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Chapitre 4 - L’adhésion du Liban à l’OMC et pauvreté : Analyse d’équilibre partiel

4. La méthodologie empirique

Cette section cherche à identifier la meilleure méthodologie permettant d’estimer les impacts distributifs d’une libéralisation accrue au Liban. En effet, toute étude qui tente d’évaluer les effets globaux d’une libéralisation commerciale sur la pauvreté et les inégalités d’un pays nécessite des techniques complexes de modélisation et l’adoption de plusieurs hypothèses de départ (Goldberg et Pavcnik, 2007).

Les modèles d’équilibre général calculable, considérés comme l’outil idéal pour présenter une vue d’ensemble de l’économie, ne sont pas adaptés pour analyser l’impact distributif

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des politiques macro-économiques. En effet, une analyse adéquate de celui-ci nécessite de dépasser l’hypothèse de l’agent représentatif, principale limite des MEGC, pour intégrer un grand nombre de ménages représentatifs du pays en question.

Dans ce but, plusieurs économistes tentent de développer des méthodes permettant d’examiner les effets des chocs macroéconomiques sur la pauvreté et les inégalités d’un pays. La littérature économique cherchant à analyser les questions relatives à la pauvreté au moyen des modèles d’équilibre général calculables s’est développée et trois principales approches sont suivies. La première approche consiste à stratifier le ménage représentatif du MEGC en un petit nombre de groupes homogènes en fonction des critères issus d’une enquête sur les ménages, tels que le type de travail, le lieu de résidence, etc. Cette approche initialement proposée par Adelman et Robinson (1978) fournit une estimation des changements du revenu moyen de chaque groupe de ménages par rapport au scénario de base. Cependant, elle ne tient pas compte des inégalités intra-groupes, supposant que la variance des revenus au sein de chaque sous-groupe est

insensible aux chocs économiques. Cela limite la capacité de cette approche d’estimer les

effets des chocs simulés sur les inégalités et la pauvreté (Reimer, 2002).

Pour surmonter cette lacune, des études récentes complètent les modèles d’équilibre

général calculables avec des micro-simulations. On distingue deux grandes catégories : les modèles de micro-simulations intégrées et les modèles de micro-simulations séquentielles. La première catégorie revient à intégrer dans un MEGC standard chacun des ménages d’une enquête-ménages sur le revenu et les dépenses des ménages. Employée surtout par Cogneau et Robilliard (2000) et Cockburn (2001), cette approche permet de tenir compte de l’hétérogénéité des ménages relative à leur préférence de consommation et à leurs dotations factorielles, contournant ainsi l’hypothèse de l’agent représentatif. Malgré ses avantages, cette approche ne sera pas employée dans cette

étude : il faudrait construire un MEGC d’une grande dimension, dans lequel l’agent

représentatif des ménages sera désagrégé pour inclure les 7.431 ménages de l’enquête

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d’informations, surtout celui relatif aux niveau et sources du revenu, qui pèse toujours pour reconstruire une matrice de comptabilité sociale désagrégée.

La deuxième catégorie est connue sous le nom de la microsimulation séquentielle ou la

technique descendante. Elle consiste à construire un MEGC standard simulant l’impact

des chocs économiques sur les prix des biens et des facteurs de production. Ces derniers seront intégrés dans l’enquête ménages afin d’estimer les nouveaux vecteurs de revenu et de consommation et de calculer les nouveaux indices de pauvreté.

Tenant compte des données disponibles au Liban, la méthodologie la plus convenable pour explorer l’effet de la réforme commerciale sur la distribution des revenus et sur la

pauvreté au Liban est la microsimulation séquentielle. Elle suppose l’utilisation des

données d’enquêtes pour évaluer économétriquement ou comptablement (dans notre cas) les impacts du choc. L’analyse se base sur deux liens : le premier liant la réforme commerciale aux prix, le deuxième liant les prix au bien-être des ménages.

Plus exactement, l’analyse d’équilibre général présentée dans le troisième chapitre

permet de capturer les e!ets directs et indirects de la libéralisation commerciale sur les

prix relatifs des biens produits et consommés dans les di!érents secteurs du pays. Les variations des prix seront par la suite transmises dans une analyse d’équilibre partiel, faisant usage d’une large enquête sur les ménages. La procédure choisie consiste ainsi à communiquer les prix considérés comme exogènes dans l’analyse microéconomique. Les données disponibles via l’enquête-ménages seront utilisées pour estimer l’évolution des dépenses de chaque ménage, et celle de son revenu, et pour calculer les nouveaux indicateurs de pauvreté et d’inégalité.

Cette analyse, connue également sous le nom de l’approche top-down, consiste à établir un pont de l’analyse macro (top) vers l’analyse micro (down). Ce pont est cependant à sens unique, puisque les effets de rétroactions des ménages sur les résultats du MEGC ne

seront pas pris en compte. En effet, tandis que notre analyse d’équilibre partiel est basée

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que les ménages sont preneurs des prix, et que ces prix donnés équilibrent tous les marchés, notre étude ne cherche pas à assurer une cohérence complète entre l’analyse micro et les prévisions du MEGC : les deux modèles sont utilisés séparément et dans des

conditions différentes ; le MEGC adoptant une agrégation des ménages sous l’hypothèse

de l’agent représentatif, alors que la microsimulation se réfère à l’enquête-ménages afin de tenir compte des hétérogénéités existantes entre les ménages. Cette analyse séquentielle aidera à mieux cerner la plus ou moins grande sensibilité des ménages aux variations des prix, relative à chaque type de produit, ce qui permettra d’évaluer l’impact qu’aura le choc de la libéralisation sur la pauvreté et les inégalités.

En effet, l’adhésion d’une petite économie, telle que celle du Liban, à l’OMC, aura pour effet probable de modifier les prix des biens échangeables. Dans un deuxième temps, ces variations du prix affecteront les ménages en tant que consommateurs et bénéficiaires de revenus induisant un effet de consommation et un effet-revenu. Pour évaluer ces deux effets et estimer l’effet sur le bien-être global, on a recours aux parts budgétaires des

dépenses des ménages par catégories de biens et à leurs revenus tirés de l’enquête

-ménages de 2004, dont les détails seront examinés dans la section suivante.