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Chapitre 4. Applications du modèle de déconstruction

2.2 Modèle orienté opérationnel

2.2.1 Résultats

L’application de l’algorithme d’optimisation a permis en moins de 3 mn de trouver 20

solutions optimales. La Figure 4.1 illustre les solutions avec leurs résultats sur les quatre fonctions-objectifs.

Figure 4.1 : Solutions optimales du modèle orienté opérationnel pour l’application n°1

Nous constatons que le délai évolue peu entre les solutions : il se répartit entre deux

curage : avec 4 ouvriers, le chantier obtient une durée totale de 14 jours et 3 ouvriers augmentent la durée totale à 16 jours. Les deux durées ont été jugées acceptables pour ce chantier ; le délai ne sera donc pas un critère important pour départager les solutions.

On peut ainsi se concentrer sur les fonctions-objectifs de coût, de taux de stockage et

d’émission de GES. Les solutions sont représentées par paires de fonctions-objectifs dans la Figure 4.2.

Figure 4.2 : Représentation des solutions optimales du modèle orienté opérationnel pour l’application

n°1 sur les paires de fonctions-objectifs (a) Coût et Taux de stockage, (b) Coût et Émission de GES et (c) Émission de GES et Taux de stockage

Toutes les solutions présentent un taux de stockage inférieur à 30 % (i.e. un taux de valorisation matière supérieur à 70 %). L’objectif réglementaire est alors atteint, bien

qu’aucune contrainte en matière de performance environnementale n’ait été renseignée

(variable contextuelle ValoMin).

Deux groupes de solutions se distinguent sur la Figure 4.2.a. Un premier groupe propose un taux de stockage entre 6 et 8 %, pour un coût plus faible. Le deuxième groupe a un coût

(b) (a)

moyen plus fort pour un taux de stockage plus important (entre 25 et 26 %). Sur ces deux objectifs, le premier groupe est nettement plus intéressant. La variabilité est plus grande sur la fonction-objectif de coût que sur celle du taux de stockage. Sur la fonction-objectif de coût, le premier groupe possède un coefficient de variation de 2,47 % tandis que celui du deuxième groupe est de 3,43 %.

Dans la Figure 4.2.b, les émissions sont inversement proportionnelles au coût : plus le coût est réduit, plus les émissions de GES sont importantes. Trois groupes de solutions apparaissent. Le premier groupe présente les coûts les moins chers, mais les émissions de GES les plus importantes. Il correspond au premier groupe identifié dans la Figure 4.2.a, avec un taux de stockage entre 6 et 8 %. Le deuxième groupe de la Figure 4.2.a se partage sur la Figure 4.2.b en deux sous-groupes. Le premier présente des coûts et des émissions de GES au niveau intermédiaire, avec une faible variabilité (coefficient de variation de 0,04 % pour le coût et de 0,92 % pour les émissions de GES). Le deuxième porte les solutions au plus fort coût, mais aux émissions GES les plus réduites. La variabilité y est plus forte (coefficient de variation de 3,33 % pour le coût et de 1,20 % pour les émissions de GES). Ainsi, pour atteindre une performance

environnementale plus efficace (réduction des GES), il est nécessaire d’augmenter le coût du

chantier.

La Figure 4.2.c montre de nouveau la distinction de deux groupes en fonction du taux de stockage. Un taux de stockage de 6 à 8 % conduit à des émissions entre 14 973 kg CO2 e et 15 593 kg CO2e, tandis qu’avec un taux de stockage avoisinant les 25-26 %, les émissions se

réduisent jusqu’à 12 610-14 504 kg CO2e d’émission (réduction de 13 % en moyenne). Il peut paraître contre-intuitif que l’augmentation de la valorisation (i.e. réduction du taux de

stockage) induise une augmentation des émissions de GES. Pour mieux comprendre ce fait, il faut étudier le détail des solutions avec leurs valeurs sur les variables de décision. Nous y viendrons par la suite.

Le Tableau 4.5 présente les résultats de deux groupes identifiés selon le taux de stockage, sur les trois fonctions-objectifs majeures : le coût, le taux de stockage et les émissions de GES. La fonction-objectif du délai est omise pour ce cas-ci, car sa variabilité est très faible.

Tableau 4.5 : Résultats des deux groupes de solutions optimales apportées par le modèle orienté

opérationnel pour l’application n°1

Coût (€) Taux de stockage (% massique) Émission GES (kg CO

2 e) Groupe 1 Groupe 2 Groupe 1 Groupe 2 Groupe 1 Groupe 2

Moyenne 46 539 53 394 7 25 15 189 13 191 Minimum 45 884 51 783 6 25 14 973 12 610 Maximum 49 253 56 956 8 26 15 593 14 504

Pour comprendre la provenance des différences entre les deux groupes, il faut étudier ces solutions vis-à-vis de l’espace de décision. Le Tableau 4.6 recense les résultats sur des variables de décision induisant les plus grandes différences entre les deux groupes : le nombre

d’ouvriers pour la phase de curage et le choix de traitement des déchets. Le nombre d’ouvriers

a une influence forte sur le coût et la durée du chantier. Nous nous concentrons sur l’influence

sur le coût, car la variabilité de la durée est très faible dans ce cas-ci (écart-type de 0,6 jours). Le traitement des déchets est la phase la plus émettrice en GES sur ce chantier. Elle serait

responsable de 65 % des émissions provoquées par les solutions du groupe 1 et de 54 % par les solutions du groupe 2.

