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Bien que la relativité numérique prédise désormais avec exactitude la vitesse de recul pour une binaire de trous noirs générique, ces simulations ne permettent pas d’appréhender la physique de l’effet de recul gravitationnel. Comme l’illustrent les travaux récents [367,235,348], les méthodes analytiques et/ou semi-analytiques sont toujours utiles afin d’approfondir la compréhension de cette prédiction de la relativité générale.

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F. 7.3:La norme V de la vitesse de recul en fonction du temps coordonnée t (normalisé par la masse ADM MADMde l’espace-temps) telle que calculée en relativité numérique pour une binaire de trous noirs sans spins, de rapport de masse symétrique D 0;19. On observe une décroissance de  30% de la vitesse de recul pendant la phase de vibration faisant suite à la fusion des trous noirs. Figure adaptée de [199].

Par exemple, dans le cas le plus simple d’un système binaire de trous noirs de Schwarzschild de masses inégales, l’évolution de la norme V de la vitesse de recul en fonction du temps coordonnée tprésente une allure caractéristique particulièrement intéressante (cf. Fig.7.3) : l’amplitude du recul croît de manière monotone jusqu’à une valeur1 250 km=s lorsque les deux trous noirs initiaux fusionnent, après quoi le trou noir final semble freiné lors de la phase de vibration, la vitesse de recul convergeant vers une valeur  175 km=s. Cette diminution de  30% semble donc due à la désexcitation du trou noir final qui rayonne des modes quasi-normaux. Ce phéno-mène, couramment qualifié d’« antikick », est générique pour des binaires sans spins, et ne peut se comprendre dans le cadre des seules simulations en relativité numérique.

Avant que ces dernières ne soient disponibles, Blanchet, Qusailah & Will [87] ont fait usage de l’expression (7.3) du flux de quantité de mouvement, nouvellement étendue à l’ordre 2PN, afin d’estimer l’amplitude de la vitesse de recul pendant la phase spiralante, jusqu’à la dernière orbite circulaire2. Afin d’estimer la contribution au recul gravitationnel total accumulée pendant la phase de fusion, ces mêmes auteurs ont intégré le flux d’impulsion post-newtonien le long d’une géodésique plongeante d’un trou noir de Schwarzschild de masse m, parcourue par une particule de masse réduite D m1m2=m, dans l’esprit de la méthode EOB [105,106,144]. Ils prédirent ainsi une vitesse de recul maximale  250 km=s à la fin de la phase de fusion, en accord avec le résultat exact obtenu a posteriori en relativité numérique.

Leur calcul ne pouvait toutefois rendre compte de la diminution  30% de la vitesse de recul au cours de la phase de vibration. Afin de tester l’hypothèse selon laquelle l’« antikick » est dû à l’émission de rayonnement gravitationnel sous forme de modes quasi-normaux pendant

¹Dans le cas d’une binaire de trous noirs de rapport de masse symétrique D 0;19, valeur autour de laquelle la vitesse de recul est maximale.

²Cette notion est ambiguë dans le cas d’une binaire de masses comparables ; sa définition est donc relativement arbitraire. Les auteurs du travail [87] définissent la dernière orbite circulaire par la valeur de la fréquence orbitale  telle que m D 6 3=2, par analogie avec le cas d’une particule test massive dans la métrique d’un trou noir de Schwarzschild de masse m.

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cette phase, nous avons fait usage du formalisme détaillé dans le chapitre précédent. Les états de polarisation de l’onde gravitationnelle sont reliés aux fonctions de Zerilli‰`;m.e/ et de Regge-Wheeler‰`;m.o/ par la relation (voir chapitre3)

hC i hD 1 r X `;m s .` C 2/! .` 2/!  ‰`;m.e/ C i ‰`;m.o/ 2Y`;mC O  1 r2  : (7.4)

Dans le chapitre précédent, nous avons évolué ces fonctions à l’aide de conditions initiales basées sur la métrique post-newtonienne développée dans l’approximation de limite proche. En insé-rant la combinaison (7.4) dans l’expression (7.3) du flux de moment linéaire, puis en utilisant le bilan de quantité de mouvement (7.2), on parvient ainsi à calculer la contribution au recul gravitationnel total accumulée au cours de la phase de vibration. Combinant (vectoriellement) ce résultat avec les calculs post-newtoniens de [87], nous parvenons ainsi à estimer la vitesse de recul depuis le début de la phase spiralante jusqu’à la fin de la phase de vibration.

Le résultat final est présenté sur la Fig.7.4, où l’on trace la norme V de la vitesse de recul en fonction du rapport de masse symétrique. Notre méthode produit des résultats en très bon accord avec ceux issus de calculs en relativité numérique. Cela suggère que l’essentiel de la phy-sique du recul gravitationnel est descriptible par une « simple » combinaison de méthodes post-newtoniennes et perturbatives.

Ces résultats montrent également que l’approximation post-newtonienne est plus « perfor-mante » que ce à quoi l’on pourrait s’attendre naïvement : le recul gravitationnel est essentielle-ment engendré au cours de la phase de coalescence, en champ fort, où les développeessentielle-ments post-newtoniens ne sont a priori plus valables. Néanmoins, notre travail montre que l’on peut estimer l’effet de recul avec une précision raisonnable en poussant l’approximation post-newtonienne au-delà de son domaine de validité formel, et en la combinant avec des méthodes perturbatives. La suite de ce chapitre est un article publié dans le journal Classical and Quantum Gravity [263].

e Gravitational-Wave Recoil from the Ringdown Phase

of Coalescing Black Hole Binaries

Alexandre Le Tiec1, Luc Blanchet1and Clifford M. Will2;1 1GR"CO, Institut d’Astrophysique de Paris — UMR 7095 du CNRS, Université Pierre et Marie Curie, 98 boulevard Arago, 75014 Paris, France

2McDonnell Center for the Space Sciences, Department of Physics, Washington University, St. Louis MO 63130 USA

Abstract

e gravitational recoil or “kick” of a black hole formed from the merger of two or-biting black holes, and caused by the anisotropic emission of gravitational radiation, is an astrophysically important phenomenon. We combine (i) an earlier calculation, using post-Newtonian theory, of the kick velocity accumulated up to the merger of two non-spinning black holes, (ii) a “close-limit approximation” calculation of the radiation emitted during the ringdown phase, and based on a solution of the Regge-Wheeler and Zerilli equations using initial data accurate to second post-Newtonian order. We prove that ringdown radi-ation produces a significant “anti-kick”. Adding the contributions due to inspiral, merger and ringdown phases, our results for the net kick velocity agree with those from numerical relativity to 10–15 percent over a wide range of mass ratios, with a maximum velocity of 180km/s at a mass ratio of 0:38.

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