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Chapitre 1. La gestion des déchets dans la déconstruction de bâtiments

3.3 Recyclage

Le recyclage est défini comme « toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits

aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins » (Code de l’Environnement 2015b). Il s’agit d’un traitement applicable sur de nombreux déchets, aussi bien inertes, non dangereux, que

dangereux. Afin de mieux appréhender le recyclage, nous reprenons les termes couramment utilisés en Analyse de Cycle de Vie (ACV), qui distinguent le recyclage en deux principaux procédés : le recyclage en boucle fermée et le recyclage en boucle ouverte.

3.3.1 En boucle fermée

Dans un recyclage en boucle fermée, le matériau est recyclé pour être réintroduit dans la production du même produit dont il est issu (Figure 1.4).

Figure 1.4 : Recyclage en boucle fermée (Ligthart et Ansems 2012)

Afin d’illustrer ce traitement, nous proposons des exemples issus des matériaux du

bâtiment :

- Le verre plat est recyclable pour produire du nouveau verre plat. Cependant, le recyclage nécessite une récupération propre du verre, exempt de poussière ou de toute autre déchet de nature différente.

- Les métaux recyclés pour fabriquer des produits identiques à leur utilisation initiale subissent un recyclage en boucle fermée. Ce dernier se réalise généralement en deux temps : une préparation de la matière chez un ferrailleur, puis un recyclage dans une fonderie.

- Le plâtre est également recyclable pour fabriquer de nouvelles plaques de

plâtre. Son recyclage s’effectue directement dans les centrales de plâtre. Pour

ce faire, le plâtre doit contenir au maximum 2 % d’impuretés (e.g. matériau d’isolation, bois, métal, plastique…) (Marlet et al. 2015c).

- Les DEA en bois sont broyés et transformés en panneaux de particules qui peuvent servir à concevoir du nouveau mobilier. De la même manière peuvent être recyclés le verre et les enrobés.

- La laine minérale est recyclable dans certains pays européens dans la production de nouvelle laine minérale (EURIMA 2016). En France, ce procédé est novateur, porté par une unique entreprise, qui teste le recyclage de la laine

de verre sur l’Île-de-France et le Sud-Est (Pincemin 2018).

- L’huile de vidange, qu’on peut rencontrer lors de la déconstruction d’un

garage par exemple, est recyclable et peut être de nouveau utilisée après raffinage.

- Le recyclage du béton en tant que nouveau béton se situe encore à un stade

de recherche, et n’est pas encore porté au niveau industriel. Pourtant des études à travers le monde ont prouvé l’intérêt économique et environnemental

du procédé (Ben Fraj 2015; Colangelo et al. 2018; Knoeri et al. 2013; Marinkovic

et al. 2010; Wijayasundara et al. 2017). En France, le projet Recybéton (Colina

et De Larrard 2015) cherche à étudier et de promouvoir le recyclage du béton dans du nouveau béton. Les freins au déploiement de ce type de recyclage sont connus. Un béton produit avec du béton recyclé voit ses caractéristiques

mécaniques diminuer, possède une forte absorption d’eau qui peut affecter la

lixiviations ou de relargages potentiels (Batiactu 2017; Ben Fraj 2015; Berredjem et Arabi 2009; IREX 2018; Shahidan et al. 2017; Vernus 2015). De ce fait, les tests

de conformité sont très stricts et empêchent ce recyclage d’aboutir à plus grande échelle. Plusieurs pistes d’amélioration sont envisageables. Réduire le pourcentage de matériaux indésirables (e.g. plâtre, bois) permettrait

d’accroître la qualité des granulats recyclés. Cependant, dans un centre de

recyclage, le tri de ces matériaux nécessite des équipements pointus, e.g. tri par rayons X ou par spectrométrie infrarouge (Leguen 2015). Le plus simple serait

d’effectuer ce tri lors de la déconstruction (IREX 2018; Silva et al. 2014). La déconstruction serait un procédé idéal pour promouvoir le recyclage du béton en béton. Des travaux sur la formulation des bétons à partir de combinaison de granulats recyclés et non recyclés (IREX 2018) ou l’application de traitements

particuliers sur les granulats recyclés (Shahidan et al. 2017) sont également en cours.

3.3.2 En boucle ouverte

En boucle ouverte, le matériau recyclé est utilisé dans la fabrication d’un nouveau

produit, généralement de niveau inférieur à son produit initial (Figure 1.5). Nous pouvons alors parler de « downcycling » car le matériau perd de sa qualité.

