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Chapitre 1. La gestion des déchets dans la déconstruction de bâtiments

3.6 Centres de tri

Les centres de tri représentent le dernier rempart avant l’élimination des déchets par incinération ou enfouissement. Ils récupèrent les déchets qui n’ont pas pu être triés sur un

chantier de déconstruction pour des raisons économiques (e.g. temps de travail supplémentaire jugé trop important) ou organisationnelles (e.g. mauvaise gestion de l’espace

sur chantier). Ils extraient du mélange de déchets les matériaux valorisables. Ces derniers sont envoyés vers les filières correspondantes, tandis que le mélange restant est destiné au stockage.

3.6.1 Techniques de tri

Il existe différentes techniques de tri (FNADE 2012) :

- Tri manuel

- Tri mécanique, avec des machines (e.g. pelle hydraulique, concasseur-cribleur). Le tri à la pelle hydraulique est la technique la plus utilisée dans les centres de tri français.

- Tri automatique, avec des chaînes de tri automatisées (e.g. séparateur magnétique, tri optique). Il s’agit de la technique la moins répandue en France

actuellement.

La technique de tri utilisée conditionne les types de déchets triés. Une étude française sur 105 centres de tri accueillant des déchets non dangereux (FNADE 2012) a permis d’étudier

les différentes techniques (Tableau 1.3).

Tableau 1.3 : Répartition des centres de tri concernés par les différentes techniques de tri (FNADE 2012)

Nature de déchet Tous types

confondus* Pelle à grappin Chaîne manuelle Chaîne automatisée Cartons 100 % 100 % 100 % 100 % Ferraille 92 % 90 % 95 % 100 % Housses plastiques PE 87 % 86 % 90 % 85 % Bois B 78 % 76 % 80 % 85 % Papier suivant norme

EN643 77 % 78 % 80 % 69 % Bois A 59 % 53 % 75 % 69 %

Inertes (gravats, verres…) 58 % 51 % 70 % 77 % Non ferreux 47 % 42 % 60 % 54 % Plastiques durs PE 30 % 32 % 25 % 31 % Autres plastiques durs 26 % 29 % 10 % 31 % Autres (fermentescibles,

pneus, DEEE...) 21 % 18 % 35 % 31 % * Moyenne pondérée selon le type de tri

Les déchets les plus généralement triés sont les cartons, la ferraille, les housses plastiques et le bois de classe B. Les trois quarts des centres de tri les séparent car leur tri est aisé et leur valorisation est avantageuse (faible coût et filières répandues sur le territoire français). Contrairement à la ferraille, les métaux non ferreux sont moins fréquemment triés à cause de leur petite taille. En effet, ils sont trouvés les plus fréquemment dans le mobilier, les DEEE ou encore les réseaux électriques. Leur tri représente un trop gros investissement (e.g. plus de main

d’œuvre, une chaîne automatisée plus spécifique…) par rapport à leur rentabilité. Les

plastiques et les autres petits déchets valorisables sont confrontés au même problème. Des déchets inertes peuvent être gérés dans ces centres lorsque le tri sur chantier est mal effectué (i.e. DI mélangés dans des DND).

Ces données ne montrent pas la supériorité d’une technique par rapport aux autres.

Chacune présente ses propres avantages en matière de déchet trié et elles peuvent se compléter sur un même centre de tri pour augmenter la récupération de déchets. Un centre

Il existe cependant un élément important à considérer. Les chiffres du Tableau 1.3 informent sur les capacités des techniques de tri, mais ne représentent pas la réelle performance de tri. 100 % des chaînes automatisées trient le carton, mais cela ne signifie pas que 100 % du carton est trié et valorisé. Le taux de valorisation a été évalué, selon la richesse estimée du gisement, en fonction des techniques de tri (FNADE 2012) :

- Pelle à grappin : entre 10 et 20 %

- Chaîne manuelle : environ 40 %

- Chaîne automatisée : entre 50 et 75 %.

