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la relation commerce-croissance et pauvreté : rappels théoriques et résultats des

Les effets des réformes commerciales sur la performance économique et les états de la pauvreté constituent un sujet de débat entre les économistes. Tandis que pour certains, le

libre-échange et l’ouverture des marchés constitue la clé de la réussite économique et de

la réduction de la pauvreté, pour d’autres, la libéralisation commerciale peut être un

facteur d’inégalité et de pauvreté.

Selon la théorie standard du commerce international (Hecksher-Ohlin-Samuelson, mieux connue sous le sigle HOS), basée sur le concept d’avantages comparatifs, le commerce est source de gains pour tous les pays participant à l’échange. Ces gains sont statiques et

concernent l’augmentation du revenu national. Cependant, les prédictions de la théorie

standard du commerce n’étaient que partiellement consistante avec les résultats empiriques. Cela a engendré des nouvelles vagues de théories sur le commerce.

C’est ainsi que les nouvelles théories du commerce international (Krugman et Obstfeld, 2003), mettant en lumière le rôle des externalités et deux autres aspects absents dans la théorie traditionnelle, à savoir les rendements croissants et la concurrence imparfaite, montrent quant à elles que certains pays peuvent perdre à l’échange. En raison de la présence des rentes de monopole ou d’oligopole résultant d’un marché de concurrence

imparfaite, un pays plus efficient peut ne pas pouvoir pénétrer sur le marché d’un produit.

Un pays peut donc s’engager dans une spécialisation qui va le conduire sur une trajectoire de croissance inférieure à celle qu’il aurait suivie en l’absence d’échange. Cependant, même dans ces nouvelles théories de commerce international, les gains restent statiques.

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Les gains dynamiques seront mis en évidence par les théories de croissance endogène, lesquelles insistent sur le rôle des économies d’échelle et du progrès technique dont la diffusion est canalisée par le commerce.

Au niveau empirique, pour tester la nature du lien entre le commerce, la croissance et la

pauvreté, les études économétriques se sont multipliées. On notera qu’alors que la théorie

standard du commerce international met seulement en évidence un effet statique du commerce sur le niveau du revenu (et non sur sa croissance), il existe en fait très peu d’études évaluant l’impact du commerce (ou de la libéralisation commerciale) sur le

revenu national ; la quasi-totalité des études évaluant l’impact du commerce sur la

croissance économique.

Un certain nombre d'études empiriques démontre en effet une corrélation positive entre l'ouverture commerciale et la croissance économique. C’est ainsi que Michaely (1977) a trouvé une corrélation positive entre la croissance des exportations et la croissance du PIB, prenant comme échantillon les pays en développement. Feder (1983) a entrepris le même exercice pour les pays semi-industrialisés, et a trouvé la même relation positive.

Syrquin et Chenery (1989) ont démontré que l’ouverture ajoute entre 0,2 et 1,4 point de

pourcentage au taux de croissance. Balassa (1985), dans son étude sur le cas des pays en développement, a prouvé que les pays les plus ouverts enregistrent en moyenne un taux

de croissance le plus élevé. Le même constat a été établi dans l’étude d’Edwards (1991)

et dans le rapport de la Banque mondiale (1987).

Une étude marquante a été menée en 1995 par Sachs et Warner pour tester l’impact de politiques de libéralisation commerciale sur la croissance. Dans ce but, ils ont procédé à la classification des pays entre « fermés » et « ouverts » et ils ont comparé les croissances respectives des deux groupes. Leur conclusion est que les économies ouvertes ont enregistré un taux de croissance moyen annuel de 4,5 % dans les années 70 et 80, tandis que celui des économies fermées atteignait à peine 0,7 %. D'après eux, non seulement les pays ouverts croissent plus rapidement que les pays fermés, mais les économies ouvertes

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pauvres croissent plus rapidement que les économies ouvertes riches. Les auteurs identifient ainsi une convergence conditionnelle : les pays en développement peuvent rattraper les pays riches à condition qu’ils soient ouverts et intégrés dans l’économie mondiale.