Figure 1.5 : Recyclage en boucle ouverte (Ligthart et Ansems 2012)

Le recyclage du béton est un bon exemple de downcycling. Puisque les conditions

pour un recyclage en boucle fermée ne sont pas encore réunies, le béton est pour l’instant

recyclé en granulats de sous-couche routière. Il perd de sa qualité et n’est pas utilisé pour

reproduire du béton. Sa transformation sur un site de recyclage s’effectue en plusieurs étapes : une préparation avec pour objectif la réduction des blocs éventuels, du concassage, du criblage (séparation des éléments grossiers et des fines), du déferraillage et un dernier tri manuel ou mécanisé (CEREMA du Centre-Est 2014). Les caractéristiques géotechniques des granulats obtenus doivent être mesurées afin de vérifier leur capacité à être recyclé. Ces essais déterminent la composition des granulats. En effet, les granulats sont rarement faits

exclusivement de béton. Malgré les étapes de recyclage, des résidus d’autres composants subsistent. Les constituants potentiels de granulats recyclés sont présentés dans le Tableau 1.2.

Tableau 1.2 : Constituants des granulats recyclés (AFNOR 2009)

Constituant Description

Rc Béton, produits à base de béton, mortier Éléments de maçonnerie en béton Ru Graves non traitées, pierre naturelle

Granulats traités aux liants hydrauliques Rb

Éléments en terre cuite (e.g. briques et tuiles) Éléments de maçonnerie en silicate de calcium

Béton cellulaire non-flottant Ra Matériaux bitumineux (e.g. enrobés)

Rg Verre

X

Argile, sols

Métaux (ferreux et non-ferreux) Bois, plastique et caoutchouc non-flottant

Gypse, plâtre

Le CEREMA a effectué des recommandations concernant la composition des granulats recyclés (CEREMA 2016) :

- Pour des granulats à base de béton, 𝑅𝑐𝑢𝑔+ 𝑅𝑏≥ 90 %

- Pour des granulats à base d’enrobés : 𝑅𝑎≥ 80 %

- Quel que soit le constituant majeur des granulats : 𝑋 ≈ 0 %

Les propriétés chimiques sont également étudiées. Sauf contre-indication (e.g. mauvais résultats après test de lixiviation), les granulats sont utilisables directement en sous-couche routière. Si les caractéristiques mécaniques doivent être améliorées, les granulats recyclés sont mélangés à des granulats vierges. Le meilleur moyen pour obtenir des granulats de bonne qualité reste cependant la déconstruction, grâce à laquelle un béton propre (moins de constituants aux propriétés géotechniques réduites) est plus aisément obtenu.

Les bois de classe A et B, après broyage, sont utilisés à 80 % pour fabriquer des panneaux de particules (Pennequin et al. 2016; SEDDRE et Crowe Sustainable Metrics 2019). Du mobilier et des cloisons sont ensuite construits avec ces panneaux. Les 20 % restants du bois broyé sont utilisés pour produire de la chaleur (§3.7).

Les métaux et les plastiques (e.g. PVC, polystyrène), même issus de DEEE, de batteries ou des VHU, sont récupérés pour fabriquer de nouveaux produits, différents de leur fonction initiale. Le verre peut être recyclé pour produire de la laine de verre, mais ce processus est moins fréquent que le recyclage en boucle fermée, qui produit du verre à partir de verre usagé (SNED et al. 2018).

Il est à signaler que certains éléments recyclables nécessitent une séparation préalable. Les fenêtres entrent dans cette catégorie, étant composées de verre et d’un montant d’une autre nature (e.g. bois, aluminium, platin, PVC). La séparation peut s’effectuer

sur le site de traitement ou directement sur le chantier de déconstruction (GTM Bâtiment 2014; Leray 2016). Une séparation sur site implique un temps de travail supplémentaire, mais le bénéfice du recyclage est directement obtenu après sortie du chantier. Le recyclage du métal issu du panneau sandwich et le recyclage des composants de la brique plâtrière nécessitent des techniques et des équipements plus poussés, qui ne sont pas réalisables manuellement. À ce jour, pour la séparation de la brique plâtrière, une seule entreprise dispose

de cet équipement. L’entreprise est située en région Auvergne-Rhône-Alpes. Après séparation, la brique est valorisée dans les granulats routiers tandis que le plâtre est recyclé dans des cimenteries (SNED et al. 2018).

La société Inertam, basée à Morcenx dans les Landes, est à ce jour, la seule en France, à proposer un recyclage des déchets amiantés. Après un tri, les déchets sont placés dans un

four chauffé par des torches à plasma. La très haute température (1500°C) solidifie l’amiante

en vitrifiât qui, une fois broyé, est utilisable en sous-couche routière (Graindorge 2014). Sous

cette forme vitrifiée, l’amiante perd sa structure fibreuse et, de ce fait, tous les risques de santé provoqués par son inhalation.