La chaîne automatisée montre ici sa supériorité. Plus efficace, elle permet de trier plus de matériaux, mais son investissement initial est le plus conséquent. La pelle à grappin, qui est la technique la plus répandue, est la moins efficace tout en étant la moins chère. Une chaîne manuelle se situe entre les deux autres techniques, autant en termes de tonnage géré que

d’investissement (FNADE 2012).

3.6.2 Pratiques courantes

Les résultats du Tableau 1.3 prennent en compte la gestion éventuelle de déchets inertes mélangés dans des bennes de déchets non dangereux. Ce fait peut survenir lorsque le tri sur chantier est mal effectué. Cependant, il est de moins en moins rencontré. Les déchets inertes sont plus systématiquement envoyés dans un centre de tri approprié : un centre de tri de déchets inertes. La raison est principalement économique. Un centre de tri de déchets non

dangereux est plus cher qu’un centre de tri de déchets inertes (de l’ordre de 10 fois supérieur par tonne). Lorsqu’une benne est réceptionnée dans un centre de tri de déchets non dangereux, la gestion de son contenu est estimée économiquement grâce à un prix au

tonnage. La nature du contenu n’est pas vérifiée. Laisser des déchets inertes, denses, dans une

benne de déchets non dangereux serait un énorme désavantage pour le bilan financier du

chantier. Par contre, l’inverse, c’est-à-dire mettre des déchets non dangereux dans une benne

destinée à un centre de tri de déchets inertes, n’est pas acceptable: la benne fait l’objet d’un

contrôle et peut être déclassée au prix d’une benne de déchets non dangereux, voire refusée. Évidemment, aucun de ces centres de tri (inertes et non dangereux) n’acceptent de déchets

dangereux. Ces derniers sont gérés par des centres spécialisés, qui effectuent plutôt du regroupement : les déchets dangereux de petite quantité sont rassemblés dans un même

endroit jusqu’à ce que leur transport vers un centre de recyclage ou de stockage soit

économiquement rentable.

Pour bien distinguer les centres de tri inertes et les centres de tri non dangereux, une

étude de l’ADEME (Treize Développement et Pöyry SAS 2011) permet de mieux étudier la performance des centres de tri. Le taux de valorisation moyen est estimé à 35 % pour les déchets inertes en mélange et 15 % pour les déchets non dangereux en mélange. Cette étude ne propose pas de distinction selon la technique de tri, mais des résultats moyens, représentatifs des centres de tri français classiques avec tri par pelle à grappin,

potentiellement accompagné d’un tri manuel.

Nous pouvons constater que les centres de tri actuels contribuent peu à la valorisation des déchets. En dépit de ce que pensent les professionnels du bâtiment, envoyer une benne

de déchets dans un centre de tri n’assure pas que son contenu valorisable sera engagé dans des voies de recyclage. Le tri complet d’une benne et sa valorisation totale sont impossibles.

Pour améliorer cela, il faudrait privilégier des chaînes de tri automatisées, plus efficaces qu’un

automatisées afin d’améliorer leur performance et trier plus de déchets (ADEME et AJI Europe 2012; LERM 2016; Leroy 2012). Mais l’acquisition de chaînes automatisées ne ferait que grossir

les investissements d’un centre de tri, déjà conséquents : acquisition et aménagement du terrain, équipement de tri initial, pont-bascule (pour peser les entrées et sorties de déchets),

personnel… À cause de ces investissements, les centres de tri peinent déjà à concurrencer

économiquement les centres de stockage, malgré l’augmentation constante de la TGAP et le

cas problématique des décharges sauvages. Se rajoutent les contraintes liées aux filières de valorisation (présence faible ou forte autour du centre de tri, fluctuation des prix de reprise selon la demande locale), le vandalisme, les difficiles conditions de travail du personnel lors

d’un tri manuel… Ces contraintes représentent tout autant de défis à relever et de leviers d’actions susceptibles d’améliorer la performance et l’attractivité des centres de tri dans un

futur proche (FNADE 2012; Treize Développement et Pöyry SAS 2011).