Wacziarg et Welch (2003) poussent l’analyse de Sachs et Warner en mettant à jour

l’analyse de l’ouverture et confirment la conclusion de ces derniers selon laquelle la libéralisation commerciale a un effet bénéfique sur la croissance. De leur côté, les deux économistes de la Banque Mondiale, Dollar et Kray (2001), dans leur étude intitulée « la croissance est bonne pour les pauvres » détectent aussi un effet positif et significatif des échanges commerciaux sur la croissance et font valoir que cela "mène à des augmentations proportionnelles des revenus.

En revanche, Rodrik et Rodríguez (2001) ont attaqué ces conclusions "pro-échanges". Ils ont surtout critiqué les méthodes utilisées pour mesurer l'ouverture, lesquelles conduisent les économistes à surestimer la valeur des régimes de libre-échange pour les pays en développement. A leur avis, la priorité accordée à la politique commerciale génère des attentes peu susceptibles de se concrétiser.

Bhagwati et Srinivasan (2002), quant à eux, considèrent que l’analyse de régression n’est

pas une méthode appropriée pour appréhender la complexité de la relation

commerce-croissance ; la plupart des études se heurtant a des problèmes de mesure de l’ouverture, et

d’isolement des impacts de la libéralisation des échanges sur la croissance. Les positions relatives au lien entre libéralisation et croissance deviennent alors plus nuancées, à titre d’exemple dans son rapport de 2004, la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) affirme que « ce sont les pays qui se sont ouvert le plus modérément qui ont connu les meilleures performances » au cours des années récentes. Le débat est loin d’être terminé, et se complique davantage lorsque les implications en termes de pauvreté et des inégalités sont mises en jeu. En effet, la corrélation entre le commerce et la pauvreté est extrêmement complexe et propre à chaque cas :

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Théoriquement, dans sa version la plus simple, la théorie classique du commerce

international stipule que le libre-échange permet à un pays d’exporter davantage des

produits intensifs en son facteur relativement abondant qui voit alors sa demande et sa rémunération augmenter. Dans les pays en développement, on devrait alors assister à une augmentation de la demande du travail non qualifié, et à une réduction des inégalités et de la pauvreté. Cependant, l’impact sur les salaires et l’emploi n’est pas le seul aspect des effets directs du commerce sur la réduction de la pauvreté. Winters (2002) a mis au jour deux autres éléments importants :

1- La répercussion des variations des prix à la frontière sur les prix effectifs que doivent payer les pauvres,

2- La variation des recettes et des dépenses publiques. L’importance relative de chacun de ces effets, à savoir l’effet prix et l’effet-revenu, détermine l’impact final du processus de libéralisation.

Dans les faits, les études empiriques ne sont pas toutes unanimes à ce sujet ; si certaines affirment que le commerce réduit les inégalités, d’autres sont plus mitigées. Une étude de la Banque Mondiale (2005a) a montré que durant les années 90, les pays en développement qui ont entrepris des réformes de libéralisation commerciale, ont enregistré une réduction de leur pauvreté mais ont connu une augmentation des inégalités. De leur côté, Kremer et Maskin (2007) ont montré que la libéralisation commerciale est favorable en général aux élites des pays riches et pauvres, et qu’elle renforce donc les inégalités de revenus.

Une étude récente réalisée par Helpman et alii (2012) a examiné l’évolution des salaires

au Brésil à la suite des réformes de libéralisation commerciale, sur la période 1986-1998. Leur modèle a prédit une relation en U inversée entre la libéralisation commerciale et les

inégalités : Une économie initialement non ouverte qui réduirait ses coûts d’échange

connaitrait d’abord une augmentation des inégalités salariales pour atteindre un pic, puis

elles diminuent. Leur conclusion était optimiste et affirmait que la poursuite de l’ouverture commerciale devrait réduire les inégalités dans ce pays.