dans le régolite et y altère les sédiments, ce qui forme les argiles et sulfates (le mécanisme est décrit dans Kite et al., 2013a). Le sous-sol toujours gelé à une certaine profondeur (pergélisol) agit comme une couche imperméable empêchant l’eau de s’infiltrer plus bas et provoquant des coulées sur les flancs du cratère et du mont central (création des canyons).

— les cônes alluviaux se forment en bordure du cratère suite à des épisodes de fonte des neiges des plateaux environnant qui se déversent dans Gale, comme Peace Vallis. Ces épisodes fluviatiles sporadiques conduisent à l’accumulation de dépôts alluviaux sur le plancher du cratère.

— un lac, peut-être gelé en surface, rempli les parties les plus basses du plancher de Gale. Des minéraux hydratés se déposent au fond. L’eau provient des mécanismes précédents : fonte des neiges et imperméabilité du sous-sol profond qui reste gelé. — durant tout ce temps, dépôts et érosion éoliens concourrent à la formation du mont et à l’affleurement des différentes unités sédimentaires (selon leur solidité). L’es-sentiel du mont est probablement d’origine détritique, les apports en matériaux des processus fluviaux et lacustres sont bien plus limités (Kite et al.,2013b). Le mont central est entouré de dunes de sable sombres (voir figure4.1), à l’exception des plaines du nord où Curiosity s’est posé (le site d’atterrissage du robot est indiqué par des étoiles jaunes dans les figures4.1 et 4.3). Les dunes sont composées de fins dépôts éoliens (d’après leur faible inertie thermique, < 260 J.K−1.m−2.s−1/2 sur la figure 4.3) riches en olivine et en pyroxènes (Rogers and Bandfield, 2009; Lane and Christensen,

FIGURE 4.2 – Vue schématique de la chronologique de la séquence des processus sédi-mentaires actifs dans le cratère Gale. On voit que le cratère Gale a connu une activité sédimentaire sporadique au long de son existence, impliquant des processus aqueux va-riés. Figure modifiée d’aprèsDeit et al.(2013).

2013; Seelos et al., 2014) et doivent être traversées là où elles sont les plus étroites par Curiosity (en raison d’un risque d’enlisement du robot) pour atteindre les dépôts strati-fiés de minéraux hydratés à la base du mont Sharp (Grotzinger et al.,2012). Les plaines du nord de Gale sont couvertes de poussière, ce qui masque les matériaux sous-jacents depuis l’orbite (Milliken et al., 2010; Poulet et al., 2014) mais les données morpholo-giques et thermo-physiques (figure4.3) permettent de discriminer les différentes unités sédimentaires et donnent quelques indices sur leur histoire (Fergason et al., 2012; Deit et al.,2013).

Curiosity a atterri dans une unité texturale et thermo-physique du plancher du cratère nommée Plaines Bosselées (traduction de « Hummocky Terrains », d’après la terminolo-gie adoptée parFergason et al.,2012) et notée PB sur la figure4.3. Les dépôts distaux du cône alluvial de Peace Vallis (indiqués en pointillés sur la figure4.1c) présentent une tex-ture particulière ainsi qu’une inertie thermique plus élevée que l’unité PB et que le cône alluvial lui-même (vers 450 J.K−1.m−2.s−1/2 contre 300-400 J.K−1.m−2.s−1/2 pour PB, voir figure4.3). Ils sont également situés plus bas que les terrains environnants, indiquant que les matériaux qui étaient au dessus étaient moins solides et se sont érodés plus vite. L’imagerie haute résolution (HiRISE et CTX) montre que cette unité est d’aspect clair et fracturé (l’unité est nommée « SF » pour sédiments fracturés sur la figure4.3). Depuis son site d’atterrissage dans les plaines bosselées, la première partie de la mission a amené le robot à aller explorer l’unité SF en raison de sa proximité malgré le fait que cela l’éloignait un peu des principales cibles scientifiques de la mission (les dépôts stratifiés à la base du mont Sharp). L’analyse par l’instrument CheMin de matériaux de l’unité SF récupérés par des forages une dizaine de cm sous la surface a permis l’identification d’argiles, re-présentant environ 20 % de la masse des échantillons (Bish et al.,2013;Grotzinger et al.,

2014).

Durant son trajet depuis l’unité PB jusqu’au point de traversée des dunes sombres, Curiosity a traversé l’unité PB dont les terrains deviennent plus rugueux à mesure qu’ils sont proches des dunes. Ces terrains, notés TR pour « Terrains Rugueux » ont une inertie thermique située entre celles de PB et de SF (voir figure4.3). L’essentiel de la traversée jusqu’au sol 450 de la mission de MSL s’est cependant déroulée dans l’unité PB (à part

FIGURE4.3 – A gauche : image CTX (B02_010573_1755_XI_04S222W) des environs de Curiosity. Le cône alluvial de Peace Vallis est visible sur la partie supérieure de l’image. A droite : inertie thermique THEMIS (Fergason et al.,2012) superposée sur l’image CTX montrée à gauche. Le site d’atterrissage de Curiosity est indiqué par une étoile jaune, et son trajet par une ligne noire (continue jusqu’au sol 450, en pointillé depuis). Les trois principales unités texturales et géologiques rencontrées par le robot sont indiquées : SF pour sédiments fracturés, PB pour plaines bosselées et TR pour terrains rugueux.

l’excursion dans SF). Les valeurs d’inertie thermique des unités PB, SF et TR sont les plus élevées jamais rencontrées par un robot à la surface de Mars et indiquent des maté-riaux cémentés ou dôtés d’une grande cohésion sur des dizaines de cm (Fergason et al.,

2012;Arvidson et al.,2014). L’imagerie haute résolution révèle la très faible abondance surfacique (< 1 %) de rochers de taille >0.5 m sur ces trois unités présentes à l’intérieur de l’ellipse d’atterrissage de MSL (Fergason et al.,2012).