Tableau 4.6 : Résultats des variables majeures de décision pour les deux groupes de solutions, selon le

modèle orienté opérationnel pour l’application n°1

Variable de décision Groupe 1 Groupe 2

Nombre d’ouvriers pour la

phase de curage

86 % 4 ouvriers et 14 % 3 ouvriers

92 % 4 ouvriers et 8 % 3 ouvriers

Traitement du béton 100 % Recyclage 100 % Recyclage Traitement du bois 100 % Recyclage 100 % Recyclage Traitement de la brique 70 % Recyclage dans le

béton et 30 % Tri

69 % Recyclage dans le béton et 31 % Tri Traitement de la brique

plâtrière 100 % Réaménagement 100 % Tri Traitement des DI divers 70 % Recyclage dans le

béton et 30 % Tri

60 % Recyclage dans le béton et 40 % Tri Traitement des DND divers 86 % Tri et 14 % ISDND 100 % Tri

La brique et les DI divers peuvent être recyclés avec le béton car leur proportion dans le mélange global est très faible (4 % si ces deux natures de déchets sont rassemblées avec le béton).

Pour le reste des variables de décision, les solutions sont presque identiques. Le tombereau (15 m3) a été sélectionné pour transporter les DI et des bennes de 30 m3 sont préférées pour les DND et le bois. Pour les centres de traitement, le coût et la distance étaient minimisés au plus possible. Le modèle a privilégié les centres aux courtes distances de transport même si le coût de traitement était légèrement plus élevé que les autres centres plus lointains (e.g. supplément de 5-10 €/T).

La différence majeure entre les deux groupes apparaît notamment sur le choix du traitement de la brique plâtrière. Le groupe 1 propose de l’utiliser pour réaménager des sites.

Le déchet étant valorisé, cela augmente le taux de valorisation du chantier. Or, le centre de traitement permettant cette valorisation se trouve loin du chantier (distance supérieure à 100 km). Le transport conduit à une augmentation des émissions de GES. En revanche, le coût pour

que la brique plâtrière soit exploité en réaménagement de site (il s’agit toujours d’un coût pour l’entreprise de déconstruction) est très faible par rapport au coût d’un centrede tri ou d’une

ISDND (le réaménagement est près de 60 % moins cher). Cela compense le coût de transport ; le coût total du chantier est ainsi réduit.

Inversement, le groupe 2 privilégie une gestion locale de la brique plâtrière, en

l’envoyant dans un centre de tri situé à 5 km du chantier. Le coût y est plus cher, la valorisation est très réduite, mais les émissions de GES sont limitées. De plus, malgré la non valorisation de

ce déchet, le chantier présenterait toujours un résultat conforme à l’objectif réglementaire des 70 % de valorisation matière.

2.2.2 Discussion

L’étude initiale faite par le chargé d’études se situe dans les solutions du groupe 1. Les

centres de traitement les moins chers, et par conséquent les centres de valorisation, ont été privilégiés pour réduire les prix, même si les distances étaient plus longues.

Les solutions obtenues par le modèle ont été présentées au chargé d’affaires responsable du futur chantier. Ce dernier privilégiait le même objectif que le chargé d’études : faire un chantier au moindre coût.

Traiter les déchets inertes et le bois en recyclage était inévitable. Comme le taux de valorisation est suffisant pour les groupes 1 et 2, les émissions de GES ont été retenues comme deuxième critère. Le moyen le plus facile de les réduire est d’assurer une valorisation tout en

limitant le transport. Les plateformes les plus proches et une gestion locale de la brique plâtrière ont ainsi été préférées. Parmi les 13 solutions optimales du groupe 2 (i.e. gestion locale de la brique plâtrière), une solution correspondait à la vision du conducteur de travaux. Avec le

maximum d’ouvriers sur chantier pour le curage (i.e. 4 ouvriers), la solution désignée réduisait

la durée de cette phase. Le reste du chantier était programmé avec une pelle hydraulique.

La solution a sélectionné les mêmes types de contenants que ceux de l’étude proposée par le chargé d’études pour les DND et le bois. Pour transporter les DI, la solution a privilégié le

contenant le plus grand, bien que le plus cher. Le chargé d’études avait préféré un contenant

de la gamme inférieure. La solution désignée privilégiait les sites de traitement les plus proches,

contrairement à l’étude. Les déchets valorisés directement (i.e. dès le premier centre de

traitement) comprennent le béton, le bois, la brique et les DI divers. Ce plan de gestion des déchets affectait légèrement le coût, mais réduisait les émissions GES (Quéheille 2019).

Le chantier a été réalisé en utilisant cette solution. Malgré les aléas (e.g. 4 ouvriers

n’étaient pas présents chaque jour sur le chantier), les résultats de la solution se sont montrés

proches de la réalité du chantier, avec des écarts acceptables (augmentation du coût de 5 % et des délais de 7 % entre le chantier et la solution). La différence de coût est majoritairement portée par une estimation de déchets en-deçà de la réalité. Des chiffres exacts sur la quantité de déchets évacués du chantier sont impossibles à obtenir car certains sites de traitement ne disposaient pas de pont-bascule permettant de peser les entrées de

déchets. Le chargé d’affaires a estimé que le gisement réel de déchets serait supérieur de

49 % à l’estimation de l’étude. Sa composition aurait alors été de 83 % d’inertes (béton et

inertes en mélange), 13 % de briques plâtrières, 1 % de bois et 3 % de non dangereux en mélange. Le tonnage en surplus correspond majoritairement aux inertes issus de la structure

des bâtiments. Leur démolition, qui fut assez rapide grâce à l’utilisation d’une pelle

hydraulique, a permis d’éviter de trop gros écarts de délais. De plus, le site de traitement utilisé

pour les inertes récupérait ces derniers sans frais. Les estimations de taux de valorisation et

d’émissions GES ne peuvent pas être vérifiées sur le cas réel, par manque de données (e.g. consommation exacte des camions ayant transporté les déchets) (Quéheille 2019).